L’invention du christianisme, et Jésus devint Dieu

L’Invention du christianisme vient de paraître. Suite de Jésus de Nazareth, juif de Galilée, ce livre retrace, à la lumière des dernières connaissances du judaïsme antique, la longue et fascinante histoire que fut la naissance du christianisme.

Jacques, Pierre ou Paul de Tarse n’étaient pas chrétiens, mais juifs. Leur projet n’était pas de remplacer la Loi juive (Torah) par une autre religion, mais de convertir les païens et de délivrer leur peuple du joug romain – qui conduira à la destruction du Temple en 70 puis à l’anéantissement de Jérusalem en 135. Il faudra près de quatre siècles pour que, de ce premier mouvement messianique juif aux multiples visages, naisse le christianisme.

Au cours du Ier siècle, Paul et les apôtres vont transmettre l’enseignement reçu de Jésus dans les synagogues de la diaspora de langue araméenne – Palestine, Syrie, Mésopotamie, Babylonie…–, et dans la diaspora juive hellénisée – Asie Mineure, Égypte, Rome…– au coeur de laquelle « s’inventera » le christianisme.
À partir du IIe siècle, le judéo-christianisme et le judaïsme rabbinique commenceront à se séparer. Une rupture qui sera consommée au IVe siècle avec la conversion de l’empereur Constantin et la tenue des grands conciles qui fixeront l’orthodoxie chrétienne : l’Empire abandonnera les cultes païens pour se tourner vers le Dieu UN d’Israël via le culte chrétien. Naîtront alors véritablement les deux religions que nous connaissons, toujours jumelles.

 

EXTRAITS :
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« Jusqu’il y a encore peu, l’histoire du premier christianisme se résumait au récit qu’en avait élaboré l’Église, à partir du
moment où l’Empire gréco-romain était devenu chrétien sous Constantin (272-337). Cette mythologie des origines entérinée au
IVe siècle commençait par le récit du livre des Actes des Apôtres rédigé dans les années 70-80 de notre ère : une odyssée méditerranéenne à la gloire de Paul de Tarse, l’Ulysse chrétien, voyageant de Jérusalem, coeur du judaïsme, à Rome, centre du pouvoir et capitale de l’Empire gréco-romain. Avec lui, le centre de gravité du christianisme se déplaçait de Jérusalem à Rome en suivant le chemin de ses hérauts Pierre et Paul. D’histoire orientale, le christianisme se transformait en une légende occidentale et un mythe fondateur. (…)

Dès lors, à partir du IVe siècle, toute autre forme de christianisme que celui de la Grande Église, selon la magistrale démonstration de Walter Bauer en 1934, jamais sérieusement contestée, était devenu « hérétique ». Les récits des apologètes, des grands hérésiologues du IIe siècle, à commencer par Irénée, semblaient confirmer cette centralité de la « voie romaine », ce qu’on appelle la « transmission apostolique » en langage d’Église, et reléguer tous les autres points de vue à des chemins de traverse hasardeux. Mais on sait aujourd’hui que les premières manifestations du christianisme à Édesse, en Égypte, en Asie Mineure, qualifiées d’hérétiques par certains auteurs à partir du IIe siècle, constituaient un christianisme protéiforme. Il n’y a pas eu, comme on l’a longtemps cru, une orthodoxie première et monolithique, puis des hérésies déviantes, mais, dès le départ, une multitude de mouvements. Je montre que ceux-ci sont dus au développement du christianisme dans divers mouvements du judaïsme issus de différents bassins culturels et aussi aux chocs de l’histoire. Ce qui deviendra l’orthodoxie chrétienne au IVe siècle n’est que l’opinion, parmi d’autres, de la communauté romaine.

Nous constaterons à travers des documents que le mouvement de Jésus, qu’on a appelé plus tard le « christianisme », au moins au cours des deux premiers siècles et dans certaines régions jusqu’au VIe siècle, n’était qu’ une  des multiples sectes juives qui prospéraient au sein de l’Empire gréco-romain. « Secte » au sens où Flavius Josèphe parle des hairesis du judaïsme, un mot qui a donné par la suite « hérésie ». Si nous voulons comprendre le premier christianisme, nous devons donc relire l’histoire de son développement comme celui d’une secte juive minoritaire affrontée à d’autres points de vue juifs et ballottée dans les guerres judéo-romaines. Sans cette genèse, on ne peut pas comprendre la formation d’une identité chrétienne spécifique au coeur du monde juif puis le rejet très progressif de cette opinion par la synagogue en réaction aux catastrophes de l’histoire juive (…)

6 commentaires sur « L’invention du christianisme, et Jésus devint Dieu »

  1. Merci pour votre travail salutaire, Didier Long ! Je cours me procurer votre dernier ouvrage ! Continuez longtemps ! Respectueusement.

  2. Bonjour Didier, je viens de recevoir l’annonce du livre du jour. Je suis heureuse que votre travail devienne public et que les medias en parlent. La lecture de « Jésus de Nazareth » ainsi que celle du résumé de votre dernier livre « L’invention du christianisme » font que je me demande quelles sont les conséquences que ces deux ouvrages entrainent avec eux? Devenir à sens inverse une/ marrane? J’aimerais aussi savoir si l’église catholique a jusqu’à présent réagi à vos travaux?
    Bien cordialement, Valérie

  3. Shalom !
    Ravie de trouver votre blog pour vous adresser un message ! Je suis en train de lire votre ouvrage INVENTION DU CHRISTIANISME acheté immédiatement après avoir entendu la fin de votre interview sur France-Info le mois dernier. Vous abordez LE sujet qui me passionne par excellence !! (voir mes lectures sur mon propre site). Je suis Chrétienne en adhérence totale avec nos amis Juifs et de plus en plus proche du judaïsme, je rejoins donc totalement votre propos.
    Je m’arrête un moment dans ma lecture pour vous faire part d’une contrariété : pourquoi parlez-vous de Palestine quand vous évoquez le pays de Jésus ???? Ouh la, page 138 je lis même : « le judaïsme palestinien » ; du temps de Etienne !! Une erreur qu’hélas on trouve encore dans la plupart des cartes qui figurent dans nos Bibles… Quand on sait que le terme Palaestina fut donné par dérision par les Romains APRES la conquête de Jérusalem, terme déformé de Philistins, ennemis héréditaires du peuple Juif… et quand on sait tous les amalgames que cela peut entraîner aujourd’hui… donc au moins que l’on garde JUDEE quand on parle du pays du temps de Jésus ! Non ?
    Mis à part cette petite remarque, je me réjouis infiniment de découvrir votre réflexion.
    Bien sincèrement,
    Geneviève

    1. Ce que vous dites sur la création de la palestine en référence au mot philistin par l’autorité romaine aprés la seconde guerre judéo-romaine de 132-135 est juste. Cependant le terme est resté comme une convention pour les historiens non pas pour des raisons politiques modernes (La ‘Palestine’ = West Bank/ Cisjordanie/ Les Territoires n’englobe pas la Judée-Samarie) car la province de Palestine romaine englobait non seulement la Judée (autour de Jérusalem) , mais aussi la Galilée qui étaient juives mais aussi la Samarie qui les sépare, la Phénicie au nord, la Batanée, L’Idumée au sud, la Philistie, la Décapole au-delà du Jourdain (villes grecques)… En gros tout le territoire qui s’atend de la Méditerrannée au Jourdain. Cette ‘convention’ de nommage est d’usage faute de mieux. Toutes régions plus ou moins juives. Je cours voir votre site. Bien à vous. DL
      Carte ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Province_de_Jud%C3%A9e_1er_si%C3%A8cle.gif

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