Schindler, nazi en 1939, n’était pas vraiment le genre de type candidat au martyre ou à sauver son prochain. « Il n’était peut-être pas l’hommme le plus correct au monde. Mais le fait est qu’il a fait ce que bien peu de gens ont fait: sauver un millier d’âmes », rapporte Jan Dresner dans Les juifs de Schindler. Car ce juste a sauvé 1100 juifs pendant la guerre. Le film de Spielberg La liste de Schindler de 1993 est précis historiquement. La dernière scène avec les Juifs de Schindler sur la tombe de l’ex-industriel nazi Schindler est magnifique. De même que la fameuse scène de la petite fille en rouge.

Au départ, un nazi ordinaire

Oskar Schindler de nationalité tchèque est né le 28 Avril, 1908 Svitavy (Zwittau), en Moravie, à cette époque province de l’empire austro-hongrois.

Il épouse Emilie Pelzl en 1928 et travaille dans l’entreprise de machines agricoles de son père.

C’est un homme de relations. En 1936 il est à l’AMT Auslands / Abwehr, le Bureau militaire du renseignement extérieur, agent donc. Il sert dans l’armée tchécoslovaque en 1938 comme caporal. En Février 1939, il rejoint le parti nazi.

Catholique d’éducation. Oskar Schindler était un boulimique en tout. Il aimait l’alcool, les femmes, le sexe et l’argent.

Opportuniste, l’appât de l’argent et le sens des affaires vite réalisées l’attirent à Cracovie en 1939 juste après l’invasion de la Pologne, où il est bien décidé à prendre sa part du gâteau de cette guerre où les ruines et les désastres se font aussi vite que les fortunes.

Emalia

Profitant de la politique nazie visant à arianiser les entreprises juives il rachète Rekord Ltd, un fabricant d’émaux appartenant à des Juifs et transforme cette usine en Deutsche Emalwarenfabrik Oskar Schindler également connu sous le nom Emalia, en novembre 1939. Objectif : fabriquer des casseroles pour le Reich.

À son apogée en 1944, Emalia employe 1 700 travailleurs dont 1 000 travailleurs forcés juifs, venus du ghetto de Cracovie. Ghetto liquidé en mars 1943, direction le camp -d’abord de travaux forcés puis de concentration- de Plaszow-Cracovie.

Schindler veut garder ses juifs. Il distribue des pots de vin, embrouille ses copains officiers nazis et veille sur ses protégés : « Ces travailleurs juifs sont essentiels pour l’effort de guerre ! » . Ceux-ci sont autorisés à passer la nuit à l’usine lors de la liquidation du ghetto, ce qui les sauvera. La faconde, de Schindler, le fait qu’il n’est jamais saoul dans les réceptions qu’il organise… le sauvent à chaque fois.

Car secrètement, Schindler dépense sans compter, prend des risques pour sauver ses juifs des déportations.

Mais ses relations d’affaires louches conduisent les SS et à le soupçonner de corruption et d’aider illégalement les Juifs. Il se fait arrêter trois fois, mais les autorités allemandes n’arrivent pas à le coincer. Oskar Schindler sauve ses amis de la brutalité systématique et des assassinats arbitraires qui sont monnaie courante au camp de Plaszow.

C’est là qu’il convient de signaler un sinistre personnage.

Amon Göth

En 1942 Göth dirige les expulsions brutales de petits ghettos dans le district de Lublin (à Belzyce 700 Juifs sont déportés vers le camp d’extermination de Belzec). Au cours de ces Liquidations de ghettos, Göth saisit toutes les occasions pour s’enrichir en extorquant des meubles, des fourrures, des vêtements, des bijoux, du tabac et de l’alcool. En Février 1943 il est nommé responsable du camps où il est promu au grade de SS-Oberscharführer en Juillet 1943. Il participe à la liquidation du ghetto de Cracovie le Mars 1943.

Poldek Pfefferberg, l’un des juifs de Plaszow sauvés par l’industriel Oskar Schindler, témoigna en ces termes : « Voir Göth, c’était voir la mort. » Adhérent du NSDAP depuis 1932 sous le numéro 510764 il devient membre de la SS en 1940 sous le numéro 43673.

Amon Göth, qui a l’âge de Schindler est un psychotique qui « fait des cartons » à distance au fusil et tue arbitrairement tout ce qui ne bouge pas dans le camp, à partir de sa maison qui y trône au beau milieu. On, l’appelle « le boucher d’Hitler ».

Les témoignages sur les exactions de cet homme sont insoutenables et nous éviterons de les relater ici. Les pendaisons publiques étaient fréquentes et Göth avait deux chiens appelés Ralf et Rolf, dressés pour attaquer et tuer les prisonniers.

C’est Amon Göth qui ordonne de diffuser la chanson d’enfant «Mami kauf mir ein Pferdchen » (Maman, achète-moi un petit cheval), tandis que leurs mères sont forcées sur le terrain de parade de rester alors que leur enfants montent dans des camions pour être transportés vers la mort.

Selon les témoignages on savait au chapeau qu’il choisissait avant sa promenade souvent à cheval blanc combien il allait tuer de juifs ce jour. Il rentrait en sifflotant de joie de sa besogne.

La maîtresse de Goeth, Ruth-Irene Kalder, lui est restée fidèle et a gardé une photo de lui sur sa table de nuit jusqu’au jour de sa mort. Dans une interview avec un journaliste britannique en 1983, elle décrit Göth comme un homme charmant avec des manières de table impeccables.

En bon agent de l’Abwehr Schindler reste « près de la cible », c’est le meilleur moyen d’être protégé et de maintenir son inflluence sur Amon Göth.

Selon le témoignage d’Helen Hirsch la bonne juive prisonnière qu’a pris Amon Göth, et que Göth brutalisait en la rouant de coup pour un oui ou pour un non, Schindler venait l’encourager chaque fois qu’il le pouvait dans la cuisine :« Regardez les gens qui travaillent dehors ! Les juifs n’ont-ils pas été en Egypte? vous allez voir vous allez-vous tirer de cet enfer ».

 Il est arrêté en septembre 1944 par les SS  pour détournement de fonds.

Retour en Tchécoslovaquie, la liste

En Octobre 1944, Schindler corromps les SS et obtient l’autorisation de  Transférer Emalia à Brünnlitz (Brněnec) en Moravie, pour rouvrir exclusivement comme une usine d’armement qu’il fait construire sur ses deniers.Toujours astucieux, Oskar Schindler a obtenu de classifier Brünnlitz comme un sous-camp du camp de concentration de Gross-Rosen.

Un de ses assistants frappe une liste de prisonniers juifs nécessaires pour travailler dans la nouvelle usine, la fameuse :  » Liste de Schindler ». Une copie de cette liste au carbone de 13 pages, du 18 avril 1945 tapée à la machine et jaunie par le temps, a été découverte à Sydney en 2008.

Ses 800 juifs hommes y arrivent en train. Malheureusement les 300 à 400 femmes juives de Plaszow atterrissent Auschwitz. Elles y sont rasées et… douchées. C’est de l’eau et non du gaz ! Trois semaines plus tard une très belle femme envoyée par Schindler se présente à la porte du camp. Elle s’occupe du chef du camp et à l’occasion rachète les juives de Schindler.

Peu après on prononce les noms des juives de Schindler, celles de la liste, dans ce camp où les humains n’étaient jamais appelés que par des numéros. (Voir cet article sur le blog de MPS : http://samitier.net/2013/07/14/auschwitz-matricule-a-15-790/)

Schindler est venue les chercher !

Bien que classée comme une usine d’armement, l’usine produit seulement un wagon de munitions réelles en un peu moins de huit mois de fonctionnement. Schindler présente aux SS des chiffres faux et continue de protéger ses juifs.

Alors que la guerre tirait à sa fin, Oskar Schindler prépara des sacs polochons (photo ci-dessous) pour ses 1100 ouvriers d’usine. Ces sacs contenaient un petit capital de départ pour les aider à recommencent leur vie – des couvertures, du fil, du matériel de couture et des bouteilles de vodka, entre autres….

La fin

Le 9 mai 1945, juste avant que les troupes soviétiques ne libèrent le camp, Oskar Schindler et sa femme quittent Brünnlitz et se rendent aux américains pour ne pas être fusillés par les russes comme criminels de guerre.

Juste avant ses 1100 juifs lui ont dit adieu ainsi qu’à sa femme et lui ont offert une bague avec gravé dessus une maxime tirée du Talmud : וכל המקיים נפש אחת מישראל מעלה עליו הכתוב כאילו קיים עולם מלא « Celui qui sauve une vie sauve l’humanité tout entière » (Sanhédrin 37 a).

Amon Göth sera jugé et exécuté par pendaison le 13 septembre 1946 à Cracovie, à proximité du site de Płaszów. Il avait provoqué la mort d’environ 8 000 prisonniers en ordonnant l’extermination d’un grand nombre d’entre eux.

Oskar Schindler ne « réussira » pas le reste de sa vie. Après-guerre son couple va mal, il boit et ils se séparent, ses affaires périclitent, il fait plusieurs fois faillite. « Il n’était pas fait pour la paix rapporte une survivante ».

En 1962, Yad Vashem décerne à Oskar Schindler le titre de «Juste parmi les Nations ». Emilie le recevra en 1993.

Schindler meurt en Allemagne, presque sans le sou et inconnu, en octobre 1974. Il est enterré à Jérusalem.

Seuls 10% des 3,5 millions de Juifs polonais ont échappé à la mort.  Le film de Spielberg se termine sur ce décompte terrible : « Les descendants  des « juifs de Schindler » sont au nombre de 6 000. Il ne reste plus que  4 000 juifs en Pologne. » Je repense à ce que dis Rachi quand il commente le début du Livre des nombres et se demande pourquoi Dieu compte toujours les israélites. Et Rachi arrive à cette conclusion : « Parcequ’il les aime ». La tombe de Schindler se trouve sur le Mont Sion à Jérusalem,  il est compté parmi les siens.

Kaddish.

Photos Yad Vashem, Mémorial de l’Holocauste US