« La Torah ne condamne que la haine » (Choulhane Aroukh 29, 18)

Choulane Aroukh

Le Choulhane Aroukh, la « table dressée », rédigé par Yoseph Caro (Tolède 1488- Safed 1575) sur ses vieux jours, abrégé d’un autre recueil du même auteur le Beit Yossef ( « Maison de Joseph »)  qui  entendait répondre aux questions concrètes en matière de Halakha des Juifs expulsés d’Espagne, rédigé à Safed résume les aspects pratiques de la vie juive comme Maïmonide avait tenté de la faire avec le Mishné Torah quatre siècles plus tôt. Le Choulhane Aroukh est le manuel de référence orthodoxe en matière de Halakha séfarade ou ashkénaze. En voici de brefs extraits.

Chapitre 29.

Qualités que l’homme doit manifester dans son comportement

1. Les hommes diffèrent par leurs caractères (c.-à-d. par leur nature). Les uns sont coléreux et s’emportent toujours, et d’autres, calmes, ne se mettent pas en colère ou ne s’emportent qu’une fois en de nombreuses années. Les uns sont exagérément orgueilleux et d’autres d`une humilité excessive. Les uns sont avides de jouissance et n`en sont jamais assouvis, alors que d’autres au cœur très pur n’ont même pas envie des menus plaisirs nécessaires au corps. Les uns sont d`une telle cupidité qu’ils ne se satisferaient pas de tout l’argent du monde ainsi qu’il est dit «Celui qui aime l’argent ne se rassasie pas d’argent… ›› (Ecc. 5, 9); d’autres se restreignent et se contentent même de si peu que c’est insuffisant pour eux, sans chercher à pourvoir à leurs besoins. Les uns se mortifient de faim tout en mettant de l’argent de côté, et la nourriture qu’ils se procurent de leur argent. Ils la consomment avec regret; d’autres dilapident tous leurs biens. Et il en va de même pour toutes les qualités et dispositions; par exemple gai et affligé, mesquin et fastueux, cruel et miséricordieux, poltron et courageux…

2. Le bon et droit chemin pour l’homme consiste à s’habituer dans la voie moyenne. L’on ne désirera que ce dont on a besoin et sans quoi il est impossible de vivre, ainsi qu’il est dit : « Le juste mange pour se rassasier » (Prov 13, 25), de même, on ne s’occupera d’affaires que pour acquérir ce qui est nécessaire aux besoins actuels ainsi qu`il est dit: «Le juste se contente de peu » (Ps 37. 16). On ne sera pas trop économe et l`on ne dilapidera pas non plus sa fortune mais on fera la charité suivant ses moyens et on prêtera comme il convient à celui qui en a besoin. On ne Sera pas d`une folle gaieté, ni triste comme un endeuillé, mais l’on se réjouira chaque jour paisiblement avec affabilité. De même pour les autre manières d`être. Celui qui s’avance dans la voie moyenne est appelé sage.

3. Pourtant l`orgueil est un nés mauvais sentiment, et il est interdit l`entretenir même avec modération. Mais il faut s’habituer ä être humble ainsi que l’ont prescrit nos Sages, de mémoire bénie, «Sois extrêmement humble… » (Pirké Avot 4, 4). Comment t’habitueras-tu à être humble? – Dis toutes tes paroles avec douceur, courbe la tête, dirige tes yeux vers le sol et tes pensées vers le ciel. Considère chacun comme t’étant supérieur. S’il est plus savant que toi, tu es tenu de l’honorer. De même si quelqu’un est plus riche que toi, tu es aussi tenu de l’honorer ainsi que Rabbi qui honorait les riches (‘Erouvine 86a). Tu penseras que, puisque Dieu, béni soit-Il, lui a donné la fortune, c’est qu’il en est sans doute digne. Si quelqu’un t’es inférieur en sagesse ou en fortune, tu l’estimeras plus méritant que toi, car si lui commet une faute, il doit être considéré comme ayant agi par erreur, et toi si tu la commets, c’est en connaissanœ de cause. Tu ne pourras pas t’enorgueillir et ce sera salutaire pour toi si tu penses toujours ainsi.

4. De même la colère est une très mauvaise disposition. Il convient de s`en tenir fort éloigné et de s’habituer à ne pas s’emporter, même pour quelque sujet qui justifierait la colère. S’il est nécessaire s’imposer la crainte à ses enfants et aux gens de sa maison, on paraîtra en colère devant eux pour les morigéner, mais en restant calme dans son fort intérieur. Eliyahou dit à Rav Yehouda frère de Rav Sala le pieux: «Ne t’emporte pas et ne pèche pas (Ne t’emporte pas, car dans la colère tu viendras à pécher, ne t’enivre pas (ne bois pas trop de vin) et ne pêche pas » ; Nos Sages, de mémoire bénie, ont dit encore : «Celui qui se met en colère est comparable à celui qui adore des idoles, et toutes sortes de géhennes ont prise sur lui, comme il est dit : «Ecarte la colère de ton cœur et enlève le mal de ta chair (Ecc. 11, 10).» Il n`est d`autre mal que celui de la géhenne ainsi qu’il est dit : « le méchant est destiné ‘au jour de malheur (Prov. 16, 4) ». La vie des coléreux n’est pas une vie », c’est pourquoi il a été prescrit de s’éloigner de la colère au point de s’habituer à ne pas ressentir même les situations irritantes. Voici le bon chemin: c’est celui des pieux qui sont offensés et n’offensent pas, s’entendent humilier et ne répliquent pas, agissent par amour et se réjouissent de leurs épreuves. C’est d’eux que le verset dit : « et ceux qui I’aiment sont comme le soleil qui se lève dans toute sa force.» (Juges 5, 31).

17. ll est interdit d’humilier son prochain, soit par la parole, soit par des actes, et à plus forte raison en public. Nos Sages de mémoire bénie ont dit : «Celui qui fait pâlir son prochain en public n’aura pas de part au monde futur. » «ll vaut mieux se jeter dans la fournaise ardente que faire pâlir son prochain en public, car il est dit : «On la fit sortir pour l`exécuter et elle envoya dire à son beau-père : « c’est de celui à qui ceci appartient que j`ai conçu » (Gen. 38, 25). – Tamar ne s’est pas expliquée clairement mais seulement par allusion : s’il avoue, qu’il avoue, sinon elle ne rendra pas la vérité publique. « C’est pourquoi il faut veiller tout particulièrement à ne pas humilier autrui en public, que ce soit un enfant ou un adulte. Il ne faut pas l’appeler d’un nom dont il ait honte ni raconter devant lui une action dont il rougisse. Si autrui a des torts envers lui et qu’il doive le reprendre, il ne l’humiliera pas, car il est dit : «et ne te charge pas d’un péché à cause de lui. » (Lév. 19, 17).

18. Lorsque quelqu’un, lésé par un autre, ne veut ni le réprimander ni du tout lui en parler, s’il lui pardonne en son cœur, ne le déteste pas, ne le lui reproche pas, il agit avec piété. La Torah ne condamne que la haine.

 

Chapitre 30

Interdiction de l’indiscrétion, de la médisance, de la vengeance et de la rancune

2. ll y a un pêché beaucoup plus grave encore que le précédent (l’indiscrétion) et qui est compris dans la même interdiction, c’est la médisance (Lachon hara). C’est ce que fait celui qui parle en défaveur d’un autre, bien qu’il dise la vérité. Mais celui qui dit un mensonge est appelé calomniateur, alors que le médisant est celui qui s’assoit et dit : « Un tel a fait ceci. Ses aïeux étaient cela. J’ai entendu ceci à son sujet. », et rapporte des paroles humiliantes. C’est à son sujet que le verset dit «Que l’Eternel anéantisse toute lèvre flatteuse, toute langue vantarde. »  (Ps. 12, 4). Celui qui accueille la médisance est encore pire que celui qui la dit. La condamnation de nos ancêtres dans le désert n’a été scellée qu’à cause de la médisance.

5. C’est la même chose de médire de quelqu’un devant lui ou en son absence. Fait aussi de la médisance celui qui raconte des propos susceptibles, si l’un les entend de l’autre, de nuire à autrui corporellement ou financièrement, ne serait-ce qu’en lui causant des ennuis ou en l’effrayant. S’il s’agit de propos déjà tenus devant trois personnes, il est probable qu’ils sont déjà largement connus et si l’une de ces trois personnes en parle une autre fois, elle ne commet pas de médisance, dans la mesure où elle n’a pas l’intention de propager la rumeur et de la faire mieux connaître. Que faire pour éviter de médire? – S’il s’agit d’un érudit, qu’il étudie la Torah; et s’il s`agit d’un ignorant, qu’il soit humble.

7. Celui qui tire vengeance d’autrui transgresse une interdiction, car il est dit : « Tu ne te vengeras pas… »  (Lév. 19, 18). Comment se manifeste la vengeance? – L’un demanda à l’autre : « Prête-moi ta hache. »  l’autre lui répondit : Je ne te la prête pas. »  Le lendemain, le premier avait besoin d`emprunter et demanda à l’autre : « Prête-moi ta hache. ›› Celui-ci répondit : «Je ne te la prête pas, comme toi tu ne me l’as pas prêtée quand je te l`ai demandée. »  Celui-là se venge et transgresse l`interdiction. Mais quand le deuxième viendra demander, le premier donnera de bon cœur et ne se comportera pas avec l’autre de façon réciproque. Il convient que l’homme se domine en toute circonstance en ce monde. En effet, pour ceux qui sont dotés de jugement, tout est vanité et futilité et ne vaut pas la peine d’en tirer vengeance. De même a dit le roi David, paix à son âme, «  je n’ai pas rendu la pareille à qui m’a fait du mal et je n’ai pas dépouillé… »   Ps. 7, 5. (Nous avons développé l’interdiction de maudire chap. 6 §3).

8. Si tu veux te venger de tes ennemis, augmente tes vertus et va dans le droit chemin. Ainsi tu seras automatiquement vengé de tes ennemis qui souffriront de tes qualités et s’affligeront d’entendre ton bon renom. Mais si tu commets des actes vils, ton ennemi se réjouira alors de ton opprobre, et c’est lui qui tirera vengeance de toi.

Chapitre 31

Que toutes les intentions humaines aient pour but l’accomplissement de la volonté divine

7. De même,  quand on s’occupe d’un commerce ou d’un travail rémunéré, on n`aura pas seulement à cœur d’amasser de l’argent, mais on agira afin d`avoir de quoi entretenir sa maisonnées, de donner la charité d`élever ses enfants pour l’étude de la Torah. En règle générale l`homme doit soumettre ses voies à ses yeux et à son cœur, peser toutes ses actions dans la balance de son intelligence, et quand il voit une action qui l’amène au service du Créateur, qu’Il soit exalté! Il l’accomplira, sinon il ne l’accomplira pas. Celui qui se conduira ainsi se trouvera servir son Créateur tous les jours, même à l’heure où il s`assied, se lève, marche, à l’heure de ses affaires, même quand il accomplit le devoir conjugal et tous ses besoins. C’est là ce que nos Maitres, de mémoire bénie, ont prescrit en disant : « et que toutes tes actions aient pour but d’accomplir la volonté divine. ›› (Pirké Avot 2, 17). De la même façon, Rabbènou Haqadoch (notre Maître Juda le Saint) à l’heure de sa mort, a levé les doigts en l’air et a dit : « Il est clair et bien connu de Toi que je ai n’ai jamais tiré profit (de ces doigts) que pour accomplir la volonté divine ».

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