Alsace : et ceux qui dorment à Hégenheim… (1)

J’ai été appelé en Suisse pour ouvrir une Synagogue de campagne ce dimanche après-midi et donner une conférence à Délémont en Suisse avec mon ami Gérard Haddad  à propos de notre livre « Tu sanctifieras le jour du repos », et surtout rouvrir la synagogue, à l’occasion de la Journée européenne du patrimoine juif.
Bonne occasion pour faire le point sur ce que l’Europe a fait de ses juifs. Première visite prés de Bâle-Mulhouse à Hégenheim, en ce temps où l’on visite la maison des vivants.

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Etrange impression pour celui qui visite la nécropole de 10.000 stèles, dispersées sur une superficie totale de 2 hectares à Hégenheim, prés de l’aéroport de Bâle-Mulhouse. celui-ci traverse un cimetière créé il y a trois siècles. L’impression d’un monde endormi où la nature reprend ses droits. Monde étrange. Toutes les tombes sont tournées vers Jérusalem.

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La rivière du Lertzbach en contrebas servait d’eau de purification et de toilette du défunt.

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L’impression que l’Europe a perdu ses juifs. Ils étaient des milliers en Alsace là depuis la conquête romaine. De ces juifs des bords du Rhin qui remplissaient toute la MittleEuropa, que reste-t-il ? Où sont-ils après les pogroms de 1848 et après l’Holocauste ?

Les archives de Bâle mentionnent les juifs du Sundgau dès 1290, et celles de Colmar à partir de 1392. Au XIVème siècle alors que sévit la peste en Europe on accusa les juifs d’avoir empoisonné les puits. Presque la totalité des communautés européennes citadines, comme Bâle, Colmar, Strasbourg, Sélestat, Nurnberg, Freiburg, Speyer, Worms, Mainz etc… fut massacrée ou brulée. Hégenheim fut aussi le lieu de sépulture des juifs de Suisse, jusqu’en 1903.

En amont du Rosenberg, au numéro 4 de la rue d’Alsace, se situe la synagogue de Hégenheim . Elle est caractérisée par un style classique, propre aux synagogues de l’Alsace rurale du XIXème siècle. La vieille synagogue du village, une des plus grandes d’Alsace, ce fameux Sundgau où s’épanouissait la vie  juive, est vide et à l’abandon.

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On ne raie pas impunément les peuples et les vies de la carte sans laisser de profondes traces et séquelles psychiques sur des générations, d’autant plus létales qu’elles sont profondes. Il existe une mémoire qui traverse les ages et dont nul d’entre nous ne peut se soustraire. C’est seulement un enjeu de civilisation.

Et si c’était cela l’âme et l’avenir de l’Europe ? Au fond, quelles leçons avons nous apprises du passé ?

Ygdal Elohim Hai.

Barukh ata Adonaï mehaié amétim.

4 commentaires sur « Alsace : et ceux qui dorment à Hégenheim… (1) »

  1. J’ai vécu longtemps dans ce village de Hégenheim et bien d’autres traces subsistent de ce riche passé. La maison du rabbin, un asile pour personnes âgées, des maisons, des commerces, la maison du gardien du cimetières que vous présenter… Mes grands parents depuis longtemps disparus me témoignaient souvent d’un monde où régnait une harmonie entre les communautés. Aujourd’hui c’est une association d’histoire qui a repris la maison du rabbin pour en faire son lieu de rencontre et de travail… Elle a d’ailleurs souvent mis en lumière cette communauté par ses travaux. La synagogue longtemps occupée par un artiste est aujourd’hui en survie. L’asile est devenu appartements… Alors bien sur les horreurs du XXème siècle sont passées par là, mais la communauté israélite poursuit l’histoire dans les villes proches comme celle de st louis. Le seul regrets est que cette communauté ne s’approprie plus ou pas ces lieux qui ont été les siens dans un passé encore proche. Les catholiques se battraient pour sauver la moindre chapelle en ruine, quand bien même nous savons que les églises sont en baisse de fréquentation. La communauté israélite actuelle à sa part de responsabilité pour faire vivre, témoigner ou remettre en lumière pour les générations à venir ce qui a fait la richesse de ce village! Agissez ! Personnellement, je suis chrétien, pourtant, quand je reviens au village, je ne manque jamais de faire une visite dans le cimetière juif, prendre le temps de penser à ces personnes qui ont étés amis de mes grands parents et y laisser une trace de mon passage en y déposant sur l’une ou l’autre des tombes, une pierre. C’est mon grand père qui m’y emmenait enfant et faisait revivre la mémoire de chacun… Où sont ceux qui demain perpétueront ce souvenir et ferons en sorte que ces lieux soit plus que des lieux de mémoire mais également des lieux de vie?
    En toute amitiés,
    RV
    Bretagne.

  2. Je fais partie de ces derniers dinosaures que sont les juifs alsaciens.
    Et membre de lassociation des Amis du Musée judeo alsacien de Bouxwiller qui oeuvre pour la sauvegarde du patrimoine bâti et culturel, je « reveille » chaque année les communautés rurales endormies par une exposition. Cette année CE Sera Dauendorf, les années précédentes c’était Schirrhoffen, Bischwiller, WEITERS WILLER. Je restitue à chacun de ces villages un peu de son histoire. Je suis la seule juive de mon village à moi à PFAFFENHOFFEN ou nous avons la plus vieille synagogue de France avec Carpentras.

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