Roch Hodesh 1er Nisan : « Le monde entier ne vaut pas le jour où le Cantique des Cantiques fut donné à Israël »

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Marc Chagall, Amoureux

« Qu’il me baise des baisers de sa bouche… » : dès le début le Cantique des Cantiques commence de manière torride… ce poème d’amour ne pouvait qu’ouvrir les bouches pour déclencher mille commentaires. Je reprends ici des éléments de la derasha de Jacob Ouanounou à notre communauté en ce jour exceptionnel où l’on sortait pour la seule fois de l’année trois sefer Torah, et y apporte mes propres recherches talmudiques.

On reviendra à la fin sur le fait que l’éclipse de pleine lune ce vendredi n’aie pas eu lieu le jour de Rosh Hodesh (la nouvelle pleine lune) de ce shabbat mais la veille. Pourquoi ? Mais POURQUOI  se demandait Fabrice M. qui n’en dormait plus… explications à la fin de la règle du dehhia adu et des jours impossibles (ו,ד,א) …

Le Cantique des Cantiques est le Saint des saints (kodesh ahkodashim)

Le Cantique des Cantiques est un poème où s’entrecroisent les voix du bien-aimé et de la bien-aimée pour chanter leur amour et d’un chœur. Forcément ce statut un peu spécial ne pouvait que faire déclencher des discussions interminables…

« Rabbi Siméon ben Assay dit : J’ai reçu comme une tradition des soixante-douze anciens, quand ils donnèrent la présidence de l’Académie à R. Éléazar ben Azaria, que le Cantique et l’Ecclésiaste souillent les mains. – Rabbi Akiba dit: A Dieu ne plaise! Personne en Israël n’a contesté que le Cantique souille les mains; car le monde entier ne vaut pas le jour où le Cantique fut donné à Israël : tous les Écrits [= Hagiographes], en effet, sont saints (kodesh), mais le Cantique est le Saint des saints (Kodesh ah Kodashim)» (Mishna Yadaïm 3, 5).

Il y là un jeu de mots sur le superlatif Shir ha Shirim Cantique des cantiques et Kodesh ah Kodashim, le Saint des saints, l’endroit le plus sacré du temple.

On sait que l’emploi du Cantique dans la liturgie juive telle que nous la connaissons aujourd’hui avec son chant le vendredi soir à l’ouverture du Shabbat est postérieur à l’époque rabbinique. L’histoire d’Akiba et R. Éléazar ben Azaria se situe  à l’assemblée de Yavneh entre 96 et 115 qui redéfinit les bases du judaïsme pharisien après la destruction du Temple et probablement intégra les survivants des autres mouvements. S’est alors posée la question du canon des livres bibliques, c’est à dire de ce qu’il fallait retenir et le Cantique qui était un poème érotique et Qohélet qui semblait un poème de sagesse sans espoir posaient problème à l’assemblée. Dans le vocabulaire rabbinique, il s’agit en effet dans un premier temps de décider si tel ou tel livre doit rester « caché » (nignaz, du verbe ganaz), c’est-à-dire mis à l’écart. Dans un deuxième temps la discussion doit décider si tel livre « souille les mains », (metamné ’et ha-yadayim), c’est-à-dire si sa lecture exige un certain degré de pureté rituelle. C’est pour cela qu’Akiba intervient en affirmant que le cantique est Kodesh hakodashim, c’est à dire le plus pur du plus pur – tahor (« pur », du coté de la vie) s’oppose à tamè (« impur », c’est à dire ce qui est du coté de la mort). Le traité Baba Batra affirme : « Ezéchias et son tribunal ont rédigé Isaïe, Proverbes, Cantique des cantiques et le Qohelet »[1] (TB Baba Batra 14b).

Quant au Qohélet:

« Rab Juda fils de R. Samuel ben Shilath déclarait, au nom de Rab : les Sages voulaient faire disparaître (ganaz) le livre du Qohelet parce que ses mots contiennent des contradictions. Alors pourquoi ne l’ont-ils pas fait disparaître ? Parce que son début contient des paroles de Torah et que sa fin contient des paroles de Torah. Son début contient des paroles de Torah comme il est écrit : Quel avantage revient-il à l’homme de toute la peine qu’il se donne sous le soleil ? (Qo 1,3). (…) Ils voulaient faire disparaître aussi le livre des Proverbes, parce que ses affirmations sont contradictoires. Alors pourquoi ne l’ont-ils pas fait disparaître ? Ils ont dit : N’avons-nous pas examiné le livre » (TB Shabbat 30b).

On attribue au même Rabbi Akiba la parole suivante:

« Celui qui chantonne le Cantique dans les cabarets n’aura pas de part à la vie future » (Tosefta, Sanhédrin, 12, 10).

Ce détail montre que certaines personnes profanaient le Cantique, en le fredonnant dans les cabarets. On ne pouvait pas s’arrêter au sens littéral du Cantique selon ce que dit Akiba mais on doit considérer que ce poème érotique est inspiré par Dieu. La classique opposition entre interprétation profane et sacré du Cantique ne tient pas. Pas plus que pour les autres Ecritures le Cantique ne doit être lu de manière littérale, il a un sens spirituel. La Torah est adressée à des personnes en chair et en os, sexualité comprise, et pas à des anges. La Torah parle le langage des hommes.

On retint donc le Cantique. « Qu’il me baise des baisers de sa bouche… » (Ct 1,1).

Une histoire d’amour

Le Cantique doit donc être lu comme un chant d’amour et en même temps comme une allégorie de l’amour que l’Eternel porte à Israël.

En même temps comme un poème érotique. Car le Midrash Rabba sur le Cantique commente : « Que mon bien-aimé entre dans son jardin et en goûte les fruits exquis! » (Ct 4, 16) : « la Tora nous donne ici une leçon de savoir vivre, à savoir que le fiancé ne doit pas entrer dans la chambre nuptiale avant que sa fiancée ne lui en donne la permission. D’où le savons-nous ? De ce qu’il est dit : Que mon bien-aimé entre dans son jardin. »

Et en même temps comme une allégorie. Et comme il n’y a d’amour que d’histoire d’amour, le Targum du Cantique interprète le poème comme une allégorie de l’histoire d’Israël. L’époux y est D.ieu et l’épouse, la communauté d’Israël. Rachi suit cet avis : « J’estime que Salomon a prophétisé et qu’il a parlé de la sortie d’Égypte. de l’octroi de la Torah, du tabernacle, de I ’entrée dans la Terre promise, du temple, de l’exil babylonien, de la venue au second temple et de sa destruction ›› (in 2,7). » et il ajoute dans son introduction :

 « J’ai lu sur ce livre nombre de Midrashim Haggadiques: les uns forment une explication unique et qui se suit; les autres donnent des explications aggadiques isolées et sans suite pour les différents versets, et ne tiennent compte ni du sens grammatical des versets ni de leur ordre ; Quant à moi, j’estime que Salomon a vu, grâce à l’esprit saint qu’Israël irait de captivité en captivité, de ruine en ruine, et qu’en captivité, elle se lamenterait sur sa gloire passée, qu`elle se rappellerait ses premières amours »

Ibn Ezra (mort en 1167) suit lui aussi cette explication historique.

Le texte doit donc être lu au second degré si on ne veut pas en faire un chant de cabaret. La lecture sous ce double angle réaliste et allégorique est magnifique.
Judah ben Ilaï ne disait-il pas : « Celui qui traduit (la Torah) littéralement est un menteur, tandis que celui qui ajoute quelque chose est un blasphémateur » (TB ­Meguilla 4, 41).

 

Allégories d’un poème érotique

La machine allégorique s’est donc mise en route disséquant chaque mot et expression en commençant par le début. Le Targum du Cantique répète deux fois que Dieu a donné la loi orale et écrite à son peuple, on ne peut donc pas comprendre le texte brut en dehors du faisceau de la Tradition qui l’entoure et l’interprète, nous livrons ici quelques « explications aggadiques isolées » comme dit le Maître de Troyes :

יִשָּׁקֵנִי מִנְּשִׁיקוֹת פִּיהוּ כִּי טוֹבִים דֹּדֶיךָ מִיָּיִן

« Qu’il me baise des baisers de sa bouche » (CT 1, 2)

La tradition a relu ce baiser comme le baiser de D.ieu à Israël au Sinaï (Midrash Shir hashirim Rabba chapitre 1):

« R. Azariah et Juda ben Simon disaient : Il est écrit : Moïse nous a donné une loi (Dt 33,4). Toute la loi contient 613 commandements. Or la valeur numérique de la parole Torah est de 611. Ce sont les 611 commandements que Moïse nous a donnés. Dieu lui-même n’a ajouté que deux commandements : ‘Je suis le Seigneur’ et ‘Tu n’auras pas d’autres dieux’. C’est de cette façon qu’il a prodigué les baisers de sa bouche » (Cantique Rabba 1, 2, 2).

Rabbi Johanan en Cantique Rabba 1, 2, 3 réduit le rôle de Moïse au Sinaï à celui qui a arrangé le rendez-vous de Dieu avec son peuple.

Le Targoum sur le Cantique des Cantique explique :

« Salomon, le prophète, dit : Béni soit le nom de Celui qui nous donna la Torah  par les mains de Moïse, le grand scribe, écrite sur deux tables de pierre et les six traités de la Mishna et le Talmud avec la tradition orale, et qui nous a parlé face à face 21, comme un homme embrasse son ami en raison de son grand amour, car il nous aime plus que les soixante-dix nations »

Les premiers mots de la seconde bénédiction sont: «Tu nous aimes d’un amour éternel» et les derniers: « Béni sois-Tu,  Eternel qui aime Son peuple Israël ». La Thora est l’expression la plus manifeste de l’amour de D.ieu envers nous.

כִּי טוֹבִים דֹּדֶיךָ מִיָּיִן

«  Car tes caresses sont plus délicieuses que le vin. » (Ct 1, 2)

Rabbi Johanan affirme que : « les paroles des scribes sont plus précieuses que les paroles de la loi, comme il est écrit : tes amis sont meilleurs que le vin » (Cantique Rabba 1, 2,2; TJ Ber 1,7, 3b; Sanhédrin 11,6,30a; Aoda Zara 2,8,41c.).

Il montre ainsi l’importance de la loi orale dans laquelle Dieu parle face à face à Israël et lui révèle un amour supérieur à celui qu’il a pour les autres nations qui se sont appropriées la Torah écrite mais sans la comprendre.

Un autre lit ce verset à la lumière du psaume : « Israël avait une vigne, la Torah que les nations lui ont prise. »

Le traité Erouvin cite  » Viens, mon bien-aimé, sortons dans les champs, passons la nuit dans les hameaux. De bon matin, nous irons dans les vignes, nous verrons si les ceps fleurissent, si les bourgeons ont éclaté, si les grenades sont en fleurs. Là je te prodiguerai mes caresses. » (Ct 7, 11-12) en commentant :  » Les vignes sont les synagogues et les écoles; la vigne en fleur est l’étude de l’Ecriture, la grappe l’étude de la Mishna, la grenade l’étude du Talmud. ».

Dans le traité Soferim il est dit que « la Torah est comme l’eau, la Mishna comme le vin et le Talmud comme le vin aromatisé ». On comprend qu’on passe du miqra (l’écrit) à la Torah shébé al pé (orale – « sur les lèvres ») : mishna et guemara.

C’est une constante de la tradition midrashique d’assimiler la maison d’Etude à la vigne.

לְרֵיחַ שְׁמָנֶיךָ טוֹבִים

« Ton nom est un parfum agréable à respirer » (Ct 1, 3)

Quel est ce parfum ? R. Johanan applique ce verset du Cantique à Abraham qui a fait connaître le Nom de Dieu aux Nations. (Cantique Rabbah 1, 3, 3). Dans la tradition rabbinique Abraham expie le péché d’Adam (Bereshit Rabba 44, 5)

Le Yalkut Shimoni, Cantique 982, dit que ce parfum est le parfum des justes, en particulier de Joseph et de Jacob.

מָשְׁכֵנִי אַחֲרֶיךָ נָּרוּצָה

Entraîne-moi à ta suite, courons ! (Ct 1,  4a)

La targoum explique :

« Quand le peuple de la maison d’Israël sortit d’Egypte, la Shekinah du maître du monde le guidait en le précédant par une colonne de nuée pendant le jour et par une colonne de feu pendant la nuit. Les justes de la génération dirent devant le maître du monde entier : attire-nous derrière toi et nous courrons dans ta bonne voie. (Et) Rapproche-nous du bas du mont Sinaï. Donne-nous ta loi (qui vient) du trésor céleste. (Et) Nous nous ré- jouirons et nous exulterons avec les vingt-deux lettres par lesquelles elle a été écrite; (et) nous nous les rappellerons et nous aimerons ta divinité. (et) Nous nous éloignerons des idoles des peuples. (Et) Tous les justes qui agissent avec droiture devant toi te craindront et aimeront tes ordres »

הֱבִיאַנִי הַמֶּלֶךְ חֲדָרָיו

« Le roi m’a introduite dans ses appartements » (Ct 1, 4a)

Le Yalkut Shimoni[2], Cantique 982, interprète le verset 4 : en ce sens : « Le Saint, béni soit-il, montrera à Israël ses trésors d’en haut et ses chambres qu’il a dans les cieux. »

***

שְׁחוֹרָה אֲנִי וְנָאוָה בְּנוֹת יְרוּשָׁלִָם כְּאָהֳלֵי קֵדָר כִּירִיעוֹת שְׁלֹמֹה

« Je suis noircie, ô filles de Jérusalem, belle pourtant, comme les tentes de Kêdar, comme les pavillons de Salomon» (Ct 1, 5)

אַל תִּרְאוּנִי שֶׁאֲנִי שְׁחַרְחֹרֶת שֶׁשְּׁזָפַתְנִי הַשָּׁמֶשׁ

« Ne me regardez pas avec dédain parce que je suis noirâtre; c’est que le soleil m’a hâlée » (Ct 1, 6)

« Le soleil m’a bronzé. R. Isaac disait : Une femme avait une servante éthiopienne. Cette dernière, allant puiser l’eau du puits, dit à sa compagne : Demain mon maître renverra sa femme et il m’épousera. Pourquoi ? demanda l’autre. Parce qu’il a vu que ses mains étaient tachées. Sotte, répondit l’autre. Ecoute ce que tu dis : la femme qu’il aime, il la renverrait parce qu’il a vu ses mains tachées. Comment te supportera-t-il toi qui es entièrement tachée depuis le jour de ta naissance ? Ainsi les nations disent à Israël : Cette nation s’est dégradée elle-même, comme il est écrit : Ils ont échangé leur gloire pour un boeuf, mangeur d’herbes (Ps 106, 20). Israël leur répond : Si nous qui avons péché une fois, nous sommes punis de la sorte, combien plus le serez-vous. » (Cantique Rabbah 1, 6, 3)

Pour le Targum,  lorsque les bnei Israël firent le veau d’or, leur visage devint noir. Mais ils firent pénitence et retrouvèrent la splendeur de leur face, (comme Moshé avait le visage lumineux en descendant de la montagne Note de DL). La Shekhina revint s’installer au milieu d’eux car Moïse obtint la réconciliation entre l’Eternel et son peuple.

 

בְּנֵי אִמִּי נִחֲרוּ בִי שָׂמֻנִי נֹטֵרָה אֶת הַכְּרָמִים כַּרְמִי שֶׁלִּי לֹא נָטָרְתִּי

« Les fils de ma mère étaient en colère contre moi: ils m’ont fait garder les vignobles, et mon vignoble à moi, je ne l’ai point gardé! » (Ct 1, 6)

Pour le Targum, les frères qui se sont irrités sont les faux prophètes qui ont détourné Israël de l’adoration du vrai D.ieu.

 

יוֹנָתִי בְּחַגְוֵי הַסֶּלַע בְּסֵתֶר הַמַּדְרֵגָה הַרְאִינִי אֶת מַרְאַיִךְ הַשְׁמִיעִנִי אֶת קוֹלֵךְ  כִּי קוֹלֵךְ עָרֵב וּמַרְאֵיךְ נָאוֶה

« Ma colombe, nichée dans les fentes du rocher, cachée dans les pentes abruptes, laisse-moi voir ton visage, entendre ta voix, car ta voix est suave et ton visage gracieux. » (Ct 2, 14)

Le Yalkut Shimoni, (Cantique 986), affirme que la voix du Bien-Aimé est celle du Messie. Lorsque le Bien-Aimé est comparé à une gazelle, le Yalkut Shimoni explique : « comme la gazelle saute, ainsi le Messie est révélé, puis caché ».

עַל מִשְׁכָּבִי בַּלֵּילוֹת בִּקַּשְׁתִּי אֵת שֶׁאָהֲבָה נַפְשִׁי בִּקַּשְׁתִּיו וְלֹא מְצָאתִיו

Sur ma couche nocturne, je cherchai celui dont mon âme est éprise: je le cherchai mais ne le trouvai point. (Ct 3, 1)

Le targoum dit :

« Et quand le peuple de la maison d’Israël vit que les nuées de gloire s’étaient éloignées d’eux et que la couronne de sainteté qui leur avait été donnée au Sinaï  leur fut enlevée, il eut l’impression d’être abandonné dans l’obscurité comme la nuit. Et ils cherchèrent la couronne de sainteté et ils ne la trouvèrent pas, car elle leur avait été enlevée. »

שְׁנֵי שָׁדַיִךְ כִּשְׁנֵי עֳפָרִים תָּאֳמֵי צְבִיָּה

« Tes deux seins sont comme deux faons, jumeaux d’une biche.» (Ct 7, 4)

La Mishna Avoda Zara 2, 5 témoigne de deux façons de lire ce verset : R. Joshua lisait le texte dodeika (tes amis), tandis que R. Johanan lisait dadaik (tes seins).

Le traité Eroubim 54b et Cantique Rabba 4,5 comparent les seins à la Torah.

D’autres disent que le lait ce sont les paroles des sages, qui nourrissent le peuple d’Israël.

Le Targoum dit que les deux seins sont les deux messies de Moïse et d’Aaron :

« Tes deux libérateurs qui viendront te délivrer sont le Messie, fils de David et le Messie, fils d’Ephraïm. Ils ressemblent à Moïse et Aaron, fils de Jokebed, comparables à deux faons de biche. »

La Midrash Rabba lui nous explique que telle une jeune femme qui fait usage de ses charmes pour éveiller le désir de son mari, Israël se prévaut de Moïse et d’Aaron pour en appeler à la bienveillance divine :

« Tes deux seins : ce sont Moïse et Aaron. De même que les seins sont la beauté et la splendeur d’une femme, de même Moïse et Aaron furent la beauté et la splendeur d’Israël. »

 

כֶּרֶם הָיָה לִשְׁלֹמֹה בְּבַעַל הָמוֹן נָתַן אֶת הַכֶּרֶם לַנֹּטְרִים  אִישׁ יָבִא בְּפִרְיוֹ אֶלֶף כָּסֶף

כַּרְמִי שֶׁלִּי לְפָנָי הָאֶלֶף לְךָ שְׁלֹמֹה וּמָאתַיִם לְנֹטְרִים אֶת פִּרְיוֹ

Salomon avait une vigne à Baal-Hamon; il donna la vigne à des gardiens (il y a souvent ici une erreur de traduction qui traduit par « fermier », or il faut utiliser le même mot qu’à la fin du verset), dont chacun devait apporter mille sicles pour les fruits.  Ma vigne à moi est là, sous mes yeux: à toi, Salomon, les mille pièces d’argent, plus deux cents pour ceux qui en gardent les fruits (Ct 8, 11-12)

Selon une interprétation de Jacob Ouanounou ce verset peut être rapproché ce celui-ci dans le Lévitique : « Quant au tort qu’il a fait au sanctuaire, il le réparera, ajoutera un cinquième en sus et le remettra au pontife; puis le pontife fera propitiation pour lui par le bélier délictif, et il lui sera pardonné. » (Lv 5, 16).

Si on relit cela à la Lumière d’Isaïe 3, 14 : « Le Seigneur convoque en justice les anciens de Son peuple et leurs princes :  »Vous avez détruit Ma vigne et les rapines commises au détriment des pauvres emplissent votre maison » » que Rashi commente : « Le Seigneur convoque en justice les anciens de Son peuple » : en effet, ils auraient dû protester contre la mauvaise conduite du peuple et ils ne l’ont pas fait. Puis, s’adressant aux nations, Il leur dit : « Vous avez détruit Ma vigne? en effet, J’avais conçu un léger courroux contre Mes enfants mais vous êtes allés jusqu’à la destruction la plus totale. »

Les Nations se sont appropriées la Torah (la vigne) d’Israël sans en comprendre le sens. mais Israël a réçu : « plus deux cents pour ceux qui en gardent les fruits », car il en garde les fruits. Les nations ont comme une sorte de dette envers Israël.

On retrouve là la vieille polémique du début du IIIème siècle avec les chrétiens car, peu le savent, mais le Cantique a été l’objet de violentes polémiques sur son sens. Les nations tentant de s’approprier le rôle d’épouse de l’Eternel qu’est Israël. « Epouse » au sens du kiddouch du mariage, de désignation, de particularisation. Le Cantique célèbre cette sanctification d’Israël par le Saint, béni soit-Il.

Note sur Rosh Hodesh à Shabbat et l’éclipse de la pleine lune

C’est bien connu et on nous dit souvent : « vous ne perdez pas une occasion de faire la fête ! ». Le mois de Nisan « le premier des mois » selon la Torah, qui commence à Hosh Hodesh (hier) est une fête permanente : d’abord 14 jours, puis les 7 jours de Pessah du 15 au 22 Nissan, la Fête des pains sans levain ;  puis les 7 jours de la fête de la venue du messie. Conformément aux enseignements de la Meguila Ta’anit, on ne peut observer aucune manifestation publique de deuil, en particulier de jeûne en ce mois. On ne récite pas, pour la même raison, de Tahanoun (« supplication »).

Au fait, pourquoi l’éclipse de lune a-t-elle eu lieu le vendredi et non samedi de Roh hodesh, qui est justement la nouvelle lune et le premier jour du mois de Nissan. En réalité nous a expliqué Jacob le calendrier juif fixé au Troisième siècle est précis au 15ème de seconde prés.

Yom Kippour est appelé par la Torah : « Shabbat Shabbaton – un chômage absolu » (Vayikra 23, 32). Selon l’ordre formel de la Torah, il existe en effet six jours de fête dans l’année : deux jours à Pessa’h, un jour à Shavouot, un jour à Roch Hachana et deux jours à Soukot. Yom Kippour est donc le septième jour de chômage imposé par la Torah, et vis-à-vis des six autres « Shabbatot », il apparaît comme le Shabbat par excellence. Pour le respect du Shabbat Shabbaton, le Yom Kipour (10 Tishri) ne doit tomber ni un vendredi ni un dimanche.

Par conséquent, le 1er Tishri, de Rosh hashana dix jours plus tôt où l’on sonne le chofar de tradition immémoriale (Sonnez le chofar à la nouvelle lune, au jour fixé [bakèssè] pour notre fête » Psaume 81, 4) , ne doit être ni un mercredi, ni un vendredi. De plus, Hoshaana Rabba (21 Tishri) ne doit pas tomber un Shabbat, et donc le 1er Tishri ne peut pas être un dimanche. Le Bêth-Din au temps du Temple veillait à prolonger le mois de Eloul à 30 jours, si un mois de Eloul normal à 29 jours conduisait à faire survenir le Yom Kipour la veille ou le lendemain du Shabbat.

Le troisième jour impossible pour Rosh Hashana, le dimanche, est une contrainte liée à la cérémonie de la Arava au cours de la prière de Hoshaana Rabba. En effet, on apprend dans le Talmud (Soucca 43 b) que cette cérémonie très importante, ne peut pas être menée un jour de Shabbat. Or si le 1er Tishri était un dimanche, Hoshaana Rabba, le 22 Tishri, serait un samedi. Le Beit Din prenait donc soin au préalable d’ajouter un jour à un mois court, pour repousser Rosh Hashana ; c’est également ce que met en œuvre le procédé calculatoire.

Lorsque les bases du calendrier perpétuel furent établies, les Sages ont pris soin de systématiser cette précaution dans les règles de calcul. Les lettres ו,ד,א représentent les jours impossibles yom rishon, yom revii, yom shishi.

A l’époque du Temple, le Bêth-Din veillait à prolonger le mois de Eloul à 30 jours, si un mois de Eloul normal à 29 jours conduisait à faire survenir le Yom Kipour la veille ou le lendemain du Shabbat. Lorsque les bases du calendrier perpétuel furent établies, les Sages systématisèrent cette précaution dans les règles de calcul (dehhia adu אד »ו)[3). Aujourd’hui, on ajoute un jour à Heshvan, ou on enlève un jour à Kislev, selon la configuration.

C’est pourquoi le Rosh Hodesh a été décalé d’un jour par rapport à l’éclipse de pleine lune. Car l’année prochaine, Rosh Hashana qui sera célébré un lundi, tombe un dimanche. On a donc fait le décalage nécessaire depuis le mois de Heshvan de cette année.

 

 

[1] « Qui a rédigé les Écritures ? Moïse a rédigé son livre et la paracha de Balaam (Nb 22) et Job. Josué a rédigé le livre qui porte son nom et les huit [derniers] versets de la Torah. Samuel a rédigé le livre qui porte son nom, ainsi que le livre des Juges et Ruth. David a rédigé le livre des Psaumes en y incluant les œuvres des Anciens, à savoir : Adam, Melkisédek, Abraham, Moïse, Heyman, Yédotoun, Assaf, et les trois fils de Corée. Jérémie a rédigé le livre qui porte son nom, le livre des Rois et Lamentations. Ezéchias et son tribunal ont rédigé Isaïe, Proverbes, Cantique des cantiques et le Qohelet. Les hommes de la Grande Assemblée ont rédigé Ézéchiel, les Douze petits prophètes, Daniel et le rouleau d’Esther. Esdras a rédigé le livre qui porte son nom et les généalogies du livre des Chroniques jusqu’à sa propre époque. Ceci confirme l’opinion de Rab, ainsi que Rab Juda l’a rapportée au nom de Rab : Esdras n’a pas quitté Babylone pour erets Israël avant d’avoir rédigé sa propre généalogie. Qui donc a terminé ? Néhémie fils de Hacaliah.

« Le Maître a dit : Josué a rédigé le livre qui porte son nom et les huit derniers versets de la Torah. Cette affirmation est en accord avec l’autorité qui affirme que huit versets de la Torah ont été rédigés par Josué, comme il est dit : Moïse, serviteur de l’Éternel, mourut là (Dt 34, 5). Est-il possible que Moïse après sa mort ait écrit les mots « Moïse mourut là » ? La vérité est en fait que Moïse a rédigé jusqu’à ce point, et qu’à partir de là Josué a rédigé. Tel est l’avis de R. Yehuda ou, selon d’autres, de R. Nehemiah. (…)

« Josué a rédigé son livre. Mais n’est-il pas écrit Josué, fils de Nun, serviteur de l’Éternel mourut (Jos 24, 29) ? Il fut terminé par Éléazar. Mais il y est aussi écrit Éléazar, fils d’Aaron mourut (Jos 24, 33) ? Pinhas le termina. Samuel a rédigé le livre qui porte son nom. Mais n’y est-il pas écrit Samuel était mort (1 S 28, 3) ? Il fut terminé par Gad le visionnaire et par Nathan le prophète. David a rédigé les Psaumes, en y incluant les œuvres des dix Anciens. » (TB Baba Batra 14b et 15a)

PS : Pour Fabrice… en ce début de Nisan, sur le sujet « Les juifs font trop la fête » une vidéo hilarante de JEWBELLish de Mendy Pellin un loubavitch de Denver (USA) :

Fabrice si tu es arrivé là tu as étudié !!!! :))))

[2] http://www.encyclopedia.com/article-1G2-2587521181/yalkut-shimoni.html

[3] http://www.calj.net/regles

Un commentaire sur « Roch Hodesh 1er Nisan : « Le monde entier ne vaut pas le jour où le Cantique des Cantiques fut donné à Israël » »

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