Pourim : les anoussim de Corse et le secret des femmes

Mon arrière-grand mère maternelle venaient de Benchiugnu en Corse ( à quelques kilomètres à l’est de Porto Vecchio). Benchiugnu ou Venciugiu (B et V comme en hébreu se confondent) signifie en langue corse  « nous sommes arrivés au bon endroit ». Voici son unique photo car pour toute cette lignée de femme comme pour beaucoup de Corse de l’époque et c’est viscéral, les photos de visages étaient interdites et ces femmes ne sortaient que les cheveux couverts… du coup je n’ai que des photos floues et en colère de ma mère et de ma grand-mère, ou des photos de leurs papiers d’identité tamponnés « préfecture » …

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L’étymologie du nom branca (« branche » en langue corse, « blanc » en portugais) vient de BRANCO-BRANCA qui est un nom marrane connu du Portugal, ceux qui viennent de la région de Castelo Branco au Portugal : Belmonte, Covilhã, Fundão, Idanha, Penamacor, etc.)

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Ma grand-mère, sa fille, mariée à un Valli de Muratello est restée elle aussi veuve très jeune (la tradition interdisait de se remarier pour une veuve en Corse).

Elle a acheté un appartement dans la rue du Castagno à Bastia où se trouve la seule synagogue de Corse. « Le poisson retourne toujours vers l’eau… »  Elle disait : « c’est par les mérites de ma mère que  D. ne nous a pas abandonnées « 

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Ces femmes disaient aussi : « Tu ne peux pas acheter une maison qui n’est pas à toi. on ne sait jamais il peut y avoir eu un mort ». « N’outrepasse pas ton droit de vendetta (vengeance). D. te voit » Elles vivaient ensemble avec leurs deux filles Pupilles de la Nation, dont ma mère, offraient des cédrats à l’automne et signaient toute leurs lettres en terminant par « Que D.ieu te donne la victoire sur tous tes ennemis. » Le « zakhor eth acher assa lékha Amalek (souviens-toi de ce qu’Amalek t’a fait) » est un mistva en Corse.

Guy et Benny Sabbagh les petits fils du rabbin Méir Tolédano, le rabbin de la synagogue de Bastia pendant 50 ans m’ont contacté cette année en la Hiloula de Rabbi Méir suite à la Publication de mon livre « Des Noces éternelles un moine à la synagogue ».

Je les ai rencontrés. Benny et Guy sont venus me voir avec la meguila d’Esther de leur grand père, le Rav Méir Toledano (ici leur histoire) gravée à son nom (photo) et surmontée de la colombe (yona) l’oiseau fétiche de la Corse, Colomba, le nom de la cousine de ma grand-mère. La reine Esther qu’on fête à Pourim ce mercredi soir est la protectrice des anoussim, (forcés en hébreu, marranes) son nom signifie « cachée » en hébreu, ce que sont les marranes.

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Le lendemain même, par un hasard que je ne m’explique pas, Martine Yana du Centre Edmond Fleg de Marseille accompagnée de Rabbin Harboun m’a appelé en me disant qu’elle avait toute la documentation de l’Alliance sur les juifs de Corse en 1915…. que m’avaient montré Guy et Benny la veille…

Une exposition est en préparation à Marseille avec le centre Edmond Fleg,elle devait avoir lieu en mars et a été reportée par la Région au mois de septembre. Nous aimerions la faire à Bastia cet été.

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J’ai écrit tout cela dans « Mémoires juives de Corse » qui raconte notre histoire et paraîtra dans un mois le 22 avril veille de Pessah. J’y fournis toutes les preuves documentaires de ce que j’avance ici.

Trois jours avant, le 19 avril au soir avant Pessah je ferai une conférence à Jérusalem dans le cadre de l’association Schibboleth et le soir à Netanya sur les juifs de Corse avec L’institute for Sefardi and Anoussim studies.

Anoussim

Mon cas n’a rien d’exceptionnel. Nous sommes des millions de par le monde, et « D. Lui n’oublie rien ». Voilà ce que disaient la Torah de ces femmes.

Ibn Verga, dans le Shevet Yehudah (Le sceptre de Juda), un livre imprimé en Turquie en 1550, qui mêle la chronique historique aux dialogues fictifs pour raconter les malheurs juifs, raconte l’errance spirituelle des Anoussim en Provence au XVIe siècle :

Et parmi ceux qui étaient restés en Provence après l’apostasie, certains pratiquaient le judaïsme en secret, les femmes en particulier. Le cas des femmes était cependant dangereux, car on les interrogeait. Pourquoi allument-elles une lumière la veille du Chabbat ? Et de même quand elles apportent [chez elles] des verdures et toutes sortes de douceurs les vendredi soir à leur table ? Elles disent qu’elles ont vu leurs mères agir ainsi

 

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