De la démocratie en Amérique… Une crise spirituelle.

One Dollar note

En réalité l’avènement d’un populiste sans scrupule sur le thème « America is back » proposant de construire des tunnels, des ponts (premier discours de Donald) tout en baissant les impôts (mais alors comment payer les tunnels et les ponts ?) dans la même phrase; l’idée de se replier sur la vieille Amérique arrivée d’Europe sur le Mayflowers, terrorisée par les basanés –( les latinos étaient 3 % de la population des États-Unis il y a 50 ans, 17 % aujourd’hui) … un soi disant capitaliste milliardaire deux fois en faillite personnelle qui a planté ses banquiers et leur disant qu’ils auraient dû mieux surveiller les business qu’il coulait; un type qui nie le réchauffement climatique… évidement tout cela fait beaucoup…Mais si finalement Trump n’était pas la maladie mais le symptôme forcément spectaculaire, d’une crise spirituelle bien plus profonde ?

D’autre part, la « révolte des petits blancs » n’est pas une nouvelle pour les Clinton… Robert Reich le premier secrétaire d’Etat d’emploi de Bill Clinton de 1993 à 1997, l’un des mentors politique le plus proche d’Hillary avait analysé dés 2008, dans Supercapitalisme[1], bien avant la crise actuelle, les causes de ce qui se passe aujourd’hui. la financiarisation de l’économie sous Reagan et Thatcher dopée aux théories de Milton Friedman, et la fin de la classe moyenne, vrai pilier de la création de richesse. La colère légitime de l’homme blanc, père de famille protestant, travaillant à la ferme où à l’usine, bref, la classe moyenne américaine, laminée par la désindustrialisation et la digitalisation du monde, bercée aux sirènes de la globalisation et du free market vient de s’exprimer dans les urnes. Essayons de comprendre pourquoi la classe moyenne a voté contre les supposés « démocrates » et pour ce symptôme de son désespoir.

En préalable je voudrais lever un malentendu, la personne qui s’exprime ici n’est pas « de gauche » je suis un pur capitaliste, consultant en stratégie et organisation digitale, formé par les idées de James McKinsey et de Marvin Bower. Marvin était le responsable d’une secte protestante descendent des pilgrims du Mayflower. A la fin de sa vie il distribua ses actions à ses partners au prix nominal d’entrée car ils n’avaient plus les moyens de les acheter, l’entreprise ayant immensément grandi sous sa direction. Marvin Bower qui inventa le conseil en organisation rapporte ce passage de la Bible (Exode 18, 14-28) où Jethro, le beau-père de Moïse lui conseille d’améliorer son organisation en créant un organigramme (Source : Diriger, c’est vouloir, p. 102.)

Je crois à ces valeurs de la Torah et à cette Civilisation du capitalisme et à la Globalisation dont l’âge digital n’est qu’une nouvelle forme, une civilisation qui a émergé au Moyen Age en mariant l’économie de marché et la création de richesse au bénéfice du plus grand nombre en interaction avec la démocratie et des sociétés ouvertes ce qui ne veut pas dire free boundaryless… et je ne vois pas d' »autre modèle » alternatif (voir ici : La « Civilisation du Capitalisme » (Schumpeter) : des Market places médiévales à Amazon Web Services (AWS)). Contrairement à ce qui est répété en boucle Trump n’a rien à voir avec le capitalisme, il a à voir avec l’avidité, ces golden boys greedy qui ont décidé de s’emparer du capitalisme à partir des années 80 en se moquant de toute création de valeur, toujours border line, la loi sans l’éthique. Un pompier pyromane qui a alimenté ce qui est justement en train de nous exploser à la figure, l’hyper capitalisme.

Back to 1835…

De la démocratie en Amérique

Le noble normand Tocqueville, un incroyant fervent partisan d’une stricte séparation de la religion et de l’Etat, parcourt l’Amérique en 1835. Dans La Démocratie en Amérique il constate la « passion pour l’égalité des américains » est la marque des peuples démocratiques. Elle permet aux individus de poursuivre un goût naturel qui n’avait pu être satisfait auparavant : le goût du bien-être (ibid., p. 182).

« Les avantages de l’égalité se font sentir dès à présent, et chaque jour on les voit découler de leur source… L’égalité fournit chaque jour une multitude de petites jouissances à chaque homme. Les charmes de l’égalité se sentent à tous moments, et ils sont à la portée de tous ; […] La passion que l’égalité fait naître doit donc être à la fois énergique et générale. »

L’interaction entre la liberté, l’égalité et goût du bien-être matériel fait de la société démocratique une société industrielle capable de produire des richesses au service de tous de manière égalitaire. Chacun a sa chance et une génération cultive l’espoir d’être plus aisée que la précédente.

Il ajoute aussi que la composante religieuse est fondamentale dans cette croyance commune :

 « Des hommes semblables et égaux conçoivent aisément la notion d’un Dieu unique, imposant à chacun d’eux les mêmes règles et leur accordant le bonheur futur au même prix. L’idée de l’unité du genre humain les ramène sans cesse à l’idée de l’unité du Créateur tandis qu’au contraire des hommes très séparés les uns des autres et fort dissemblables en arrivent volontiers à faire autant de divinités qu’il y a de peuples, de castes, de classes et de familles et à tracer mille chemins particuliers pour aller au ciel. »

Tocqueville constate que les philosophes des Lumières « expliquaient d’une façon toute simple l’affaiblissement graduel des croyances ; le zèle religieux, disaient-ils, doit s’éteindre à mesure que la liberté et les lumières augmentent. Il est fâcheux que les faits ne s’accordent point avec cette théorie. ».

La classe moyenne dans les sociétés occidentale est donc la pierre d’angle de la démocratie et de la richesse. Les Ford, les Michelin ou les Mulliez ne sont pas d’abord des riches mais d’abord des gens qui en inventant la grande distribution ont donné à manger au plus grand nombre, inventé el pneu radial qui a participé de l’avneture de l’automobile, etc…il s’agit avant tout d’aventures humainee. Un jour Gérard Mulliez disait : « je ne vais pas manger sept fois par jour… ». Cela n’a rien à voir avec les petits raiders ou les Trump qui plantent leurs associés ou bâtissent des tours en faillite au miroir aux alouettes des tabloïd racontant leurs frasques sexuelles quand ils abandonnent leur femme « car elle a eu des enfants ».

Ce qui est en train de s’écrouler dans la globalisation c’est l’espoir de la classe moyenne sa croyance, une crise spirituelle de la Civilisation du capitalisme en réalité.

L’hypercapitalisme a trahi cette « passion pour l’égalité » qui, selon Tocqueville et les philosophes des Lumières était la marque des peuples démocratiques. La crise spirituelle actuelle était déjà prévue depuis au moins 2008 par des proches d’Hillary Clinton, on ne peut donc pas dire que les Démocrates n’ont pas été prévenus…, le roi Trump révèle le crépuscule de la démocratie et de ses valeurs. La mauvaise nouvelle c’est que si la démocratie a besoin du capitalisme, le capitalisme n’a pas forcément besoin de la démocratie pour survivre comme le montre la Chine dont la croissance mondiale est le prochain défi pour l’Amérique, bien avant l’Etat islamique, les noirs, les musulmans, les homosexuels ou les mexicains.

Trump a fait campagne sur l’espoir en Amérique que votre fils réussisse mieux que vous s’il s’en donne la peine et le mérite. Mais au fond cet espoir peut-il être en soi une réussite humaine ? un objectif spirituel ? Trump a surtout réussi parce que nos petites élites autoproclamées se sont accommodées depuis longtemps de la fin de la démocratie en Amérique et ailleurs.

La Globalisation sans frontière et l’hyper capitalisme, une crise spirituelle

On doit à Robert Reich [2] un proche des Clinton une analyse prémonitoire de l’hypercapitalisme qui a accéléré à partir des années 80, en appuyant sur 3 leviers de globalisation, il décrit dans Supercapitalisme ces leviers  :

  • les nouvelles technologies qui permettent de rendre immédiates les transactions et d’abord bancaires, suivies rapidement de la révolution digitale des plateformes mondiales comme Amazon et Google,
  • la globalisation des échanges qui permet une massification mondiale de ceux-ci et l’accès à des ressources à bas prix dans des territoires émergents,
  • la déréglementation enfin, qui diminue les barrières légales aux échanges.

Ces trois facteurs ont créé les conditions de naissance d’une intensification de la Civilisation du capitalisme en interaction avec la démocratie, la faisant changer de nature. Cette accélération dont la mise en réseau mondiale par les technologies à l’âge digital est l’ultime développement a permis que s’ouvre devant les investisseurs mais aussi devant les consommateurs, c’est à dire chacun de nous, un extraordinaire pays de cocagne : de multiples opportunités d’enrichissement, des prix toujours plus bas. Cette nouvelle liberté avait un corollaire : Les entreprises devaient se livrer à une compétition intense et sans merci pour attirer financements et clients, gages de leur survie, de plus en plus volatils. Leurs PDG ne pouvaient plus se permettre de prendre des positions divergentes par rapport aux intérêts de leurs actionnaires. Une baisse de l’action, un aléa sur un marché, et les capitaux des investisseurs étaient immédiatement déplacés sur une opportunité plus rentable, là où la « création de valeur pour l’actionnaire » était plus efficace à court terme. Ainsi la durée de détention d’une action est passée de 6 ans en 1945-75 à un an et demi en 1990 et 22 seconde en 2016 (60% en trading haute fréquence). L’investissement qui est par nature une action à long terme, s’est transformé en pression court terme. C’est ainsi que dans les entreprises le rapport au temps s’est accéléré.

En trente ans la capitalisation boursière mondiale a bondi pour représenter au moins trois fois celle de la production planétaire de l’économie réelle, une croissance bien supérieure à celle du secteur non financier. Il s’agissait d’une religion de masse celle de l’argent virtuel.

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Source : Supercapitalisme, Robert Reich

Dans un environnement hyperconcurrentiel, les entreprises ont peu à peu perdu leurs marges de manœuvre explique Robert Reich. Celles qui ne réduisaient pas la masse salariale pour augmenter leur profitabilité tout en baissant le prix de leurs produits mourraient. Celles qui perdaient quelques points de marge dans des initiatives socialement ou écologiquement responsable ne pouvaient plus aligner leur performance sur celles de leurs concurrentes. Un président de société peut être débarqué à tout instant s’il ne satisfaisait pas les actionnaires qui l’employent et pilotent à 3 mois.

Qui a voulu ce système ? qui l’a créé ? Chacun de nous. Car l’hypercapitalisme suppose l’hyperconsommation c’est un cancer de la civilisation du capitalisme qui depuis le Moyen Age a créé de la richesse au bénéfice de tous. Chacun de nous était un petit artisan du système et de son accélération.

Les entreprises ne faisaient que leur ‘boulot’ qui était de maximiser leurs profits en réduisant la masse salariale et en délocalisant la main d’œuvre pour baisser les prix des produits. Sans la globalisation cette martingale aurait été impossible. Les nouvelles technologies permettaient, elles, de piloter en temps réel les informations concernant les flux physiques, de production, de transport, d’achats dans les magasins. Elles permettaient aussi d’accélérer la mobilité des capitaux et leur rentabilité. Le marché envahissait toute notre vie éveillée nous transformant en machines à désirer fébrilement tout et n’importe quoi. Une vie réduite à sa plus simple expression : consommer. La « main invisible » poussait notre destin collectif plus que nous n’en décidions, comme une providence aveugle à qui nous aurions remis notre liberté.

C’est ainsi qu’à partir des années 80, au nom de la valeur ajoutée créée pour l’actionnaire, l’économie réelle a décroché de l’économie financière. Le secteur financier assurant une croissance annuelle moyenne de 10%, alors que celle de l’économie réelle des  pays occidentaux était de 2 à 3%, c’est-à-dire la production annuelle réelle de bien et de services dans le monde.

L’opposé de l’« America first » et fermée de Trump est bien sûr le boundaryless, le sans frontiérisme global des années 80 dont la classe moyenne occidentale paie aujourd’hui le prix fort, une illusion idéaliste des Lumières. Car les délocalisations étaient l’inévitable clé du succès pour baisser les couts de production et donc les prix des produits. Qui aurait payé plus de 15 à 20 euros (les prix moyens chez Zara) une veste portée seulement une saison et, bien sûr, fabriquée en Chine ? Jusqu’alors il y avait des nouvelles collections au printemps et en hiver et des soldes deux fois par an pendant 6 semaines; mais très vite sont apparues les mid-season sales, puis des soldes permanentes sur les sites Internet de ventes privées. Aujourd’hui, toutes les 3 semaines, tout change chez Zara. Les cycles de production sont passés de 6 mois à quelques semaines. Donc la cliente revient en permanence pour un vêtement à bas prix qu’elle ne portera que quelques semaines.  Nous consommions tous compulsivement, des produits, des prêts bancaires, des services sans trop nous poser de questions. Aujourd’hui nous serions donc bien en peine de désigner les petits marquis de ce système à passer à la lanterne. Chacun de nous en était le promoteur avide.

La désindustrialisation était le corollaire de la Globalisation. Et la fin du plein emploi sans retour possible, sauf à inventer un nouveau modèle de société ! la téléologie de l’âge digital; mais tant que les murs ne bougent pas les habitants restent dans la maison…

Certes, le crack du crédit en 2008 suite à la crise des subprimes, brusque retour à la réalité,  avait déjà brisé ce rêve. Il révélait déjà l’inéluctable fragilisation des classes moyennes, piliers de la démocratie, invitées à passer à la caisse, via les Etats, pour refinancer le système. Certes l’Amérique est sortie de la crise pendant les 2 mandat d’Obama mais quelle Amérique ?

La fin de la classe moyenne, la montée de sa colère en de l’insécurité culturelle

Dans le même temps, la classe moyenne qui était la pierre de fondation de la consommation et le pivot de la démocratie est devenue le dindon de la farce, aux US comme en Europe.

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Les riches sont devenus plus riche, les pauvres le sont restés et la classe moyenne est devenue la victime de cette globalisation. « Qu’est-ce que le Local ? C’est le Global sans les murs » voilà ce que dit le vote Trump ou Le Pen.

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Ce qui assez drôle avec Trump c’est que le peuple risque fort de brûler demain ce qu’il adore aujourd’hui. Car la croissance récente des inégalités dans tous les pays industrialisés : Etats-Unis, Japon, Allemagne, pays scandinaves et de la zone euro, se conjugue avec une croissance de la précarité et l’explosion d’une nouvelle classe de milliardaires.

Ce grand écart a laissé les classes moyennes, pivot de la démocratie, sur le carreau. Leurs revenus ont stagné tandis que le coût de la vie augmentait, réduisant leur pouvoir d’achat entre le milieu des années 90 et aujourd’hui.

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Source : Supercapitalisme, Robert Reich

Certes les inégalités se sont moins accentuées en France qu’aux Etats-Unis mais la part de charges fixes (emprunts, loyers, Internet, téléphone mobile…) est passée de 21 à 38% des revenus d’un foyer en 15 ans. Résultat : les classes moyennes, piliers de la démocratie, ont perdu leur pouvoir d’achat. On peut toujours se consoler en évoquant avec la Banque mondiale l’apparition d’une classe moyenne dans les pays émergents depuis 2000, forte de 1, 2 milliards d’individus dont la moitié en Chine, tirée par la croissance des pays émergents. Le niveau de vie des classes moyennes s’étend de 1 238 à 2 225 euros par mois pour une personne seule, de 2 414 à 4 389 euros pour un couple et de 3 219 à 5 544 euros pour un couple avec deux enfants.

Aux US, entre 1975 et 2005, le partage de la valeur ajoutée s’est effectué en faveur des actionnaires, dont les revenus financiers sont passés de 8 à 11% du total de cette valeur ajoutée. Ce prélèvement s’est réalisé au détriment de l’autofinancement des entreprises qui a régressé dans le même temps, passant de 5 à 2%. Les 10% de salariés les mieux payés ont ainsi vu leur masse salariale passer de 23 à 30% du total de la masse salariale, contre une baisse de 64 à 57% pour les autres salariés, soit 90% d’entre eux. John Pierpoint Morgan, qui fonda au début du XXe siècle la banque qui porte encore son nom, estimait lui, que la rémunération d’un PDG ne devait pas excéder trente fois celle du salaire moyen de l’entreprise, Henry Ford, dans le années 30, 40 fois. La rémunération moyenne des 150 dirigeants les mieux payés des 50 plus grandes entreprises américaines, a diminué de 82 fois le salaire moyen en 1939 pour atteindre le ratio de 39 fois le salaire moyen entre 1960 et 1969. L’Amérique de Roosevelt a imposé à 80 % ses grandes fortunes sans jamais réduire sa prospérité.  Sous Reagan dans les années 80,  ce ratio s’est envolé pour  atteindre la cote de 187 fois le salaire moyen durant la décennie 90 et 367 fois le salaire moyen au début des années 2000, aujourd’hui.

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Source : Supercapitalisme, Robert Reich

Mais cette réaalocation économique de la richesse ne suffit pas à expliquer le malaise. L’abandon des politiques, l’immigration massive qui est le corollaire du sans frontièrisme, la haine banale de ce qui ne nous ressemble pas, l’interdiction d’interdire post soixante-huitarde, la société sans père et le jeunisme adulescent, la fin des idéologies ont conduit au repli sur des identités soi disant séculaires fantasmatiques. Bonjour Trump, bonjour Marine. Trump ou Le Pen ont beau jeu d’aller courtiser les hors jeux abandonnés des élites en leur racontant ce qu’ils ont envie d’entendre. Comme Trump les mineurs de charbon des mines « fermées par Obama » en disant qu’il se fiche éperdument du réchauffement climatique. Mais il y a une incohérence économique dans le programme, le secteur créateur d’emploi n’est désormais plus le charbon (en récession mondiale même en Chine!) mais les énergies renouvelables en Silicon Valley comme en Chine ! On peut difficilement vouloir le bon vieux temps « quand l’Amérique ou la France était grande » et la richesse pour tous, il va falloir maintenant choisir entre créer des emplois ou en détruire en anéantissant l’avenir de la planète de nos enfants au passage…

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Car l’autre effet nocif de la Globalisation qui a créé une richesse mondiale colossale… est l’insécurité culturelle. Les 5 à 8 millions de musulmans français ne sécurisent pas les anciens catholiques qui ont perdu leurs repères religieux, quand leurs grands-parents ont laissé la vieille armoire bretonne et la foi sur le quai de la gare Montparnasse. Et comme la consommation n’a pas créé les repères spirituels minimum en cas de crise face à la maladie ou à la mort…  (Comment l’achat d’un canapé pourrait donner sens à une existence ?). L’hyperconsommation liée à l’effondrement de la classe moyenne et au désert spirituel sous la pression de culture exotiques puis inquiétantes au bas de chez nous a créé la possibilité d’un recours messianique. Le messianisme est toujours fils de la déréliction.

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L’élu donc, messianique bien sûr, va restaurer le rêve américain ou français. Marine et sa cousine nous promettent de faire revivre la Jeanne d’Arc française. Toutes les crises spirituelles ont leur faux messie et toutes les révolutions messianiques finissent dans la violence, voilà ce qu’enseigne l’histoire des religions séculières. L’Elu va Révéler une vérité que la masse silencieuse connait et attend depuis toujours dans le secret, reste à savoir laquelle! et il va rendre au peuple sa dignité. On risque d’attendre un peu…

De mon côté, je suis juif, je ne crois plus aux illusions de masse. Je viens d’apprendre que l’homme occidental au 21ème siècle est capable d’élire de nouveaux Nérons… ceux-là même qui ont persécuté les juifs et chrétiens du 1er siècle. Je comprends la rage des petites gens floués et qu’on n’écoute jamais, je vis l’exaspération devant le spectacle désolant que nous offrent nos hommes politiques avec leurs croissant à scooter, leur histoire de frites ou de pains au chocolat. Je suis sûr qu’on ne peut pas vivre béatement dans un monde sans frontière. Mais je ne crois pas non plus que le nationalisme et le repli sur un rêve soit la solution.

Mon diagnostic est que la crise de ce jour probablement préfiguration de celle de mars 2017, est une crise de croyances, une crise spirituelle. La sentence du Pirké Avot est plus que jamais d’actualité : « Ne t’approche pas du pouvoir ! ».

Revenir aux fondements spirituels

L’Amérique blanche insécurisée est la même que celle qui se revendique des pères fondateurs. Ces types s’étaient identifiés au Peuple du Livre. Les premiers colons puritains du Massachusetts croyaient que leurs propres vies étaient une reconstitution de l’Israël biblique, ils définissaient leur propre situation comme celle de vertueux survivants de l’Eglise, corrompue par le « malheur babylonien », devenus des instruments de la Providence divine, choisis pour construire un Etat nouveau fondé sur l’alliance contractée au Mont Sinaï.

Je me rappelle le début du livre des pères fondateurs de l’Amérique, ces pèlerins exilés d’Angleterre en Hollande, des protestants séparatistes, amoureux de la Bible, arrivés sur le Mayflower -je sais qu’il existe aussi celle des voyous de Gangs of New York- mais pour moi c’est ça l’Amérique. William Bradford (1620-1647) écrivait dans Of Plymouth Plantation :

Though I am grown  aged, yet I have had a longing
desire, to see with  my own eyes, something of
that  most ancient language,  and  holy  tongue,
in which  the Law, and  oracles  of  God  were
write; and in which God, and angels, spoke to
the holy patriarks, of old time; and what
names were  given  to things,  from the
creation. And though I cannot attain
to much herein, yet I am refreshed,
to have seen some glimpse  here-
of; (as  Moses  saw  the Land
of canan afarr of)  my aime
and desire is, to see how
the words, and  phrases
lye in  the holy  texte;
and to dicerne some-
what of the  same
for  my  owne
contente.

———
——

William Bradford a fini sa vie en écrivant une Grammaire élémentaire de l’hébreu. On faisait ses discours d’université de fin d’étude en hébreu au XVI et XVIIè siècle à Harvard, Yale, Columbia, Brown, Princeton, John Hopkins, et l’Université de Pennsylvanie… où l’on y dispensait des cours.

Leur Bible, qui est notre Torah n’est ni capitaliste ni communiste comme le disait le Rav David Eliézer dans le dernier numéro de la revue Kountrass (N° 196). Il suffit de lire :

ב  יְגִיעַ כַּפֶּיךָ, כִּי תֹאכֵל;    אַשְׁרֶיךָ, וְטוֹב לָךְ. 2 Oui, le produit de ton travail, tu le mangeras, tu seras heureux, le bien sera ton partage.
ג  אֶשְׁתְּךָ, כְּגֶפֶן פֹּרִיָּה–    בְּיַרְכְּתֵי בֵיתֶךָ:
בָּנֶיךָ, כִּשְׁתִלֵי זֵיתִים–    סָבִיב, לְשֻׁלְחָנֶךָ.
3 Ta femme sera comme une vigne féconde dans l’intérieur de ta maison, tes fils, comme des plants d’olivier autour de ta table.
ד  הִנֵּה כִי-כֵן, יְבֹרַךְ גָּבֶר–    יְרֵא יְהוָה. 4 Voilà comment est béni l’homme qui craint l’Eternel !


Psaume 128

ז כִּי-יִהְיֶה בְךָ אֶבְיוֹן מֵאַחַד אַחֶיךָ, בְּאַחַד שְׁעָרֶיךָ, בְּאַרְצְךָ, אֲשֶׁר-יְהוָה אֱלֹהֶיךָ נֹתֵן לָךְ–לֹא תְאַמֵּץ אֶת-לְבָבְךָ, וְלֹא תִקְפֹּץ אֶת-יָדְךָ, מֵאָחִיךָ, הָאֶבְיוֹן. 7 Que s’il y a chez toi un indigent, d’entre tes frères, dans l’une de tes villes, au pays que l’Éternel, ton Dieu, te destine, tu n’endurciras point ton cœur, ni ne fermeras ta main à ton frère nécessiteux.
ח כִּי-פָתֹחַ תִּפְתַּח אֶת-יָדְךָ, לוֹ; וְהַעֲבֵט, תַּעֲבִיטֶנּוּ, דֵּי מַחְסֹרוֹ, אֲשֶׁר יֶחְסַר לוֹ. 8 Ouvre-lui plutôt ta main! Prête-lui en raison de ses besoins, de ce qui peut lui manquer!

Deutéronome 15

יג לֹא-תַעֲשֹׁק אֶת-רֵעֲךָ, וְלֹא תִגְזֹל; לֹא-תָלִין פְּעֻלַּת שָׂכִיר, אִתְּךָ–עַד-בֹּקֶר. 13 Ne commets point d’extorsion sur ton prochain, point de rapine; que le salaire du journalier ne reste point par devers toi jusqu’au lendemain.

Lévitique 19

Lisez il y a 24 livres…

Avec Trump on est loin de l’Amérique biblique des pères fondateurs, alors que ceux qui l’ont élu pensent restaurer leur insécurité fondamentale en la convoquant !

Sur la tombe de William Bradford à Plymouth est gravée cette épitaphe :

 « Ce que vos pères ont amassé avec tant de peine, gardez-vous de le négliger »

Donc résumons :  l’Irlande accueille les britanniques, le Canada les américains…. Au printemps 2017… vous me conseillez quoi ? Tel Aviv, Bruxelles ou Charleroi ?

Et pendant ce temps en Europe ?… L’ère du rien.

Que font nos dirigeants en Europe ? Ils sont enfermés dans leurs appartements des quartiers riches et leurs certitudes. En réalité les partis politiques comme les syndicats, c’est à dire la représentation populaire ne représentent plus qu’une toute petite partie de la population française.

La crise du militantisme traditionnel a fait s’effondrer le nombre d’adhérents des partis politiques à partir des années 60, aux US mais aussi dans toute l’Europe. Dans cette situation la France détient le triste record européen de la dépolitisation. Le taux de pénétration des partis politiques, c’est-à-dire le nombre d’adhérents par rapport au nombre d’électeurs inscrits y était de 2,6 %, le plus faible d’Europe en 1980 ! En comparaison ce taux était de 3,3 % en Grande-Bretagne, 9,7 % en Italie, 9,2 en Belgique… Ce taux a encore baissé, chutant de 2,6 % à 2 % en France entre 1980 et 2005, de 4 à 2 % en Allemagne. Comment ces partis politiques qui représentent 2 % de la population d’un pays (en France), 812 000 personnes déclarées en 2005 pour 63 millions de français, 44,5 millions d’électeurs et 38 millions de votants, avec seulement 293000 personne pour le parti majoritaire l’UMP (passé de 110 000 adhérents en 2005 à 293 000 en 2006 ! soit 0,65% de la population inscrite) ; comment ces partis si faiblement représentatifs de la société française auraient-ils pu présenter un contre-pouvoir crédible à l’hypercapitalisme qui allait s’implanter dans les années 80 ?

Autre partenaire de la représentation sociale en chute libre, les syndicats. Ils représentaient les salariés au cœur des entreprises. Ils se sont effondrés. Brutalement après guerre, puis en déclinant inexorablement à partir des années 70. Ils représentent désormais 8% des salariés en France, deux fois moins qu’en 1980, alors qu’ils étaient 28% en 1950 ! 2,4 millions de personnes en France ; contre 29% en Allemagne ou en Grande Bretagne. Le problème pour les syndicats étant que sur les 2 millions d’entreprises françaises la moitié ont moins de 10 salariés. Comment des partenaires sociaux représentant 8% des salariés et principalement des fonctionnaires (le taux de syndicalisation est de 15% dans la fonction publique) pourraient-ils être représenter les intérêts des salariés? Un financement opaque et complexe s’ajoutant à cette représentation très faible.

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Pendant que Marine Le Pen parcourt les marchés avec un programme national et socialste…,   rassurant des gens à juste titre désemparés par le mitage des centres ville sans commerce et à forte population immigrée arabo-musulmane où les Gaulois ont perdu tout espoir et où la charias devient une option politique parmi d’autres, à Béziers, Lune ou Roubaix… et ailleurs. 40% de la population de Marseille, Birmingham ou Malmö est déjà musulmane mais il ne faut surtout pas en parler pour… ne pas créer de problème. On sait pertinemment qu’en Angleterre les employés de la distribution vont passer de 3,2 millions de personnes en 2014 à 2,1 millions en 2025 , le premier employeur du pays, des jeunes, (Source : British retail Council 2016)… sous l’effet de le mécanisation et de l’eCommerce menaçant 47% des emplois peu qualifiés si l’on en croit le MIT (voir ici)… mais motus et bouche cousus, un candidat nous prédit l’inversion de la courbe et l’autre « le plein emploi » des années 70.

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Peter Bruegel l’ancien, le pays de Cocagne

Il est évidement interdit de parler de tout cela sur un média traditionnel : « Circulez il n’y a rien à voir! », donc les gens se défoulent sur les réseaux sociaux… Et Facebook rempli de fausses histoires et de fakes connaissait probablement  la victoire de Trump bien avant les copains des politiques des instituts de sondage. 60% des américains reçoivent des news politiques par les réseaux sociaux, 40% via Facebook, ben avant les médias traditionnels…

Comment cela va-t-il se finir ? L’histoire semble bégayer et il est instructif de relire le journal de bord de Louis XVI enfermé à Versailles en juillet 1789. Une dernière petite anecdote pour finir.

Mardi 7 : Chasse du cerf à Port-Royal, pris deux.
Mercredi 8 : Rien.
Jeudi 9 : Rien. Députation des États.
Vendredi 10 : Rien. Réponse à la députation des États.
Samedi 11 : Rien. Départ de M. Necker.
Dimanche 12 : Vêpres et Salut. Départ de MM de Montmorin, Saint-Priest et la Luzerne
Lundi 13 : Rien.
Mardi 14 : Rien.

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« Rien » c’est le mot symptôme de l’acédie, de la dépression, ce démon de midi qui fait s’allonger le temps à l’infini alors que le soleil semble ne plus bouger. Une maladie de l’âme, une dépression spirituelle dans laquelle est plongée l’Europe dans l’oeil du Cyclone.

 

[1] Supercapitalisme. Le choc entre le système économique émergent et la démocratie, par Robert Reich, éd. Vuibert, 2008, 276 p., 24 euros.

4 commentaires sur « De la démocratie en Amérique… Une crise spirituelle. »

  1. Je vous adresse toutes mes félicitations pour cette analyse passionnante et passionnée mais ici, en Europe, est-ce le rien qui domine ? La Nature a horreur du vide nous dit la sagesse populaire, en oubliant Aristote. Il faudra bien combler le vide mais par quoi, par qui et comment ? Tocqueville aurait-il eu une réponse ? Ou bien faut-il interroger Confucius ?

    1. En Europe le RIEN est déjà là. Aprés 30 ans de démocratie sans le peuple nous allons tout droit comme aux US à une reprise en main par le peuple. Entre Hollande et Juppé, c’est à dire la vieille politique, d’il y a 30 ans comme aux US (les gens aimaient Bill ses faiblesses et ses frasques mais ils détestaient Hillary et cela depuis l’Arkansas) la France périphérique rejettera le « Système », choisira Marie Le Pen, que ce soit en 2017 ou 5 ans plus tard, avec un chèque en blanc pour l’inconnu. Tout le monde sera surpris… mais après coup les mêmes analyseront l’insécurité culturelle produite par la Global sur le local: « Le Global c’est le local sans les murs ». Comme avec Trump ce sera le retour vers l’inconnu et probablement pas le retour vers le futur. Je ne dis pas que c’est bien mais je dis que désormais je fais parti de la population qui parle le globish des aéroports et des conseils d’administration et que si nous étions pompistes à Béthune notre bulletin de vote serait notre dernière capacité de révolte. J’ai vécu dans un foyer de jeunes travailleur Sonacotra à Thiers avec des Turcs entre 1984 et 1965 à coté du « Val d’enfer » (sic), à concevoir des machines à polir entre les dents des fourchettes… alors que toute la production des couteaux était délocalisé en Chine… une vallée désindustrialisée ou régnait non pas la misère (on avait à manger et où dormir et il y plein de gens en Inde qui n’ont rien sauf le sourire). Je m’en suis tiré grâce à Dostoïevski, la Bible et les Théilim. D-ieu n’abandonne jamais ses enfants. maintenant c’est le tabligh qui règne là bas avec le mot d’ordre : « la solution c’est l’Islam ». Déjà les gens avaient le choix entre l’Islam et le Shit… Je vous assure que d’en bas on ne voit pas le même paysage qu’en haut. on assiste à la révolte des « gens de peu » qui ont sué toute leur vie à payer leur pavillon de banlieue avec l’espoir que leurs gosses vivront mieux qu’eux et ce n’est pas cela qui se passe. Je n’ai pas de solution autre qu’un capitalisme inventif et populaire. Il y a assez de richesse pour tous sur cette planète. Faut-il préciser qu’en 3 ans de Michelin et 2 ans de Foyer de jeunes travailleurs je n’ai jamais rencontré un de ces politiques de gauche censés nous représenter (Rappelez vous tonton, Bérégovoy…) ou un syndicaliste ??? Bien trop occupés à rêver à Paris dans leur bulle. Avec mes livres je passe souvent dans des salons de province… le sentiment qui domine ? le RESSENTIMENT, la colère sourde face à l’incertitude. Les gens pensent et souvent à juste titre que les journalistes et les élites leur racontent des salades. Ce n’est pas un problème seulement d’argent (les gens ont un toit, des soins, des écoles et ils mangent) mais d’insécurité culturelle. Il suffira d’un bouffon de la télé pour fédérer leur colère. Et cette insécurité produira une violence sociale que personne ne pourra contenir avec la charia en embuscade. Voilà ce qui se passe. La réalité c’est que La majorité des Américains ont voté pour Hillary, pas pour Trump. Les valeurs de l’Europe et des US c’est la Torah que les chrétiens appellent la Bible laïcisées par les Lumières, rien à voir avec Trump ou la Bulle. WAKE UP !

  2. Je vous remercie de votre réponse – rejoignant plus ou moins les opinions d’un « ami sur Facebook » – mais je ne partage pas ces conclusions sur l’insécurité culturelle et la charia en embuscade. « Les valeurs de l’Europe et des US c’est la Torah que les chrétiens appellent la Bible laïcisées par les Lumières », c’est précisément la raison pour laquelle je me suis tourné vers la Torah pour connaître son message. Le problème est que si l’on n’est pas tombé dedans à sa naissance, il est plus/aussi difficile d’en saisir pleinement le message qu’au chameau de passer par le chas de l’aiguille…
    Il me semble que le véritable problème c’est la perte de respect, de considération de la spiritualité, du sacré. Le sacrilège n’existe plus, et l’on a la « Tribu Manson » qui se manifeste. C’est Ivan Karamazov, le Grand Inquisiteur, les Possédés qui triompheraient ! Pour certains Protestants, l’Apocalypse/Révélation n’est qu’un récit fantastique motivé par une situation politique dramatique au 1er siècle a.d. et pour vous-même, qu’en est-il ?

  3. J’ai lu avec intérêt votre article, et merci de citer Tocqueville qui avait en son temps noté que la démocratie ne peut pas être parfaite et ne le sera jamais.
    Par ailleurs , je ne crois pas a l’élection de Marine Le Pen , elle sera certes peut-être au second tour , mais notre mode de scrutin est différend de celui des Etats-Unis , en plus elle n’a pas d’alliés , pas de personnel politique compétent et son programme économique est débile.
    Sans minimiser la montée du FN, qui entrera en force au Parlement , il faut s’attaquer en premier à l’islamisation de la France, la perte de nos valeurs et aux problèmes des petites gens ,car la France n’est pas seulement composée de banlieues de grandes villes. Cela diminuera son électorat.

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