Seli’hot : Pourquoi la vérité nous échappe

Ange du jugement

Marc Chagall, L’ange du jugement

Emet

Parmi les 13 attributs divins donnés à Moïse en Ex 34, 6-7 la Vérité (EMET) est au centre.

Attributs de D-ieu

Elle est entourée deux fois par le ‘hessed, la bonté, la générosité comme nous l’avons déjà noté. La vérité est donc entourée de 2 fois 6 attributs. l’exclamation Ad-onaï, Ad- onaï ouvrant le vayavor pour attirer l’attention de l’auditeur sur ce qui va être dit :

Emet

Le cœur du mot Emet = aleph, mem, tav, est la lettre mem, la 13ème de l’alphabet hébraïque. 13, la valeur de ehad (un) et de ahava (l’amour), comme si l’Un était au cœur de la vérité au centre des 13 attributs divins.

La valeur de mem est 40, le nb de jours de selihot avant kippour, de jours au désert avant d’entrer en terre promise, de jours de Moché au Sinaï, de séa d’eau dans un mikvé. Un chiffre qui symbolise la naissance et la vie.

Alef est la première lettre de l’alphabet hébraïque tandis que Tav est la dernière. La vérité semble donc au début et à la fin de la vie de l’homme. Et la foi au milieu.

La racine de Emet permet de construire les mots : Amen « cela est vrai » et emouna « la foi ». Celui qui croit n’adhère pas à une vérité mais à la volonté de la chercher…

EMET (vérité) est l’anagramme d’Elohim Mélékh Tamid.

Si ma lecture est juste il doit y avoir une sorte de parallélisme de construction des 13 attributs : la clémence de D-ieu s’opposerait à la rébellion de l’homme, la lenteur à la colère de D-ieu aux 1000 générations de l’homme, le péché de l’homme à D-ieu

Il est bien évident que cet attribut de ‘hessed quoi entoure EMET, comme tous les autres attributs, qualifie moins D-ieu -dont nous ne savons absolument rien car il est transcendant, que l’attitude que nous devons avoir comme le souligne le Talmud :

Hama, fils de R. Hanina, a dit : Que veut dire le verset : « vous marcherez après le Seigneur votre Dieu? (Nb 35, 1) Est-il possible pour un être humain de marcher après la Chekhina (la présence de D-ieu en ce monde) ? ; N’est-t-il pas écrit : le Seigneur, ton Dieu, est un feu dévorant ? (Dt 4, 24). Mais [le sens est] de marcher selon les attributs du Saint, béni soit-Il. Comme il habille ceux qui sont nus, comme il est écrit : « Et le Seigneur Dieu a fait pour Adam et pour sa femme des manteaux de peau et les a vêtus» (Gn 3, 21), toi-aussi, habille celui qui est nu. Le Saint béni soit-Il rendit visite aux malades, car il est écrit : « Et l’Éternel lui apparut aux chênes de Mamré » (Gn 23, 1) [Abraham guérissait de sa circoncision], toi-aussi fait de même : visite les malades. Le Saint, béni soit – Il, réconforte les personnes en deuil, car il est écrit : « Et il arriva après la mort d’Abraham, que Dieu bénit Isaac son fils » (Gn 25, 11) toi aussi console ceux qui sont en pleurs. Le Saint béni soit-Il a enterré les morts, car il est écrit : « Et il l’a enterré dans la vallée » (Dt 34, 6), de même enterre les morts. (TB Sotah 14a)

Nous ne sommes que temps et espace et l’Omniprésent n’est rien de tout cela.

D-ieu est « D-ieu de vérité, le vrai juge » selon rabbi Akiba dans TB Berakkot 46b. Dans la maison d’une personne en deuil on dit donc : Baroukh Dayan ahemet « Béni sois – tu, Juge de Vérité.

Dans la liturgie, D-ieu est défini comme la Vérité : Adon-aï eloekhem Emet, L’Eternel votre Dieu est Vérité.

Nous sommes invités par la Torah à fuir le mensonge : Mi-devar cheker tirkha venaki vetsadik al taarog ki lo atsadik racha« Fuis la parole de mensonge, et ne frappe point de mort celui qui est innocent et juste, car je n’absoudrais point le méchant ». (Exode 23, 7), et aussi : « celui qui profère des mensonges ne subsistera pas devant Moi » (Ps 101), mais c’est D-ieu lui-même qui est la vérité in fine.

Mais d’un point de vue humain toute vérité ne semble pas bonne à dire et toute parole semble imparfaite, équivoque, approximative, pouvant prêter à lapsus- comme disent les psychanalystes, quiproquo ou mensonge délibéré. Les vérités scientifiques ne sont que des expressions mathématiques souvent provisoires, des interprétations théoriques valables dans un champs du réel.

L’homme doit donc chercher la vérité mais il est incapable de vivre dans un monde de pure vérité comme le montre cette anecdote talmudique.

La ville où les gens ne mentaient jamais

« Raba a dit : Au début, je pensais qu’il n’y avait pas de vérité dans le monde. Sur quoi l’un des rabbins, au nom de R. Tabuth a dit, d’autres disent au nom de R. Tabyomi – qui, même s’il avait reçu tous les trésors du monde, ne mentirait pas, et qu’il était venu dans une ville appelée Kushta (la vérité), dans lequel personne n’avait jamais raconté de mensonges, et où aucun homme n’était mort avant l’heure.

Maintenant, il a épousé une de leurs femmes, de qui il a eu deux fils. Un jour, sa femme était assise et se lavait les cheveux, quand un voisin est venu et a frappé à la porte. Se disant que ce ne serait pas décent [de lui dire que sa femme se lavait], il cria : « Elle n’est pas là. Ses deux fils sont morts [En punition pour cela].

Alors les gens de cette ville sont venus à lui et l’ont interrogé : « Quelle est la cause de ceci ? » Alors il leur raconta ce qui s’était passé. « Nous vous prions, répondirent-ils, quittez cette ville et n’attire pas la mort sur nous. » (TB Sanhédrin 97 a)

Vérité et langage

L’homme ne peut donc pas vivre dans un monde de pure parole vraie, celui-ci serait insupportable ; il est d’autre part inhérent au langage de porter en lui-même ses propres contradictions et il est probable que les vérités ultimes ne puissent être dites que dans un langage paradoxal. Toute conversation, élaboration d’une vérité commune momentanée entre deux êtres présuppose et vise une vérité qui la dépasse. D-ieu est donc quelque part dans le langage. Vérité. Mais il n’est pas le langage, il l’habite comme en creux, absent.

La conversation humaine présuppose D-ieu comme vérité originaire. Le Pirké avot le résume de manière lapidaire :

« Toute controverse qui a vocation d’honorer les Cieux connaîtra un aboutissement perdurable ; et celle qui n’a pas vocation d’honorer les Cieux ne connaîtra pas d’aboutissement perdurable. Quelle est la controverse qui a vocation d’honorer les Cieux ? C’est la controverse entre Hillel et Chammaï. Et celle qui n’a pas vocation d’honorer les Cieux ? C’est la controverse entre Kora’h et toute sa faction. » (Pirké Avot 5, 17)

Le langage a une étrange capacité, celle de dévoiler et de cacher la vérité tout à la fois. Nous parlons et évoquons le réel via des phonèmes, des chaines d’expression qui visent et décrivent le réel qui nous semble commun. Cette foi dans le langage prend racine dans la nomination paternelle si l’on en croit les psychanalystes. L’inscription dans le champs du langage fonde le fait que l’enfant s’inscrit dans le cycle des générations et donc le temps. Le temps créé par Dieu nous précède toujours.

Le rapport à la vérité fonde le langage humain qui reste un point de vue, une approximation, un fragment de vérité.

On trouve chez Orwell d’étranges échos de la Torah et de ce que nous avons dit. Syme, qui travaille au Service des Recherches du Ministère de la vérité d’un Etat totalitaire contrôlé par Big Brother y dit ceci:

« C’est une belle chose, la destruction des mots. Naturellement, c’est dans les verbes et les adjectifs qu’il y a le plus de déchets, mais il y a des centaines de noms dont on peut aussi se débarrasser. Pas seulement les synonymes, il y a aussi les antonymes. Après tout, quelle raison d’exister y a-t-il pour un mot qui n’est que le contraire d’un autre ? Les mots portent en eux-mêmes leur contraire. Prenez « bon », par exemple. Si vous avez un mot comme « bon » quelle nécessité y a-t-il à avoir un mot comme « mauvais » ? « Inbon » fera tout aussi bien, mieux même, parce qu’il est l’opposé exact de bon, ce que n’est pas l’autre mot. Et si l’on désire un mot plus fort que « bon », quel sens y a-t-il à avoir toute une chaîne de mots vagues et inutiles comme « excellent », « splendide » et tout le reste ? « Plusbon » englobe le sens de tous ces mots, et, si l’on veut un mot encore plus fort, il y a « double-plusbon ». Naturellement, nous employons déjà ces formes, mais dans la version définitive du novlangue, il n’y aura plus rien d’autre. En résumé, la notion complète du bon et du mauvais sera couverte par six mots seulement, en réalité un seul mot. Voyez-vous, Winston, l’originalité de cela ? Naturellement, ajouta-t-il après coup, l’idée vient de Big Brother. (Orwell, 1984)

Le Rav Kook dit ceci :

« On traduit d’habitude ‘emet’ par le mot ‘vérité’ – il n’y a que Dieu qui la détient. Plus on se rapproche de Dieu, plus on s’efforce de connaître la volonté de Dieu, et plus on se rapproche de la vérité. Personne ne peut détenir la vérité absolue, un être humain ne peut percevoir et dévoiler qu’un aspect de la vérité. » ( source ).

Seul D-ieu est vérité. Nous ne disons ni n’écrivons son NOm pour préserver sa position d’en-dehors du langage. En hébreu les seules lettres qui ne prennent pas de voyelles sont celles du tétragramme divin. On est donc toujours en train de lire le nom de D-ieu comme en creux.

D-ieu a jeté la vérité sur la terre

On retrouve ce lien entre ‘hessed (générosité) et vérité (emet) dans le midrach :

« Parole de Rabbi Simon : quand le Saint-béni-soit-Il s’apprêta à créer le premier homme les anges du service ne furent que factions et clans : « crée le, lançaient les uns ! », « ne le crée pas lançaient les autres ! » ainsi qu’il est dit (Psaumes. 85.11): « Générosité (‘hessed) et vérité se sont approchées, justice et paix se sont embrassées. » La Générosité (‘hessed) a déclaré : « qu’il soit créé, car il pratique la générosité. La vérité (emet) a déclaré : qu’il ne soit pas créé, car il est tout entier mensonge. La justice a dit : qu’il soit créé car il accomplira des actes de justice. La paix déclara : qu’il ne soit pas créé, car il est tout entier conflit ».

Que fit le Saint-béni-soit-Il ? Il se saisit de la vérité et la jeta à terre ce qu’exprime le verset : « il jeta la vérité à terre » (Dn 8, 12). Alors les anges de service protestèrent devant le Saint-Béni-Soit-Il: « Maître du monde, comment peut tu humilier ton sceau de vérité ? ». Il répondit : « que la vérité lève de terre » comme il est écrit (Psaumes 85) : « que la vérité pousse de la terre ».

Paroles des Rabbis au nom de Rabbi Hanina bar Idi, Rabbi Pinhas et Rabbi Helkia au nom de Rabbi Simon : MeAuD (extrêmement) c’est ADaM (l’homme) car il est écrit (Genèse 1.31): « Dieu examina tout ce qu’il avait fait c’était extrêmement (MeAuD) bien » (En hébreu « extrêmement » correspond à l’anagramme de « Homme » ce qui est mis en évidence dans le verset qui qualifie la création de l’Homme d’ « extrêmement bien ») et voici que « bien » (dont il est précisément question dans ce verset) c’est l’homme. Rav Houna de Sephoris a dit : alors que les anges débattaient, le Saint-béni-soit-Il, créa l’homme. Puis Il leur dit : « Pourquoi débattre, alors que nous avons fait l’homme ». (Genèse Raba 8, 5)

Le Maharal de Prague commente ainsi ce midrach :

« Ce passage du Midrach est très étonnant. Cette idée que Dieu jeta la Vérité à terre, et bien qu’elle ait été jetée à terre en fin de compte elle a quand même affirmé que l’Homme ne doit pas être créé et si Dieu n’avait pas voulu tenir compte des paroles de la Vérité pourquoi l’a-t-il consultée ? Car ce commentaire du Midrach porte sur le verset « faisons l’Homme à notre image » c’est-à-dire qu’il soit créé selon les valeurs de la Générosité (‘hessed), de la Vérité (emet), de la Justice (tsedek) et de la Paix (chalom) et sous prétexte que la Vérité a dit quelque chose de juste elle doit être jetée à terre ? Le Midrach conclut ainsi : Dieu jeta la Vérité à terre.

Cela veut dire qu’il a donné la Vérité à la terre (et non pas comme on pourrait le croire, qu’il aurait simplement supprimé la Vérité). Car la Torah est une loi de Vérité plus que tout, c’est pour cela qu’elle est appelée « Torat emet » (Tora de Vérité) et c’est par la Torah qui est la sagesse intellectuelle véritable que l’Homme accède à la Vérité. Et même si tout Homme est mensonge, il y a tout de même une perspective de Vérité des plus élevées qui est la Torah et qui ne trouve pas même d’équivalent parmi les anges. Et du fait que l’Homme est préparé par la Torah dans cette recherche de Vérité, la Vérité est présente sur terre, et c’est pourquoi du point de vue de la Torah l’Homme mérite d’être créé. Et alors les anges ont dit: « pourquoi mépriser ce qui t’appartient en propre ? » c’est-à-dire ton objet c’est la Torah qui vient d’En-Haut, tu la déshonores en la jetant sur terre qui relève de l’En-Bas. Et Dieu répondit alors : « que la Vérité se lève de la terre » car la Tora n’est pas vraiment sur terre mais l’Homme qui possède la Torah participe de l’En-Haut par cette Tora qui en fait partie. A partir de là, la Paix ne peut plus non plus plaider contre la création de l’Homme car tout son plaidoyer était basé sur la violence humaine mais tout ce discours ne vaut que pour l’Homme sans Torah car la Torah ouvre des voies de douceur et de paix ainsi il est dit « Les Sages multiplient la paix dans le monde ». (Maharal de Prague, les sentiers de l’éternité, sentier de la Torah, ch 3)

La vérité vient des cieux et l’homme n’est que mensonge. Mais l’homme est comme un arbre qui pousse et la vérité peut germer en lui s’il grandit vers le ciel et entend la Torah. Une torah qui n’est pas « dans les cieux » que l’homme ne puisse aller la chercher au-delà de ses forces mais qui est « tout prêt de toi, dans ta bouche et dans ton cœur pour que tu la mettre en pratique ». Une vérité qui n’est donc pas théorique mais pratique, concrète réalisable par l’homme.

Là où il n’y a pas de justice il n’y a pas de société humaine

La seule obligation positive qui relie les beni noah et les juifs est d’établir des tribunaux, d’établir des juges (dayanim) et des magistrats (choftim). Là où l’on ne cherche pas la vérité il n’y a pas de justice. Là où il n’y a pas de tribunaux il n’y a pas d’Etat.

Le juge rabbinique selon le traité Sanhédrin et la Torah est d’abord celui qui cherche le vérité (d’où les 2 ou 3 témoins et l’absence de valeur du témoignage d’un seul témoin de la paracha Choftim de ce Chabbat).

Maïmonide explique la notion de justice (din) comme signifiant un pouvoir qui fait régner la justice et l’équité. Il poursuit par l’interprétation du concept de EMET qu’il comprend comme signifiant le niveau intellectuel et de réflexion de la société (maaloth si’hilioth). Le niveau de recherche de la Vérité dans une société est donc directement corrélé à la justice sociale. Pas d’Etat sans vérité.

Et pourtant le traité Sanhédrin du Talmud nous avertit :

« Nos maîtres nous ont enseigné : ‘Quel est le jugement dans lequel se trouve la paix (chalom) ? C’est le compromis’ » (TB Sanhédrin 6b).

Deux demi-vérités (un compromis) valent-elles une vérité ? Est-ce le prix du Chalom ? Sa complétude (ce que signifie le chalom) suppose la complémentarité de vérités restreintes.

Le Pirké Avot dit :

« Rabban Shim’on fils de Gamliel dit : le monde tient sur trois choses : sur le droit, sur la vérité et sur la paix, comme il est dit : « Vérité et sentence de paix, tels doivent être vos jugements entre vos portes » (Zacharie 8, 16) » (Pirké avot 1, 18)

 

Le Rambam (Maïmonide) commente cela :

« Le droit (דין), c’est le fait qu’une société fonctionne sur la base de la justice. Et nous avons déjà expliqué dans le quatrième chapitre de l’Introduction au traité Avot que la vérité est une vertu intellectuelle et la paix une vertu morale. Et lorsque sont atteintes ces trois élévations, l’existence est alors la plus parfaite possible sans le moindre doute ni la moindre contestation. » (Moïse Maimonide, Commentaire du Pirké Avot)

Dans 1984 Georges Orwell écrivait :

« A une époque de supercherie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire. »

Vérité et justice

Y a-til une contradiction entre le hessed et la justice (tsedaka) ?

« Rav Houna a soulevé une contradiction entre les deux moitiés d’un verset. Il est écrit: « Le Seigneur est juste [ tsadik ] dans toutes ses voies » ( Ps 145, 17 ), indiquant que Dieu agit conformément à l’attribut de la justice stricte [ tsedek ], et alors il est écrit dans le même verset: « Et bon [ hassid ] dans toutes ses œuvres », impliquant qu’il agit avec grâce et bienveillance, allant au-delà de la lettre de la loi. Rav Huna a expliqué : Au début, au moment du jugement, il est juste, mais finalement, au moment de la punition, Il est gracieux. » (TB Sanhédrin)

D-ieu seul juge. Il est le souverain suprême. Son jugement nous échappe car sa puissance de vérité surplombe l’humanité et très curieusement se situe comme en « contre plongée » :

« A chaque fois que tu trouves mention dans l’Ecriture de la puissance de Dieu, tu trouveras aussi mention de son humilité. Il est écrit ainsi dans la Torah : « Car l’Eternel votre Dieu est le juge suprême, le seigneur des seigneurs, le Dieu grand, puissant et redoutable », et il est écrit juste après : « Il rend la justice à la veuve et à l’orphelin, il aime l’étranger et lui donne le pain et le vêtement. » (Deutéronome 10:17) » (TB Meguila 31a)

Tzedek, tzedek tirdof, « C’est la justice, la justice que tu dois chercher si tu veux rester en possession de ce pays que l’Éternel ton D-ieu te destine. » (Paracha Choftim, Dt 23, 20)

C’est la vérité, la vérité que nous devons poursuivre même si nous ne l’attrapons pas ; cette vérité dont l’existence présuppose toute conversation humaine. Car comment parlerions-nous si tout n’était que mensonge ?

Le Tana debe Eliyahou (une ancienne source midrashique) dit que quiconque prend soin de dire des mots de vérité recevra un malach (un ange) qui lui montrera la vérité. Celui qui dit des Sheker (mensonges) recevra un ange qui le trompe.

La vérité partagée ou confisquée

Mais le plus dur dans la recherche de la vérité est probablement d’accepter de le point de vue de l’autre sans renoncer forcément à ce qu’on est… et parfois de renoncer à tout ce que l’on croyait comme surement établi… tout en cherchant fermement la vérité.

« Parce que les disciples de Hillel étudiaient aussi l’opinion de leurs adversaires, leurs conclusions portaient une plus grande marque de vérité ». (TB Eruvin, 13 b)

Cette recherche rend finalement tolérant. Nous ne sommes que des parcelles de vérité.

Mon ami Gérard Haddad a qui je dois tant a écrit un très bon livre que je vous conseille de lire : « Dans la main droite de Dieu » aux Editions « Premier Parallèle », une Psychanalyse du fanatisme.

Gérard descend du Sinaï ( 😊) et nous délivre les lois du fanatisme :

1ere loi : Est fanatique celui qui se croit détenteur de la Vérité

2ème loi : Le fanatique cherche à tout prix à universaliser

3ème loi : Le fanatique se croit chargé de la mission de détruire ceux qui ne partagent sa vérité pas, dans une visée millénariste délirante d’abolition des tensions permettant d’arriver à la fin de l’histoire.

Pour lui « la rivalité entre frères, [est la] conséquence de l’aliénation du sujet à son insatisfaisante image spéculaire ». Géarard Haddad affirme à la suite de la Torah que la violence fraternelle prime le conflit oedipien (l’enfant qui voudrait tuer son père). Cette jalousie fraternelle originaire et structurelle nourrit une violence meurtrière. L’histoire et les mythes sont pleins de ces fratricides : Abel et Caïn, Ismaël et Japhet, Ésaü et Jacob, Joseph et ses frères, Romulus et Remus,…

La techouva est la seule solution à cette « prison de l’âme ».

Celui qui croit détenir la Vérité se tient à la place de Dieu. Il est l’idolâtre parfait qui va faire de son point de vue un Etat totalitaire comme Hitler- que son nom soit effacé, Staline-idem ou Pol Pot-ibid. Le slogan devient alors vérité ultime, la bien-pensance et les idées toutes faites un mantra, la novlangue un nouveau langage où la vérité est confisquée. Miniver, le Ministère de la vérité de 1984 d’Orwell est en fait celui de la propagande.

 

 

3 commentaires sur « Seli’hot : Pourquoi la vérité nous échappe »

  1. Dans l’une de ses nouvelles, Soljenitsyne raconte comment une parole douce peut briser un os, et qu’une parole dure appelle la colère. La techouva peut-elle transformer les brutes en intelligences éclairées porteuses de paroles douces ?

  2. « Et l’Éternel lui apparut aux chênes de Mamré » (Gn 23, 1)
    correction
    « Et l’Éternel lui apparut aux chênes de Mamré » (Gn 18, 1)

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