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Quelques réflexions sur le Shabbat

Welcoming_the_shabbat_2La tradition juive glose à l’infini sur le temps intermédiaire qui sépare le temps de la semaine de celui du shabbat, le temps profane du temps sacré. On trouve dans le Talmud Jérusalem dans le traité Berakhot (Talmud de Jérusalem Berakhot 1, 1) des discussions qui évoquent ce fameux « temps intermédiaire » où arrive le shabbat entre chien et loup, entre une et trois étoiles dans le ciel.

Rabbi Hanina précise que ce temps intermédiaire commence à partir du moment où le soleil commence à baisser, c’est alors le temps qu’il faut à un homme pour descendre du sommet du mont Carmel à la mer pour se baigner, il est alors certain qu’il s’est baigné pendant le jour.

D’autres disent que ce temps intermédiaire qui sépare la semaine du shabbat dure le temps qu’une goutte posée sur le fil d’une épée se sépare en deux.

D’autres enfin disent que « le crépuscule ne dure qu’un clin d’œil… mais on ne les écouta pas » dit le Talmud de Jérusalem.

Les analogies sont multiples : on dit le shabbat arrive, mais c’est comme lorsqu’un roi a quitté son palais, à partir du moment où il quitte son trône on dit « le roi est parti » alors qu’il n’a pas encore franchi les portes du palais, de même pour le shabbat.

Ce sont tous ces détails, ces limites (havdala, limites entre l’espace privé et public, porte de la maison et des villes dans le Chema) qui permettent à tout juif religieux de prendre conscience de sa position de créature. Par la limite on peut retrouver son âme. La Havdala est la prière de sortie.

L’Exode explique (31, 17) :

Entre moi et les enfants d’Israël c’est un symbole perpétuel, attestant qu’en six jours, l’Éternel a fait les cieux et la terre, et que, le septième jour, il a mis fin à l’œuvre et s’est reposé.( שָׁבַת וַיִּנָּפַשׁ  shabbat vayinafach) »

« shabbat vayinafach« , « Il s’arréta le septième jour », vient de nefesh (âme), Rachi commente :

Et Il s’est reposé (vayinafach) Ainsi que le rend le Targoum Onqelos. Le mot nofèch, tel qu’il est employé ici, se rapporte toujours à l’idée d’une « âme » (nèfèch) : On reprend son âme et son souffle en se reposant de la fatigue du travail. Celui dont il est écrit : « Il ne se fatigue ni ne se lasse » (Yecha’ya 40, 28) et dont toute l’œuvre s’est accomplie par Sa simple parole, a cependant inscrit dans la Tora le mot de : « repos » à Son propre sujet. C’est pour rendre accessible à l’oreille humaine ce qu’elle est apte à comprendre.

ll s’agit donc moins d’un jour de repos qu’un jour de retour au calme yom menouha, de retrouver son âme  par l’arrêt des « travaux conscients » de la semaine :

Il y a 39 principes de travaux : semer, labourer, moissonner, mettre en gerbe, battre (le blé), vanner, trier, moudre, tamiser, pétrir, cuire, tondre la laine, la blanchir, la carder, la teindre, filer, ourdir, tisser deux fils, couper deux fils, nouer, dénouer, coudre deux coutures, déchirer en vue de recoudre, capturer un cerf, l’abattre, le dépecer, le saler, tanner sa peau, la frotter, la découper, écrire deux lettres, effacer [un parchemin] de quoi y écrire deux lettres, construire, détruire [pour reconstruire], éteindre, allumer, frapper avec un marteau, transférer d’un domaine à un autre. ( Mishna, Shabbat , 73a.)

Les 39 travaux interdits sont structurés par les travaux nécessaires à la construction du Tabernacle. Les travaux interdits sont l’envers de ceux de la construction du Tabernacle au désert, le mishkan, la tente de la rencontre. Ils indiquent les différents melekhet mahachevet-  (« travail conscient ») interdits à sahbbat mais utiles à la construction et au fonctionnement du culte. Il s’agit donc d’une prise de conscience de notre condition d’être créé à Shabbat.

Ces travaux  se répartissent donc en 3 catégories de 13 :

–  les interdits concernant la fabrication de la nourriture : les pains de proposition dans le texte biblique ;
–  les interdits concernant la confection de vêtements : le tissu qui recouvrait le tabernacle,
–  les interdits concernant la fabrication de la maison : de la charpente aux cordages de la tente, demeure de Dieu au désert.

Et ailleurs le TJ dit :

« Souviens-toi du jour du shabbat et sanctifie le », aux mots « que tu te souviennes »,
Rabbi ajoute : ce précepte du shabbat équivaut à tous les autres, car il est écrit : « Tu leur as fait connaitre ton saint shabbat, tu leur as ordonné des commandements et des lois, etc. » ; cela démontre qu’il équivaut à toute les prescriptions religieuses. (Talmud de Jérusalem, Berakhot 1,8)

« Et toi, parle aux enfants d’Israël en ces termes: Toutefois,
observez mes sabbats car c’est un symbole de moi à vous dans toutes vos
générations, pour qu’on sache que c’est Moi, l’Éternel qui vous
sanctifie. » (Ex 31, 13)

La sainteté (quedoucha) expose l’homme à la transcendance de D., quand la bénédiction (berakha) lui révèle son immanence en ce monde.

En renonçant à mon pouvoir de transformation du monde je fixe une limite à ma puissance. Je sépare le temps profane du déploiement de l’être pour accepter une autre puissance, une limite. La discussion sur le shabbat, à perte de vue, est donc une réflexion sur le temps et sur l’être, les deux catégories de la finitude… pour ne pas « traverser la vie comme une mouche » comme dit le rabbin Haïm Harboun.

Le Talmud raconte que rabbi Pinh’ass ben Yair avait une vache qui refusait de travailler le jour de shabbat. Un non juif qui la lui acheta essaya de la faire se lever un jour de shabbat. Rien à faire, la vache ne désirait pas travailler ! L’homme, frappé d’une telle piété… rendit grâce au Ciel… et se convertit au judaïsme.

Evidement on peut douter de l’historicité de ce récit car le Talmud raconte aussi que le même Rabbi Pinh’ass ben Yair avait un âne exceptionnel qui savait reconnaitre une nourriture casher d’une non-casher et refusait de manger ce qui n’était pas conforme à la halakha…


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