Français juifs, combien sommes-nous ? ; Etude : Avez-vous un grand-parent juif ?

Qui est juif ? une question qui remonte à Mathusalem…

Dans le cadre de ses recherches post doctorat, le Docteur Yaël Touati de l’université de Strasbourg et son équipe proposent un questionnaire anonyme s’adressant aux personnes majeures en France ayant au moins un grand parent juif et au moins un autre qui ne l’est pas. (voir ici : www.racinesjuives.fr)

Il les compte parcequ’il les aime (Rachi)

Rachi commentant le premier verset du Livre de Chemot (L’Exode) en se demande pourquoi l’Éternel fait le recensement d’Israël et compte ses enfants avant et après leur mort et Rachi répond : il les comptes pour montrer combien il leur est attaché. Bref, il les compte parcequ’il les aime.

Quand on se pose cette question tout à fait banale, « Combien y-a-t-il de juifs en France ? » on obtient les réponses les plus fantaisistes.

Chat GPT4 répond :

« Je n’ai pas accès aux données démographiques en temps réel, mais selon les estimations disponibles jusqu’à septembre 2021, la population juive en France était d’environ 450 000 à 500 000 personnes »

On a peu de chiffres d’abord parce que les statistiques ethniques sont interdites et France, ensuite parce que toute la question est de savoir « qui est juif ? », une question aussi vieille que le judaïsme,  et selon quels critères… Toute personne qui se déclare comme telle ? des personnes se déclarant de confession juive ? Une personne née de mère juive ou juive par conversion (Halakha) ? Une personne ou « ayant au moins un parent d’origine juive » ? un grand-parent juif ?

L’équipe du Docteur Yaël Touati s’interroge sur les personnes ayant juste un grand parent juif.

(Cf. www.racinesjuives.fr) ?

Si on demande à Chat GPT « Qui est juif en France ? » :

« Votre question est assez vague et pourrait être interprétée de plusieurs manières. Si vous voulez savoir combien de personnes en France sont juives, il est difficile de donner une réponse précise. Selon les estimations, la France a la plus grande population juive en Europe et la troisième plus grande au monde, avec environ 500 000 à 600 000 personnes. »

Alors 65 000 ? 500 000, 450 000 ? Plus ?

Judaïsme en France, combien de divisions ?

On se rappelle la réponse ironique de Staline à Laval : « Le pape, combien de divisions ? ». Staline aurait dû se méfier car quelques années plus tard l’Empire soviétique s’effondrera grâce à un certain Karol Wojtyla à partir des chantiers naval de Gdansk.

La parole juive est semblable. Résumée par Freud : « La voix de la raison ne saurait se taire qu’elle n’ait été entendue ». Mais combien y-a-t-il de juifs en France ?

Depuis longtemps, les travaux démographiques de Doris Bensimon, Sergio Della Pergola ou Erik Cohen apportent des connaissances chiffrées sur les Juifs de France.

Jérôme Fourquet, directeur du département « opinion et stratégies d’entreprise » à la SOFRES et Sylvain Manternach ont mené une analyse statistique par échantillonnage[1] et ils résumaient en 2016 dans « L’an prochain à Jérusalem » (Éditions de l’Aube et Fondation Jean-Jaurès) :

« Les personnes se déclarant de confession juive (qu’elles soient pratiquantes ou non) représentent ainsi 0,6 % de la population française et ceux ne se déclarant pas de confession juive mais comme ayant au moins un parent juif, 1 %. Ces deux groupes « pèsent » donc au total 1,6 % de la population, soit environ 770 000 personnes de 20 ans et plus : 290 000 de confession juive et 480 000 ayant au moins un parent juif mais ne se déclarant pas de confession juive. »

Ajoutant :

« Nous avons choisi d’inclure dans le périmètre de notre population étudiée les personnes ayant au moins un parent juif car l’analyse des résultats a montré que, bien que ne se déclarant pas de confession juive, elles étaient assez proches en termes de ressenti, d’opinions et de vécu des interviewés de religion juive, même si des différences se font jour sur certains sujets, cet univers correspondant assez bien à la notion de « population juive élargie » évoquée par Sergio Della Pergola. »

Les personnes ayant un grand-parent juif sont plus proches de la sociologie de la population française avec un rapport à l’identité juive, au lien avec Israël plus ténu et se sentant moins concernés par l’exposition à des actes antisémites selon Fourquet.

Si on se réfère à la JewishData Bank de Sergio DellaPergolla on retrouve à peu prés les mêmes chiffres… avec 448 000 français juifs en l’an 2000 .

Mais la population des français juifs a probablement baissé d’environ 20% depuis, selon Sergio DellaPergolla :

« 80 000 et 100 000 juifs qui ont quitté la France ces dernières années »

Source

La France est la seconde diaspora mondiale, la plus nombreuse population juive d’une Europe qui s’est vidée de ses juifs . Elle a aussi la première population musulmane d’Europe si l’on en croit le Pew Research Center.

Qui est « juif » ?

Une très grande part de la population juive, presque un demi-million de personnes donc, en France, semble assez loin des institutions du judaïsme.

Je ne parle pas des marranes, ces personnes comme moi on découvert leurs racines juives par la généalogie d’Espagne ou les usages familiaux après plusieurs siècles et se sont convertis, ou pas. Mais des juifs ‘culturels’ qui se reconnaissent comme tel et ont parfois des noms juifs ou pas.

Un demi-million de personnes dans la nature.

Le Talmud a une vision plus restrictive et plus large de l’identité juive. Il dit :

Tout homme qui renie l’idolâtrie est appelé yehoudi (juif)

Talmud de Babylone, Méguila 13 a

Si l’on en croit le Traité Meguila, être « juif » (yéhoudi) consiste en un seul principe : renier l’idolâtrie. Maïmonide souligne la centralité du renoncement à l’idolâtrie, il explique dans le Guide des Egarés que « le but principal de la Loi est d’extirper l’idolâtrie » ( Guide des égarés, III, 30)… Une question non pas d’identité mais de comportement. Pour discussion…

————————————————————————-

ETUDE ANOMYME : Si vous avez au moins un grand parent juif et un autre qui ne l’est pas répondez à cette étude si vous le désirez : www.racinesjuives.fr


[1] « Hormis l’évaluation précise du poids d’une catégorie dans la population générale, travailler à partir de gros échantillons présente un autre avantage. Il est ainsi possible de disposer de bases statistiques suffisamment solides même pour les segments les plus étroits de la population française comme c’est le cas ici. Avec un sous-échantillon de 724 individus se déclarant de confession ou d’origine juive, il a été possible de dresser un portrait sociodémographique de cette population. » (Fourquet)