« Certains acquièrent le monde futur en une seule heure, et d’autres s’y attellent durant de nombreuses années ! »

Le pouvoir de la techouva est sans limite, une tragique et magnifique histoire, comme le raconte l’histoire d’un « Rabbi » qui avait connu toutes les prostituées du monde dans le traité du Talmud Avoda Zara (17a).

On disait de « Rabbi » Elazar ben Dourdaya qu’il n’y avait pas une prostituée au monde avec laquelle il n’avait eu de relations.

Un jour, il apprit qu’il en existait une dans un port lointain, qui prenait pour salaire toute une bourse de dinars.

Il prit une bourse de dinars et traversa sept fleuves pour arriver jusqu’à elle.

Comme il discutaient ‘l’affaire’, elle dit : « De même que le vent ne revient jamais d’où il est sorti, le repentir d’Elazar ben Dourdaya ne sera jamais accepté ».

Il s’assit entre deux montagnes et deux collines et déclara: « montagnes et collines, intercédez (priez la miséricorde – rakhamim) en ma faveur » . Elles lui dirent: Avant de prier pour ta miséricorde , nous devons prier pour notre miséricorde , ainsi qu’il est écrit : «Car les montagnes peuvent partir et les collines être enlevées» ( Isaïe 54, 10 ). Il déclara: « montagnes et collines, intercédez en ma faveur » . Elles lui dirent: Avant de prier pour ta miséricorde , nous devons prier pour notre miséricorde , ainsi qu’il est écrit : « Car les cieux disparaîtront comme de la fumée, et la terre deviendra vieille comme un vêtement » ( Isaïe 51, 6 ).

Il continua : « Soleil et lune, intercédez pour moi » . Ils lui répondirent: Avant de prier pour ta miséricorde, nous devons prier pour notre miséricorde , car il est écrit: «Alors la lune sera confondue et le soleil honteux» ( Isaïe 24, 23 ).

Il dit: « Étoiles et constellations, priez pour moi » . Elles répondirent: « Avant de prier pour ta miséricorde , nous devons prier pour notre miséricorde » , comme il est dit: «Et toutes les armées du ciel seront couvertes de moisissures» ( Isaïe 34, 4 ).

Alors il conclut : « La chose ne dépend que de moi seul ».

Il plaça sa tête entre ses genoux et éclata en sanglots si violents qu’il rendit l’âme.

Une voix céleste annonça : « Rabbi Elazar ben Dourdaya est destiné à la vie du monde à venir ». Lorsque’il entendit cette histoire Rabbi [Yehuda Ha Nassi] pleura en disant : « Certains acquièrent leur monde futur en une seule heure, et d’autres s’y attellent durant de nombreuses années ! ».

Et Rabbi [Yehuda Ha Nassi] ajouta : « Non seulement les pécheurs repentants sont bien accueillis, mais on va même jusqu’à leur donner le titre de Rabbi ! ».

NB : La Guemara explique la difficulté présentée par cette histoire: Et ici, Elazar ben Durdayya était coupable du péché de relations sexuelles interdites, et pourtant il mourut après s’être repenti. La Guemara répond: Là aussi, puisqu’il était si attaché au péché, dans une mesure qui transcendait la tentation physique qu’il ressentait, c’est semblable à l’hérésie, car c’était devenu comme une forme de culte idolâtrique pour lui.

et la Guemara continue :

 » Rabbi Tanina et Rabbi Yonatan marchaient long de la route lorsqu’ils se trouvèrent à un croisement de chemins : l’ un se dirigeait vers l’entrée d’ un lieu du culte des idoles, et l’autre vers l’entrée d’une maison close. L’un a dit à l’autre: « Allons par le chemin qui mène à l’entrée du lieu de culte des idoles » . Mais comme l’inclination au culte des idoles avait été détruite en eux, l’autre répondit : « Allons par le sentier qui mène à l’entrée de la maison close et maîtrisons notre inclination pour recevoir une récompense » . Quand ils arrivèrent là-bas, ils virent que les prostituées rentraient dans le bâtiment par respect pour les Sages.

Le premier demanda : D’où savais-tu que les prostituées se retireraient devant nous avec embarras? Il lui dit : Il est écrit:  » Puisse la réflexion [ mezimma ] être ta sauvegarde et la raison ta protection! Ainsi tu seras préservé … » ( Proverbes 2, 11 ), (c’est-à-dire que la Torah servira de protection contre l’impudicité). « 

Est omis le verset 16 de Pv 2 qui continue : « Leatsilékha mehisah zara : Tu seras sauvé de la femme étrangère (isha zara comme avoda zara : culte étranger), minakhéria amaréyia ekhélikha du genre aux paroles mielleuses »

La guemara continue :

Les Sages ont dit à Rava: Quelle est la signification de mezimma ? Si nous disons que cela fait référence à la Torah qui vous gardera, comme il est écrit: « Zimma » ( Lévitique 18, 17 ), et nous traduisons ce terme par: Le conseil de [ Atzat ] les pécheurs, démontrant que zimma fait référence au conseil ou à la sagesse, et le terme etza est également écrit à propos de la Torah: «Cela vient aussi du Seigneur des armées: Son conseil est merveilleux [ etza] et sa sagesse est grande » ( Isaïe 28, 29 ), cela est difficile.

La Guemara explique la difficulté: Dans ce cas, le verset aurait dit: Zimma , et non mezimma .

Voici plutôt ce que dit le verset : «De la matière obscène [ midevar zimma ], il veillera sur vous, la Torah vous gardera , c’est-à- dire que le terme discernement est une référence à la Torah.

D-ieu peut-il souffrir ?

La guémara du Traité Sanhédrin raconte une histoire étrange :

Rabbi Meir dit  le pasouq «car celui qui est pendu est une malédiction (kilelat) de Dieu» doit être comprise comme cela : Quand l’ homme souffre à la suite de son péché (suite à une pendaison), quelle expression la Présence Divine (Chekhina) utilise-t-elle? Ma tête est trop lourde [kallani] mon bras est trop lourd, ce qui signifie que moi aussi je souffre lorsque les méchants sont punis. Il en découle que si le Lieu (A Maqom-  D.ieu) souffre à cause du sang des méchants (quand il est versé et qu’ils méritent d’être punis), a fortiori le sang des justes. (TB Sanhédrin 46 a)

Cette guemara exprime à quel point il est douloureux pour D.ieu lorsque ses enfants souffrent, même s’ils méritent d’être punis pour leurs iniquités, comme un père déplorerait la douleur de son fils pécheur.

Kalonymus Shapiro

Elle m’a été suggéré par le rabbin Kalonymus Shapiro (1889–3 November 1943), Rabbin au Ghetto de Varsovie (dont il faut lire l’excellente biographie par Catherine Challier) a relu cette phrase en disant que non seulement l’Omniprésent se « contracte » pour que l’homme ne soit pas pulvérisé par sa présence et qu’il le cherche mais aussi qu’il y a en Dieu de l’empathie pour sa créature et qu’il se « contracte » face à l’injustice. Les mots utilisés : « tête lourde, bras lourds » sont bien sûr des allégories, le Lieu n’a ni tête ni bras ! 

Il ne s’agit pas d’une réflexion d’un intellectuel au chaud, mais celle d’un homme qui essaie de comprendre la souffrance injuste des innocents qui évidement n’a aucune réponse en ce monde. le rabbin Kalonymus Shapiro voit alors mourir autour de lui les enfants, les nazis procéder chaque jour à des exécutions sommaire et procéder à des sélections dans la nasse du Ghetto de Varsovie.

C’est la réflexion d’un homme qui se demande comment rester un juste et garder foi dans le D.ieu d’Israël quand seul reste l’argument de survie. Une foi qui restera forte et inébranlable chez lui et qui a continué à inspirer les autres jusqu’à la fin de sa vie. Il a vécu toutes les étapes du ghetto: sa fermeture à l’automne 1939, le typhus de l’hiver 1941, les déportations massives vers Treblinka de l’été 1942 et la révolte héroïque d’avril 1943. Il fut finalement déporté dans un camp de travail et fusillé en novembre 1943, probablement après une tentative de soulèvement.

Il nous reste de lui le Aish Kodesh (le feu sacré), un mince volume qui présente ses derachot lors de rassemblements clandestins de la Sé’oudah chlichit . (une conférence ici

« Mon fils que cherches-tu ? » « Tu as posé une question importante »

Blessing

Il n’y a pas de question idiote. Chacun de nous devrait vivre cet instant sur terre comme le dernier et la simple question d’autrui comme un miracle. Celui qui pose une question à un autre manifeste leur humanité commune. Est père celui qui est engendré par la question de son fils. Est maître celui qui est capable de s’enrichir de la question de n’importe quel passant.

« Ben Zoma disait : Qui est sage ? C’est celui qui apprend de chaque homme » nous dit le Pirké Avot (4,1)… est Sage (Hakham) et non pas le savant ou celui qui a la tête bien remplie comme on pourrait le croire et dispenserait généreusement son savoir… mais celui qui s’enrichit des questions des autres.

Une anecdote talmudique rapportée au traité Chabbat 30b-31a raconte cette patience paternelle du Sage Hillel ou premier siècle que le Pirqé Avot caractérise par une de ses citations : ‘‘Aime les créatures et amène-les à la Torah” (1,12) :

« On raconte que deux hommes avaient fait un pari. Ils dirent : « celui-qui réussira à mettre Hillel en colère aura gagné quatre cents zouz » (le salaire mensuel d’un ouvrier). Lire la suite de « « Mon fils que cherches-tu ? » « Tu as posé une question importante » »