Quelques traductions de chants judéo-espagnols (merci à Marie Pierre qui connait la littérature et la langue espagnoles)
Ces chants sacrés ou profanes sont ceux des expulsés d’Espagne en 1492, ils se sont répandus dans toute la méditerranée en Turquie à Salonique, en italie, de l’Iran au Maghreb en passant par le Maroc.
En général, les expulsés s’intégraient aux communautés juives existantes et adoptaient leur langue au bout d’un certain temps. En revanche, dans le nord du Maroc et dans l’Empire ottoman alors en formation, ils maintiennent leur langue espagnole et l’imposent aux communautés juives antérieures, voire aux non-juifs qui s’en font une langue véhiculaire indispensable dans les relations commerciales. Le judéo-espagnol est essentiellement du castillan du XVème siècle, sa langue et ses mélodies ont été influencées par le turc, l’arabe marocain, l’italien, l’hébreu… les pioutim.
Il y a dans ces chants la fascination de la mer qui s’ouvre et la nostalgie du pays perdu.
Il y a en eux le drame de tous les exils, la quête d’identité mais aussi l’espoir de Sion.
Ecouter ici le magnifique témoignage de Mor Karbasi. Ici sur le site d’Akadem.
J’ai pour ma part commencé à m’intéresser à la musique ladino en Turquie, au cours d’un voyage à Istanbul en 2011. C’était le vendredi 02 mai veille du shabbat. Nous sommes partis à la recherche de ce qui pouvait rester là-bas du judaïsme et sommes arrivés dans le quartier très pauvre de Balat. Jusqu’au milieu du XXe siècle, sa population était très majoritairement juive séfarade. On y trouvait aussi des Grecs, des musulmans et quelques Arméniens. Aujourd’hui, on estime que 40 % de la population du quartier sont installés à Istanbul depuis moins de 5 ans pour la plupart de turcs d’Anatolie. (voir ici des photos anciennes du quartier juif) Et nous sommes tombés sur la synague Ahrida. Mes voyages à Amsterdam, mes discussions avec des juifs de Salonique et de Livourne… ont fini de me convaincre que le monde des expulsés d’Espagne était une seule et unique culture.
Irme Kero « Mère, je veux aller »
Irme Kero madre a Yerushlayimkomer de sus frutos, bever de sus aguas | Mère, je veux aller et aimer Jérusalem Je veux gouter ses fruits et boire ses eaux |
En el me Arimo yoY en el M’afalago yoY en el Senior del todo el Mundo | En Lui (el = « en lui » en espagnol et Elohim, « D.ieu » en hébreu) je trouve mon roc (point d’attache) Et en lui j’ai mon abri En son nom (Ye = « Yahvé », le Tétragramme) du Seigneur de tout l’univers |
Y lo estan fraguando kon el piedras presiozasY lo estan lavrando kon piedras presiozas | Et il sont en train de l’élever avec des pierres précieuses Et ils ont en train de l’incruster avec des pierres précieuses |
Y el Bet Amikdash lo vor d’enfrenteA mi me parese la Luna Kresiente | Et je vois le Temple (Beith Ha-Mikdash) en face de moi qui me paraît comme la lune montante |
En el me arimo yoY en el m’afalago yoY en el Senior del todo el Mundo | En Lui (el = « en lui » en espagnol et « Elohim », D.ieu en hébreu) je trouve mon roc (« point d’attache ») Et en lui j’ai mon abriEn son nom (Ye = Yahvé) du Seigneur de tout l’univers |
Durme, Durme, « Dors, dors, » (comptine juive en judéo-espagnol)
« Durme » signifie « Dors ». Cette berceuse vient du répertoire médiéval castillan. Cependant, des versions proches existent dans le répertoire judéo-espagnol.
En eloheinou, Muestro Senyor Elohenu, « Notre Seigneur D.ieu »
Adio Querida est le chant de rupture d’une femme à bout.
Adio, Adio Querida, No quero la vida, Me l’amagrates tu |
Adieu, Adieu bien-aimé, Je ne veux plus de la vie Car tu as me l’a rendue misérable. |
Tu madre cuando te pario Y te quito al mundo Coracon ella no te dio Para amar segundo |
Quand ta mère t’as délivré et porté au monde Elle ne t’as pas donné un cœur pour aimer à ton tour |
Va, busacate otro amor, Aharva otras puertas, Aspera otro ardor, Que para mi sos muert |
Va chercher un autre amour, Ouvre d’autres portes, Trouve un autre désir Car pour moi c’est la mort |
Quando el Rey Nimrod, « Quand le roi Nimrod »
el Rey Nimrod raconte la naissance d’Abraham menacée par son antithèse, le roi Nimrod.
Dans la Genèse, Nimrod est présenté comme un fils de Koush, lui-même fils aîné de Cham et petit-fils de Noé. Nimrod est le premier héros sur la terre, et le premier roi après le Déluge. En hébreu Nimrod vient du verbe maradh, qui dérive du verbe Mered, qui signifie « se rebeller ». Nimrod devint le symbole de la révolte contre Dieu.
Dans la tradition juive depuis au moins le premier siècle on raconte qu’il initia la construction de Babel. Flavius Josèphe vers 95 à Rome écrivit : « [Nimrud] peu à peu, transforme l’état de choses en une tyrannie. Il estimait que le seul moyen de détacher les hommes de la crainte de Dieu, c’était qu’ils s’en remissent toujours à sa propre puissance. Il promet de les défendre contre une seconde punition de Dieu qui veut inonder la terre : il construira une tour assez haute pour que les eaux ne puissent s’élever jusqu’à elle et il vengera même la mort de leurs pères. Le peuple était tout disposé à suivre les avis de [Nimrod], considérant l’obéissance à Dieu comme une servitude ; ils se mirent à édifier la tour […] ; elle s’éleva plus vite qu’on eût supposé. » — Antiquités Juives, I, 114, 115 (IV, 2, 3).
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