Le brûlement du Talmud à Paris en 1242

Un rabbin a suggéré que l’incendie de la cathédrale de Paris pouvait être la réponse divine aux 24 chariots de Talmud brûlés sur la place de Grève en 1242. L’idée que D-ieu joue avec des allumettes la veille de Pessah semble quand même improbable. Mais surtout les incendies de toiture d’églises sont banals au Moyen-âge: la cathédrale de Chartres a brûlé deux fois avant son inauguration; les Annales de saint Nicaise rapportent qu’en 1210 « l’église de Reims a brûlé en la fête de Saint Jean, devant la Porte latine », et on a du tout reconstruire, un nouvel incendie en 1481 détruit la charpente : une négligence des ouvriers a mis le feu dans les combles , Reims le 06 mai 1210, etc…. Mais revenons sur le « brûlement du Talmud », que s’est il réellement passé à l’époque ?

Être juif à Paris en 1240

En 1240 on est à l’apogée du Gothique[1]. Les portails de la cathédrale de Chartres viennent d’être terminés. A Paris, les arcs boutants à simple volée, une prouesse technique ! poussent depuis 10 ans les voûtes de Notre-Dame vers le ciel. Les beffrois sont réalisés depuis 10 ans. Grace à Louis IX, alias « Saint Louis », grâce à l’Université de Paris, Paris est le coeur intellectuel de la chrétienté du XIIIe siècle. L’an dernier, le roi acheté pour une somme considérable, la supposée couronne d’épines de la passion de Jésus à des marchands vénitiens.
Vers 1240-1241, le théologien allemand Albert le Grand est à Paris, il y enseigne les traductions des textes grecs et arabes et commence à travailler sur Aristote et Avérroès. Il décrit la Synagogue comme une femme aux yeux bandés. Son futur disciple, Thomas d’Aquin, l’ami théologien de Louis IX qui tentera bientôt de concilier la pensée d’Aristote et la foi chrétienne, à la suite de Moïse Maïmonide pour le judaïsme (qu’il appellera avec admiration »l’aigle de la Synagogue »), n’a encore que 16 ans, il est oblat bénédictin au Mont Cassin. en 1240 Juda al-Harizi vient de terminer la traduction latine du Guide des égarés que vont lire les scolastiques dont Thomas d’Aquin. Les tossafistes, la génération de disciples de Isaac ben Samuel l’ancien lui même disciple de Rabbenou Tam commentent Rachi en Champagne, en Allemagne, en Hongrie. En Espagne Moïse de Léon le rédacteur ou compilateur du Zoharver 1270 vient de naître à
Guadalajara. Le « Sefer Hassidim » de Juda le Hassid (Yehoudah ben Chemouel hê-’Hassid), somme des idées et traditions est le manuel piétiste des hassidim (pieux)
aschkénazim (allemands).

Les juifs circulent beaucoup dans entre les communautés de Bohème, d’Allemagne, de France et d’Espagne. Il n’est pas rare que ces tossafistes soient des convertis au judaisme comme Samson ben Abraham (le RASH) de Sens (1150-1230) ou Isaac ben Abraham le Jeune, son frère, rosh yechiva à Dampierre. Les écrits des tossafistes entre 1150 et 1250 définissent comment établir des relations avec les chrétiens. Les rabbins polémiquent contre l’adoration des images de la mère de Jésus et du crucifix, une idolâtrie.

Mais en ces années 40 du XIIIème siècle les juifs qui vivent dans les quartiers au pied de ces cathédrales rasent les murs…

Meïr ben Baroukh de Rothenburg (v. 1215 – 2 mai 1293) surnommé le Maharam (Morenou HaRav Meïr) et considéré comme le plus grand talmudiste de son époque est de passage à Paris pour assister à une disputatio entre juifs et chrétiens sur le Talmud. Il vient soutenir son ami Yehiel de Paris en mauvaise posture dans ce débat contre un de ses anciens étudiants chassé de sa yéchiva et devenu depuis franciscain qui veut en découdre. Le roi sera là. Un autre rabbin Tossafiste l’accompagne : Moïse ben Jacob de Coucy  qui a ramené des milliers de Juifs d’Espagne à le techouva (repentir).

Promenons nous avec eux dans les rues de Paris de l’époque.


Disputation entre clercs et rabbins.
Gravure sur bois de Johannes von Armsheim – 1483
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CATHÉDRALE DE PARIS, post à une amie catholique

Le mot que j’ai laissé à une amie catholique suite à l’incendie de la Cathédrale de Paris :

De quelques principes constructifs médiévaux

La cathédrale n’a pas grand chose à craindre car les médiévaux savaient mieux que nous la puissance du feu (les maisons autour étaient en bois). On commence seulement à comprendre la complexité des structures gothiques et leurs principes d’interactions de forces pour faire « tenir des pierres en l’air » grâce au calcul par éléments finis.
Cet édifice rompt avec l’époque romane et son principe constructif de murs-poids et d’épaisses colonnes qui ne permettent pas de voir la lumière extérieure (petites ouvertures dans le mur). Le Gothique ce ne n’est pas seulement les « arcs boutants » mais un maîtrise mathématique des forces à l’intérieur de la matière .

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