
Denise Epstein est décédée ce lundi premier avril à Toulouse.
Il se trouve que je l’avais connue par un hasard de circonstances car Olivier Rubinstein, chez Denoël, avait publié le livre de sa mère Irène Nemirovsky, « Suite Française », qui avait reçu le premier prix Renaudot à l’automne 2004. Dans une surprise totale : c’était le premier prix littéraire à titre posthume ! Je publiais « Défense à Dieu d’entrer » chez Denoël en janvier 2005. On avait donc ‘fait’ les salons ensemble (photo ici au Salon du Livre de Paris en 2005). Denise était une femme drôle, émouvante et directe. Ce jour-là elle je me rappelle, elle m’avait dit : « Didier, votre nez, vous devriez vérifier… –Ah bon … 🙂
Je me permets de vous livrer un mail d’elle de la fin du mois d’aout dernier :
Cher Didier,
Inutile de vous dire combien j’ai été touchée par votre bel article sur le « Vin de solitude », mon livre préféré et celui de ma mère aussi ! C’est celui où elle a mis le plus d’éléments biographiques et plus j’ai avancé dans mes recherches sur cette part de sa vie dont elle ne parlait guère je m’aperçois à quel point tout était vrai! J’avais lu votre livre « Défense à Dieu d’entrer ». Pour moi je suis toujours en état de colère, de doute et penser à toutes ces victimes innocentes me rend encore plus intransigeante sur la tolérance notamment. Je pense toujours à ma mère, à mon père et à tous les autres, ils m’ont accompagnée tout au long de ma vie et maintenant que le cancer me rend vulnérable j’aimerais croire que je les retrouverai… mais il y a longtemps que j’ai perdu la foi!
Merci encore,
Très cordialement,
Denise Epstein
L’histoire du manuscrit de « Suite française » est maintenant bien connue.
Juillet 1942. Irène Nemirosvsky est raflée pour Auschwitz. Elle y meurt du typhus le 17 août 1942. Le 09 octobre 1942 Michel Epstein, son mari la suit le 06 novembre par le convoi n° 42 de Drancy pour Auschwitz, gazé à l’arrivée. Juste avant de partir, le père de Denise lui dit de ne jamais se séparer de la valise qui contient « le cahier de maman ». Ce qu’elle fait, vivant cachée avec sa sœur jusqu’à la libération. Les années passent. Denise ne rouvre le manuscrit inachevé qu’en 1975. Elle le publiera en… 2004, soixante-deux ans plus tard. Elle avait sauvé la mémoire de sa mère.
Cette sauvegarde de la mémoire, de ceux que nous chérissons, est le plus haut devoir.
Pour nous, ceux que nous aimons ne meurent pas. Ils vivent dans notre mémoire. Nous les maintenons vivants dans la mémoire, la téfilah et le izkor. Que Denise retrouve tous ceux qu’elle aimait. Nous la gardons vivante dans notre mémoire et notre cœur.
PS : L’article que j’avais écrit sur le « Vin de solitude ». Une de ces coïncidences par lesquelles D. « passe dans nos vie incognito » : http://didierlong.com/2012/08/19/irene-nemirovsky-le-vin-de-solitude-roman/