La Soucca, rempart fragile à la folie humaine

La cabane délimite une clôture symbolique séparant la nechama de ce lieu indifférencié qu’est le désert où ‘rien n’appartient à personne’ (Talmud). Cette haie de sainteté est un tentative pour créer un intériorité afin de lutter contre la folie ordinaire.

Le judaïsme s’intéresse plus aux gestes qu’aux grands élans spirituels.

Il offre à celle ou celui qui le pratique des rites efficaces qui agissent directement sur les couches les plus profondes de son inconscient. Le geste répété agit comme un cadre symbolique qui conduit à établir un étayage psychique sain qui informe ensuite la vie de celui qui le pratique. En cela il rejoint les très nombreuses écoles de sagesse de l’antiquité pour qui la spiritualité était une pratique ( Cf les travaux de Pierre Hadot).

Le judaïsme agit non seulement à un niveau conscient mais inconscient, le sacrifice au temple pouvant être relu à la suite de l’analyse de Haïm Harboun comme un véritable processus d’abréaction qui permet par une brusque décharge émotionnelle d’extérioriser le refoulement.

Bien sûr, on ne peut pas réduire la mitsvah à cet aspect pratique et phénoménal, sinon le judaïsme serait juste une gymnastique de bien-être permettant d’intervenir dans le monde phénoménal (olam hazé). La bénédiction ou la prière mettent en contact l’instant humain et l’éternité – Olam Abba, le monde qui vient. Deux volontés s’y rencontrent. D.ieu supplie l’homme d’être humain afin qu’il accède à ce qu’il est, sa Nechama.

La prière ne vise pas le miracle, car sinon, cela voudrait dire que l’homme pourrait contraindre D.ieu, devenu un super ministre des finances, de la santé ou de l’amour… une fonction de ce monde parmi d’autres, fut-elle la plus haute, ce qui serait de la pure idolâtrie. Ceux et celles qui ont vu le miracle de la mer sont les mêmes que ceux qui ont fait le veau d’or nous avertit Maimonide. Le miracle ne prouve donc rien. La prière est avoda, travail, le geste ou la mitsvah sont sans raison, ils ne s’adressent qu’au Maître du monde sans autre but que de le servir et cela suffit. L’unité de Dieu signifie qu’il ne fait pas nombre avec la fragmentation de ce monde. Israël ou le juif ont une fonction signifiante de séparé, particularisé.

Le judaisme n’est pas non plus une check-list d’interdits ou de choses à faire laborieusement, mais une invitation à vivre, à faire exister cette nechama unique que D.ieu a donné à chacun.e. Que ferais tu si tu mourrais ce soir demande Maimonide dans ses chapitres sur la Techouva. En clair : est-ce que tu as véritablement pris au sérieux cette vie et la mission de faire exister ta Nechama ?

Ceci dit si la mitsvah ne vise pas le monde phénoménal elle ne s’absout pas de l’humain. Au contraire. Elle en rétablit les structures symboliques détruites par le péché. Elle crée de l’intériorité pour unifier (Je ne parle pas des mitsvoth liées aux préjudices mais de celles qui semblent sans autre objet que de servir D.ieu.).

La vie juive est une structuration symbolique de la réalité pour y créer une intériorité.

Si l’on prend les interdits (melakhot) liés au Chabbat, ils sont structurés par la fabrication du pain, par celle de l’habit et par celle de la maison. Pourquoi ? Parceque la vie (le pain) nécessite un espace qui la protège (le corps qu’enveloppe l’habit). Sans maison la socialité s’épuise, se répand. Sans membrane la cellule meurt.

La création de l’espace intérieur vise à unifier la vie de l’humain. De fragmentés, en vrac, nous pouvons nous recueillir. La havdala, la « clôture » permet de séparer le Kadosh du Hol, le saint du profane, le particularisé du vrac.

Il faut ici éviter une erreur. Le processus de création de la Torah est conçu comme positif. Le monde n’est pas un chaos dégradé et fragmenté d’une entité divine parfaite et une comme chez Plotin et les néoplatoniciens. La création hébraïque dans son processus de séparation est bonne, elle oriente l’histoire et le temps non pas vers une chute sans fin vers l’entropie mais vers une séparation des cieux, des eaux, etc… qui est bonne en soi et construit un processus créatif d’un monde vivable pour l’humain. La séparation du milieu divin fait ontologiquement partie de ce processus de Création.

L’unité psychique de l’être, de la famille, de l’individu est au cœur du Korban Pessah qui est consommé en un seul lieu, une seule nuit, l’agneau doit être âgé d’un an, ses os ne doivent pas être brisés, il ne doit pas être mi-cuit mais entièrement, on réunit toute la famille sous un toit…

Cette limitation du corps, de la maison comme espace social est aussi ce que réalise la Soucca. Cet abri provisoire nous permet de nous réunifier de prendre conscience des 4 directions vers lesquelles nous tendons le loulav. Comme Abraham dans le désert nous fabriquons des tentes provisoires d’une existence qui ne peut être que nomade malgré tous nos rêves de stabilité et de palais de pierres garantissant notre protection.

Qu’est-ce que : la dispersion (diapora-galout), l’éparpillement, le maassé merkaba ? auquel le judaïsme oppose : la terre d’Israël, le maassé beréchit, l’unité de notre peuple sur notre terre et sous la Torah?

La dispersion est en réalité la folie, quand aucun espace intérieur symbolique n’a pu se constituer et que la personne s’objectivant, n’ayant pas encore accédé à sa condition de sujet, erre parmi les choses. Chose parmi les choses. Fragmentée, dispersée, scindée. Une posture que la personne applique à elle même et à laquelle elle réduit son entourage qui devient un moyen et pas une fin. Voilà l’idolâtrie. Ce Tohou vavouhou de la Genèse avant que D.ieu ne parle.

Le Tohu-bohu c’est quand l’humain perd le lien avec la réalité car il n’est pas capable de la symboliser, de la parler, d’y poser des limites symboliques qui permettent de l’unifier. Quand il n’a plus le recul sur lui même pour identifier sa responsabilité. Le sujet s’effondre alors dans le néant. A courir après des illusions on finit par étreindre des ombres.

La mort pour la Torah n’est pas la mort physique mais l’incapacité à prendre une décision, par fragmentation dans le monde éparpillé des choses. Est mort pour le talmud le fou, l’homme ivre, le muet qui ne peuvent participer à l’assemblée en prière ou témoigner devant un tribunal (Beit din ou Sanhédrin).

Celle ou celui qui récite le modé ani (moda ani) au réveil sort du sommeil de la mort, il prend volontairement conscience de la vie en lui qui met en route ses neurones et synapses et véhicule les milliards d’informations de son cerveau à ses muscles qui permettent simplement d’ouvrir les paupières. Désormais le sujet peut par le questionnement et la réflexion se déprendre du rêve qui l’agit (l’inconscient à l’oeuvre est le clivage fondamentale de tout être humain), et, devenir maître de sa liberté, il peut décider.

On se rappelle que pour Wilfried Bion, le rêve protège l’individu de la psychose. Il permet de traduire les impressions sensorielles de la journée en images assimilables, de traduire les émotions brutes, qui sont « encaissées » et « cherchent à être assimilées » en apprivoisant leur terreur. Le rôle de la mère étant de rêver pour l’enfant, le protégeant de la psychose et de sa terreur d’exister.

Dieu vient chercher chacun de nous dans son désert pour lui construire une cabane. « Il le rencontre dans une région déserte, dans les solitudes (tohou) aux hurlements sauvages ; il le protège, il veille sur lui, le garde comme la prunelle de son œil. » (Dt 32, 10). Le tohou évoque la terreur sacrée, l’effondrement dans la folie, ces cauchemars qui nous terrorisaient enfant. Il est le désert où nos ancêtres sont passés de l’esclavage pathogène et addictif de l’Égypte, royaume de l’idolâtrie, à la liberté mentale qui est la condition du sujet sain.

Dans un livre fondamental, L’environnement non humain, écrit de 1951 à 1959 le psychanalyste américain Harold Searles raconte la terreur d’une patiente schizophrène envahie par la peur d’être transformée en rocher, en vache, en arbre, en pierre. Le sentiment de stabilité du moi repose sur cette séparation d’avec le monde des choses. Sans cette intériorité l’humain disparait.

L’unité intérieure de nos vies multiples est le fruit de la lutte contre l’effondrement dans le monde des choses, elle est le sens d’une existence saine, comme le montre Harold Searles :

« Je suis convaincu maintenant que plus une personne est saine, plus elle vit en ayant conscience d’avoir en elle une multitude de « personnes » -d’objets internes dont chacun apporte sa contribution au sentiment d’identité. »[1]

Les enfants agressés durant l’enfance, ayant vécu des intrusions sexuelles ou psychiques pénétrant leur corps ou leur psychisme ont des limites symboliques fragilisées. Toute extériorité sociale leur devient une menace. Ils vont alors créer des défenses du moi pour retrouver leur unité intérieure et ne pas être engloutis par le réel toujours menaçant. Comme le note Searles à contrario :

« J’ai, pour ma part, constaté de façon répétée et sans ambiguïté que la dé-différentiation, impliquant l’abandon des limites du moi, est l’une des défenses du moi qui dominent dans la schizophrénie »[2]

Le schizophrène lutte contre l’effondrement dans les choses. La sainteté biblique consiste dans la sortie de l’indifférencié par la particularisation (le sens du mot Qadosh).La Galout, la diaspora, la dispersion, l’indifférenciation, l’idolâtrie, ne sont rien d’autre que le clivage de la schizophrénie. Ainsi le Maassé merkaba, la Galout qui « mange les juifs », l’unité de la Shekhina « dans la poussière » s’oppose à l’unité du Maasse beréchit, l’unité sur la terre d’Israël. C’est une réalité physique et psychique.

Dans L’effort pour rendre l’autre fou (1959), Harold Searles décrit le processus qui rend un individu scindé, c’est à dire schizophrène. Searles constate que dans l’histoire des schizophrènes, un parent (ou les deux), scinde l’enfant en provoquant à la fois sa sympathie pour le guérir tout en rejetant ses efforts pour l’aider. Cette attitude conduit l’enfant à un sentiment d’impuissance et d’isolement face à cette folie qu’il pense être seul à connaitre. Scindé l’enfant n’a plus qu’une alternative : devenir ‘fou’ avec son parent, ou, faisant confiance à ses sensations et à la vie, l’abandonner pour survivre.

La cabane permet de se recueillir, de prendre conscience de la limite, de refaire l’unité intérieure, de sortir de la schizophrénie. Elle établit une limite dans l’espace comme la mézouza sur la porte de la maison pour récréer des limites dans le temps. Le Korban pessah symbolise l’unité dans ce monde scindé, fragmenté, divisé.

L’indistinction avec les objets environnant est la marque d’une existence pathogène. La Bible la nomme idolâtrie. C’est en ce sens que le Talmud affirme :

« Tout homme qui rejette l’idolâtrie est appelé ‘Juif’ » (Talmud Méguila 13 a)

Vivre c’est accepter la séparation, la distance, refuser la confusion ou l’idolâtrie. Vivre en humain c’est accepter que ce qui appartient à autrui ne m’appartient pas, que je ne peux pas pénétrer son corps sans autorisation, rentrer dans sa vie par effraction.

Le V’Ahavta Lereiacha Kamocha dont rabbi Akiba dit qu’il est le grand principe de la Torah doit se traduire non pas « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », c’est à dire dans une joyeuse confusion d’un amour indéfini qui prendra vite le visage de la contrainte et de l’intrusion, mais « Tu aimeras ton prochain parce qu’il est comme toi-même ». Une injonction divine qui signe le respect de ses droits, de son altérité radicale et transcendante à la racine de son intériorité et de sa conscience.

 Autrui n’est pas un autre objet de mon monde à ma disposition mais un sujet de sa liberté. Son habit, sa cabane, sa maison me font signe de son intériorité, de cette nechama que l’Eternel a déposé en lui et qui est transportée dans une arche, une cabane dans le désert où « hurle la solitude » comme dit le Deutéronome. Ce Temple fragile est l’être humain de passage. Toi. Ma sœur. Mon frère.

Vivre en humain c’est créer des clôtures toujours provisoires pour que l’autre, le petit, le faible, le fou, l’ancien, l’étranger, le prochain, soit protégé. Agir ainsi est la grandeur de l’humain. Le souci d’autrui est le propre de l’homme de la Torah. De celui dont le cédrat selon le Talmud symbolise l’étude et les bonnes actions conjointes. Celui, celle, qui réfléchit et agit. L’étude n’a d’autre fin que la prise de conscience rationnelle, et l’action pour protéger autrui. En dehors de cela l’être humain est livré à son narcissisme, ses fantasmes, les modes passagères, le miroir que lui tend son milieu ou la société de ce qu’est une vie réussie; c’est à dire la célébrité, c’est-à-dire la compétition des égos réduits à des critères discriminants, une compétition généralisée… quel qu’en soit le coût pour soi-même et pour autrui. Un vie violente.


[1] Harold Searles, Mon expérience des états-limites, Gallimard, 1994.

[2] Harold Searles, L’environnement non humain, pg 87.

Moïse Maimonide : la mitsva de la joie à Souccot

Sefer Zemanim, Lois du Loulav : Chapitre Sept

Bien que ce soit une mitsva de se réjouir pendant toutes les fêtes, il y avait une célébration supplémentaire dans le Temple durant la fête de Souccot, ainsi qu’il est dit : « Vous vous réjouirez sept jours devant l’Eternel votre D.ieu ». Comment faisaient-ils ? La veille de la première nuit de fête, ils préparaient dans le Temple un endroit pour les femmes en haut et [un endroit] pour les hommes en bas, de sorte qu’ils ne se mélangent pas les uns avec les autres. On commence à se réjouir la nuit après le premier jour de fête. Et de même, chaque jour de ‘Hol Hamoed, après avoir offert le sacrifice de l’après-midi, on commence à se réjouir le reste de la journée et toute la nuit.

Comment se passait ces réjouissances ? On sonnait de la flûte, on chantait avec une harpe, une luth et des cymbales, et chacun avec l’instrument qu’il connaît. Celui qui savait chanter chantait. On dansait, on tapait des mains, on sautait et on sifflait, chacun à la manière qu’il connaissait, et on récitait des chants et des louanges. Cette joie ne prévaut ni sur le Chabbat, ni sur les jours de fête.

Il est une mitsva d’accroître cette joie. Ce n’était pas les ignorants ou quiconque le désirait qui participaient à ces danses, mais les grands sages d’Israël, les directeurs d’école rabbinique, les membres de la Cour Suprême, les pieux, les anciens, et les hommes de stature ; ils dansaient, tapaient des mains, chantaient et se réjouissaient dans le Temple pendant la fête de Souccot. Cependant, tout le monde, les hommes et les femmes venaient voir et entendre.

La joie par laquelle l’homme doit se réjouir dans l’accomplissement d’un commandement, l’amour du D.ieu Qui les a ordonné, est un grand service. Quiconque se prive de cette joie est digne d’être puni, ainsi qu’il est dit : « Parce que tu n’as pas servi l’Eternel ton D.ieu avec joie et un cœur réjoui ». Et quiconque se sent fier, se donne de l’honneur, et agit hautainement dans ces occasions [de sorte qu’il refuse d’exprimer cette joie], est un pécheur et un idiot. A ce sujet, le Roi Salomon a mis en garde, et dit : « Ne cherches pas la gloire devant le Roi ». Et quiconque s’abaisse et se conduit humblement dans ces occasions, est [véritablement] un grand [homme], digne d’honneur et qui sert [D.ieu] par amour. Et de même, David, le Roi d’Israël, dit : « Je me considérais même plus inférieur à cela et j’étais humble à mes yeux ». Et il n’y a pas d’autre grandeur et d’honneur que de se réjouir devant D.ieu, ainsi qu’il est dit : « Le roi David dansait, sautait, et sifflait devant D.ieu ».

Tachlikh, « Tu jetteras »

L’après midi de Roch Achana après Minha on jette un caillou dans l’eau avec nos péchés… mais on peut jusqu’à la fin de Souccot !

Ce rite s’appelle « Tachlikh », (littéralement « tu jetteras »), en référence au verset biblique :

« Et tu jetteras tous tes péchés dans les profondeurs de la mer. »

Michée 7, 19

Pour moi il faut un grand cours d’eau !

Nous avons la capacité de changer et de nous délester de nos fautes. C’est le message de Tachlikh.

Chana Tova !

La religion sans folie, le message de Kippour

Kippour arrive. En ce jour étrange un petit club se réunit et complote toute la journée à huis clos juste pour raconter à nouveau un rite pratiqué dans le Temple de Jérusalem qui n’existe plus depuis 2 millénaires ! Ce rite méconnu, pratiqué par une minorité d’irréductibles perdants, semble pourtant un bon symbole d’une religion sans déraison.

Tous psychotiques

La psychose semble en train de devenir le mode d’être habituel de Sapiens à l’heure d’Internet en ce siècle supposé être spirituel ou ne pas être, et les religions suivent.

Comme me l’a un jour dit un jour le psychanalyste Gérard Haddad :

« Tout être humain se bat avec la folie. Le psychotique c’est celui qui a renoncé et a baissé les bras »

Les psychoses sont des maladies mentales où domine la perte de sens de la réalité souvent jointe avec une surestimation ou une sous-estimation de soi-même (délire de grandeur ou/et sentiment d’inutilité et d’anéantissement), accompagnée parfois de crises thymiques (maniaco-dépression / bipolarité) ou des clivage parfois délirants (schizophrénie) dans lesquelles le sujet est parfois inconscient ou dans le déni de sa propre pathologie.

La paranoïa est une forme de psychose. Une maladie psychique à bas bruit dont la construction imaginaire infantile peut se manifester par des décompensations brutales à l’âge adulte. La recherche d’un ennemi imaginaire (le voisin de bureau, le juif, …) permet à un self insécurisé de se consolider dans le déni d’autrui comme sujet. Ce mode d’être au monde, à travers les complotisme de tous poils, semble malheureusement en train de devenir la norme.

Les magazines féminins, nouveaux avatars de psychanalyse sauvage sont pleins de ces PN (pervers narcissiques) où chacune reconnait son chef de bureau ou son conjoint malintentionné… sans jamais se remettre en cause un seul instant. L’époque est à l’auto-fiction une confession sous forme d’auto-absolution, et à metoo qui accuse, pas à la reconnaissance de ses propres fautes ou de son ambivalence.

En réalité personne n’échappe à la psychose collective qui s’est emparée de l’humanité au temps des grands médias technologiques que sont la télévision puis l’Internet. La carte a remplacé le territoire selon la prophétie de Borgès.

Car les médias contemporains et autres « sachant pour autrui » que sont les élites post-modernes écrivent une sorte de carte du réel qui tend à se superposer à ce réel lui-même selon la nouvelle de Borgès : La carte et le territoire, reprise par Baudrillard dans Simulacre et simulation. Il n’est de vérité que le récit projeté sur le réel et non la réalité elle-même. Ecoutons Borgès :

« En cet empire, l’Art de la Cartographie fut poussé à une telle Perfection que la Carte d’une seule Province occupait toute une Ville et la Carte de l’Empire toute une Province. Avec le temps, ces Cartes Démesurées cessèrent de donner satisfaction et les Collèges de Cartographes levèrent une Carte de l’Empire, qui avait le Format de l’Empire et qui coïncidait avec lui, point par point. Moins passionnées pour l’Étude de la Cartographie, les Générations Suivantes réfléchirent que cette Carte Dilatée était inutile et, non sans impiété, elles l’abandonnèrent à l’Inclémence du Soleil et des Hivers. Dans les Déserts de l’Ouest, subsistent des Ruines très abîmées de la Carte. Des Animaux et des Mendiants les habitent. Dans tout le Pays, il n’y a plus d’autre trace des Disciplines Géographiques. »[1]

Jorge Luis Borges

La popularité des Michel Onfray avec sa nouvelle revue « Le front populaire ou d’Eric Zemmour sur Cnews, quand il ne s’agit pas de Marion Maréchal – dont l’occultation du nom Le Pen signale probablement une psychose de troisième génération, l’appel à la vérité du « pays réel » pour ne pas dire « français de souche » semblent constituer une forme de protestation contre un réel fake dicté par le dernier des grands récits idéologiques du siècle dernier après la chute du communisme : la globalisation et le boundaryless, c’est-à-dire le local sans les murs, seraient orchestrés en pure fake par des élites politico-journalistique supposées avoir trahi le peuple, Emmanuel Macron après Nicolas Sarkozy représentant la quintessence de cette déconfiture (gageons que le élites se contrefichent du peuple au moins depuis Charlemagne !). Le complot de la richesse et des grands banquiers occultes du groupe de Bilderberg aurait donc remplacé celui des Jésuites (le pape François favorable aux migrants serait l’apôtre du sans-frontiérisme…), des Sages de Sion ou des judéo-maçons … mais la syntaxe conspirationniste reste à peu de choses près la même.

La subjectivité moderne est emplie de croyances proclamées comme des évidences par les sciences, les médias de masse qui soutiennent notre action quotidienne , en même temps que la croyance religieuse est disqualifiée comme folie délirante. Hors la psychose ne relève pas la croyance mais de la certitude.

L’impression d’être l’acteur du Truman Show, Truman, cet homme vrai (true man) comédien d’une imposture où il n’est de vérité que récit spectaculaire à haute densité émotionnelle est probablement la condition de l’homme moderne. Une psychose sociale.

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Haïm Harboun nommé « Grand Rabbin »

Ce soir à Aix en Provence le Rav Haïm Harboun a été nommé Grand Rabbin !

On ne s’y attendait pas. Lui non plus. 60 ans de rabbinat. MAZAL TOV !

Le Grand Rabbin Daniel Dahan a lu la lettre du Grand Rabbin Haïm Korsia à la fin de notre conférence ! Immense émotion.

Première bénédiction du Grand Rabbin Haïm Harboun
Grand Rabbin Haim Harboun et Grand Rabbin Daniel Dahan d’Aix en Provence qui a lu la lettre de nomination du Grand Rabbin Haim Korsia
Minha (il ne sait pas encore qu’il va être nommé)
Grand Rabbin Harboun et Grand Rabbin Dahan d’Aix en Provence
Synagogue d’Aix en Provence. Merci au Grand Rabbin Daniel Dahan qui a organisé tout cela et à la communauté d’Aix en Provence !
Grand Rabbin Haïm Harboun
Grand Rabbin Haïm Korsia

Bar Mitsvah – Ya Rayah

Ya Rayah, « celui qui part », à une bar Mitsvah, j’aime cette chanson. Ici chantée par le regretté Rachid Taha :

Mikvéh מִקְוָה, un bain d’espoir et d’éternité

La racine kvh’ (kaf, vav, hé) est une racine primitive araméenne qui signifie « lier ensemble » (parfois par torsion), « rassembler »; de manière figurée: « attendre », « espérer ». 

L’eau apparaît dés de le début de l’histoire de la création: veRuakh al peneï amaïm « L’esprit de Dieu sur le visage des eaux» (Gn 1, 2). Dés le commencement, l’eau est liée au divin, au spirituel. La pureté juive n’est pas une question de ‘propreté’ ; est « impur » (tamé) tout ce qui est marqué par la mort et sépare du culte du Temple. Il s’agit d’une impureté rituelle .

וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים, יִקָּווּ הַמַּיִם מִתַּחַת הַשָּׁמַיִם אֶל-מָקוֹם אֶחָד, וְתֵרָאֶה, הַיַּבָּשָׁה; וַיְהִי-כֵן

« L’éternel dit: « Que les eaux répandues sous le ciel se réunissent (ikavou) sur un seul lieu (makom e’had), et que le sol apparaisse. » Cela s’accomplit. »

וַיִּקְרָא אֱלֹהִים לַיַּבָּשָׁה אֶרֶץ, וּלְמִקְוֵה הַמַּיִם קָרָא יַמִּים; וַיַּרְא אֱלֹהִים, כִּי-טוֹב.

« L’éternel nomma le sol la Terre, et l’agglomération des eaux (miqvéh amaïm) , il la nomma les Mers. Et Dieu considéra que c’était bien. » (Gn 1, 9-10)

Le retour à notre source nous réunit et nous réunifie quand nous sommes ‘morts’, en vrac, incapables de nous recueillir.

Le second sens de la racine kvh’ est « l’espoir » (ha Tikvah) d’Israël.

Le prophète Jérémie en parle :

מִקְוֵה יִשְׂרָאֵל יְהוָה, כָּל-עֹזְבֶיךָ יֵבֹשׁוּ; יסורי (וְסוּרַי) בָּאָרֶץ יִכָּתֵבוּ, כִּי עָזְבוּ מְקוֹר מַיִם-חַיִּים אֶת-יְהוָה.

« O espérance (Miqvéh) d’Israël, Éternel, tous ceux qui te délaissent seront confondus! Oui, ceux qui se tiennent éloignés de moi seront inscrits sur la poussière, car ils ont abandonné la source d’eaux vives (maïm ‘haïm) : l’Eternel » (Yirmiyahu / Jérémie 17, 13)

L’immersion n’a rien à voir avec la propreté physique. Celui qui passe au Mikvé choisit de passer de la « mort » à la « vie »; c’est un acte spirituel avec intention. 

Maïmonide termine sa codification des lois du mikveh en disant:

« Il est évident que les lois sur l’immersion en tant que moyen de s’affranchir de la souillure sont des décrets établis par les Écritures et non des sujets sur lesquels l’intelligence humaine est capable de former un jugement ; car voici, elles sont incluses parmi les statuts divins. Maintenant, la «malpropreté» n’est pas de la boue ou de la crasse que l’eau peut éliminer, mais une question de décret scripturaire et dépend de l’intention du cœur. Par conséquent, les Sages ont dit: « Si un homme se plonge, mais sans intention particulière, c’est comme s’il ne s’était pas plongé du tout. » Tosefta (Ḥaguiga 3, 2 )

Celle, Celui qui plonge dans le bain rituel du mikvéh – sans aucune barrière entre lui et l’eau, – entièrement entourée d’eau, fait le choix de revenir à sa source spirituelle. Il ressemble au fœtus dans le ventre de la mère. L’immersion dans le mikvéh est un retour à la source, un recommencement à zéro.

D. est toujours proche c’est seulement nous qui nous sommes éloignés de Lui. Voilà ce que j’ai appris à Carghjese.

Que D. bénisse la Corse et son peuple.

NB : La Michna (Mikvaoth 1, 1–8) indique qu’il existe au moins six grades de mikva’ot , classés du pire au meilleur: les étangs; les étangs pendant la saison des pluies; les piscines d’immersion contenant plus de 40 se’ah d’eau; les puits d’eaux souterraines naturelles;  l’eau salée de la mer et des sources chaudes; et les aux naturelles « vivantes » des sources et des rivières. 

Mékoudéchet !

En cet anniversaire de notre Kiddouchine quelques photos de celles et ceux qui nous ont accompagnés jusqu’à cet instant du 13 mai, veille de l’anniversaire de la création de l’Etat d’Israël. Que soient bénis les Rabbanim Harboun et Korsia, tous deux Haïm !

Jérusalem : « Qu’ils soient heureux ceux qui t’aiment ! »

Chabbat Chalom de Jérusalem ! Bar Mitsvah de Benjamin Lévi.


 » Maintenant nos pas s’arrêtent devant tes portails, ô Jérusalem,

Jérusalem bâtie comme une ville ou tout ne fait qu’UN !

C’est là que montent les tribus, les tribus de l’Eternel, selon la charte d’Israël, pour célébrer le Nom de l’Omniprésent.

Car c’est là que sont établis les sièges de la justice, les sièges pour la famille de David.

Appelez la paix sur Jérusalem: « Qu’ils soient heureux ceux qui t’aiment! »

Que la paix règne dans tes murs, la sécurité dans tes palais!

Pour mes frères et mes amis, je te souhaite tous mes vœux de bonheur. »

(Tehillim 122)

Au Musée d’Art et d’Histoire du judaïsme

20181118_143123Au Musée d’Art et d’Histoire du judaïsme à Paris il y a une Soucca du XIXème siècle d’Autriche ou d’Allemagne du sud, composée de 37 panneaux numérotés (pour la remonter chaque année ! ). On y voit une représentation de Jérusalem avec ses murailles, le Kotel et la mosquée Al Aqsa ; au centre un paysage de la région du lac de Constance et à droite un écu avec les premiers mots du décalogue et un décor floral qui rappelle le sens de la fête. C’est très émouvant.

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J’ai enregistré là-bas pour un film sur les gestes dans le judaïsme, en l’occurrence le cédrat pour moi, le cédrat c’est le coeur intelligent, Lev Khorkhma, l’amour intelligent, désintéressé… on est tombé sur cette Soucca, les réalisateurs ont décidé de filmer là.

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Il y a aussi là l’expo sur Freud. A voir absolument.