Didier Long sur la radio « Fréquence Protestante », le 06 septembre 2012 avec Philippe Arondel (durée = 50 minutes)
Le « Petit guide des égarés en Période de crise » vient de paraître !
L’acédie, maladie de l’égo qui vide l’âme, hante notre modernité parvenue à son zénith : le monde de l’entreprise, le couple, la vie familiale, les amitiés. Le vide politique, les paroles creuses, les promesses sans lendemains, les vaniteux comme modèles, la dictature du « on », la finance qui dépasse la démocratie, les pervers narcissiques aux commandes… La course au toujours plus et au toujours-plus-vite a engendré le Rien. L’acédie définie par les Pères du désert au IVe s. comme la plus terrible des maladies de l’âme.
« Dans l’acédie, continue de tresser tes paniers. Pose des actes d’amour même si tu as perdu foi en l’amour ! » Ainsi parlaient les Pères du désert. La perte de soi, l’insensibilité à autrui, le temps qui suspend son vol dans un ennui mortel sont en réalité une rupture avec la profondeur de l’existence. Seuls le rite et la régularité permettent de rompre l’acédie. Sans la sanctuarisation d’espaces désintéressés d’amitié et de paix, la fraternité s’épuise ; en réalité, la bénédiction généreuse de la vie la fertilise. Ainsi, la crise peut ouvrir la porte d’un autre monde. Alors, notre existence jaillit en plénitude, du présent surgit l’éternité, nos errances d’égarés font chemin, ensemble, vers la liberté.
Lire un extrait : Petit guide des égarés en période de crise – Chapitre1
Dans le quotidien La Tribune 22/12/2011, un article de Sophie Péters
Pour Didier Long, moine bénédictin pendant dix ans à La Pierre qui Vire, puis consultant chez McKinsey et aujourd’hui dirigeant fondateur du cabinet de conseil en stratégie Internet Euclyd, l’acédie est le nouveau mal qui ronge les entreprises et l’économie
Le concept est ancien, très ancien : Au IVe siècle, des moines partis vivre dans le désert d’Égypte diagnostiquèrent l’acédie comme une maladie de l’âme. Une maladie extrêmement dangereuse qui détruit la volonté même d’exister et donc la communauté. Pour Didier Long, moine bénédictin pendant dix ans à La Pierre qui Vire, puis consultant chez McKinsey et aujourd’hui dirigeant fondateur du cabinet de conseil Euclyd, l’acédie est le nouveau mal qui ronge les entreprises et l’économie : « Beaucoup ont l’impression que poussés par les vagues des marchés financiers, des flux et reflux économiques mondiaux incontrôlables, les destins individuels et ceux des entreprises sont devenus les jouets de forces obscures imprévisibles. L’impuissance, l’impression de ne pas pouvoir s’approprier sa trajectoire, l’absence de visibilité long terme, les paroles creuses qu’il ne faut surtout pas croire si on ne veut pas devenir dindon de la farce, le sentiment d’être baladé, la perte de goût dans l’avenir en sont les symptômes ». Docteur, c’est donc grave ! Cette forme de dépression qui traverse notre civilisation et le capitalisme occidental ne se manifeste d’ailleurs pas seulement par un abattement teinté de tristesse. Evrage le Pontique le décrit au IVe siècle comme étant paradoxalement un état de suractivité, d’agitation, de fébrilité physique et mentale. Ambiguïté du tableau donc pleinement assumée qui ne fait que refléter selon Evrage les contradictions de l’acédie : entrelacement de dynamiques contraires, « où le premier étant furieux de ce qui est à sa disposition et le dernier languissant après ce qui ne l’est pas ».
Ici la personnalité abattue côtoie l’hyper-actif dans le même bateau. Le premier est irrémédiablement triste, inquiet et son esprit vagabonde vers des ruminations obsessionnelles. Il est indécis et incapable d’idées neuves. Le second est fébrile, agité par le besoin de donner du sens à sa vie et vagabonde, lui, de projet en projet, sans jamais concrétiser quoi que ce soit. Seul le mouvement lui est salutaire et lui donne le sentiment de progresser. Cette boulimie laborieuse qui permet de fuir la confrontation avec soi-même évite toute question existentielle et compense la mise en sommeil des idéaux par des combats à l’extérieur de soi-même. Lire la suite de « Crise de foi : managers et salariés frappés d’acédie »