Procès d’Oskar Gröning : « le comptable d’Auschwitz » demande pardon. Un acte historique

UN ARTICLE DE MARIE-PIERRE SAMITIER A LIRE SUR LE PLUS DU NOUVEL OBS.
70  ans après la libération des camps de concentration et d’extermination, l’ancien chef de section SS Oskar Gröning est jugé en Allemagne. Agé de 93 ans, « le comptable d’Auschwitz » ademandé « pardon » aux victimes de l’Holocauste. Un acte rare qui marque l’histoire de l’Allemagne post-nazie, estime Marie-Pierre Samitier, auteur de « Bourreaux et survivants : faut-il tout pardonner ? »

Édité par Barbara Krief  Auteur parrainé par Hélène Decommer

Oskar Gröning jeune, pendant la Seconde Guerre mondiale.(Capture d'écran/BBC)
Oskar Gröning jeune, pendant la Seconde Guerre mondiale.(Capture d’écran/BBC)

L’événement marquera l’histoire de l’Allemagne post-nazie : l’ex-comptable d’Auschwitz Oskar Gröning a demandé pardon aux victimes le l’Holocauste le 21 avril à l’ouverture de son procès en Allemagne.

Le grand pardon
Les anciens nazis n’ont jamais demandé pardon jusque là, hormis de rares exceptions. J’en fais état dans mon livre paru ce mois-ci intitulé « Bourreaux et survivants : faut-il tout pardonner ? ». Le véritable pardon passe par la demande faite par le bourreau à la victime. Or pendant des décennies, il n’a jamais été question pour les Nazis d’exprimer la moindre repentance. Il en a été ainsi des plus hauts responsables de la machine SS tels les prisonniers de Spandau qui comptaient parmi eux Rudolf Hess. Aucun n’a voulu proférer le moindre regret quant aux actes commis pendant l’extermination programmée des Juifs lors de la IIème Guerre Mondiale.
L’événement a lieu dans le cadre d’un virage, certes tardif mais néanmoins bien réel, dans l’attitude des tribunaux allemands. Un revirement de jurisprudence a créé un précédent en 2011 avec le procès de Ivan Demjanjuk.

En effet, pendant des décennies, les magistrats outre-Rhin ont refusé de statuer sur le sort d’anciens nazis, par principe, sauf si leur responsabilité individuelle ou la complicité d’assassinat pouvait être prouvée par des documents ou des témoignages irréfutables. Je précise bien : lorsqu’il a été prouvé qu’ils ont bien contribué à l’assassinat et non qu’ils ont  » exécuté » les crimes hitlériens.
Ce principe, soutenu par la Cour fédérale de justice, a permis ainsi aux anciens nazis de vivre sans être inquiétés, les preuves et témoignages ayant été jugés trop légers ou imprécis.

Complice mais pas tueur
Demjanjuk, un apatride d’origine ukrainienne, a été condamné il y a quatre ans à cinq ans de prison pour complicité dans l’extermination de plus de 28 000 juifs sans preuve d’actes criminels, alléguant que sa qualité de gardien du camp de Sobibor était suffisante pour établir sa responsabilité. Le tribunal a conclu qu’il avait bien été gardien, et qu’il était donc complice des meurtres commis alors qu’il avait été présent dans le camp, bien qu’il n’y ait ni documents ni témoins.

C’était la première fois qu’un garde était alors condamné pour « crime de guerre sans pour autant pouvoir prouver qu’il a participé à une tuerie ». Cette condamnation a créé un précédent qui n’est pas soumis aux aléas du temps : les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles. C’est là une dynamique tardive qui illustre une volonté des institutions allemandes désormais acquise d’agir malgré le temps écoulé.   ( >>> Suite de l’article sur le PLUS DU NOUVEL OBS)