‘Hallot, Le pain de l’âme : Shabbat Shalom !

RECETTE DE LA HALA
Ingrédients :

– 500 g de farine
– 2 sachets de levure boulangère
– 1 oeuf + 1 jaune pour dorure (à la fin)
– 1 pincée de sel
– 3 cuillères à soupe de sucre
– eau jusqu’à obtention d’une pâte facile à travailler
– graines de sésame ou de pavot

Réalisation

  1. Mélanger farine, oeuf, sucre, sel, levure et eau petit à petit.
  2. Pétrir la pâte pendant 10 minutes jusqu’à ce qu’elle devienne lisse (ne pas hésiter à rajouter de l’eau ou de la farine si besoin).
  3. Laisser reposer 10 à 15 minutes.
  4. Faire 3 boules. Les travailler une à une et les faire rouler sous les mains en forme de baguette.Les assembler ensuite et former une tresse.
  5. Lorsque la tresse est faite, faire la dorure (jaune d’oeuf + un peu d’eau). Pour finir, étaler la dorure sur le pain à l’aide d’un pinceau à pâtisserie. Rajouter ensuite sur la dorure les graines de sésame ou de pavot.
  6. Enfourner à 180°C (thermostat 6) pendant 20 minutes.Piquer à l’aide d’un couteau pour savoir si c’est cuit.

Sens

En nous arrêtant de travailler et en sanctifiant le pain du Shabbat nous rapportons à D. toute la récolte c’est-à-dire tout le travail de notre semaine, notre gagne-pain. D. a créé la semence mais nous sommes capables de récolter et faire de la farine puis de pétrir et cuire du pain, aliment premier de notre subsistance. Ce pain est pour nous la nourriture de l’âme : Shabbat vayinafash, le septième il s’arrêta ou plutôt il nous rend notre âme (néfésh), nous sommes enfin nous-mêmes, libres ! Shabbat Shalom !

Maïmonide commente :

Quel est ce « délice (oneg) de Shabbat » ? Cela fait référence à l’affirmation de nos Sages disant qu’une personne devra spécialement cuisiner des mets délicieux et des boissons spécifiques pour Shabbat, selon ses moyens. Plus une personne dépense de l’argent pour Shabbat et cuisine de bons plats en son honneur, plus elle est digne d’éloges.

Un homme a l’obligation de manger trois repas le Shabbat, un le soir, un le matin et un l’après-midi [à partir de midi]. Il faudra s’assurer de ne pas manger moins de trois repas. Même un pauvre nourrit par la charité devra manger trois repas. Moïse Maïmonide, Hil’hot Shabbat 30, 7.9

Les trois repas de Chabbat comportent tous du pain sur lequel on récite la bénédiction.

ברוך אתה ה’ א‑לוהינו מלך העולם המוציא לחם מן הארץ‏

Baroukh ata Adonaï, Elohènou, melekh ha‑olam, hamotzi lèkhem min ha-aretz
« Béni sois-Tu, Seigneur, notre Dieu, Roi de l’univers,
Qui fais sortir le pain de la terre. »

Ce pain s’appelle « ‘halla », on en dispose deux tresses à chaque repas. Les ‘hallot représentent la manne qui nourrissait miraculeusement le peuple juif dans le désert du Sinaï pendant quarante ans. En semaine, chaque personne recevait seulement une portion de manne, mais le vendredi, la mesure était doublée : une mesure pour le jour-même et une autre pour Shabbat. (Ex 16, 22-23, 25-26). On protège les ‘hallot dans un tissu qui symbolise la rosée entourant la manne.

la ‘halla est la partie du pain que l’on ne mange pas, la dîme prélevée de la pâte que l’on donnait aux Cohanim (prêtres) comme offrande réservée pour eux à l’époque du Temple. En l’absence du Temple à Jérusalem, nous ne donnons pas la ‘halla à un Cohen, mais nous la brûlons sur le gaz ou dans le four.

D.ieu parla à Moïse en disant : « Lorsque vous arriverez dans le pays où je vous conduis et que vous mangerez du pain du pays, vous en prélèverez une part pour D.ieu. Des prémices de votre pate, vous prélèverez un morceau comme une offrande. Vous prélèverez de la même manière que pour le tribut de la grange. Des prémices de votre pate vous donnerez un tribut à D.ieu dans toutes vos générations. » (Nb 15, 17-21)

Moïse dit: « Voici ce qu’a ordonné le Seigneur: ‘Qu’un ômer plein de cette manne reste en dépôt pour vos générations, afin qu’elles connaissent le pain dont je vous ai nourris dans le désert, lorsque je vous ai fait sortir du pays d’Égypte.’  » (Ex 16, 32)

Rachi commente :

A l’époque de Yirmeya (Jérémie = « celui que l’éternel a désigné « ), lorsque celui-ci adressait aux gens des reproches en leurs disant : « Pourquoi n’étudiez-vous par la Torah ? », ils lui répondaient : « Devrions-nous cesser de travailler pour étudier la Torah ? De quoi vivrions-nous ? ». Il leur exhibait alors le flacon de manne et leur disait : « O génération ! Voyez la parole de Hachem ! » (Jr 2, 31). Il ne disait pas : « Ecoutez ! », mais : « Voyez ! » Voici ce dont se sont nourris vos ancêtres ! Hachem dispose de nombreux messagers pour préparer la nourriture de ceux qui Le craignent (Mekhilta).

Le message de la manne c’est que c’est D.ieu qui nous donne notre pain, nous sommes de simples gérants de passage. Shalom babayit !

Sur le Shabbat une émission de Gérard Haddad et Didier Long sur France Culture à propos de « Tu sanctifieras le jour du repos »

Voir aussi : Les pains de proposition du Temple et le Shabbat

LE SHABBAT, Josy Eisenberg : »La Source de vie », avec Gérard Haddad et Didier Long

Réécouter l’émission de Josy Eisenberg sur France 2 « La Source de Vie où Gérard Haddad et moi-même étions invités. C’est ici :

http://pluzz.francetv.fr/videos/source_de_vie_,95271425.html

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Extraits :

Josy Eisenberg : Selon la tradition juive, le Chabbat est un cadeau fait par Dieu au peuple d’Israël par le truchement de Moïse. En effet, dans la prière du Chabbat, on dit « Moïse, le serviteur fidèle, se réjouit du cadeau « que Dieu lui a donné lorsqu’il était sur le mont Sinaï, à savoir le Chabbat.
Pour parler du Chabbat, ce jour essentiel dans la piété juive, j’ai le plaisir de recevoir  Gérard Haddad, psychanalyste et Didier Long, ancien bénédictin, qui ont publié ensemble un livre sur le Chabbat, « Tu  sanctifieras le jour du repos » paru aux Editions Salvator. Je ne vais pas vous demander pourquoi vous avez écrit un livre C’est un peu naturel pour un juif.

Gérard Haddad :  Pas si naturel que ça. J’ai été entraîné par mon ami Didier Long !…[…]

Gérard Haddad :  C’était très mal vu dans l’Antiquité. Les Grecs disaient « Un jour par semaine, ils ne fichent rien ! »Des paresseux! Les écrivains romains, latins, ont beaucoup traité les juifs de paresseux. « S’arrêter une fois par semaine ? »-« C’est pas rentable ! ». C’est un jour où on a proclamé ce qui était une hérésie dans l’Empire romain. Les juifs étaient diabolisés comme paresseux et persécutés. C’est un jour d’égalité où il n’y a plus ni patrons ni domestiques.

Josy Eisenberg : Aujourd’hui, la CGT descendrait dans la rue…

Gérard Haddad : « Tripalium » , c’est la torture. Le mot tripalium va donner le mot « travail ». Ce tripalium, un jour par semaine, il s’arrête. Et nous sommes appelés a un travail d’esprit.

La Torah a inventé la semaine de 7 jours. Ça ne fait pas de doute. Ça a été reconnu. Un livre a été écrit par un ami musulman, Ali Magoudi, sur le temps. Et il dit « La notion de sept est une invention juive. »-C’est drôle, ça paraît…tellement naturel! Nous vivons là-dedans. Et puis ça devient 7 fois 7. Ça fait Chavouot. Il y a les 7 années, les 7 fois 7 années. Tout le temps est structuré. Et aussi l’espace. Un jour par semaine sans rien faire, c’était la première loi sociale, le Chabbat! Le chabbat est une bombe à retardement qui va, avec les siècles, faire exploser le système esclavagiste, petit à petit. Le Chabbat a été une brisure dans le système ancien du discours du maître, pour parler comme Lacan.

Didier Long : Historiquement, le chabbat est né au moment de l’exil à Babylone (en -597). Privée de son temple, l’identité juive va se structurer autour du temps. Comme dit Abraham Heschel (Les bâtisseurs du temps), privé de lieu physique, les juifs ont structuré le temps et l’ont sanctifié. Après la destruction du Temple en l’an 70 toute la liturgie du Temple de Jérusalem a été transférée dans l’office du Chabbat à la synagogue vers le « sacrifice des lèvres ». […]

 J’ai rencontré une communauté assez formidable de gens. Fabrice, Alexis, Gaston, Ronny, tous ces gens qui se reconnaîtront. Une petite communauté d’une vingtaine de personnes, sépharades, avec ce rabbin, Haïm Harboun, qui venait du Mellah de Marrackech. Petit à petit, je suis rentré là-dedans.

Je suis rentré dans la pratique du Chabbat. Et à ce moment, j’ai relu les évangiles complètement autrement, le Nouveau Testament. Et  je me suis aperçu que les chrétiens, dans les textes, les pères de l’Eglise, dans la partie orientale de l’Empire romain et dans tout l’espace Parthe qui est l’Iran actuel, les judéo-chrétiens avaient pratiqué le Chabbat au moins jusqu’au 5e siècle. Ça m’a fortement étonné. Je me suis dit « Pourquoi on fête le dimanche ? « Comment est-on passés du samedi, du Chabbat au dimanche ? »

Dans la liturgie du Chabbat, l’office du matin, on dit « Chabbat vayinafash ». On traduit souvent « Le 7e jour, il s’est reposé. »Il faudrait traduire « Le septième jour il a retrouvé son âme » s’arrêter de travailler; Comme me l’a dit le rabbin Haïm Harboun vayinafash vient de »Nefesh », l’âme :  » le septième jour, on retrouve son âme ». Le fait de s’arrêter permet d’ouvrir un espace de liberté où on retrouve, on découvre qui on est véritablement. On ouvre un espace de liberté après une semaine de servitude. On décide de sanctifier ce jour pour vivre dans la liberté. Notre condition originaire est une condition d’homme libre. C’est une immense invention juive pour toute l’humanité.