La Sidra de TSAV, « prescris », 12 Nissan 5773

Torah

Un commentaire de la paracha du dernier Shabbat (à lire ici) par le Rav Haïm Harboun.

La Sidra de Tsav tombe cette année juste avant Pessah. Le chabbath qui précède la fête de Pessah est appelé Chabbath Hagadol, « le  Grand Chabbath » ; Pourquoi ?  Si c’était le chabbath lui-même qui est grand on aurait dû dire Chabbath Haguédola au féminin puisque le mot « chabbath » est du genre féminin. Mais en fait, Chabbath Hagadol est la contraction de « Chabbath Ness Hagadol », le « chabbath du grand miracle ». Ce qui est grand en vérité, c’est donc le miracle qui s’est produit le chabbath avant Pessah. Après plus d’un siècle d’esclavage en Egypte, dans un pays alors animiste où on adorait des animaux, les Hébreux ont eu le courage d’immoler dans chaque famille un agneau et de badigeonner les linteaux de leurs maisons avec son sang. Or l’agneau était un des dieux égyptiens. Cet acte était une véritable provocation, une révolte d’esclaves dont l’issue ne pouvait que se solder par un massacre exemplaire dans l’antiquité. Ceci prouve que l’esclavage, n’a pas modelé la mentalité des Hébreux, Ces derniers ont trouvé en eux le ressort pour réagir. Ils ont provoqué la fureur des Egyptiens… qui sont restés complètement passifs. Voilà le vrai « grand miracle ».

La sidra précédente, celle de Vayikra, traitait des sacrifices à l’attention des cohanim, par contre la Sidra de Tsav traite du même sujet mais à l’intention du peuple d’Israël. Tout ce qui traite des sacrifices, surtout dans notre civilisation actuelle, donne le sentiment qu’il s’agit d’une véritable boucherie. Quelle différence y a –t-il entre le temple et un abattoir ? En vérité, il y a une grande différence, car tout  dépend de l’intention de la personne qui offre le sacrifice et  du regard qu’on porte à une action. Tout dans ce bas monde est profane. Le judaïsme précise que le but du Juif est de faire passer le profane au stade du sacré. Ainsi, on peut manger comme un animal parce qu’on a faim. Mais pour le Judaïsme, manger est un acte sacré. La table sur laquelle on mange a la même fonction que l’autel sur lequel on procède aux sacrifices. La doctrine juive fait d’un repas un véritable acte spirituel. Par conséquent tout dépend de la finalité d’un acte. Celui-ci doit prendre une signification noble. C’est l’objet de la sidra de Tsav quand elle parle du grand prêtre, des habits des cohanim ou de l’Holocauste (‘Ola).

Le grand-prêtre, homme de parole et le « sacrifice des lèvres »
Un homme ayant des problèmes d’ordre psychologique peut mettre en danger, par son comportement, l’équilibre de la société. C’est pourquoi toute personne culpabilisée par une action fautive avait la possibilité de venir au Temple avec un sacrifice et faire état de tout ce qui est la cause de son désarroi. Le Cohen l’écoute attentivement, prend le sacrifice et apporte le calme et la sérénité à cet homme en état de mal être. Le temple, ou plus précisément son sanctuaire, était donc un lieu qui permettait à l’homme troublé de revenir directement à la spiritualité et au calme psychique. Comment cela se passait-il ?

La paracha de Tsav est la seconde partie de celle de Vayikra. Nous avions alors remarqué qu’il était étrange que « Celui que les cieux ne peuvent contenir » se tienne sur un petit michkane si restreint. Mais mieux encore nous avions remarqué que la voix de D., cette voix dont le psaume 29 que nous chantons après avoir proclamé et commenté la Torah, alors que nous rapportons le rouleau de la Loi dans l’arche, cette voix qui « retentit sur les eaux, le Dieu de gloire tonne »… qui « brise les cèdres, c’est l’Eternel qui met en pièces les cèdres du Liban », « qui  fait trembler le désert de Kadêch » et même « enfanter les biches »…, Et bien cette voix puissante que Moïse entendait n’était pas audible en dehors de la tente pour le peuple… Rachi s’en étonne : « Depuis la tente d’assignation, cela nous apprend que la voix s’arrêtait et qu’elle ne se manifestait pas hors de la tente. J’aurais pu penser qu’il en fût ainsi parce qu’elle était trop basse. Aussi est-il écrit : « “la” voix » (Nombres 7, 89). De quelle voix s’agit-il ? De celle dont il est question dans le livre des psaumes: « “La voix” de Hachem éclate dans la force, “la voix” de Hachem éclate avec majesté, “la voix” de Hachem brise les cèdres » (Tehilim 29, 4). Dans ce cas, pourquoi est-il précisé : « depuis la tente d’assignation ?»  Pour nous apprendre que la voix s’arrêtait. Il en est de même dans : « Et le bruit des ailes des chérubins s’entend jusqu’à la cour extérieure » (Ye‘hezqèl 10, 5). J’aurais pu penser qu’il en fût ainsi parce qu’elle était trop basse. Aussi est-il écrit : « Comme la voix de Qél Chaddaï quand Il parle » (ibid.). Dans ce cas, pourquoi est-il précisé : « jusqu’à la cour extérieure » ? Parce que, dès qu’elle y parvenait, elle s’arrêtait. »

Rachi : le Maître de Troyes qui voulait seulement établir le premier sens de l’Ecriture, après avoir, un jour entendu un père donner une mauvaise traduction à son fils, alors qu’il entrait dans la synagogue ; Rachi, toujours soucieux de précision n’en reste pas là et il commente :

« Il appela Mochè. La voix se propageait et atteignait ses oreilles, et nul en Israël ne l’entendait. ». Rachi en tire la conclusion  « J’aurais pu penser qu’il y eût eu un appel également pour signaler les interruptions dans le discours. Aussi est-il écrit : « lui parla », ce qui veut dire qu’il y a eu un « appel » lors de la prise de parole, et non pour les interruptions. Et à quoi les interruptions ont-elles servi ? À donner à Mochè le temps de réfléchir entre un paragraphe et le suivant et entre un sujet et l’autre. À plus forte raison un simple être humain en a-t-il besoin lorsqu’il étudie auprès d’un de ses semblables». Lire la suite de « La Sidra de TSAV, « prescris », 12 Nissan 5773 »

Pessah : Ce soir… sentez vous libre !

Seder de PessahC’est ce soir le seder de Pessah. En étudiant le nom des mets servis lors du Seder (« ordre » en hébreu = repas) la veille de Soukkot,  Gérard Haddad a montré dans son livre « Manger le livre » que les mots hébraïques ( retranscris au fond du plat du seder-photo) ont les mêmes homonymies que les invocations qu’ils « sous-entendent ». Par exemple le mot hébreu pour « fève » ressemble à celui pour « malédiction ». Avaler la fève revient à maudire ses ennemis. Il s’agit donc littéralement de « manger des mots » lors du seder de de la fête de Soukkot.

Ceci rejoint les lois qui séparent le lait de la viande…« Tu ne feras pas cuire le chevreau dans le lait de sa mère » dit le livre du Lévitique. Ces préceptes alimentaires sont avant tout un rappel de l’interdit fondamental de l’inceste. Cet interdit qui fonde toute culture.

Ce soir l’enfant demandera : Ma nishtana halaila hazeh mikol haleilot? « Pourquoi cette nuit est-elle différente de toutes les autres nuits ? ». Et son père lui racontera  la Haggadah de Pâques, la libération d’Egypte, un texte de bergers vieux de plusieurs millénaires et compilé au moment de la mishna vers 220.

Ainsi, lors de ce seder, alors que les pains azymes (sans levain) rappellent que les hébreux, dans un sursaut de liberté ont quitté l’Egypte sans avoir le temps de faire lever la pâte, il s’agit de « manger la parole » pour être libéré d’Egypte. De manger des azymes pendant une semaine pour s’en souvenir. La dimension symbolique de l’acte de manger, cet acte d’incorporation et l’écriture nous rappelle que pour le judaïsme toute table est un autel.

plat de seder

Un passage du Pirqé Avot (1er siècle) attribué à Siméon Bar Yochai (fin du premier siècle – début du second) dit :

« Lorsque trois hommes mangent ensemble à une même table et n’y disent pas de paroles de les Torah, c’est comme s’ils avaient mangé des aliments offerts en sacrifice à des idoles mortes », comme il est dit: « car leurs tables sont pleines de mets orduriers, sans place pour D.ieu » (Isaïe 28,8). Mais trois personnes qui mangent à la même table et y ont échangent des paroles de la Torah, c’est comme s’ils avaient mangé à la table du Lieu (Maqom) D.ieu le maître du monde). Comme il est dit: « Voici la table qui est devant Hachém » (Ezékiel 42,22). (Pirqé Avot III, 4)

Et un passage du talmud de Babylone rapporte en écho ce raisonnement :

« L’Ecriture laisse entendre que l’on peut conférer son repas un caractère de sainteté puisqu’il est écrit (Ez 41, 22) : « L’autel en bois avait trois coudées de haut et deux coudées de long. Il avait ses angles, sa longueur et ses parois en bois et l’homme me dit : ‘‘C’est la table devant l’Eternel’’». Le verset commence par détailler les dimensions de l’autel… et indique à la fin, qu’il s’agit d’une table ! Rabbi Yohannan et Rabbi Eleazar en tirent tous deux cette idée-force : Tant que le temple existait, l’autel procurait expiation à Israël, et maintenant que le sanctuaire est détruit, la table, enrichie de commentaires sur les textes sacrés, lui sert de substitut » (TB Berakhot 55 a)

Le Temple était le lieu sacrificiel de la rencontre, tous les sacrifices étaient des offrandes de nourriture en réalité (dans l’antiquité toute viande mangée est le fruit d’un sacrifice à un dieu dans un temple), on privait son désir du meilleur pour s’ouvrir à l’Eternel et guérir de son désir mauvais et égoïste (péché). Le temple détruit, les sacrifices arrêtés, la table du seder a pris cette place. Lire la suite de « Pessah : Ce soir… sentez vous libre ! »