Un commentaire de la paracha du dernier Shabbat (à lire ici) par le Rav Haïm Harboun.
La Sidra de Tsav tombe cette année juste avant Pessah. Le chabbath qui précède la fête de Pessah est appelé Chabbath Hagadol, « le Grand Chabbath » ; Pourquoi ? Si c’était le chabbath lui-même qui est grand on aurait dû dire Chabbath Haguédola au féminin puisque le mot « chabbath » est du genre féminin. Mais en fait, Chabbath Hagadol est la contraction de « Chabbath Ness Hagadol », le « chabbath du grand miracle ». Ce qui est grand en vérité, c’est donc le miracle qui s’est produit le chabbath avant Pessah. Après plus d’un siècle d’esclavage en Egypte, dans un pays alors animiste où on adorait des animaux, les Hébreux ont eu le courage d’immoler dans chaque famille un agneau et de badigeonner les linteaux de leurs maisons avec son sang. Or l’agneau était un des dieux égyptiens. Cet acte était une véritable provocation, une révolte d’esclaves dont l’issue ne pouvait que se solder par un massacre exemplaire dans l’antiquité. Ceci prouve que l’esclavage, n’a pas modelé la mentalité des Hébreux, Ces derniers ont trouvé en eux le ressort pour réagir. Ils ont provoqué la fureur des Egyptiens… qui sont restés complètement passifs. Voilà le vrai « grand miracle ».
La sidra précédente, celle de Vayikra, traitait des sacrifices à l’attention des cohanim, par contre la Sidra de Tsav traite du même sujet mais à l’intention du peuple d’Israël. Tout ce qui traite des sacrifices, surtout dans notre civilisation actuelle, donne le sentiment qu’il s’agit d’une véritable boucherie. Quelle différence y a –t-il entre le temple et un abattoir ? En vérité, il y a une grande différence, car tout dépend de l’intention de la personne qui offre le sacrifice et du regard qu’on porte à une action. Tout dans ce bas monde est profane. Le judaïsme précise que le but du Juif est de faire passer le profane au stade du sacré. Ainsi, on peut manger comme un animal parce qu’on a faim. Mais pour le Judaïsme, manger est un acte sacré. La table sur laquelle on mange a la même fonction que l’autel sur lequel on procède aux sacrifices. La doctrine juive fait d’un repas un véritable acte spirituel. Par conséquent tout dépend de la finalité d’un acte. Celui-ci doit prendre une signification noble. C’est l’objet de la sidra de Tsav quand elle parle du grand prêtre, des habits des cohanim ou de l’Holocauste (‘Ola).
Le grand-prêtre, homme de parole et le « sacrifice des lèvres »
Un homme ayant des problèmes d’ordre psychologique peut mettre en danger, par son comportement, l’équilibre de la société. C’est pourquoi toute personne culpabilisée par une action fautive avait la possibilité de venir au Temple avec un sacrifice et faire état de tout ce qui est la cause de son désarroi. Le Cohen l’écoute attentivement, prend le sacrifice et apporte le calme et la sérénité à cet homme en état de mal être. Le temple, ou plus précisément son sanctuaire, était donc un lieu qui permettait à l’homme troublé de revenir directement à la spiritualité et au calme psychique. Comment cela se passait-il ?
La paracha de Tsav est la seconde partie de celle de Vayikra. Nous avions alors remarqué qu’il était étrange que « Celui que les cieux ne peuvent contenir » se tienne sur un petit michkane si restreint. Mais mieux encore nous avions remarqué que la voix de D., cette voix dont le psaume 29 que nous chantons après avoir proclamé et commenté la Torah, alors que nous rapportons le rouleau de la Loi dans l’arche, cette voix qui « retentit sur les eaux, le Dieu de gloire tonne »… qui « brise les cèdres, c’est l’Eternel qui met en pièces les cèdres du Liban », « qui fait trembler le désert de Kadêch » et même « enfanter les biches »…, Et bien cette voix puissante que Moïse entendait n’était pas audible en dehors de la tente pour le peuple… Rachi s’en étonne : « Depuis la tente d’assignation, cela nous apprend que la voix s’arrêtait et qu’elle ne se manifestait pas hors de la tente. J’aurais pu penser qu’il en fût ainsi parce qu’elle était trop basse. Aussi est-il écrit : « “la” voix » (Nombres 7, 89). De quelle voix s’agit-il ? De celle dont il est question dans le livre des psaumes: « “La voix” de Hachem éclate dans la force, “la voix” de Hachem éclate avec majesté, “la voix” de Hachem brise les cèdres » (Tehilim 29, 4). Dans ce cas, pourquoi est-il précisé : « depuis la tente d’assignation ?» Pour nous apprendre que la voix s’arrêtait. Il en est de même dans : « Et le bruit des ailes des chérubins s’entend jusqu’à la cour extérieure » (Ye‘hezqèl 10, 5). J’aurais pu penser qu’il en fût ainsi parce qu’elle était trop basse. Aussi est-il écrit : « Comme la voix de Qél Chaddaï quand Il parle » (ibid.). Dans ce cas, pourquoi est-il précisé : « jusqu’à la cour extérieure » ? Parce que, dès qu’elle y parvenait, elle s’arrêtait. »
Rachi : le Maître de Troyes qui voulait seulement établir le premier sens de l’Ecriture, après avoir, un jour entendu un père donner une mauvaise traduction à son fils, alors qu’il entrait dans la synagogue ; Rachi, toujours soucieux de précision n’en reste pas là et il commente :
« Il appela Mochè. La voix se propageait et atteignait ses oreilles, et nul en Israël ne l’entendait. ». Rachi en tire la conclusion « J’aurais pu penser qu’il y eût eu un appel également pour signaler les interruptions dans le discours. Aussi est-il écrit : « lui parla », ce qui veut dire qu’il y a eu un « appel » lors de la prise de parole, et non pour les interruptions. Et à quoi les interruptions ont-elles servi ? À donner à Mochè le temps de réfléchir entre un paragraphe et le suivant et entre un sujet et l’autre. À plus forte raison un simple être humain en a-t-il besoin lorsqu’il étudie auprès d’un de ses semblables». Lire la suite de « La Sidra de TSAV, « prescris », 12 Nissan 5773 »