Un rabbin a suggéré que l’incendie de la cathédrale de Paris pouvait être la réponse divine aux 24 chariots de Talmud brûlés sur la place de Grève en 1242. L’idée que D-ieu joue avec des allumettes la veille de Pessah semble quand même improbable. Mais surtout les incendies de toiture d’églises sont banals au Moyen-âge: la cathédrale de Chartres a brûlé deux fois avant son inauguration; les Annales de saint Nicaise rapportent qu’en 1210 « l’église de Reims a brûlé en la fête de Saint Jean, devant la Porte latine », et on a du tout reconstruire, un nouvel incendie en 1481 détruit la charpente : une négligence des ouvriers a mis le feu dans les combles , Reims le 06 mai 1210, etc…. Mais revenons sur le « brûlement du Talmud », que s’est il réellement passé à l’époque ?
Être juif à Paris en 1240
En 1240 on est à l’apogée du Gothique[1]. Les portails de la cathédrale de Chartres viennent d’être terminés. A Paris, les arcs boutants à simple volée, une prouesse technique ! poussent depuis 10 ans les voûtes de Notre-Dame vers le ciel. Les beffrois sont réalisés depuis 10 ans. Grace à Louis IX, alias « Saint Louis », grâce à l’Université de Paris, Paris est le coeur intellectuel de la chrétienté du XIIIe siècle. L’an dernier, le roi acheté pour une somme considérable, la supposée couronne d’épines de la passion de Jésus à des marchands vénitiens. Vers 1240-1241, le théologien allemand Albert le Grand est à Paris, il y enseigne les traductions des textes grecs et arabes et commence à travailler sur Aristote et Avérroès. Il décrit la Synagogue comme une femme aux yeux bandés. Son futur disciple, Thomas d’Aquin, l’ami théologien de Louis IX qui tentera bientôt de concilier la pensée d’Aristote et la foi chrétienne, à la suite de Moïse Maïmonide pour le judaïsme (qu’il appellera avec admiration »l’aigle de la Synagogue »), n’a encore que 16 ans, il est oblat bénédictin au Mont Cassin. en 1240 Juda al-Harizi vient de terminer la traduction latine du Guide des égarés que vont lire les scolastiques dont Thomas d’Aquin. Les tossafistes, la génération de disciples de Isaac ben Samuel l’ancien lui même disciple de Rabbenou Tam commentent Rachi en Champagne, en Allemagne, en Hongrie. En Espagne Moïse de Léon le rédacteur ou compilateur du Zoharver 1270 vient de naître à Guadalajara. Le « Sefer Hassidim » de Juda le Hassid (Yehoudah ben Chemouel hê-’Hassid), somme des idées et traditions est le manuel piétiste des hassidim (pieux) aschkénazim (allemands).
Les juifs circulent beaucoup dans entre les communautés de Bohème, d’Allemagne, de France et d’Espagne. Il n’est pas rare que ces tossafistes soient des convertis au judaisme comme Samson ben Abraham (leRASH) de Sens (1150-1230) ou Isaac ben Abraham le Jeune, son frère, rosh yechiva à Dampierre. Les écrits des tossafistes entre 1150 et 1250 définissent comment établir des relations avec les chrétiens. Les rabbins polémiquent contre l’adoration des images de la mère de Jésus et du crucifix, une idolâtrie.
Mais en ces années 40 du XIIIème siècle les juifs qui vivent dans les quartiers au pied de ces cathédrales rasent les murs…
Meïr ben Baroukh de Rothenburg (v. 1215 – 2 mai 1293) surnommé le Maharam (Morenou HaRav Meïr) et considéré comme le plus grand talmudiste de son époque est de passage à Paris pour assister à une disputatio entre juifs et chrétiens sur le Talmud. Il vient soutenir son ami Yehiel de Paris en mauvaise posture dans ce débat contre un de ses anciens étudiants chassé de sa yéchiva et devenu depuis franciscain qui veut en découdre. Le roi sera là. Un autre rabbin Tossafiste l’accompagne : Moïse ben Jacob de Coucy qui a ramené des milliers de Juifs d’Espagne à le techouva (repentir).
Promenons nous avec eux dans les rues de Paris de l’époque.
Disputation entre clercs et rabbins. Gravure sur bois de Johannes von Armsheim – 1483
Le mot que j’ai laissé à une amie catholique suite à l’incendie de la Cathédrale de Paris :
De quelques principes constructifs médiévaux
La cathédrale n’a pas grand chose à craindre car les médiévaux savaient mieux que nous la puissance du feu (les maisons autour étaient en bois). On commence seulement à comprendre la complexité des structures gothiques et leurs principes d’interactions de forces pour faire « tenir des pierres en l’air » grâce au calcul par éléments finis. Cet édifice rompt avec l’époque romane et son principe constructif de murs-poids et d’épaisses colonnes qui ne permettent pas de voir la lumière extérieure (petites ouvertures dans le mur). Le Gothique ce ne n’est pas seulement les « arcs boutants » mais un maîtrise mathématique des forces à l’intérieur de la matière .
Charlemagne en campagne contre les Maures, Bibliothèque de Turin
La première croisade qui vit massacrer des milliers de juifs en 1096 en Rhénanie et assombrit la fin de la vie de Rachi en Champagne n’avait pas encore eu lieu quand l’empereur à la barbe fleurie (en réalité ni barbe ni fleurs chez les francs!) régnait et les juifs vivaient un véritable âge d’or à l’époque Carolingienne. Ainsi à Narbonne, Le Rabbi Makhir fonde en 800 une école religieuse et reçoit à l’époque de l’Empereur d’Occident la charge d’une grande partie de la ville sorte de petite royauté. Le Makhir a obtenu un poste équivalent à celui d’exilarque à Babylone de Charlemagne.
En 797 Charlemagne envoyae un ambassadeur, Isaac le juif (un franc), à Babylone au sultan Hâroun ar-Rachîd pour s’assurer de son soutien dans son combat contre la dynastie des Omeyades (il fut probablement le traducteur des deux nobles chrétiens). De retour, seul, en 802 à Aix-la-Chapelle, Isaac remet à Charlemagne les cadeaux reçus d’Haroun ar-Rachid dont un éléphant !
On trouve dans Des faits et gestes de Charles le Grand, roi des Francs et empereur, par un moine de Saint-Gall qui n’est autre qu’une chronique de la vie de Charlemagne rédigée vers 884 à partir d’un recueil oral d’anecdotes (probablement romancée) sur la vie de Charlemagne, cette histoire très drôle. Lire la suite de « Charlemagne, la souris et le marchand juif »→
J’écris cet article de ma maison au pied de Minerve, sur les « terres » de ma femme. Minerve dont le massacre des derniers cathares par Simon de Montfort, héraut de la croisade contre les albigeois, sonnera la fin de l’âge d’or des juifs de Provence parlant l’hébreu, l’arabe et la langue du pays d’Oc.
Ceux qu’on appelle les « juifs de Provence » au Moyen Age ne sont pas d’abord les juifs de Marseille mais ceux de ce qu’on appelle ici le « midi », cette région au flanc des Pyrénées qui s’étend entre Toulouse, Carcassonne, Béziers, Narbonne, Montpellier et Lunel.
Installés d’abord à Narbonne, les juifs sont alors partout présents dans les grandes villes et les villages du midi au Moyen Age, En catalogne (Perpignan-Gérone), ils vivent dans des call depuis le concile de 1215 (du mot hébreu kahal – ou rassemblement).
Synagogue de Narbonne
Communautés juives au Moyen-Age en Provence-Languedoc
Le Rav Harboun m’a confié un petit livre étrange avant de partir à Jérusalem. Comme on peut lire en haut de page c’est un livre du Rambam, (l’acrostiche de ‘Rabbi Moshe Ben Maimon’), Maïmonide, né à Cordoue en 1135 et qui erra en Espagne et à Fès au Maroc puis vécut 40 ans en Egypte. Maïmonide, le plus grand maître du judaïsme, médecin, talmudiste , théologien… dont la tradition dit « De Moïse jusqu’à Moïse, il n’y eut personne comme Moïse » et à qui on se réfère constamment.
Il s’agit des règles du shabbat par Maimonide.
Rambam Halakhot Chabbat (« Maïmonide, les règles du shabbat »)
Mais le plus drôle c’est qu’on trouve au milieu de la page en lettre hébraïques, m’a fait remarquer mon ami, une inscription en lettres hébraïques mais en arabe : tafsir biarabia. « Commentaire en arabe ».
L’arabe était la lingua franca des rives de la Méditerranée mais l’usage de ses caractères est prohibé au non musulmans ; l’hébreu était alors l’une des deux langues savantes de l’Europe occidentale. L’arabe était donc devenu la langue vernaculaire des séfarades utilisée aussi pour leurs écrits scientifiques, philosophiques. Dès la seconde moitié du IXe siècle, la plupart des textes juifs en prose, sont écrit directement en arabe.
Tafsir biarabia « le commentaire en arabe » Dans le monde musulman le mot tafsir (تَفْسِير tafsīr, « interprétation ») désigne le commentaire. (voir ici ). Ce mot est aussi utillisé pour l’interprétation du Coran (voir ici)
Il faut dire que la plupart des grandes œuvres sépharades ont été écrites… en arabe. Ainsi, Le Moré Névoukhim, le « Guide des Egarés » de Maimonide, ses épitres (Iggérot), ont été écrit en arabe. Le Hak-Kûzari « Livre des arguments et des preuves pour le défense de la foi méprisée » (vers 1140) de Judah Ha-Levi est aussi écrit en arabe. Saadia Gaon (Sa`īd ibn Yūsuf al-Fayyūmi en arabe) qui vit en Egypte et en Babylonie au Xème siècle écrit en arabe. Toute la poésie hébraïque de l’époque s’écrit en langue arabe.
On écrivait donc en judéo-arabe (arabe en lettres hébraïques) :
Manuscrit en judeo-arabe du Guide des perplexes Yémen, XIII ou XIVe siècle
En réalité l’histoire permet de prendre du recul. Les musulmans ont longuement étudié Maïmonide, appelé en arabe Abou Amram Mousa Maïmoun Obad Allah, tout comme Thomas d’Aquin qui le cite en permanence dans sa somme théologique en l’appelant « l’aigle de la synagogue ». Juifs, chrétiens et musulmans ne sont pas nés pour se détester. On ne nait ni juif, ni chrétien ni musulman, on nait dans l’humanité disait Leibovitz. Voilà ce qu’écrivait Maîmonide, en hébreu :
Malgré tout, les pensées du Créateur du monde sont impénétrables pour l’homme, notre conception et notre pensée sont différentes de la sienne. En effet, toutes ces choses-là concernant Jésus le nazaréen, et l’Ismaélite qui vint après lui [Muhammad], ne sont venues qu’afin de préparer le chemin pour le roi Messie, pour améliorer le monde entier à servir Dieu ensemble : Alors je transformerai les peuples d’un langage commun pour que tous invoquent le nom de l’Eternel et le servent d’un cœur unanime [1]
Moïse Maïmonide, Mishné Torah (lois des Rois 11, 4).
Ces quelques lignes me sont parvenues de Jérusalem :
« Mon cher Didier,
Tu connais mieux que moi l’histoire juive, ça avance ! Les temps messianiques finiront par poindre un jour. Entre temps nous les petits fidèles parmi les petits nous croyons qu’une Providence dirige l’histoire et notre croyance nous oblige à être optimistes. Je te salue, je suis écrasé par la chaleur il fait 39 dans la journée mais ceci aussi fait partie des épreuves que nous subissons dans ce bas monde !
Haïm le Mellahite »
On me permettra donc ce billet à la frontière de la théologie et de la science-fiction historique en ce 31 juillet 2014.
Juillet-août, les esprits s’échauffent….
Nous sommes donc le 31 juillet. Et alors me direz-vous ? Alors ? Mais voyons, alors ? Alors c’est le 31 juillet 1492 « c’est l’or Monsignor », comme dit de Funès dans l’inoxydable Folie des grandeurs. C’est le 31 juillet 1492 que les juifs ont été chassés d’Espagne engendrant le monde séfarade (sefardim, « ceux d’Espagne »). C’est aussi, tout le monde (beaucoup plus) appris à l’école, à cette époque que Christophe Colomb quitta l’Espagne quelques jours plus tard, le 03 août 1492… pour découvrir le Nouveau Monde et en ramener l’or et les épices. Et probablement aussi une bonne insolation (il se croyait à la fin de sa vie le Prophète des temps nouveaux dont la circumnavigation allait déclencher l’Apocalypse).
Ce 31 juillet 1492 était un jour de Tisha be Av’, un jour très particulier pour le peuple juif, une Solennité, le neuvième jour du mois de av’ 5252 selon le calendrier hébraïque. Ce mémorial est un jour de pleurs et de jeune en souvenir de la destruction du Temple de Jérusalem en l’an 70 de notre ère. Mais aussi, disent les Sages d’Israël, de commémoration de la destruction du premier Temple en -586 avant l’Exil à Babylone, de la destruction de la forteresse de Bétar lors de la seconde guerre judéo-romaine en 135, et de l’arasement de Jérusalem transformée en Aelia Capitolina avec interdiction pour les juifs d’y entrer l’année suivante. Bref, ce jour (qui tombera le 05 aout cette année) est celui des tuiles.
L’expulsion du 31 juillet 1492
L’expulsion d’Espagne par les rois catholiques via le décret de l’Alhambra se fit sur le conseil de l’Inquisition de l’église espagnole. En effet, le riant cardinal Torquemada, Grand Inquisiteur de 1483 à sa mort en 1498, magnifiquement croqué par Dostoïevski dans Les frères Karamazov (voir ici) confesse, c’est-à-dire conseille ! Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon.
La date retenue est donc prise en conscience. Comme si les multiples poussées de fièvre antisémite avaient besoin d’anniversaires pour se rassurer sur leur légitimité.
L’édit d’expulsion de l’Alhambra publié le 31 mars 1492 expire pour le 31 juillet 1492, pour Tisha beAv. Il précise : «… Nous avons décidé d’ordonner à tous les juifs, hommes et femmes, de quitter nos royaumes et de ne jamais y retourner… à la date du 31 juillet 1492 et ne plus rentrer sous peine de mort et de confiscation de leurs biens… »
Jusqu’au dernier moment Abravanel tentera de convaincre les souverains de leur erreur théologique… et économique. Si Isabelle et Ferdinand chassent les juifs c’est pour effacer leurs créances et surtout fédérer une identité espagnole catholique, pour toujours. Le plan grandiose se déroula comme sur des roulettes. La grande Espagne enfin catholique, suite à cette purification ethnique, débarrassée de ses minorités : juifs et musulmans (en janvier les « infidèles » perdent Grenade et quittent la péninsule ibérique) commencera une irrésistible ascension. Colomb leur apporta la Nouvelle Espagne, l’Amérique, sur un plateau d’argent. En 1520, Charles Quint à vingt ans se retrouva maître de la plus grande partie de l’Europe et de vastes domaines en Amérique et en Afrique. Jusqu’à ce que, comme par un de ces pieds de nez dont l’histoire a le secret, l’affaire tourna court…
Caramba, encore raté !
Car à sa mort en 1558, Charles Quint a échoué dans son grand programme : réprimer la Réforme, vaincre les Barbaresques, entamer le royaume de France… il laisse l’Espagne en ruine pour toujours qui disparait de la scène de l’histoire. Les juifs, eux, ont quitté l’Europe, ils sont partis vers des terres meilleures comme la Turquie où « le Grand Turc » comme on dit dans les livres d’Inquisition les accueille à bras ouvert, vers l’Afrique du Nord, la Hollande ou Huguenot se plait comme poisson dans l’eau…
Le 22 novembre 2012, le ministre de la Justice espagnol a présenté un statut particulier et un nouveau processus, supervisé par la Fédération espagnole des communautés juives, qui permettra aux candidats désirant être naturalisés de postuler plus facilement.
Il suffira de prouver les origines ibères : nom, langue, document généalogique, ou… liens avec la culture espagnole. 3,5 millions de descendants seraient concernés.
Une première liste de 5200 noms a été publiée : voir ici
L’Espagne tente aujourd’hui de faire revenir les juifs et de redonner la nationalité espagnole aux marranes par décret du gouvernement espagnol… il n’est pas sûr que cela suffise à la faire revenir sur le devant de la scène de l’histoire.
Ladareddu, le bouc émissaire du 31 juillet… en Corse
Cette longue histoire de la souffrance juive ne donne aucun blanc-sein à la politique israélienne qui , sans être Neitourei Karta, n’a rien de « messianique »… en ce 31 juillet…pas plus qu’en 70; mais, après tout, posez-vous la question, pourquoi les juifs n’auraient-ils pas, comme tous les autres peuples, droit à leur sécurité ?
En réalité la souffrance juive s’accumule dans la mémoire de l’Europe moderne : Inquisition, Holocauste… mais par un curieux effet de l’esprit, l’être humain a une redoutable capacité à oublier les souffrances juives. J’en ai fait l’expérience très personnelle.
Le nom de ma mère est Valli et je viens de la région de Porto-Vecchio (Portivecchju) en Corse du sud. Le savez-vous ? dans la nuit du 31 juillet au 1er aout à Porto-Vecchio, chez moi, on assiste à un rite curieux, ça s’appelle en langue Corse Ladareddu (« petit juillet ») : on prend un pantin de paille et d’écorce de chêne liège, on le juge sommairement, après on le promène dans les rues de la ville en le couvrant de sarcasmes. Puis on le brûle sur un bucher, sur la place de l’église en chantant : « O Luddareddu chi ti ni vai ! « petit juillet, hélas ! tu t’en vas ! » Comme en une étrange nostalgie.
On brûle donc le bouc émissaire, l’abominable « homme des lièges » qui représente le mois de juillet. Un bouc émissaire, des jugements sommaires et peu informés, l’abjection publique… ça ne vous rappelle rien ? Plus personne en Corse ne sait pourquoi on fait cela et les corses seraient les premiers étonnés de savoir que cette coutume remonte à l’Inquisition et qu’ils cicatrisent ainsi leur sort de juifs marranes. (Note : voir ici ) Tout le monde a oublié. Et j’ai même décidé de me rappeler ce qui est arrivé… c’est comme cela que je suis redevenu juif. Les gens oublient vite… Pas D.ieu. Car L’Eternel se souvientde nous (Psaume 115, 12)
Les juifs à la mer, et ensuite les morisques… comme en 1492 ?
Cinq siècles après 1492, la haine et la détestation d’Israël et des Juifs sont revenues dans les rues d’Europe, elles atteignent même des niveaux jamais vus depuis l’Holocauste. L’ami américain, le seul ami de l’Etat hébreu est dirigé par une équipe qui ne semble rien comprendre aux problèmes des orientaux. Les attaques de synagogues, de commerce et de personnes, pour la seule raison qu’ils soient juifs, les « mort aux juifs » aujourd’hui en France, en Allemagne… en disent long de l’état de la démocratie en Europe. C’est seulement un fait, l’Europe des banlieues de la République se réveille antisémite. Les juifs–même si il faut bien reconnaître une remarquable réaction de l’Etat Français, qui fuient vers Israël où ils peuvent enfin porter leur kippa dans la rue vont-ils quitter l’Europe ?
Les juifs sont le canari de la mine. Quand ils disparaissent c’est que le coup de grisou est proche. Et il est probable qu’une fois l’Europe débarrassé de ses juifs, les arabes prendront les bateaux suivants comme en Espagne en 1492. Ils devraient y réfléchir. Avant que ça pète ?
Est-ce ce que les européens et les français veulent cela ?
On peut aussi avoir une lecture plus théologique de ces poussées de fièvre antisémites estivales en période de jeûne (Ramadan, Tisha beAv).
Les douleurs d’enfantement du messie ou le délire des hommes ?
Car aujourd’hui comme il y a cinq siècles, les antisémites (on dit aujourd’hui « antisioniste ») de juillet devraient, avoir quelques raisons de craindre pour l’avenir.
Car paradoxalement, et comme le montre sa source biblique dans le Livre de Zacharie le 9 av est un jour qui annonce la joie : « le jeûne du quatrième mois, le jeûne du cinquième, le jeûne du septième et le jeûne du dixième se changeront pour la maison de Juda en jours d’allégresse et de joie. » (Livre de Zacharie 8, 19). Et le Talmud ajoute : « Qui pleure la destruction de Jérusalem mérite de se réjouir de sa reconstruction » (T.B. Taanit 30b). La tradition juive raconte que Le Messie doit naître un 9 av.
Le prophète Elie annonce l’arrivée du Messie, Haggadah de Venise, 1609
Comme si la destruction du temple et la haine pour Israël annonçaient sa reconstruction prochaine et la souffrance du peuple les douleurs d’enfantement du messie, le shalom messianique.
L’antisémitisme ne disparaîtra donc jamais, il est une affection pathologique très profonde du narcissisme blessé (voir ici) dont ne sortira probablement jamais l’humanité jusqu’à sa fin, il est consubstantiel à l’humanité.
Donc, que se rassurent les antisémites et antisionistes de tout poil : Israël ne mourra pas, sa civilisation a résisté aux Perses, aux Babyloniens, aux Grecs, à Rome, à la nouvelle Rome chrétienne, à l’Empire austro-hongrois transformé en IIIème Reich… Aujourd’hui le califat des banlieues de la globalisation ? … Mais elles sont où toutes ces tous ces chères Civilisations disparues qui devaient dominer l’humanité après avoir rayé Israël de la carte ? … des langues mortes. Le peuple d’Israël résistera donc à ce nouvel antisémitisme aujourd’hui rouge et brun mêlé,… peut-être pas la République ni sa place.
Et finalement on peut sans doute, comme mon rabbin, qui écoute la radio juive mais aussi arabe à Jérusalem en ce 31 juillet, sourire de toute cette folie. J’avoue que moi, je n’ai pas ce recul… que ne suis-je né comme lui un jour de Tisha beAv dans un Mellah nord-africain ?
Barcelone, juillet 1263. L’Espagne catholique est au fait de sa puissance. Le roi d’Aragon Jaime Ier piqué par la curiosité… et l’Inquisiteur Raymond de Pennafort, provoque devant sa cour et tout ce que l’Espagne catholique compte de mitres, théologiens, inquisiteurs, artisans, habitants de Barcelone et des faubourgs…. Rabbi Moïse ben Nahman (Nahmanide) né à Gérone en 1194, l’une des plus hautes autorités du judaïsme espagnol de l’époque, et, Paul Christiani, dominicain et juif converti au christianisme pour une Disputatio (« dispute » théologique dans l’esprit de l’époque, c’était avec la lectio le second pilier de l’étude) qui va durer quatre jours. Le match à grand spectacle, (à Barcelone Fabrice ! ), promet d’être passionnant, il est précédé d’une vaste campagne de communication en vue de conversions des juifs au christianisme, d’interventions du pape auprès du Roi (deux Bulles visant à ce que le roi modifie son attitude envers les juifs et censure les écrits rabbiniques)… Au menu: la venue du Messie et sa nature.
Nous publions dans ce post et les suivants quelques fragments de la correspondance des exilés séfarades du Moyen Age.
Il y a chez nous une tradition grande et merveilleuse. Je l’ai reçue de mon père, qui l’a reçue de son père et du père de son père et celui-ci la reçut à son tour ; ainsi la chose remonte au début de l’exil à Jérusalem, comme il est écrit: « Les exilés de Jérusalem répandus dans Sefarad posséderont les villes du midi › (Obadia 1, 20). Cette tradition est expliquée dans la prophétie de Balaam où il y a une allusion: la prophétie reviendra en Israël après qu’elle lui aura été retirée.
(Maïmonide, Épître au Yémen, Gallimard, Tel, pg. 95)
Toute l’œuvre de Maïmonide, le Rambam (acronyme de HaRav Moshé ben Maïmon), est placée sous le signe de la persécution, de la fuite et de l’angoisse qu’on retrouve dans ses lettres.
Statue du Ramban devant la maison où Maïmonide a vécu
à Cordoue (Photo Olivier Long)
Moïse, fils de Maïmoun (en arabe Abu ‘Imrân Mûsâ ibn ‘Ubaydallâh al-Qortobî), nait à Cordoue le 30 mars 1135 (14 Nissan 4895), d’une famille de rabbins renommés. Il vit dans un milieu très cultivé, ouvert à la littérature et la philosophie arabes.
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La synagogue de Cordoue où Maïmonide a vécu (Photo Olivier Long)
A l’âge de 13 ans en 1148 les Almohades venues de Mauritanie ravissent l’Andalousie auxAlmoravides. Ce sont des « intégristes » musulmans réformateurs qui persécutent les minorités juive et chrétienne, il faut choisir entre la conversion et la fuite, parfois les deux. C’est aussi l’année probable où Maïmonide perd sa mère. Pendant cinq ans (1150-1160) sa famille erre de ville en ville en Espagne et probablement en Provence. Lire la suite de « Lettres de l’exil séfarade : Moïse Maimonide »→
Ecouter : Shecharchoret (La fille noire, la mauresque, Morenica en ladino) :
Avec l’expulsion des Juifs d’Espagne 1492, puis celle des Morisques en 1609, le royaume chrétien exclut ses minorités ethniques et religieuses. L’expulsion des juifs qui vivaient en Espagne depuis presque deux millénaires est le résultat d’un long processus de marginalisation qui commence véritablement à partir de la victoire de Las Navas de Tolosa en 1212 et marque un tournant politique. A partir de ce moment, les Chrétiens « re-conquièrent » la péninsule ibérique contre les Musulmans et marginalisent progressivement les juifs avant de les persécuter. Cette Reconquista,croisade contre ceux que la Chrétienté qualifie d’ « Infidèles « musulmans et juifs…
La conquête de Grenade le 2 janvier 1492 qui signe la fin du Califat andalous est suivie deux mois plus tard, le 31 mars 1492, du décret d’expulsion des juifs. Les derniers musulmans, les « Morisques » suivront en 1609.
On sépare donc les chrétiens des infidèles. Les Siete Partidas , le plus important code de lois médiévales publié en1265 par le roi Alfonse X, stipule que :
“Tous les juifs, hommes et femmes, qui vivent dans le royaume doivent porter un certain signe sur la tête, de sorte que tout le monde sache distinguer le juif de celui qui ne l’est pas. Et, celui qui ne le porterait pas, devra payer une amende de dix maravédis d’or chaque fois qu’il ne l’ait pas ; et, s’il n’a pas de quoi verser cette somme, il recevra publiquement dix coups de fouet.” (titre XXIV, loi XI)
Comme le montre Maria Ghazali « La marginalisation et l’exclusion des minorités juive et musulmane était en train de se mettre en place au lendemain de la conquête chrétienne. Les mesures discriminatoires déjà prises alors vont se perpétuer, voire s’aggraver, pour aboutir à l’expulsion ou à la conversion forcée des
Juifs en 1492 et des Mudéjares (maures) de Castille en 1502. Les
dispositions prises envers les renégats et les hérétiques annoncent déjà aussi la politique que mènera l’Inquisition espagnole à l’époque moderne vis-à-vis
des Judéo-convers et des Morisques ».
ernard de Clairvaux (1090 ou 1091, château de Fontaine-lès-Dijon, † 20 août 1153, abbaye de Clairvaux) Personnage le plus célèbre de l’ordre de Cîteaux, Bernard fut aussi l’une des individualités les plus marquantes de l’histoire de l’Église médiévale et l’un des hommes les plus actifs et les plus importants du xiie siècle. Il réforma la vie bénédictine.
dans le « Traité sur l’amour de Dieu »
Pourquoi et comment faut-il aimer Dieu
Vous voulez donc apprendre de moi pour quel motif et dans quelle mesure il faut aimer Dieu? Eh bien, je vous dirai que le motif de notre amour pour Dieu, c’est Dieu lui-même, et que la mesure de cet amour, c’est d’aimer sans mesure. Est-ce assez explicite? Oui, peut-être, pour un homme intelligent; mais je dois parler pour les savants et pour les ignorants, et si j’ai dit assez pour les premiers, je dois aussi tenir compte des seconds; c’est donc pour eux que je vais développer ma pensée, sinon la creuser davantage. Or je dis que noua avons deux motifs d’aimer Dieu pour lui-même; il n’est rien de plus juste, il n’est rien de plus avantageux. En effet, cette question: Pourquoi devons-nous aimer Dieu, se présente sous deux aspects : Ou l’on demande à quel titre Dieu mérite notre amour, ou bien quel avantage nous trouvons à l’aimer; je ne vois à cette double question qu’une réponse à faire : Le motif pour lequel nous devons aimer Dieu, c’est Dieu lui-même. […]. Lire la suite de « Les quatre degrés de l’amour de Dieu »→