La Loi de la république interdit-elle d’allumer une bougie à l’Elysée ?

Il n’est un secret pour personne que les actes antisémites ont explosé en France depuis le 09 octobre, date de la plus grande tuerie de juifs depuis la Shoah par le Hamas en Israël.

Nombre d’actes antisémites, ministère de l’Intérieur au 20 nov. 2023

Et dans ce contexte, alors que le président Macron voulait souligner son soutien aux français juifs le Grand Rabbin de France Haim Korsia a allumé ce jeudi soir la première bougie de la fête de Hanouka à l’Elysée, à partir d’une bougie ramenée d’Auschwitz allumée par le président Macron lors d’une remise de prix…. Depuis, l’allumage d’une bougie a semé un incendie, de multiples petits Robespierre se sont levés pour défendre la République en péril, « aux armes citoyens ! » …

Il faut raison garder et prendre un peu de recul. Observons d’abord ce que font nos voisins, les grands pays démocratiques des continents américain ou européen.

On allume au parlement canadien à Montréal

Le message de Justin Trudeau pour fêter la fête de Hanouka il y a 2 jours vaut la peine d’être écouté de bout en bout car il est magnifique :

Justin Trudeau y a déclaré  :

« À la suite des attaques terroristes du Hamas contre Israël au début de l’automne et d’une augmentation inquiétante de l’antisémitisme dans le monde, y compris dans nos propres communautés, les valeurs de force, de résilience et de persévérance qui sont au cœur de Hanoukka sont plus importantes que jamais. Ces actes d’antisémitisme sont totalement inacceptables et n’ont pas leur place au Canada ou ailleurs dans le monde. Que nous soyons Juifs ou non, nous devons tous nous unir contre cette haine.

« Le gouvernement du Canada sera toujours solidaire de la communauté juive. Nous continuerons de faire en sorte que le Canada demeure un pays où les Canadiens juifs peuvent vivre fièrement et ouvertement leur vie juive. Ensemble, nous bâtirons un avenir plus sûr et plus inclusif pour tous. »

« Au nom de tous les Canadiens, je souhaite une Hanoukka heureuse, bénie et paisible à tous ceux qui la célèbrent.

« Chag Hanukkah Sameach. »

On allume donc la Hanoukia au parlement canadien, et en portant kippa ! comme on le voit ici en 2019 :

Prime Minister Justin Trudeau at a menorah lighting ceremony on Parliament Hill on Dec. 9, 2019.

On allume à la Maison Blanche

Aux Etats-Unis, Joe Biden a accueilli des juifs et des rabbins à la Maison Blanche ce lundi 19 décembre à l’occasion de la fête juive de Hanouka et leur à promis qu’il ne “resterait pas silencieux” face à la montée de l’antisémitisme.  Il a dit : « Je comprends votre peur, votre douleur », devant une hanoukia (candélabre à neuf branches à ne pas confondre avec la Ménorah, candélabre à sept branches présent dans le second Temple de Jérusalem au tournant de notre ère), dont s’est dotée cette année la Maison Blanche. Il faut dire que la fête de Hanouka est une tradition à la Maison Blanche depuis 2001.

On allume donc la Hanoukia à la Maison blanche comme on le remarque de visu ici en 2021 :

ou en 2019 :

Le rabbin Moshe Margaretten allume les bougies lors de la fête de Hanoukka organisée à la Maison Blanche en 2019. (Capture d’écran/YouTube)

Notons au passage que selon l’Anti-Defamation League, les États-Unis ont connu en 2021 un nombre record de 2717 actes antisémites soit une augmentation de 34% sur un an. Selon l’American Jewish Committee (AJC), « 39% des juifs américains ont changé leur comportement par crainte de subir de l’antisémitisme, y compris en prenant des mesures pour occulter leur identité juive »

On allume porte de Brandebourg à Berlin

De son côté le chancelier Scholz Olaf Scholz a manifesté jeudi sa « solidarité » avec les juifs, devenant le premier chancelier allemand à allumer à Berlin une hanoukia géante, à la porte de Brandebourg, en plein centre de la capitale allemande à côté du parlement, dans un contexte de montée de l’antisémitisme.

La hanoukia « doit être ici devant la porte de Brandebourg, au coeur de notre capitale, comme symbole d’espoir et de confiance et symbole de l’appartenance de la confession juive et des citoyens juifs à notre pays », a affirmé M. Scholz. Il a ensuite allumé la première bougie de la hanoukia avec une torche, accompagné du rabbin Yehuda Teichtal (photo).

Utiliser la loi de 1905, comme une forme de racisme contre les religions est donc une interprétation restrictive qui n’a à peu près aucune chance d’être retenue car cela va à l’encontre des traditions démocratiques et républicaines françaises. Cette tradition est cohérente avec celle de la plupart de pays démocratiques.

Assurer la liberté de conscience et la libre exercice des cultes

Le culte hébraïque était « infâme », selon un décret de mars 1808 sur l’organisation du culte hébraïque. Napoléon, homme de Lumières qui a fondé le Consistoire, a arrêté cette discrimination des juifs ou des protestants en leur offrant une place dans la République, en fondant le Consistoire dont le Grand Rabbin Korsia est le représentant élu des rabbins français, que cela plaise ou non.

La Déclaration du 26 août 1789 des droits de l’homme et du citoyen affirme que :

« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »

La loi de 1905 « protège les cultes » elle ne les interdit pas.

« La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public »

Ni la loi ni la Constitution n’interdisent aux élus d’avoir une pratique religieuse ou de dialoguer avec les religions. Le Général de Gaulle avait une chapelle à l’Elysée. La messe de rentrée des parlementaires accueille députés et sénateurs en tant que tel à la basilique Sainte-Clotilde à Paris à chaque rentrée parlementaire, De Gaulle se rendait chaque dimanche à la messe à Colombey-les-Deux-Eglises, Valéry Giscard d’Estaing ou Emmanuel Macron se sont rendus à des messes papales de Jean-Paul II ou du Pape François…

Que ça plaise ou non au antisémites et aux racistes, qui ont bien évidement peur de l’Islam et qu’un jour on crie « Allah Akbar » sous les ors de la république… on ne peut invoquer aucune tradition républicaine pour interdire ce type de geste, fut-ce à l’Elysée ; et le rôle de la République n’est pas d’interdire les religions qui ont leur place « à la table de la République » comme l’a dit Haïm Korsia.

C’est donc ce qui s’est passé à l’Elysée, Temple républicain ce jeudi soir et que retiendra l’histoire c’est qu’Emmanuel Macron a juste voulu dire aux juifs qu’il était à leurs côtés au moment où beaucoup se taisent par peur ou par ressentiment. Plusieurs chefs d’Etat ont fait de même aux Etats Unis, au Canada, ou en Allemagne. C’était courageux et qu’il en soit vivement remercié.

Et ceux qui ne protègent pas les juifs et les institutions au moment où ils sont attaqués de toute part et risquent leur vie, ceux qui propagent la haine des juifs sur les campus d’HEC ou de Dauphine, les présidents de Harvard, U-Penn et MIT qui refusent de sanctionner par principe les « appels au génocide des juifs » doivent être appelés par leur nom : ce sont des antisémites.

Et cela, ni l’esprit ni la lettre de la Loi de la France républicaine -ni celles de la plupart des pays démocratiques- ne le permet.

Bravo Madame Merkel ! votre père doit être fier de sa fille

 

 « Celui qui est devenu antisémite à cause d’Israël, il l’était déjà avant »

Merkel

 

Steh Auf ! Lève toi !

Nie  wieder Judenhass !  Plus jamais la haine des juifs !

Beaucoup expliquent la montée de l’antisémitisme à travers l’Europe en incriminant des tensions suite au conflit de Gaza. Il n’en est rien pour la chancelière Angela Merkel. La fille du pasteur protestant a déclaré dimanche :  « Celui qui est devenu antisémite à cause d’Israël, il l’était déjà avant »

Elle participait ce dimanche avec de nombreuses personnalités avec cinq-milles personnes au rassemblement à la Porte de Brandebourg à Berlin, tout près du Mémorial de l’Holocauste, qui manifestaient contre les vagues de harcèlement et d’agressions antisémites en Allemagne, à la veille du Congrès juif mondial qui se tenait dans cette ville. Elle a déclaré qu’il n’y a pas de place pour l’antisémitisme en Allemagne, notamment en raison de son passé nazi, et que la lutte contre l’antisémitisme est « un devoir civique pour chaque citoyen allemand »

Merkel habituellement réservée n’a pas ménagé ses coups de poing pour dénoncer les menaces et la violence envers les Juifs en Allemagne. Quelque 160 cas ont été signalés dans les derniers mois.

« Ceux qui profèrent des injures contre des personnes qui portent une kippa ou une étoile de David sur une chaîne, les attaquent ou les agressent, s’en est également pris à blesser et chacun d’entre nous c’est nous tous qu’ils injurient et qu’ils frappent », a dit la chancelière.

« Ceux qui défigurent les pierres tombales dans un cimetière juif défigurer aussi notre culture. Ceux qui font des synagogues les cible de leur haine et de leur  violence font trembler les fondements de notre société libre.»

Angela Merkel a déclaré que le fait que Juifs aujourd’hui soient encore vivants en Allemagne « est presque un miracle ».
« La vie de la communauté juive fait partie de notre vie. Elle fait partie de notre identité et de notre culture», a poursuivi Angela Merkel, soulignant que le fait que 200 000 juifs vivent en Allemagne soit « un cadeau ». La communauté juive est en effet la troisième d’Europe en terme d’importance, derrière celles de la Grande-Bretagne et de la France. Une situation impensable après la fin du IIIe Reich : en 1950, seuls 15.000 Juifs vivaient encore en Allemagne, contre 560.000 en 1933.

Merkel – qui a remporté la plus haute distinction civile d’Israël pour ses efforts de lutte contre l’antisémitisme et le négationnisme – a déclaré que « L’Allemagne est consciente de sa responsabilité éternelle de la rupture de la civilisation qu’on appelle la Shoah ».

Elle a nommé «scandale monstrueux » le fait qu’une personne soit harcelée du fait d’être juive ou d’appeler à la sauvegarde Israël.  « Nous voulons que les  Juifs en Allemagne se sentent en sécurité, et se sentent dans notre maison commune », a déclaré Mme Merkel. Elle a dit que les Juifs doivent savoir qu’ils ont un bel avenir en Allemagne.

Mais ce n’est pas ce que ressentent beaucoup de juifs ces jours-ci, a déclaré Dieter Graumann, le président du Conseil central des Juifs d’Allemagne, qui a organisé le rassemblement. Graumann a dénoncé la «vague affreuse de haine des Juifs» qui a déferlé sur «toute l’Europe». Il a fustigé le fait que dans les rues allemandes, les Juifs soient traités de porcs et les appels lancés pour qu’ils soient gazés, brûlés et abattus. Il a demandé que plus d’Allemands se prononcent contre le pire antisémitisme qui soit advenu en Allemagne depuis des décennies.

People listen to speakers during anti-Semitism demo at Berlin's Brandenburg Gate

Le Président Congrès juif mondial Ronald Lauder a déclaré que, depuis 1945, l’Allemagne a été « l’un des pays les plus responsables de la terre. »…« Le monde regarde l’Allemagne pour des raisons politiques, pour des raisons économiques et pour le leadership moral, mais quelque chose a changé »,  a déclaré Lauder. « Cet été, le progrès des 70 dernières années a été assombri par la marée montante de l’antisémitisme. » Une marée en grande partie imputable à des immigrés musulmans et des extrémistes de droite.

Merkel a parlé au nom de tous ceux qui se sont tus face à la montée de l’antisémitisme, des attaques des synagogues et des personnes partout en Europe et des meurtres dans les écoles en France et dans un musée en Belgique. Le salut viendrait-il d’Allemagne ?

Bravo Madame la Chancelière, vous avez sauvé l’honneur des peuples d’Europe, Horst Kasner (1926–2011), votre père, là-haut, doit être fier de sa fille.

angela-merkels-vater-der-evangelische-theologe-horst-kasner-ist-tot

DL avec AFP et diverses sources diverses

France Info, Le livre du jour de Philippe Vallet : « L’invention du christianisme »

sur le site de France Info >>> y accéder

Jusqu’au IIe siècle, le judaïsme a été multiple…

Ce n’est qu’ensuite que naîtront ce qu’on va appeler d’un côté le judéo-christiannisme et, de l’autre, le judaïsme rabbinique que nous connaissons aujourd’hui. Cela signifie, par exemple, que la plupart des croyances chrétiennes comme le Dieu Père, l’Esprit Saint, la Résurrection des morts ou l’Apocalypse, ne sont que des croyances juives nées bien avant le christianisme. C’est ce que rappelle Didier Long, historien du judéo-christianisme dans son nouveau livre, L’invention du christianisme publié aux Presses de la Renaissance.