La SIDRA de CHEMINI (« le huitième »), 26 Nisan 5773

daroch/ darach la séparation des deux moitié des lettres de la Torah
« daroch/ darach » : la séparation des deux moitiés des lettres de la Torah

Un commentaire de la paracha du dernier Shabbat (à lire ici) par le Rav Haïm Harboun.

La Paracha se déroule le 8e (Chémini) jour de la dédicace du sanctuaire. Ce renseignement n’a pas été inscrit en début de cette Paracha de manière fortuite. Ce « huitième jour » apparait neuf fois dans le livre du Lévitique, c’est celui de l’expiation d’Aaron (Lv 9, 1), de la circoncision (Lv 12, 3), de la purification du lépreux (Lv 14,  10 et 23), de celle de l’homme (Lv 15, 14), de la femme (Lv 15, 29), du temps, pendant lequel un boeuf, un agneau ou une chèvre doit rester avec sa mère s’il doit être sacrifié (Lv. 22, 27), de l’assemblée solennelle un lendemain de shabbat de la fête des tentes-Soukoth (Lv. 23, 36 et 39). Le huitième jour est donc un jour suprême qui arrive après le shabbat –au sommet de la sainteté du temps de la semaine juive, un jour « surnaturel », les sept jours représentant le temps de ce monde, un jour de pureté (Tahor) de reconnexion avec D., l’impureté consistant non pas à être ‘sale’ mais déconnecté de D., hors circuit. Si cette paracha décrit minutieusement une pratique sacrificielle de purification c’est pour nous expliquer à travers elle la restauration de l’homme et de la création. Cette reconstruction du monde cassé où nous vivons, signifiée par la liturgie juive qui a remplacé les sacrifices du Temple. Elle nous parle de notre guérison quand nous nous mettons au service (avoda) du très-Haut.

 Revivre le trauma pour le guérir
Il est extrêmement étrange que la Paracha commence dès ses premiers versets par dire que le huitième jour Moïse appela son frère Aharon et lui dit : « Prends toi un veau parmi le bétail  pour le sacrifice ». N’importe quel auditeur un peu attentif, sait que c’est Aharon lui-même qui a été à l’origine de la fabrication du veau d’or. Un « veau » précisément. Comment Moïse peut-il rappeler à son frère l’objet de la culpabilité qui le hantait sans aucun doute ? Comme s’il ravivait une blessure en grattant la plaie… A cette question Rachi répond que le « veau » du sacrifice est le moyen de réparer la faute du « veau » d’or prends-toi un veau. « Pour lui faire savoir que le Saint béni soit-Il, par ce veau-là, lui avait pardonné l’affaire du veau d’or à la fabrication duquel il avait participé. ».

Nous retrouvons dans la réponse de Rachi un principe psychologique moderne qui consiste à guérir un traumatisme en faisant revivre ce même traumatisme. En effet, la victime d’un traumatisme est emprisonnée dans des souvenirs qui lui font sans cesse revivre une situation qui a été gravée dans son inconscient. Ce refoulé réapparait dans ses rêves ou à l’occasion d’un affect qui réactive ce trauma parfois bien des années plus tard. Le premier traumatisme est donc une faille, une fêlure intime toujours prête à nous briser en mille morceaux au moment où nous nous y attendons le moins. Il s’agit alors de faire revenir à la conscience cette mémoire enfouie, pour qu’elle cesse de nous hanter.

C’est ce que réalise le sacrifice du veau qui rejoue une scène traumatique, la fait rituellement advenir à la conscience rituelle pour l’exorciser et en anéantir le potentiel destructeur.

L’acte sacrificiel et fondamentalement idolâtre, courant dans le monde religieux païen à l’époque, consistant à donner des aliments ou des êtres fragiles à des dieux, est donc ‘retourné’. Les juifs pratiquent des gestes… mais pour anéantir l’idolâtrie au lieu de l’alimenter. Car le rite sacrificiel conscient du « veau » permet ainsi de guérir de l’idolâtrie (du veau d’or), comme un antidote. La verbalisation, le rite, permet à celui qui l’exécute de comprendre ce qui l’a amené dans un chemin mortifère pour sa vie spirituelle. On le voit, la Torah n’ignore rien de la profondeur de la psychologie humaine, que la science moderne théorisera plusieurs millénaires plus tard. Lire la suite de « La SIDRA de CHEMINI (« le huitième »), 26 Nisan 5773 »