Par Thomas J. Reese, jésuite, ancien rédacteur en chef de l’Amérique, chargé de recherches au Centre théologique Woodstock de Georgetown University à Washington.
Toute autre institution qui aurait perdu un tiers de ses membres voudrait savoir pourquoi
paru dans le National Catholic Reporter (US)
Le nombre de personnes qui ont quitté l’Église catholique [aux US] est énorme.
Nous avons tous entendu des histoires au sujet de personnes qui ont « quitté ». Les parents partagent ces histoires avec leurs enfants. Les universitaires en parlent avec leurs élèves. Tout le monde a un ami qui est parti.
Même si l’expérience personnelle peut être utile, la recherche en sciences sociales nous oblige à regarder au-delà de notre cercle de connaissances pour voir ce qui se passe dans toute l’Église.
L’étude sur le paysage religieux des États-Unis du Pew Research Center on Religion and Public Life a factualisé en chiffres l’évidence que chacun peut constater de manière anecdotique : un Américain sur 10 est un ex-catholique. S’il existait une dénomination spécifique [pour les ex-catholiques], ils seraient la troisième force aux Etats-Unis, après les catholiques et les baptistes. Une personne sur trois qui a été élevée dans le catholicisme ne se considère plus comme catholique.
Toute autre institution qui a perdu un tiers de ses membres veut savoir pourquoi. Mais les évêques des États-Unis n’ont jamais consacré un instant lors de leurs réunions nationales pour parler de cet exode. Ils n’ont pas dépensé un sou en recherche pour trouver le pourquoi.
Heureusement, bien que les évêques des États-Unis n’aient pas promu d’ études sur les personnes qui ont quitté l’Eglise, le Pew Center, lui l’a fait.
Les données de Pew montrent que ceux qui quittent l’Eglise ne sont pas homogènes. Ils peuvent être divisés en deux groupes principaux: ceux qui ont perdu toute appartenance et ceux qui sont devenus protestants. Près de la moitié de ceux qui quittent l’Eglise n’ont plus aucune appartenance et près de la moitié sont devenus protestants. Seulement environ 10 % des ex-catholiques ont rejoint des religions non-chrétiennes. Cet article se concentrera sur les catholiques qui sont devenus protestants. Je ne dis pas que ceux qui sont partis dans la nature ne sont pas importants, mais je laisse cette discussion pour une autre fois.
Pourquoi les gens quittent l’Eglise catholique pour devenir protestants? Les catholiques libéraux vous diront que les catholiques s’en vont parce qu’ils sont en désaccord avec l’enseignement de l’Église sur le contrôle des naissances, les femmes prêtres, le divorce, l’ingérence des évêques dans la politique américaine, etc… Les conservateurs blâmeront Vatican II, les prêtres et les religieuses libérales, une culture permissive et la doctrine sociale de l’église.
Une des raisons d’un tel désaccord est que nous avons tendance à penser que tout le monde quitte pour la même raison que nos amis, parents et connaissances sont partis. Nous avons du mal à accepter que des personnes s’en vont pour différentes raisons. Les gens qui quittent pour rejoindre les églises protestantes le font pour des raisons différentes que ceux qui s’en vont sans rejoindre d’autres groupes. Les gens qui deviennent chrétiens évangéliques sont différents des catholiques qui deviennent membres des grandes confessions traditionelles.
Soif spirituelle
Les principales raisons données par les personnes qui quittent l’Eglise pour devenir protestante est que leurs «besoins spirituels ne sont pas satisfaits » dans l’Église catholique (71 %) et ils « trouvé une religion qu’ils aiment plus » (70 %). 81% des répondants disent qu’ils ont rejoint leur nouvelle église parce qu’ils apprécient la liturgie et le style de culte de leur nouvelle confession.
En d’autres termes, l’Eglise catholique n’a pas réussi à fournir ce que les gens considèrent comme le service fondamental de la religion: une nourriture spirituelle et une bonne liturgie. Et avant que les conservateurs ne blâment la nouvelle liturgie, seulement 11 % de ceux qui quittent se plaignent d’une dérive du catholicisme trop loin de pratiques traditionnelles comme la messe en latin.
L’insatisfaction face à la façon dont l’Eglise traite les besoins spirituels et le culte écrase les désaccords de doctrines spécifiques. Alors que la moitié de ceux qui sont devenus protestants disent qu’ils sont partis parce qu’ils ont cessé de croire dans l’enseignement catholique, les questions spécifiques obtiennent des scores beaucoup plus faibles. Seulement 23 % ont déclaré avoir quitté à cause de l’enseignement de l’Eglise sur l’avortement et l’homosexualité; seulement 23 % en raison de l’enseignement de l’Eglise sur le divorce; seulement 21 % à cause de la règle interdisant aux prêtres de se marier ; seulement 16 % en raison de l’enseignement de l’Église concernant le contrôle des naissances ; seulement 16 % en raison de la façon dont l’église traite des femmes, seulement 11 %, parce qu’ils étaient mécontents de l’enseignement sur la pauvreté, la guerre et la peine de mort.
Les données statistiques montrent que le désaccord sur des points de doctrine particuliers, n’est pas la principale raison pour laquelle des catholiques sont devenus protestants. Nous avons aussi beaucoup de données de l’enquête montrant que de nombreux catholiques restent en désaccord avec des points spécifiques de doctrine de l’enseignement de l’Eglise. Malgré ce que les théologiens et les évêques pensent, la doctrine n’est pas le point central pour ceux qui deviennent protestants ou ceux qui restent catholiques.
Les gens ne deviennent pas protestants parce qu’ils sont en désaccord avec des enseignements catholiques spécifiques, les gens s’en vont parce que l’église ne répond pas à leurs besoins spirituels et qu’ils trouvent dans le culte protestant une meilleure réponse à leurs attentes.
Les gens ne deviennent pas chrétiens protestants parce qu’ils sont paresseux ou des chrétiens laxistes. En fait, ils participent à des services religieux à un taux plus élevé que ceux qui restent catholiques. Alors que 42 % des catholiques qui restent assistent à un culte hebdomadaire, 63 % des catholiques qui deviennent protestants vont à l’église chaque semaine. Un écart de 21 % !
Les catholiques qui sont devenus protestants affirment également avoir une foi plus forte aujourd’hui que quand ils étaient enfants ou adolescents. 71% disent que leur foi est « très forte », alors que seulement 35 % ont déclaré que leur foi était très forte quand ils étaient enfants et et 22 % adolescents. D’autre part, seulement 46 % de ceux qui sont encore catholiques disent que leur foi est «très forte» aujourd’hui à l’âge adulte.
Ainsi, à la fois en tant que croyants et en tant que fidèles, les catholiques qui deviennent chrétiens protestants sont statistiquement supérieurs à ceux qui restent catholiques. Nous perdons le meilleur, pas le pire.
Certaines des explications communes de la raison pour laquelle les gens quittent ne se retrouvent pas dans les données statistiques. Par exemple, seulement 21 % de ceux qui deviennent protestants parlent du scandale des abus sexuels comme une raison pour quitter. Seulement 3 % disent qu’ils sont partis parce qu’ils se sont séparés ou sont divorcés.
Devenir protestant
Si l’on en croit les libéraux, la plupart des catholiques qui abandonnent l’Église iraient rejoindre les grandes Eglises, comme l’Eglise épiscopalienne [anglicans américains]. En fait, près des deux tiers des anciens catholiques qui rejoignent une église protestante rejoignent une église évangélique. Les catholiques qui deviennent évangéliques et les catholiques qui rejoignent les églises traditionnelles forment deux groupes très distincts. Nous devons examiner de plus près les raisons pour lesquelles chacun quitte l’église.
54% des deux groupes disent qu’ils se sont peu à peu éloignés du catholicisme. Les deux groupes ont également eu un nombre presque égal (82% des évangéliques, 80 % des grandes confessions) de personnes qui répondent qu’elles ont rejoint leur nouvelle église parce que le culte leur plait. Mais par rapport à ceux qui sont devenus protestants traditionnels, un pourcentage plus élevé des évangéliques dit avoir quitté parce que leurs besoins spirituels ne sont pas satisfaits (78 % contre 57 %) et qu’ils avaient cessé de croire dans l’enseignement catholique (62 % contre 20 %). Ils ont également plus fréquemment cité l’enseignement de l’Eglise sur la Bible (55% contre 16 %) comme motif de départ. 46 % de ces nouveaux évangélistes ressentent que l’Église catholique ne considère pas la Bible assez littéralement. [..]. Contrairement à ce que disent les conservateurs, les ex-catholiques n’affluent pas chez les évangéliques parce qu’ils pensent que l’Eglise catholique est politiquement trop libérale. Ils partent pour obtenir la nourriture spirituelle, la liturgie et de la Bible.
En regardant les réponses de ceux qui rejoignent les principales Eglises on trouve également des résultats surprenants. Par exemple, peu (20 %) disent qu’ils sont partis parce qu’ils ne croient plus dans les enseignements catholiques. […]. 31% ont cité un désaccord avec l’enseignement de l’Eglise sur l’avortement et l’homosexualité, les femmes, et le divorce et le remariage, et 26 % avec le contrôle des naissances mentionné comme motif de départ. Bien que ces chiffres sont plus élevés que pour les catholiques qui deviennent chrétiens évangéliques, ils sont toujours écrasés par le nombre (57 %) qui ont répondu que leurs besoins spirituels n’étaient pas rassasiés dans l’église catholique.
[…]
Quelques enseignements factuels
Il y a de nombreux enseignement à tirer des données statistiques de Pew, mais je vais me concentrer seulement sur trois.
Tout d’abord, ceux qui quittent l’Eglise pour les Eglises protestantes sont plus intéressés par la nourriture spirituelle que les questions doctrinales. Bricoler le ‘wording’ des croyances de la messe ne va pas aider. Personne en dehors du Vatican et les évêques ne se soucie de savoir si Jésus est « Un » avec le Père ou «consubstantiel» avec lui. Que la hiérarchie estime que c’est important montre à quel point elle est éloignée de la réalité.
Alors que la hiérarchie s’inquiète des traductions littérales du texte latin, les gens aspirent à des liturgies qui touchent le cœur et les émotions. Plus de créativité dans la liturgie est nécessaire, et cela signifie que plus de flexibilité doit être autorisée. Si vous le faites, ils viendront, si vous ne le faites pas, ils en trouveront ailleurs. […]
Deuxièmement, grâce au pape Pie XII, les étudiants en Écriture sainte ont eu des décennies pour produire la meilleure réflexion sur l’Écriture dans le monde. Que les catholiques quittent pour rejoindre les églises évangéliques en raison de la doctrine de l’Eglise sur la Bible est une honte. Trop peu de prédicateurs expliquent les Ecritures à leurs ouailles. Peu de catholiques lisent la Bible.
L’église a besoin d’un vaste programme d’éducation à la Bible. L’Eglise a besoin de reconnaître que la compréhension de la Bible est plus importante que la mémorisation du catéchisme. Si nous pouvions obtenir des catholiques de lire les lectures bibliques du dimanche chaque semaine avant de venir à la messe, ce serait révolutionnaire. Si vous ne lisez pas et ne priez pas les Écritures, vous n’êtes pas un chrétien adulte. Les catholiques qui deviennent évangéliques comprennent cela.
Enfin, les données Pew montrent que les deux tiers des catholiques qui deviennent protestants le font avant d’avoir 24 ans. L’Eglise doit faire une option préférentielle pour les adolescents et les jeunes adultes ou elle continuera à « saigner ». Les programmes et les liturgies qui répondent à leurs besoins doivent avoir préséance sur les plaintes des vieux encroutés et des puristes des rubriques (liturgiques).
Les programmes actuels d’enseignement religieux et les groupes d’ados semblent avoir peu d’effet pour maintenir ces gens catholiques, selon les données de Pew, bien que ceux qui fréquentent une école secondaire catholique semblent montrer des taux plus élevés. Plus de recherches sont nécessaires pour savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
L’église catholique a une hémorragie de ses fidèles. Il faut le reconnaître et faire davantage pour comprendre pourquoi. Ce n’est que si nous reconnaissons l’exode et que nous l’analysons que nous serons en mesure de faire quelque chose.
L’importance de la femme et Jésus « Juif », voilà deux idées importantes.Il me semble qu’il est temps de revenir tous à l’Eglise primitive (J’en ai eu en particulier une petite idée dans « L’Institution de la religion chrétienne » de Calvin -livre IV) et de créer l’oecuménisme, au lieu de se tirer dans les pattes, ne croyez-vous pas ? Chaque chose reprendra alors sa vraie place. ferveur, simplicité, et liberté de pensée, liberté de conscience de chacun autour des Evangiles, mais aussi « Instruction, culture ».
Cette désertion massive, eut très certainement comme élément déclencheur, les nombreux scandales des prêtres pédophiles et de la façon dont l’Église américaine et le Vatican a traité ces crimes et les victimes. Mais il y a d’autres raisons, vous faites bien de le souligner, car les raisons sont diverses. Chez les protestants, beaucoup d’ex-catholiques se sont procuré une bible peut-être pour la première fois, car elle est plus utilisée que dans l’Église catholique. Il y a plus d’activités à caractère sociales, voire même divertissantes, chez eux. Ils ne sont pas mentionnés peut-être à cause qu’ils ne sont pas des protestants, en effet, les 1,200,000 Témoins de Jéhovah des États-Unis ne sont pas trinitaires, ne croient pas à l’immortalité de l’âme, ni au feu de l’enfer et ne fêtent pas Noel contrairement aux protestants. En raison de leur prédication légendaire, il serait étonnant qu’un certain nombre d’ex-catholiques n’aient pas joint leur rang. Cette religion de 8 millions de membres, se calque sur le christianisme primitif et s’appuient uniquement sur la bible, ses exigences morales plus strictes pourraient avoir attiré plus d’un catholique désireux d’aller aux sources.
Article très intéressant !
Je suis également en train de me demander si moi aussi je ne vais pas passer le pas. Je ne suis pas issue d’une famille pratiquante… Et j’ai essayé daller à la messe tout les dimanche. Malheureusement je n’y ai trouvé ni communion entre les fidèles, ni solidarité, je n’y ai pas trouvé la joie et l’amour. Les messages et liturgie sont toujours beaucoup trop compliqués. Impossible de se projeter. Et enfin, le célibat des prêtres me paraît une aberration menant à tous ces scandales…
Merci pour cet article si éclairant. L’église catholique a besoin de mettre un peu de joie dans ses cultes pour faire revenir la jeunesse. L’église ne m’a pas appris comment être chrétien dans ma vie de tous les jours, l’église ne m’a pas appris à être heureuse.
Alors je suis en peine à l’idée de quitter cette église car j’y ai été baptisé, je m’y suis mariée, j’y ai fait ma communion, traditionnellement nous sommes catholique… Mais a quoi bon…
Je n’y trouve pas la paix, ni le renouveau spirituel dont j’ai besoin. Je n’y trouve pas un guide… J’ai l’impression de m’y ennuier, et d’être aux milieux de chrétiens qui jouent l comédie.