Un commentaire de la paracha du dernier Shabbat (à lire ici) par le Rav Haïm Harboun.
Ce shabbat encore, nous lisons deux Sidroth : Ahare Moth « À la suite de la mort »… [Des fils d’Aaron], un texte lu en grande partie à Kippour ; et, ensuite kédochim qui contient les grands principes de la Torah sous la forme de 50 mitsvoth.
Servir l’Eternel en ce monde pour vivre
« L’Éternel parla à Moïse, après la mort des deux fils d’Aaron, qui, s’étant avancés devant l’Éternel, avaient péri ». Le premier verset de la sidra semble trancher la question de la raison de la mort des deux enfants d’Aaron : ils se seraient trop approchés de D. autrement dit, ils voulaient voir D. Mais d’autres raisons sont données par la Torah sur les causes de cette mort tragique : « Les fils d’Aaron, Nadav et Avihou, prirent chacun leur encensoir ; y mirent du feu sur lequel ils jetèrent de l’encens, et approchèrent devant l’Eternel un feu étranger sans qu’Il le leur eût commandé ». Ailleurs il nous est rapporté que « Nadav et Abihou moururent devant l’Eternel Lorsqu’ils approchèrent un feu étranger devant l’Eternel. » (Nb 3, 4). Quelle raison retenir de cette mort : celle du Lévitique ? Le fait de trop s’approcher de D. en délaissant ce monde ? Ou celle avancée par le Livre des Nombres, pour qui la faute des fils d’Aaron consiste à avoir apporté un « feu d’étranger ».
Le Midrache a longuement analysé ces sources scripturaires et conclut, avec Rabbi Eléazar ben Azaria qui affirme que les fils d’Aaron moururent pour « l’approche » et pour le « don » et que « Et la proximité et le don, entraînent la mort de l’homme. ». En clair, il ne s’agit pas, sous l’emprise d’un brulant feu spirituel de quitter ce monde et de se plonger dans une extase hors du temps afin de jouir de la proximité de D. mais de nous immerger dans ce monde et cette vie pour les sanctifier dans toute leur épaisseur le plus souvent obscure et concrète. D’assumer le temps qui passe par le shabbath et les fêtes. Bref de servir D. pour lui-même et non pas pour les émotions que nous ressentons pour nous-même. Le « don », doit être un don de soi au plus profond et non pas seulement un don de ce qu’on possède, un don de notre superflu, à l’instar de l’offrande des fils d’Aaron. L’Eternel demande un engagement total de tout l’être et non de l’avoir à son service. Il ne demande pas à l’homme de mourir pour lui, de lui « donner notre vie », mais de vivre en plénitude à son service en ce monde. Ce qui est tout à fait autre chose.
La suite de la paracha nous décrit de manière symbolique ce service (avoda) véritable à travers le célèbre récit du « bouc émissaire ».
Vivre avec ses deux boucs…
Nous voici donc en plein jour de Kippour, ce jour solennel entre tous où le Grand-Prêtre entrait dans le saint des saints pour la seule fois de l’année. Ce jour de repentance et de re-création par le pardon de D. dont le Talmud dit : « Il a été enseigné : en ce jour il y avait autant de joie devant D. qu’au jour de la création du Ciel et de la Terre. (Meguila 10b). Et c’est ce jour, au Temple qu’est réalisé un sacrifice étrange décrit ainsi :
Et il (Aaron) prendra les deux boucs et les présentera devant l’Eternel à l’entrée de la tente d’assignation. Aaron tirera au sort pour les deux boucs : un lot sera pour l’Eternel, un lot pour Azazel. Aaron devra offrir le bouc que le sort aura désigné pour l’Eternel et le traiter comme expiatoire ; et le bouc que le sort aura désigné pour Azazel devra être placé vivant devant l’Eternel pour servir à la propitiation, pour être envoyé à Azazel dans le désert. (Lévitique 16, 7)
Les deux boucs dont il s’agit ici avaient la particularité d’être strictement identiques nous rapporte la tradition : « En ce qui concerne les deux boucs de Yom Kippour, la Mitsva est qu’ils soient identiques en apparence, en taille et en valeur; ils doivent être choisis en même temps » (Yoma 62a). Impossible de distinguer l’un de l’autre. Ni la longueur des cornes, ni les tâches, ni le poids… On imagine que l’année entière devait se passer à chercher deux boucs identiques ! Quelle était exactement la signification de cette étrange cérémonie gémellaire ? Comment comprendre que le jour de Kippour, réservé au recueillement, à la prière, au bilan spirituel de l’année, soit consacré au Temple à une cérémonie qui tourne autour de deux boucs ?
Les deux boucs représentent les deux tendances qui habitent l’homme. Ce sont les deux faces d’une même pièce. Notre vie est tendue et tiraillée tantôt vers la domination de soi, en retrouvant, ce qu’il y a de spirituel en nous, tantôt mue par le plaisir, la perte de temps, la médisance, la recherche de la domination, etc. C’est cette lutte qui caractérise l’homme et qui est symbolisée dans la cérémonie par la destinée des deux boucs. L’un sera offert en sacrifice au temple, c’est l’aspect positif de la conduite humaine, l’autre sera précipité du haut de la falaise pour azazel. Un mot généralement traduit par le diable, démon, enfer. Rachi dit : « Azazel C’est une montagne abrupte (‘az) et escarpée, un rocher élevé, comme il est écrit : un pays déchiqueté (verset 22), c’est-à-dire coupant (Yoma 67b). ». Le bouc émissaire était donc précipité dans un ravin.
Dans notre sidra ce deuxième bouc symbolise tout l’aspect négatif de l’homme. Pour résumer, ces deux boucs sont dans chaque être humain. Pourquoi donc le tirage au sort ? La Torah nous y apprend que chaque fois que l’homme est placé devant un choix, cela lui pose un problème. Va-t-il y répondre par la pulsion de mal où par la recherche du bien ? La Torah nous demande d’être comme ce bouc qui est consacré à D. Autrement dit, devant un choix il convient de mettre en œuvre toutes les forces d’opposition pour dire non à soi-même. Les deux forces symbolisées par la destinée des deux boucs sont tirés au sort pour nous enseigner que l’homme dispose du libre arbitre, il peut choisir le mal mais doit alors assumer toutes les conséquences de son acte. C’est seulement alors que le bouc a été sacrifié à Dieu – autrement dit, qu’a été fait le choix de la Torah- que le Grand Prêtre est autorisé de rentrer au Saint des Saints.
Cette violence qui habite l’homme, envahie aussi la société et ce n’est pas pour rien que toute relation sociale crée des « boucs-émissaires ».
Tous les mythes dans toutes les cultures racontant la violence sociale originaire à travers la figure de jumeaux ou de paires gémellaires : Etéocle et Polynice à Thèbes, Romulus et Remus à Rome, Abel et Caïn, Jacob et Esaü dans la Bible. Ces frères se tuent souvent. Pourquoi ? Parce que les jumeaux représentent l’origine de la violence. En effet, notre désir se forme par imitation, de nos parents, de notre entourage. Nous apprenons par imitation des manières de manger, une langue, une culture… Or, les jumeaux représentent deux êtres dont le désir est en miroir, qui désirent la même chose au même moment (ils sont nés au même moment d’une même mère). D’où la violence gémellaire archétype de toute violence sociale. Car, quand tout le monde désire la même chose au même moment, une femme, un territoire, une voiture… c’est la guerre ! Les jumeaux symbolisent le fait que, le processus d’imitation culturel est aussi en même temps, le lieu de naissance de la violence. Le bouc émissaire social : le juif, le faible, l’étranger… faisant en général les frais de cette violence sociale originaire qui ne veut pas s’avouer ni être frustrée.
Ainsi Jacob et Esaü si semblables, au point d’être confondus par leur père et en même temps diamétralement opposés: le bon et le mauvais. Personne ne pouvait les confondre. Rachi dit à leur sujet (Berechit 25, 27): « Aussi longtemps qu’ils étaient petits, on ne pouvait pas les reconnaître à leur conduite, personne ne prenait garde à leur caractère. Arrivés à l’âge de treize ans, l’un s’est dirigé vers les écoles et l’autre vers l’idolâtrie (Beréchith raba 63, 10) ». Ce parallèle entre les deux boucs sacrifiés le jour de Yom Kipour et les jumeaux Jacob et Esaü est renforcé par la Torah dans l’épisode où Rebecca convainc Jacob de s’habiller comme son frère pour prendre la bénédiction de son père en disant : « Va maintenant vers le troupeau et rapporte-moi deux bons boucs… » (Genèse 27, 9)
Quelle est la différence de la Bible avec les autres cultures ? La différence est que Dieu choisit le faible de la structure gémellaire : le doux, le cadet, la stérile, l’innocent sont magnifiés et du coté de Dieu. Bref, chaque homme est invité à assumer sa propre violence et non pas à la rejeter sur le faible. Sans cette responsabilité, pas de paix sociale.
Le jour de kippour est donc un jour de bilan. Bilan personnel : c’est en ce jour que l’on recherche qui a été dominant toute l’année, est-ce l’Eternel ou Azazel ? C’est un véritable tirage au sort. Bilan social : ai-je offensé autrui ? Lui ai-je demandé pardon en reconnaissant ma soif de domination ? Seul l’Eternel qui sonde les cœurs, connaît la réponse. A l’instar du Grand Prêtre, il faut sacrifier le bouc, pour accéder au stade supérieur, à savoir : rentrer tout près de D. Autrement dit choisir une voie positive.
Toute la suite de la Paracha contient de nombreux enseignements éthiques qui découlent directement ce de récit.
Les fondements de l’éthique juive et un chemin de vie
« Signifie à Aaron, ton frère, qu’il ne doit pas entrer à toute heure dans le sanctuaire, dans l’enceinte du voile »…. « Il sera vêtu d’une tunique de lin… » « Au septième mois le dixième jour du mois, vous mortifierez vos personnes… Car en ce jour on fera propitiation sur vous afin de vous purifier….. Vous observerez donc mes lois et mes statuts, que l’homme exécute et vive par eux… Craignez que cette terre ne vous vomisse et vous la souillez… »
Ces recommandations résument pratiquement toutes les valeurs morales exposées dans les deux péricopes : Le Saint des Saints n’est accessible au grand Prêtre que le jour de Kippour où le peuple entier est en recueillement. C’est ce jour que se produit le contact spirituel et moral entre l’assemblée et son délégué. Le grand prêtre est vêtu d’une simple tunique de lin : l’habit le plus simple et non point la grande toilette, doit être choisit pour l’événement le plus solennel de l’année. Le grand prêtre doit donner l’exemple de la simplicité et la modestie.
Citons encore d’autres préceptes de vie : la valeur du jeûne, la contribution active de la collectivité à l’acte de propitiation, la valeur du pardon pour le relèvement moral du peuple, le respect de la vie humaine, le respect de la terre, le lien entre le pays et ses habitants, l’importance de la sainteté de l’homme créé à l’image de Dieu, le respect des parents, la valeur de l’équité envers le travailleur…
Ces deux Sidroth constituent le fondement de toute la morale juive. Tout y passe : la charité, la valeur du serment dont la transgression équivaut à la profanation du nom divin, la justice envers le salarié, l’interdiction d’induire en erreur le faible qui ne sait pas se défendre, la médisance et ses conséquences néfastes, La valeur de la protection accordée aux étrangers : ils bénéficieront non seulement d’une tolérance pleine de bienveillance, mais encore d’un sentiment cordial qui les libérera de tout complexe d’infériorité.
Comme on peut le constater la Torah contient tous les principes d’une loi universaliste. Elle ne renonce pas à sa forme nationale qui assure la conservation du peuple d’Israël. Elle nous défend de suivre les mœurs corrompues des nations et règle notre vie dans les moindres de ses détails. La Torah a été donnée pour prolonger la vie de l’homme et non pour l’abréger.
Des millions de Juifs ont préféré mourir plutôt que de transgresser cette éthique juive. Le but de la Torah est de former une humanité supérieurement morale, le peuple juif en est l’instrument. Sa sauvegarde est d’une nécessité absolue. Le Judaïsme magnifie la vie, et pour la sauver, le Juif a l’obligation de passer outre les prescriptions ne portant préjudice à aucun membre de la société. Par contre, il a aussi l’obligation, quand il se sent menacé dans le principe vital de son existence religieuse et nationale, de laisser retrancher sa vie plutôt que de la trahir. Cette distance par rapport aux us et coutumes violents des nations s’exprime dans la Sidra Kédochim.
Parle à toute la Communauté
Le début de la Sidra Kédochim commence de manière inhabituelle remarquent la plupart de commentateurs : « L’Eternel parla à Moïse en ces termes ‘‘Parle à toute la Communauté des enfants d’Israël et dis leur’’ ». Dans toutes les sections du Lévitique, on ne dit jamais « parle à toute la Communauté des enfants d’Israël». La formule traditionnelle est : « Parle aux enfants d’Israël et dis-leur… » (Exemple : Lev. 18, 1). On ne trouve cette expression qu’ici. Observons comment les commentateurs de la Torah interprètent cette particularité absente des différentes péricopes du livre du Lévitique. Pourquoi ce rassemblement général ?
Le Talmud expose la méthode d’enseignement habituelle de Moïse.
Nos maîtres relatent : comment a-t-il procédé dans son enseignement ? Moïse détenait son savoir de D. Aaron venait et Moïse lui expliquait le passage qui lui venait d’être communiqué, Aaron s’étant rangé à sa gauche, Moïse transmettait l’enseignement aux fils du premier qui rentraient à leur tour. Eliézer ayant pris place à la droite de Moïse et Itamar à la gauche d’Aaron, rentraient les anciens, qui, après avoir pris connaissance du passage en question, s’asseyaient. C’est alors seulement que le peuple se présentait pour s’instruire. De ce fait, il se trouve que le peuple n’avait entendu qu’une seule fois l’enseignement divin, les anciens deux fois, les fils d’Aaron trois fois et Aaron lui-même quatre fois » (Eroubin, 54b)
Or notre Sidra ne respecte pas ce processus hiérarchique. Elle a été directement transmise à l’assemblée et non pas par groupes. Ce qui à première vue peut paraitre surprenant. Il aurait été plus pédagogique de donner cet enseignement par groupes selon le niveau de chacun, de mettre d’une manière adéquate, à la portée de l’individu ses plus hautes exigences : la recherche de justice et de droiture, la protection du faible, le respect du père et du vieillard, la charité bien ordonnée, l’interdiction de vengeance, de rapine et de médisance.
On se retrouve donc un peu comme dans un pays où le président désire parler à l’ensemble de la nation et non pas via ses administrations, ou une entreprise dans laquelle le Directeur Général convoque toute la société pour parler au dernier ouvrier. Pourquoi ? parce que l’enseignement fourni est vital.
C’est ce qu’observe Rachi : « Parle à toute la communauté des fils d’Israël : Cela nous apprend que ce chapitre a été prononcé en assemblée, étant donné que la plupart des principes fondamentaux de la Torah en découlent ».
Un enseignement adressé à tous directement donc. Une racine, un principe qui ne peut être rapporté par le bouche à oreille. En quoi consiste-t-il ? Que doit dire Moïse directement à son peuple ?
« Soyez saints car je suis saint, Moi l’Eternel votre D. »
En quoi consiste cette sainteté ? Rachi commente le « Soyez saints » par : « Tenez-vous complètement à l’écart de la débauche et des péchés ! Car toutes les fois que l’on trouve une mise en garde contre la débauche, on trouve mention de la sainteté : « Ils ne prendront pas une femme prostituée ou profanée […] je suis Hachem qui vous sanctifie » (infra 21, 7 et 8), « et il ne profanera pas sa descendance dans son peuple, car je suis Hachem qui le sanctifie » (infra 20, 15), « ils seront saints […] ils ne prendront pas une femme prostituée ou profanée » (infra 21, 6 et 7). »
La sainteté consiste donc à être séparé du reste des hommes non pas pour des raisons racistes ou d’ethnocentrisme mais dans un but d’exemplarité. « N’adoptez pas les lois des nations » (Lévitique 20, 23). Une recommandation que nous trouvons dans la première paracha : « Les pratiques du pays d’Egypte, où vous avez demeuré, ne les imitez pas, les pratiques du pays de Canaan où je vous conduis, ne les imitez pas et ne vous conformez point à leurs lois. » (Lv 18, 3). Rachi se demande : « De quoi le texte a-t-il voulu parler en ne citant que ces comportements-là ? De leurs institutions, devenues leur partie intégrante, comme les théâtres et les arènes. Rabbi Méir a enseigné : ‘‘Des pratiques des Emoréens énumérées par les Sages’’ (Chabath 67 a et b). » Le midrache Sifra commente qu’il ne s’agit pas de l’agriculture, de l’architecture ou de tout autre technique égyptienne ou cananéenne mais des lois religieuses pour lesquelles s’impose la fidélité à la Torah. Il s’agit donc de tout autre chose que d’un ghetto spirituel.
Le Kaddosh spécifie Israël comme un exemple moral pour les nations. C’est pour cela que cette Paracha contient de multiples préceptes :
– respect dû à la mère et au père (Vayiqra 19, 3),
– interdiction de l’idolâtrie en pensée et en acte,
– interdiction de manger les restes des sacrifices en dehors du temps prescrit (voir aussi Chémote 29, 33-34),
– interdiction de récolter sur le dernier angle du champ, de la vigne (19, 9-10),
– devoir de veiller au pauvre (19, 10),
– interdiction de fausser les mesures, de manquer à la parole, de ne pas payer à temps, de voler, de prononcer des verdicts injustes, de porter tort à autrui, de donner de mauvais conseils, de maudire, de ne pas porter aide aux victimes ni aux frères dans le besoin,
– devoir d’exhorter autrui (19, 17),
– devoir d’aimer tout membre d’Israël comme soi-même (19, 18),
– interdiction de se venger (19, 18),
– interdiction de manger des fruits avant plusieurs années de croissance, de boire et manger avec gloutonnerie (19, 18-24),
– interdiction de pratiquer la divination (19, 26),
– interdiction de se coiffer comme les adeptes d’autres cultes, d’imiter leurs pratiques et leurs usages (20, 23),
– devoir d’honorer les Sages et ses parents (19, 32);
– devoir d’avoir des balances justes (19, 36) et exécuter les décisions de justice qui concernent toutes ces fautes.
Le qédochim tiyou « Soyez saints » ou plutôt « saints vous serez » car il s’agit d’un futur, résume tous ces préceptes. On retrouve l’observation de Rachi « ce chapitre a été prononcé en assemblée, étant donné que la plupart des principes fondamentaux de la Torah en découlent ». Car ces préceptes forment une haie autour de la Torah. Le qédochim tiyou au futur ouvre un avenir, l’éthique toraïque prend l’homme là où il en est et lui garantit une survie un avenir. La sainteté n’est pas l’arétè grecque, la « vertu », une qualité morale, mais une limite au désir de l’homme pour qu’il s’épanouisse en désir enfin humain.
La sainteté n’est pas la caractéristique d’un homme mais de tout le peuple. C’est une sainteté collective. C’est tout Israël qui doit être saint comme D. est saint. L’origine de cette sainteté n’est pas dans le peuple d’Israël pour affirmer une supériorité! ». Si Israël est saint c’est parce que D. est saint. Haqqadoche baroukh Hou, Le Saint béni soit-Il.
Une sainteté collective qui n’a rien à voir avec la sainteté mentionnée dans certaines religions, qui est une forme de vertu grecque avec ses héros exemplaires, les « saints » à imiter.
Mais surtout, on trouve dans cette paracha le grand précepte dont Rabbi Akiba disait qu’il était essentiel : « aime ton prochain comme toi-même ». Ce que disait aussi Hillel dans une autre formulation : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse. Va et étudie ! ».
Le Rav Alchikh explique à ce sujet :
D. avertit l’homme de la piété et de la sainteté, de ce qu’il doit ressembler à son Créateur. Il y combat la tendance erronée des gens prétendant que la sainteté n’est accessible qu’à une infime minorité (un ou deux par génération) et ne concerne pas le commun des mortels. C’est aussi une raison pour eux de ne pas fournir l’effort nécessaire au perfectionnement et de l’abandonner à une élite insignifiante. L’Eternel souligne donc qu’il n’est pas d’être humain incapable d’atteindre la sainteté, s’il le désire et trouve indispensable de les avertir tous réunis ensemble, que toute la communauté en est capable. Et pour que l’on ne dise pas qu’il a parlé à toute l’assemblée pour que seulement les initiés d’entre eux le comprennent, il a été précisé : Soyez saints ! (C’est-à-dire tous).
Voilà encore pourquoi Moïse doit parler directement à tout le peuple qu’il invite à la quédoucha, celle du Saint, béni soit-il.