Une anecdote bien connue du début du premier siècle résume toute la Torah et ce que nous ordonne la Sidra Kedochim en détail sur la manière d’aimer notre prochain.
Une autre fois, un païen se présenta devant Shammaï et lui dit: « Je suis prêt à me convertir au judaïsme, à condition que tu m’enseignes toute la Torah pendant que je me tiens sur un seul pied. » Shammaï le renvoya en le frappant à l’aide d’un règle d’arpenteur qu’il tenait dans ses mains.
Ce païen s’en vint adresser la même demande à Hillel, qui lui répondit : « Ce qui est détestable à tes yeux, ne le fais pas à autrui. C’est là toute la Torah, le reste n’est que commentaire. Maintenant, va et étudie. »
Talmud de Babylone, Shabbat 31a
Nous lisons aujourd’hui deux paracha A’harei mot et Kedoshim. Ces deux Sidroth constituent le fondement de toute la morale juive. La Sidra de Kedoshim commence ainsi résumant toute l’éthique juive
« L’Éternel parla à Moïse en ces termes: « Parle à toute la communauté des enfants d’Israël et dis-leur: Soyez saints! Car je suis saint, moi l’Éternel, votre Dieu. » (Lv 19, 1-2)
Sanctifiez-vous et soyez saints, car je suis l’Éternel votre Dieu. Observez mes lois et les exécutez: je suis l’Éternel qui vous sanctifie. (Lv 20, 7-8)
Le qédoshim tiyou « Vous serez saints » résume tous les préceptes. Que signifie cette sainteté juive ?
Kadosh en hébreu se dit « saint » en français. Ce terme n’a rien avec une élévation ou une pureté quelconque. Kadosh veut dire « particulariser ». Quand je prends la coupe le vendredi soir et que je la bénis ( Kiddoush) , en disant : « Baroukh ata adonaï élohénou mélekh ha’olam boré péri haGuefen » « Bénis Seigneur notre Dieu, Roi de l’Univers pour l’Eternité qui a créé le fruit de la vigne » je particularise cette partie de la récolte. Je signifie la plénitudede l’ensemble de la récolte et je la rapporte à l’Eternité. Dans la mitsvah je particularise cet instant précis je rapporte cet intant de l’histoire des hommes à l’Eternel. Le Kiddoushin, (de kadosh) le mariage juif signifie que je choisis cette personne. Je particularise. Personne n’est saint dans le judaïsme que l’Eternel, a kadosh ou baroukh ou, le Saint, béni soit-Il, séparé de ce monde. Le Kadosh spécifie Israël comme un exemple moral pour les nations.
Je prendrai quelques exemples de ce chapitre 19 du Lévitique et son commentaire par Rachi qui sont autant de conseils de vie magnifique :
« Quand vous moissonnerez la récolte de votre pays, tu laisseras la moisson inachevée au bout de ton champ, et tu ne ramasseras point la glanure de ta moisson. Tu ne grappilleras point dans ta vigne, et tu ne recueilleras point les grains épars de ta vigne. Abandonne-les au pauvre et à l’étranger: je suis l’Éternel votre Dieu. » (Lv 19, 9-10)
Je suis Hachem, votre Éloqim Le juge qui punira et qui ne réclamera de vous rien moins que vos âmes, comme il est écrit : « Ne dépouille pas le pauvre […] car Hachem combattra leur combat » (Michei 22, 22 et 23).
Vous ne commettrez point de vol, point de dénégation ni de fraude au préjudice de votre prochain. Vous ne jurerez point par mon nom à l’appui du mensonge, ce serait profaner le nom de ton Dieu: je suis l’Éternel. (Lv 19, 11-12)
Vous ne volerez pas, et vous ne nierez pas et vous ne mentirez pas, […] et vous ne jurerez pas par mon nom Si tu voles, un jour viendra où tu nieras, un jour viendra où tu mentiras, un jour viendra où tu jureras mensongèrement.
Ne commets point d’extorsion sur ton prochain, point de rapine; que le salaire du journalier ne reste point par devers toi jusqu’au lendemain. N’insulte pas un sourd, et ne place pas d’obstacle sur le chemin d’un aveugle: redoute ton Dieu! Je suis l’Éternel. (Lv 19, 13-14)
Jusqu’au matin Le texte parle ici du salarié de jour, de celui qui s’en va au coucher du soleil. C’est pourquoi le délai de paiement de son salaire dure toute la nuit. Tandis qu’il sera écrit plus loin : « En son jour, tu lui donneras son salaire, et le soleil ne se couchera pas sur lui… » (Devarim 24, 15). Il est question là-bas du salarié de nuit, de celui qui achève son travail au lever du soleil. C’est pourquoi le délai de paiement de son salaire dure toute la journée, la Tora ayant laissé à l’employeur un délai pour se procurer l’argent (Baba Metsi‘a 110b).
N’insulte pas un sourd, et ne place pas d’obstacle sur le chemin d’un aveugle: redoute ton Dieu! Je suis l’Éternel. (Lv 19, 14)
Tu ne maudiras pas un sourd Il n’est ici question que d’un sourd. D’où sait-on que l’interdiction comprend tous les hommes ? Des mots : « … et n’outrage pas un prince “dans ton peuple” » (Chemoth 22, 27). Dans ce cas, pourquoi est-il ici question d’un « sourd » ? Le sourd a ceci de spécifique qu’il est en vie [malgré son infirmité]. La règle concerne donc toute personne en vie, à l’exclusion d’un mort, lequel n’est plus en vie (Torath kohanim).
Et devant un aveugle tu ne donneras pas d’achoppement À celui qui est « aveugle » dans un domaine quelconque, ne donne pas un conseil qui ne lui soit pas approprié. Ne lui dis pas : « Vends ton champ et achète-toi un âne ! », pour aller ensuite l’abuser et le lui prendre (Torath kohanim).
Ne prévariquez point dans l’exercice de la justice; ne montre ni ménagement au faible, ni faveur au puissant: juge ton semblable avec impartialité. Ne va point colportant le mal parmi les tiens, ne sois pas indifférent au danger de ton prochain: je suis l’Éternel. (Lv 19, 15-16)
Tu n’élèveras pas la face de l’indigent Ne te dis pas : « Celui-ci est pauvre, et le riche est tenu de le nourrir ! Je vais donc lui donner raison, de sorte qu’il sera nourri dans la dignité » (Torath kohanim).
Et tu ne favoriseras pas la face du grand Ne te dis pas : « Celui-ci est riche ! » ou bien : « Ses parents sont des nobles ! Comment pourrais-je lui infliger une honte et assister à son humiliation ? Cela risque de me causer du tort. » Voilà pourquoi il est écrit : « Et tu ne porteras pas faveur au grand. »
Tu jugeras ton semblable avec justesse À prendre au sens littéral. Autre explication : Juge ton semblable en lui accordant un préjugé indulgent (Sanhèdrin 32a).
Ne va point colportant le mal parmi les tiens, ne sois pas indifférent au danger de ton prochain: je suis l’Éternel. (Lv 19, 16)
Tu n’iras pas colportant À mon avis, c’est parce que ceux qui sèment la discorde et qui profèrent des paroles de médisance se rendent tous dans les maisons des autres pour épier ce qu’ils y voient ou ce qu’ils entendent de mauvais pour aller ensuite le raconter dans la rue, que l’on dit d’eux qu’ils « vont colportant » ou qu’ils « vont espionnant » – en français médiéval : « espiement ». La preuve de ce que j’avance est que l’on ne trouve pas le terme de « colportage » sans qu’il soit associé au verbe « aller », comme dans : « tu n’“iras” pas colportant », ou : « ceux qui “vont” colportant comme le cuivre et le fer » (Yirmeya 6, 28). […] À mon avis, cette expression tient à ce qu’on avait coutume de prendre une collation dans la maison de celui qui accueillait ses paroles, en gage de sincérité et de vérité de ses propos, cette collation ayant pour nom : « manger le morceau », expression analogue au « clignement des yeux » (Michei 6, 13) du dépravé. Car les colporteurs ont tous l’habitude de cligner des yeux et de ne suggérer leurs calomnies que sous forme d’allusions afin que les tierces personnes qui écoutent ne comprennent pas.
Tu ne te tiendras pas sur le sang de ton prochain En le regardant mourir, alors que tu peux le sauver, comme dans le cas d’un homme sur le point de se noyer dans une rivière ou qui est attaqué par des brigands.
Ne hais point ton frère en ton cœur: reprends ton prochain, et tu n’assumeras pas de péché à cause de lui. Ne te venge ni ne garde rancune aux enfants de ton peuple, mais aime ton prochain comme toi-même: je suis l’Éternel. (Lv 19, 17-18)
Et tu ne porteras pas de péché sur lui Tu ne le feras pas pâlir de honte en public (‘Arkhin 16b).
Tu ne te vengeras pas On lui demande de lui prêter sa faucille, et il refuse. Le lendemain, l’auteur du refus lui demande de lui prêter sa hache. « Je ne te la prêterai pas, répond-il, tout comme toi-même m’as refusé un prêt ! » C’est là de la vengeance. Et qu’est-ce que la rancune ? On lui demande de lui prêter sa hache, et il refuse. Le lendemain, l’auteur du refus lui demande de lui prêter sa faucille. « La voici, répond-il. Je ne suis pas comme toi qui ne m’as pas prêté ! » C’est là de la rancune : on conserve de la haine dans son cœur nonobstant l’absence de vengeance (Yoma 23a).
Tu aimeras ton prochain comme toi-même Rabi ‘Aqiva a enseigné : C’est là un principe fondamental dans la Tora (Torath kohanim).
Lève-toi à l’aspect d’une tête blanche, et honore la personne du vieillard: crains ton Dieu! Je suis l’Éternel. (Lv 19, 32)
Tu respecteras la face du vieillard En quoi consiste ce « respect » ? À ne pas s’asseoir à sa place, et à ne pas le contredire. J’aurais pu penser que l’on eût le droit de détourner ses yeux comme si on ne le voyait pas. Aussi est-il écrit : « Tu auras la crainte de ton Éloqim ». Car la chose est laissée à la discrétion de celui qui la fait, et lui seul en connaît les motifs. Dans tous les cas où les motivations d’un acte sont du ressort exclusif du cœur de celui qui agit, il est écrit : « Tu auras la crainte de ton Éloqim ».
Si un étranger vient séjourner avec toi, dans votre pays, ne le molestez point. Il sera pour vous comme un de vos compatriotes, l’étranger qui séjourne avec vous, et tu l’aimeras comme toi-même, car vous avez été étrangers dans le pays d’Egypte je suis l’Éternel votre Dieu. (Lv 19, 33-35)
Vous ne le léserez pas Il s’agit de l’offense par des paroles. Ne lui dis pas : « Toi qui étais hier un païen, tu viens aujourd’hui apprendre la Tora qui a été donnée par la bouche du Tout-Puissant ! »
Car vous avez été étrangers Le défaut dont tu es affligé, n’en fais pas reproche à autrui (Baba Metsi‘a 59b).
Je suis Hachem, votre Éloqim Je suis ton Éloqim et le sien.
Ne commettez pas d’iniquité en fait de jugements, de poids et de mesures. Ayez des balances exactes, des poids exacts, une épha exacte, un men exact: Je suis l’Éternel votre Dieu, qui vous ai fait sortir du pays d’Egypte. (Lv 10, 35-36)
Vous ne ferez pas d’iniquité dans la justice S’il s’agit du domaine judiciaire, il a déjà été écrit : « Vous ne ferez pas d’iniquité dans la justice… » (verset 15). De quelle « justice » est-il question ici pour la seconde fois ? Celle dans la mesure, le poids et la capacité. Cela nous apprend que celui qui mesure est appelé un « juge », car frauder dans une mesure est comme frauder en justice. Le fraudeur est appelé « inique », « détestable », « exécrable », « proscrit » et « abominable », et il est la cause de cinq conséquences mentionnées à propos du juge : Il rend le pays impur, il profane le nom de Hachem, il éloigne la chekhina, il fait succomber Israël par l’épée et il le fait exiler de son pays.
Que signifie la série de mises à mort qui suivent « tout homme qui aura maudit son père ou sa mère, doit être mis à mort » (Lv 20, 9)… mis à mort pour l’adultère l’incestueux, celui qui couche avec un animal… ? Cela signifie simplement que celui qui commet cela est rongé par la culpabilité et alors sa personnalité est dissoute, détruite. Cette mort n’a rien d’une sentence capitale.
Observez donc toutes mes lois et tous mes statuts, et vous les accomplirez, afin et elle ne vous vomira pas, la terre où je vous amène pour y résider. (Lv 20, 22)
Rachi souligne que la terre vomit comme un roi vomit un met avarié.
La récompense de l’accomplissement de la Torah par l’étude et le comportement est donc la terre. Celle-ci vomira Israël tout comme elle a vomi les cananéens qui offraient leurs enfants en sacrifices au dieu Molok si il ne s’y comporte pas bien et ne suit pas ce que nous venons de lire qui n’est rien d’autre que l’éthique juive.