Le shofar à l’heure du retour (teshouva)

Le shofar  sonné par le rabbin Harboun ce matin pour Hoshana Rabba (film de Gaston Madar)

La première fois que j’ai entendu la sonnerie (teru’a) du Shofar au soir de Kippour j’ai eu l’impression les yeux fermés de me retrouver sur les hauts plateaux de l’Alta Rocca dans mon pays : la Corse.

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Alta Rocca vue au dessus de chez nous, au loin la mer et la cote est de la Corse (golfe de Propriano)

En effet, le soir alors que le soleil se couche, le berger crie en écho vers la vallée ou sonne de la corne, alors les bêtes qui connaissent sa voix et vivent en stabulation libre dans la forêt et le maquis pendant la journée reviennent vers l’eau et le fourrage du berger.

C’est une ambiance très spéciale un moment très impressionnant, cette « heure bleue » entre le jour et la nuit au lever du soleil et à son coucher, le ciel se remplit d’un bleu pâle plus foncé que celui du ciel le jour. Les scientifiques parlent d’effet de diffusion Raylight et le langage populaire parle de « l’heure bleue » ou « entre chien et loup ». Un grand silence dans la nature et que les oiseaux se taisent, les fleurs et la nature exhalent alors tous leurs parfums. Et la corne ou la voix du berger appellent au retour.

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Cet imaginaire agraire et pastoral remplit les psaumes. Combien de fois dans la prière des psaumes D. est-il invoqué comme le Berger d’Israël… « Berger d’Israël, écoute ! toi qui mènes Joseph comme un troupeau! Révèle-toi dans ta splendeur, toi qui trônes sur les Chérubins! » (Ps 80, 1). Le psalmiste s’écrit dans le psaume 23 : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien, sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer, il me conduit au bord d’eaux paisibles ». D. est le « Shomer Israël », son gardien qui guide les pèlerins en route vers Jérusalem « au départ et au retour, pour l’éternité » dans les psaumes des montées » (Ps 121, 8) (Shir hamahalot), donc au moment des grandes fêtes de pèlerinage (Pessah, Shavouot, Soukoth).

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Alta Rocca au dessus de chez nous, au loin  le village de Lévie, devant des immortelles.

C’est justement au coucher du soleil à Kippour et que le même shoffar a sonné ce matin à l’aube pour Hoshana Rabba, septième jour de soukoth, celui où notre destin est définitivement scellé, le « petit Kipppour ». Le shofar signe l’heure de la teshouva du retour, il remplit tout l’être et convoque le jugement des actions en ce monde.Il sonne à Rosh Hashana puis à Kippour, à Hoshana Rabba enfin scellant le livre.

“Juda bar Nahmani a commencé en ces termes, au nom de Resh Laqish: Psaume 47;6 dit: Elohim monte en fanfare (teru’a), YHWH au son du cor (shofar). Lorsque le Saint béni soit-il monte pour prendre place sur le trône du jugement c’est pour rendre un verdict, ainsi qu’il est dit: Dieu monte en fanfare…Mais lorsque les Israélites se saisissent de leur shofar le Saint béni soit-il change de trône: il quitte celui du jugement pour occuper celui de la miséricorde, ainsi qu’il est dit: Dieu (monte) au son du cor. Son cœur est empli de miséricorde et il leur pardonne. Quand cela a-t-il lieu? Le premier jour du 7ème mois.” (Midrash : Lévitique rabba § 29, Genèse rabba § 56 et Rosh ha-Shana 16a)

“Bien que la sonnerie du shofar soit un précepte biblique concernant le nouvel an et le jour des propitiations on y trouve aussi l’allusion suivante: O vous qui dormez, sortez enfin de votre léthargie et vous qui somnolez émergez donc de votre torpeur. Examinez votre conduite et faites amende honorable. Que chacun rejette ses mauvaises pensées et ses actions iniques.” (Mishné Tora, Maïmonide (1138-1204)

Le son du shoffar est celui du retour, de la teshouva, de la repentance l’appel du Berger d’Israël. Heureux ceux qui l’entendent !

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Derrière moi le village  de Lévie

 

 

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un kern (muccio en langue corse)en alta Rocca  , on posait autrefois une pierre pour se souvenir d’un défunt mort de mort violente.

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Pierres sur les tombes dans la plaine (herbage d’hiver des populations de la montagne)
en réponse à un commentaire du post.

 

2 commentaires sur « Le shofar à l’heure du retour (teshouva) »

  1. Très bel article comme à chaque fois! Cette coutume de poser une pierre en souvenir d’un défunt n’est -elle observée qu’en cas de mort violente et à l’endroit où elle a eu lieu ou bien existe-t-elle aussi à chaque visite au cimetière comme c’est la cas dans le judaïsme? En d’autres termes est ce une simple coïncidence ou une coutume conservée dans les familles des nuevos christianos (les neophiti comme on dit encore dans le Sud de l’Italie)

    1. Cher ami, cette coutume est aussi observée parfois sur les tombes sans qu’il s’agisse d’une Vendetta. Ce que j’ai pu constater cet été au cimetière de Muratello (le village dans la plaine de l’herbage d’hiver, voir photo).
      Muratello
      Mais il ne faut pas oublier le vieux fond méditerranéen antique d’où vient cette coutume. On posait des pierres sur les tombes pour éviter que des bêtes ne touchent le corps et par signe votif de mémoire. Une tradition qui vient du désert de Palestine alors que les Juifs inhumaient leur défunts sous des monticules de pierres. En posant une pierre, on signalait le lieu, on consolidait la tombe en protégeant la dépouille des animaux et on faisait revivre le souvenir du défunt. Cet usage du désert s’est répandu en monde sépharade et ashkénaze.Cet usage en Corse est très probablement marrane. Venu de Gênes massivement au XVIème siècle, réfugiés d’Espagne (jusqu’en 1570 Livourne n’est encore qu’un port de pécheurs et Gênes le plaque tournante des marranes d’espagne), arrivés dans la région de Porto-Vecchio ceux-ci se sont mélangés avec les populations de la montagne et de la plaine des vallées de Muratello, Pruno et Sotta. Ce rite est connu de Proper mérimée qui romantise la vendetta.Dans Colomba celle-ci réalise des pèlerinage auprès du «muccio» élevé en mémoire du père, qui lui crie : «Tu le vengeras !». Il s’agit d’une sorte de commandement de mémoire du type : zakhor eth acher assa lékha Amalek « N’oublie pas ce qu’Amalek t’as fait ». Hélas les transfuges n’ont pas trouvé de rabbins comme à Venise, Amsterdam, Izmir… pour leur rendre leur mémoire.

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