Tetsavé : une Lumière sans fin

On trouveras ici quelques éléments sur la Paracha de Tetsavé ajoutés à des réflexions du rabbin Harboun, un peu comme des notes. Ils sont fragmentaires et incomplets, je m’excuse par avance de ne pas aller très loin au delà du Pshat (le sens évident).

Israël, Lumière perpétuelle

« Pour toi, tu ordonneras aux enfants d’Israël de te choisir une huile pure d’olives concassées, pour le luminaire, afin d’alimenter les lampes en permanence (Lehaalot Ner Tamid.) » (Ex 27, 20)

Assez curieusement la Sidra de Tetsavé qui décrit les habits du grand-prêtre avec force détails commence par une description de la Menorah, son huile « pure » et sa lumière « perpétuelle ». Alors que celle-ci a déjà été décrite dans la Parasha précédente. Pourquoi ?

A propos de l’huile Rachi précise :

« Concassée » : On pilait les olives dans un mortier, sans les presser sous la meule, afin qu’il n’y ait pas de dépôt. Ce n’est qu’après l’extraction de la première goutte qu’on les introduisait sous la meule pour les écraser. L’huile obtenue sous la seconde pression était impropre pour la menora, mais bonne pour les oblations, ainsi qu’il est écrit : « concassée pour le luminaire », et non : « concassée pour les oblations » (Mena‘hoth 86a).

Et à propos du terme en permanence il explique :

« Perpétuelle » : Tout ce qui se renouvelle nuit après nuit est appelé : « perpétuel », tout comme l’on dit : « holocauste perpétuel » (Bamidbar 28, 6), qui ne se renouvelle pourtant que jour après jour. Il en est de même pour les oblations « à la poêle » dont il est écrit (Wayiqra 6, 13) : « comme oblation perpétuelle », alors qu’elle était offerte « sa moitié le matin et sa moitié le soir ». En revanche, le mot : « perpétuellement » employé à propos du pain de proposition (supra 25, 30) veut dire : « d’un Chabath à l’autre ».

Les lampes des branches de côté de la Ménorah étaient tournées vers la branche centrale symbolisant la lumière perpétuelle de la présence divine. Faite d’une seule pièce, cette unité est le symbole de celle d’Israël.

L’huile est pure comme la flamme qui monte du peuple d’Israël vers Hachem et perpétuelle car Israël ne s’arrête pas dans l’étude de la Torah. Lumière perpétuelle pour les Nations.

Menorah
La Menorah, centrale, est devenue le symbole du peuple juif… et non pas l’Arche Sainte ou les chérubins ou les pains de propositions et autres ustensiles du sanctuaire…

La Ménorah précède donc la description des habits du grand-Prêtre. Elle est première. Parce que sa Lumière est initiale, elle précède tout. Son allumage  précède toutes les autres activités du sanctuaire.

Le Temple détruit, la Ménorah emportée par les romains en l’an 70 comme on peut le voir sur l’Arc de Titus à Rome dont on trouve une copie au Musée de la Diaspora à Tel Aviv, la Lumière d’Israël ne s’éteint pas, elle brille dans la nuit de l’humanité.

Musée de la Diaspora- Tel Aviv, photo DL, copie de l’Arc de Titus à Rome. On  voit les esclaves juifs et des soldats brandissant les objets sacrés du Temple:  la Ménorah (chandelier à 7 branches), la table des pains de proposition… Ils défilent au cours du triomphe  de Titus à Rome suite à sa prise de Jérusalem en l’an 70 de notre ère et au massacre de 500 000 juifs.
Musée de la Diaspora- Tel Aviv, photo DL, copie de l’Arc de Titus à Rome. On voit les esclaves juifs et des soldats brandissant les objets sacrés du Temple: la Ménorah (chandelier à 7 branches), la table des pains de proposition… Ils défilent au cours du triomphe de Titus à Rome suite à sa prise de Jérusalem en l’an 70 de notre ère et au massacre de 500 000 juifs.

On sait que le feu du Sinaï a été assimilé par nos Sages à l’Etude. Tant qu’un juif se plonge dans une page de Torah ou de Talmud pour devenir une Torah vivante, son cœur peut s’allumer et s’illuminer de l’intérieur, il devient une lumière, fut-ce un instant pour les autres.

D’après le Talmud (Haguiga 12a), la lumière créée au début de la création était une lumière spirituelle éclairant l’univers entier. Constatant la déchéance de l’homme, Dieu préféra l’enterrer pour la cacher afin que seuls les justes la trouvent grâce à leurs mérites. Le Talmud (Nedarim 64b) dit que «  l’aveugle est considéré comme un mort. » Il ne s’agit bien sûr pas de cécité physique mais spirituelle, de celui qui ne peut pas voir la lumière spirituelle car il ne la cherche pas. Nous devons donc essayer de faire toute la lumière.

Le Tékhélèt, un bleu obsédant

« Tu feras la robe de l’éphod, uniquement d’azur. » (Ex 28, 31)

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Autre détail intéressant. Déjà dans la Paracha précédente on nous avait parlé trois fois de cette couleur de tékhélèt :

  • Dès le début la construction du Mishkane l’offrande (Terouma) en terme d’étoffes consistes en « étoffes d’azur (Tékhélèt), de pourpre, d’écarlate, de fin lin et de poil de chèvre» (Exode 25, 4).
  • Les tapis du sanctuaire sont, eux aussi tissés de ce fil bleu (Ex 26, 1 et 4).
  • « La porte du parvis sera un rideau de vingt coudées, étoffe d’azur » (Ex 26, 16).

Un mot utilisé pas moins de 7 fois dans notre Paracha de ce jour Tetsavé pour désigner l’habit du grand-prêtre, le mot Tékélèt :

  • « Et ils emploieront l’or, l’azur (Tékhélèt), la pourpre, l’écarlate et le fin lin. « Ils confectionneront l’éphod en or, azur (Tékhélèt), pourpre, écarlate et lin retors, artistement brochés. Deux épaulières d’attache, placées à ses deux extrémités, serviront à le réunir. La ceinture qu’il porte, destinée à l’assujettir, sera du même travail, fera partie de son tissu or, azur (Tékhélèt), pourpre, écarlate et lin retors. » (Ex 28, 5-8) : trois occurrences
  • et en quatre autres occurrences : Ex 28, 15, 28, 31 et 37.

Cette couleur du tékhélèt, le bleu biblique est régulièrement traduite par « bleu azur ». On la retrouve dans la fabrication des tsitsit lors de la prescription du Livre des Nombres :

« L’Éternel parla à Moïse en ces termes: « Parle aux enfants d’Israël, et dis-leur de se faire des franges (tistsit) aux coins de leurs vêtements, dans toutes leurs générations, et d’ajouter à la frange de chaque coin un cordon d’azur (Tékhélèt). Cela formera pour vous des franges dont la vue vous rappellera tous les commandements de l’Éternel, afin que vous les exécutiez et ne vous égariez pas à la suite de votre cœur et de vos yeux, qui vous entraînent à l’infidélité. (Nb 15, 37- 38).

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Dans le Tossefta (Ména’hot 9, 6), il est enseigné que cette couleur ne se trouve que chez le ‘Hilazone.

Dans le traité Chabbath 26, il est dit que les Yokevim sont les pêcheurs du ‘Hilazone. En effet, Névouzaradane, le général en chef et bourreau du roi Nabuchodonosor, avait exilé la grande majorité du peuple d’Israël, mais garda sur place les pêcheurs du ‘Hilazone, afin de confectionner des vêtements royaux azurs.

« Rabbi Méir demande : Pourquoi la couleur du Tékhélèt doit-elle être bleue ? Parce que le Tékhélèt ressemble à la couleur de la mer qui ressemble à celle du ciel, elle-même qui ressemble à celle du trône de gloire de D-ieu. » (TB ‘Houlin, 89a).

Au début de la Parasha de Kora’h qui voit les fils de Kora’h se révolter contre Moïse, Rachi explique :

Il les a revêtus de vêtements entièrement faits de laine d’azur et ils se sont présentés devant Mochè en lui demandant : « Un vêtement entièrement fait de laine d’azur a-t-il besoin de tsitsit ou bien en est-il dispensé ? » Il répondit qu’il en avait besoin. Ils se sont esclaffés : « Se peut-il que pour un vêtement fait d’une étoffe différente, un seul fil de laine d’azur suffise à le rendre apte à être porté, et qu’un vêtement fait entièrement de laine d’azur ne se rende pas apte forcément de lui-même ? » (Midrach Tan‘houma).

Ce bleu, celui du drapeau d’Israël, assimilé à la couleur du ciel ou de la mer par les Sages – Maimonide dit qu’il ressemblait à la couleur du ciel par une journée ensoleillée mais était bleu vert c’est-à-dire turquoise selon Rachi. Qui croire ? Beaucoup s’abstiennent encore aujourd’hui de porter le tsitsit bleu, par crainte de ne pas respecter scrupuleusement la mitsva du tekhelet.

On sait aujourd’hui que la couleur de Tékhélèt est la pourpre bleue du murex trunculus, le mollusque, appelé ‘Hilazon dans la Torah. Cette espèce d’escargot de mer ne se trouve qu’entre les côtes maritimes de Haïfa, au nord d’Israël, et Tyr, au sud du Liban.

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Curieusement la couleur de Tekhélet est souvent associée dans nos deux dernières parasha avec le Shesh, un tissu non moins singulier et lui aussi issu de la mer.

Le Shesh

L’autre mot qu’on retrouve dans Tetsavé mais aussi dans Terouma est le mot Shesh souvent traduit par « lin fin », de quoi s’agit-il ? Quel est cet étrange « lin fin » parfois retourné ? Ce « lin fin » dont Pharaon revêt Joseph (Gn 41, 42) et qui n’apparait pas moins de 11 fois dans ces deux sidrot ?

  • « étoffes d’azur, de pourpre, d’écarlate, du fin lin (Shesh) et de poil de chèvre » (Ex 25, 4)
  • « Puis tu feras le tabernacle, savoir dix tapis, qui seront faits de lin (Shesh) retors, de fils d’azur (Ex 26, 1)
  • « Tu feras ensuite un voile en étoffe d’azur, de pourpre, d’écarlate et de lin retors (Shesh)» (Ex 26, 31)
  • « Puis, tu confectionneras un rideau pour l’entrée de la Tente, en azur, pourpre, écarlate et lin retors (Shesh). (Ex 26, 36)
  • Mais aussi Ex 27, 9. 16. 18… Ex 28, 6.8.15.39…

Et bien ce tissu, appelé parfois Byssus en grec, cette soie brune connue des Phéniciens n’a rien d’un lin végétal. Il s’agit en fait de la « soie de mer », un tissu fait avec la fibre des mollusques bivalves (comme les moules) qui leur permettent de s’accrocher aux rochers. Ces fibres sont produites par une glande dite glande byssogène.

Black and white drawing of zebra mussel showing byssal threads.

Comme cette soie marine demandait une grande quantité de coquillages péchés en eau profonde, comme les murex étaient récoltés à la période de fécondation lors d’immenses rassemblements de Hilazone (Murex) aux pleines lunaisons de mars et juin ces éléments, soie de mer et teinture bleu pourpre, venus de la mer, étaient très rares et très prisés dans l’Antiquité.

Comment savons-nous cela ? Parce que le Byssus est encore fabriqué aujourd’hui en Sardaigne dans l’île de Sant’Antioco (photo).

Byssus

Quelle était la particularité du Shesh? en exposant cette soie de mer brune au soleil, celle-ci devenait dorée sous la lumière (de là vient le récit de la Toison d’Or).

Lorsque le Grand-prêtre passait devant le candélabre, il en reflétait la Lumière.

Mercredi soir c’est Pourim. Nous lirons la Méguilla… et là encore on nous parle d’un manteau de soie de mer coloré avec du Tékhélèt pour l’habit de Mardochée, au moment même où le sort se retourne contre les ennemis des juifs :

« Cependant Mardochée sortit de chez le roi en costume royal, bleu d’azur (Téhélèt) et blanc, avec une grande couronne d’or et un manteau de byssus (« bouts » = byssus = Shesh) et de pourpre, et la ville de Suse fut dans la jubilation et dans la joie. Pour les juifs, ce n’étaient que joie rayonnante, contentement, allégresse et marques d’honneur. Dans chaque province, dans chaque ville, partout où parvinrent l’ordre du roi et son édit, il y avait pour les juifs joie et allégresse, festins et jour de fête. Un grand nombre parmi les gens du pays se firent juifs, tant la crainte des juifs s’était emparée d’eux.» (Esther 8, 15 – 16)

Le nom ESTHER vient du verbe Lehastir qui signifie « cacher ». Le Talmud dit :

« Rabbi Yehouda dit : son vrai nom était Hadassa et pourquoi ce nom d’Esther ? C’est parce qu’elle avait caché (Sater) sa véritable situation, ainsi qu’il est dit : « Esther n’a pas fait connaître qui était son peuple etc. » (Esther 2, 20). Rabbi Ne’hemya dit : son vrai nom était Hadassa, et pourquoi ce nom d’Esther ? C’est que les nations du monde l’appelaient ainsi en pensant à (la beauté éclatante) de la lune-Ishtar » (Meguilla 13a);

La lumière de la Création originaire peut être cachée mais elle brille sur le visage des justes. Elle ne tardera pas à se révéler aux Nations.

ב  אֱלֹהִים, יְחָנֵּנוּ וִיבָרְכֵנוּ;    יָאֵר פָּנָיו אִתָּנוּ סֶלָה. Ps 66, 2 Que D-ieu nous prenne en grâce et nous bénisse! Que son visage s’illumine sur nous! Sélah!
ג  לָדַעַת בָּאָרֶץ דַּרְכֶּךָ;    בְּכָל-גּוֹיִם, יְשׁוּעָתֶךָ. 3 Pour que, par toute la terre, on connaisse tes voies, parmi tous les peuples, ton secours sauveur.
ד  יוֹדוּךָ עַמִּים אֱלֹהִים:    יוֹדוּךָ, עַמִּים כֻּלָּם. 4 Que les nations, ô Dieu, te rendent hommage! Oui, qu’elles te rendent hommage, toutes les nations!

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