Les cédrats sont éternels

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Ce matin j’ai trouvé devant ma porte un cédrat confit avec ce mot :

Cher Ami, Bonjour, Ce matin je suis allé vous remettre le petit échantillon d’ « etrog » confis, que j’ai déposé. Je vous souhaite de le déguster, vous et les vôtres en pensant, comme l’a fait mon épouse, à votre vénérée grand-mère. באהבה ובלב טוב (avec amitié et bon cœur). Lucie et Raphaël

Raphaël a 90 ans, il est le doyen de ma synagogue, né dans le Mellah de Marakech. Chaque automne pendant mon enfance ma grand-mère Corse, m’envoyait un cédrat confit, qui m’a remis sur le chemin de ma judéité.

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Coïncidence, à cet instant même, mon ami Benny qui s’appelle Méir (du nom de son grand-père) comme moi, m’a téléphoné de Corse.

Les cédrats de Corse

A l’origine le cédratrier est un arbre des vallées méridionales de l’Himalaya. Il est acclimaté en Perse (Médie) durant la première moitié du premier millénaire avant notre ère (-1500, -500 avant notre ère). Il est probable que les Cédrats sont arrivés en Israël de Perse en contact permanent avec l’Inde via les caravanes à cette époque.

Le Cédrat de Corse est une variété très particulière (voir ici ), il est le seul à avoir une fleur blanche alors que celle des autres cédrats est violette. Il a été cultivé de manière intensive en Corse au XIXème siècle sous l’impulsion des rabbins ashkénazes de Lituanie comme je l’ai montré dans mes mémoires juives de Corse.

Le père de mes amis Guy et Benny Sabbagh et leur grand-père le rabbin Méir Toldéano zal liés à la famille Mattéi via Salomon Hassan allaient chaque année pour Souccot chercher les meilleurs fruits, gros, avec queue et pas bosselés dans l’exploitation des Mattéi grands distilleurs à Bastia.

Le cédrat symbolise la descendance du tsadik, du juste qui est lui-même un arbre.

« Le Juste est comme un arbre planté près d’un ruisseau qui donne du fruit en son temps et jamais son feuillage ne meurt » (Psaume 1)…

La Torah (Lévitique 23, 40) évoque le Cédrat pour la fête de Souccot comme פְּרִי עֵץ הָדָר « le fruit de l’arbre/ du bois de Hadar » hadar un mot qui veut dire (« éclat, splendeur » en hébreu). Le « fruit » c’est la descendance de l’arbre, c’est-à-dire les descendants des tsadikim (les « justes »), qui sont les bonnes actions et sont comme des arbres.

Pourquoi le cédratier, le « bel arbre » est-il « planté prés d’un cours d’eau » (Cf Psaume 1) car dit le Talmud Soucca 35a :

Ben ‘Azaï dit : Ne lis pas hadar (« beau »), mais hudör [qui en grec désigne l’eau, hudör a donné hydr- ou hydro-]. Et quelle espèce a besoin d’irrigation artificielle [et pas seulement d’eau de pluie] ? Dis c’ets le cédrat » (TB Soucca 35a)

La fête de Souccot est éternelle comme le symbolise le chiffre sept, celui de la plénitude : « Vous la fêterez, cette fête du Seigneur, sept jours chaque année, règle immuable pour vos générations;  c’est au septième mois que vous la solenniserez » (Lévitique 23, 41).

Les véritables « générations » laissées par les justes sont constituées par leurs bonnes œuvres (Beréchith raba 30, 6).

Le cédrat symbolise donc le fruit du Tsadik, juste non pas « de sa génération » comme Noah que nous avons écouté hier dans la Paracha de Noah : « Ceci est l’histoire de Noé. Noé fut un homme juste, irréprochable, entre ses contemporains; il se conduisit selon Dieu » – Gn 6, 9 ). Mais un juste pour toutes les générations de toute l’humanité comme Abraham. Un juste pour l’Eternité, qu’on ne voit pas et qui lui-même ne le sait pas.

 « Ce sont les générations de Noé » : Noé était un homme juste et parfait dans ses générations.  R. Johanan dit: « Dans ses générations », mais pas dans d’ autres générations ! (Tb Sanhédrin 108 a).

En clair, si Noé avait appartenu à la génération suivante, celle d’Abraham juste il n’aurait compté pour rien (Beréchith raba 30, 9). En effet Abraham est qualifié de tsadik par la Torah alors qu’il tente de sauver les justes de Sodome et Gomorrhe, ce qui n’est pas sauvable ! Sodome et Gomorrhe ! (Genèse 18,25). Un raisonnement à fortiori : Celui qui sauve ce qui est complètement perdu sauve forcément toute l’humanité et pour toujours.

Un de ces 36 justes qui sont générés par l’Éternel à chaque génération pour être les colonnes de l’humanité. Les Tsadikim Nistarim (צדיקים נסתרים), les « Justes cachés », ou encore les Lamed Vav Tsadikim (לו צדיקים). Lamed, vav = 36 de chaque génération, que rien ne distingue des auters hommes et qui eux-mêmes ne le savent pas et sans qui le monde serait détruit.

Le cédrat est le fruit de l’arbre, un fils des tsadikim.

« Selon Rabbi Méir un cédrat prélevé au titre de la seconde dîme ne ne saurait êter utilisé pour s’acquitter de l’obligation [de tenir en main les quatre espèces] le jour de la fête » (TB Soucca 35a).

Pourquoi cette obligation de posséder le cédrat ? à cause du « vous prendrez pour vous du fruit du bel arbre » (Lv. 23, 40). La seconde dîme selon Rabbi Méir est un bien sacré dont le propriétaire ne peut disposer à sa guise. L’idée est que la mitsva ne fonctionne que si elle est entièrement généreuse.

Un commentaire sur « Les cédrats sont éternels »

  1. Le Cédrat est aussi un fruit en forme de « Cœur », et le cœur dans la pensée juive représente la sensibilité, les sentiments et, suivi de « Tov », ( לב טוב) « Bon Cœur » domine tout comportement positif pour nous et pour notre « prochain.
    Dans la Torah, il représente aussi « l’intelligence » ( חכמת לב) l’intelligence du cœur.
    En résumé, comme l’a conclu Raban Yohanan Ben Zakaï, appréciant la réponse de Rabi Elhazar Ben Harakh: לב טוב
    רואה אני את דברי אעזר בן כרך מדבריכם שבכלל דבריודברכם.

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