Il y a bien 40 ans que je n’avais pas construit de cabane avec mon frère jumeau !
Ah! qu’il est bon, qu’il est doux pour des frères de vivre ensemble et d’être UN (iahad : UN)! C’est comme l’huile parfumée sur la tête, qui découle sur la barbe, la barbe d’Aaron, et humecte le bord de sa tunique; comme la rosée du Hermon qui descend sur les monts de Sion; car c’est là que Dieu a placé la bénédiction, la vie heureuse pour l’éternité. (Tehilim 133)
Souccot, la fête de la Joie
Chaque année le 15 du mois de Tichri (mercredi soir) nous fêtons l’engrangement. A cette occasion nous fabriquons des cabanes (Soucca) d’où la fête de Souccot appelée « le temps de notre joie » qui dure sept jours.
Les dons de la nature sont l’œuvre de D. mais à force de recevoir la grâce il nous arrive de faire des grâces. Alors nous quittons notre maison et nous construisons un espace fragile, ouvert pour que nous redevenions accessibles. Il est vrai que Kippour nous a préparés à cette vulnérabilité. D. nous a conduit dans des tentes au désert. Cette fête de cabanes nous rappelle notre condition d’errant au désert.
Le Talmud parle à l’infini de la dimension de la Soucca. Cette réflexion et la mitsvah cette construction physique sont une façon de structurer l’espace. Nous vivons dans l’espace et celui-ci peut devenir non pas une demeure qui reflète le pouvoir ou la richesse ou la surface de la personne, mais un lieu d’accueil. La vie s’enclot pour vivre qu’on pense à la membrane de la cellule, à l’habit qui nous permet de communiquer à la maison… trois interdits (faire une maison, un habit, du pain… qui correspondent à la fabrication de la tente de la rencontre ou D. habitait au désert) qui structurent les melakhot (interdits du Chabbat). La Soucca comme le Chabbat est structuration fondamentale de l’existence. Le toit doit laisser passer la lumière celle du ciel. Un coté doit être ouvert pour accueillir. La Soucca c’est le Hessed, l’Amour Universel.
L’Universel et le particulier
Souccot est la fête universelle par excellence. On offrait alors au Temple 70 taureaux pour les 70 nations de la terre. Une manière de dire que si D. a choisi Israël ce n’est pas parce qu’il est le D. d’Israël mais le D. de l’humanité. Ce que nous juifs symbolisons pour tous à Souccot.
A Souccot on lit la Haftara des prophéties de Zacharie :
« L’Éternel sera Roi sur toute la terre ; en ce jour, l’Éternel sera un et unique sera son nom ». (Zac 14, 9).
… un verset que nous disons à la fin de chacune de nos prières. La soucca permet de réunir la famille et les amis, Israël et les Nations, le loulav réunit les espèces (saule, myrte, palme, cédrat). Souccot est la fête de l’Unité ET de l’universalité. Etrange paradoxe. Incompréhensible à vue humaine.
Le Rambam éclaire ce ‘ehad (UN) des peuples dans son Michné Torah :
Malgré tout, les pensées du Créateur du monde sont impénétrables pour l’homme, notre conception et notre pensée sont différentes de la sienne. En effet, toutes ces choses-là concernant Jésus le nazaréen, et l’Ismaélite qui vint après lui [Muhammad], ne sont venues qu’afin de préparer le chemin pour le roi Messie, pour améliorer le monde entier à servir Dieu ensemble : Alors je transformerai les peuples d’un langage commun pour que tous invoquent le nom de l’Eternel et le servent d’un cœur unanime. Moïse Maïmonide, Mishné Torah (Lois des Rois 11, 4).
Le rendez-vous avec la Joie
Nos maîtres de mémoire bénie venaient danser au Temple à Souccot, à l’occasion de la cérémonie de la libation d’eau. On puisait de l’eau à la source de Gihon qui était versée sur l’autel, afin d’obtenir la grâce divine pour les pluies comme nous le demandons aujourd’hui dans les ochiana. Sans eau pas de récolte et pas de vie.
Cette cérémonie était une fête pour les femmes et se déroulait dans le l’azarat nashim (la partie du Temple réservée aux femmes). On y jouait de la flute (TB Soucca 5,1)
« Celui qui n’a pas vu la joie de Sim’hat Beth Hachoéva n’a pas vu de joie de sa vie. » (TB Soucca 5 ). On trouve la trace de cela dans le Livre d’Isaïe :
וּשְׁאַבְתֶּם-מַיִם, בְּשָׂשׂוֹן, מִמַּעַיְנֵי, הַיְשׁוּעָה
Vous puiserez de l’eau avec allégresse aux sources du salut » (Is 12, 3)
Que cette joie t’habite cher lecteur, chère lectrice !