Les mots d’Augustin dans la Cité de Dieu ont un coté un peu magique. L’idée est qu’en chacun et jusqu’à la fin des temps deux principes cohabitent en tout homme, il n’y a donc pas de théocratie possible. En cela Augustin s’opose à la conception constantinienne de l’empire qui le précède. Une théologie politique (qui sera celle de l’empire Byzantin) formalisée par Eusèbe de Césarée (v. 270 – v. 340). Pour lui le gouvernement du monde est donné par le Père au Christ-Logos médiateur, lequel le délègue à l’empereur. Rien de cela chez Augustin. Rome est tombée le 24 aout 410 sous les coups du Barbare Alaric, et Augustin tente d’expliquer cette catastrophe dans La cité de Dieu (Livre 24, Chapitre 28) – photo église St Patrick, NYC :
« Deux amours ont donc bâti deux cités : l’amour de soi-même jusqu’au mépris de Dieu, celle de la terre, et l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi-même, celle du ciel. L’une se glorifie en soi, et l’autre dans le Seigneur; l’une brigue la gloire des hommes, et l’autre ne veut pour toute gloire que le témoignage de sa conscience; l’une marche la tête levée, toute bouffie d’orgueil, et l’autre dit-à Dieu : « Tu es ma gloire, et c’est toi qui me fait marcher la tête levée (1) » ; en l’une, les princes sont dominés par la passion de dominer sur leurs sujets, et en l’autre, les princes et les sujets s’assistent mutuellement, ceux-là par leur bon gouvernement, et ceux-ci par leur obéissance; l’une aime sa propre force en la personne de ses souverains, et l’autre dit à Dieu : « Seigneur, qui es ma vertu, je t’aimerai (2) ». Aussi les sages de l’une, vivant selon l’homme, n’ont cherché que les biens du corps ou de l’âme, ou de tous les deux ensemble; et si quelques-uns ont connu Dieu, ils ne lui ont point rendu l’homme et l’hommage qui lui sont dus, mais ils se sont perdus dans la vanité de leurs pensées et sont tombés dans l’erreur et l’aveuglement. En se disant sages, c’est-à-dire en se glorifiant de leur sagesse, ils sont devenus fous et ont rendu l’honneur qui n’appartient qu’au Dieu incorruptible à l’image de l’homme corruptible et à des figures d’oiseaux, de quadrupèdes et de serpents; car, ou bien ils ont porté les peuples à adorer les idoles, ou bien ils les ont suivis, aimant mieux rendre le culte souverain à la créature qu’au Créateur, qui est béni dans tous les siècles (3). Dans l’autre cité, au contraire, il n’y a de sagesse que la piété, qui fonde le culte légitime du vrai Dieu et attend pour récompense dans la société des saints, c’est-à-dire des hommes et des anges, l’accomplissement de cette parole : « Dieu tout en tous (4) ». »
1. Ps. III, 4 .- 2. Ps. XVII, 2 . – 3. Rom.. I, 21-25. – 4. I Cor. V, 28.