De retour en Terre sainte

Je vous avais parlé l’an dernier d’un pèlerinage en Terre Sainte avec des épiscopaliens américains. Et bien cette année c’est moi qui ai organisé le pèlerinage pour une vingtaine de decision makers avec un ami. Quelques impressions.

L’oeil du cyclone ou une réelle détente ?
Thanks to Obama, la pression est descendue d’un cran dans le West Bank, avec beaucoup moins de check points, l’heure est à la détente. Cependant il est de plus en plus clair qu’aucune des deux parties du conflit Israélo palestinien ne veut faire la paix malgré tous les discours.

D’un coté, les ultras en Israël veulent la terre, 500 000 colons vivent à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, dans une stratégie d’étouffement et de fait accompli ; et d’autre part, dans le West Bank le Hamas qui a pris le pouvoir à Gaza (impossible à visiter) a rayé Israël de sa carte du Moyen Orient. L’Iran pèse comme une épée de Damoclès et l’Islam politique (frères musulmans, hezbollah), qui fait pression de l’extérieur, n’est pas prêt de rendre les armes. Les religieux des deux camps qui sont montés peu à peu ont donc maintenant pignon sur rue, plutôt pour le pire comme le montre Charles Enderlin qui est venu nous parler de son livre : « Le grand aveuglement : Israël et l’irrésistible ascension de l’islam radical« . Une étincelle et c’est l’explosion.

Gel des settlements ?
Le gel des settlements que la communauté internationale appelle de ses voeux pour permettre la négociation reste largement une illusion. Les colonies représentent maintenant des villes immenses (photo) comme des forteresses médiévales sur les collines parfois baties en à peine dix ans, elles représentent des enclaves réparties dans tout le West Bank aux points stratégiques. Comment les stopper ? Toujours le même sentiment d’impuissance devant cette situation.

 


Les chrétiens de Terre sainte sous pression
Les chrétiens, écrasés entre le marteau et l’enclume, sont sommés de choisir leur camp. Ils sont passés de 70% à 12% dans une ville comme Bethléem, ils sont 1,4% dans le West Bank (60 000 ; 400 000 sont partis à l’étranger) et plus aucun des marchands autour du Saint Sépulcre dans la quartier arabe de la vieille ville de Jérusalem n’est chrétien. Une lueur d’espoir, un village comme Taybeh – Ephraïm, 100% chrétien (catholiques et Melkites grecs). Le moins qu’on puisse dire c’est que son curé, le père Raed Abu Sahlieh (photo), n’est pas désespéré ! Il a planté 30 000 oliviers et créé des business pour faire vivre un quart de la population du village, soit 86 familles (40% du village est au chômage)! Il vend chez Cora, Match, Leclerc, Super U, Auchan, Carrefour… La France n’a même pas été capable d’accorder des financements pour un moulin à huile à Taybeh… donc financement italien.

D’autre part il soutient l’école tenue par des religieuses (50 enfants de 5 à 15 ans) qui a besoin de financement, l’éducation d’un enfant coute 400 € par an, un prof 3000 €, à bon entendeur… Il est absolument clair que la montée d’une classe moyenne dans le West Bank et la création de business est le meilleur rempart contre les islamistes et l’exode vers l’étranger.
Cependant l’âge des communautés religieuses dans le West Bank frappe n’importe quel observateur et c’est par les chrétiens que passent l’éducation et les hopitaux dans tout le Moyen Orient. Les modérés de tous les camps et de tous les pays ont donc intérêt à se mobiliser. Sans parler des répercussions de ce conflit en France et ailleurs dans le monde.

Fabrique de Bière à Taybeh (Ephraïm)

Une autre originalité : une fabrique de bière (photo) tenue par des chrétiens au même endroit (Cf. article du NYTimes : A Beer for Palestine ).

Dieu parle arabe… à Nazareth
Nous avons assisté à la messe du dimanche de Pentecôte à Nazareth. Mgr Fouad Twal, Patriarche latin de Jérusalem la présidait. C’était magnifique.

Dieu parle ici arabe, et ce, bien avant l’Islam, déjà au premier siècle de notre ère comme en témoigne le récit de la Pentecôte dans le Livre des Actes de Apotres :
« Ils furent tous remplis d’Esprit Saint et se mirent à parler d’autres langues, comme l’Esprit leur donnait de s’exprimer. Or, à Jérusalem, résidaient des Juifs pieux, venus de toutes les nations qui sont sous le ciel. A la rumeur qui se répandait, la foule se rassembla et se trouvait en plein désarroi, car chacun les entendait parler sa propre langue. Déconcertés, émerveillés, ils disaient : «  Tous ces gens qui parlent ne sont-ils pas des Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ?
Parthes, Mèdes et Elamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, du Pont et de l’Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Égypte et de la Libye cyrénaïque, ceux de Rome en résidence ici, tous, tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons annoncer dans nos langues les merveilles de Dieu. » (Ac 2, 1-4)
Pour tout simplifier l’arrière fond de ce récit est juif… Le feu est celui de la remise de la Torah à Moïse au Sinaï, le bruit est celui de la montagne du Sinaï… un fête célébrée par les juifs à Chavouot, la Pentecôte juive quelques jours plus tôt, la tradition est de faire Talmud Torah toute la nuit. Cette pratique conduit à éprouver en soi le feu intérieur par l’unification de la Torah, à devenir une « Torah vivante », comme les disciples dans le récit des pélerins d’Emmaüs : « Notre coeur n’était-il pas tout brulant en nous alors qu’il nous ouvrait les Ecritures »(Lc 24), Dieu étant censé babiller toutes les langues (Cf. le récit inversé de Babel dans la Genèse dans lequel les hommes ne parlent plus la même langue, qui a donné « babillage »). D’origine païenne, la Pentecôte était une fête agricole où l’on célébrait la fin de la moisson des blés (Ex 23,16 ; 34,22), d’où le nom de fête « de la moisson » (Ex 23,16) ; son rituel se lit en Lv 23,15-21. Elle doit avoir lieu « sept semaines complètes, cinquante jours » après la Pâque (Lv 23,15-16). De là, les noms de « fête des Semaines » en hébreu ( Chavouot), et de « Pentecôte » dans le judaïsme hellénistique (le « cinquantième jour », en grec). Bref, on célèbre la fête avec un récit judéo-chrétien profondément enraciné dans la traditon juive et adressé aux arabes ! Tradire trahire (traduire c’est trahir) ? ou traduction = tradition ? Bienvenue dans le Moyen-Orient compliqué…

Voitures de luxe à Ramallah
J’ai, d’autre part, constitué une belle collection de photos de 4×4 à Ramallah et de programmes immobiliers somptuaires alors que la crise de l’immobilier bat son plein dans le monde entier… preuve que les aides européennes qui n’ont pas réussi à faire décoller le pays ne sont pas perdues pour tout le monde.

Je rappelle à ceux qui ne l’auraient pas lu le livre de Marie Pierre Samitier : Au pied du mur : Au coeur de la Terre sainte en guerre Paris-Jérusalem-Ramallah

Et voici quelques images du pélerinage :

 

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