Des nouvelles… des pères du désert

Jésus et l'abba Ménas, icône du 6-7è siècle, Egypte.

Vers la fin du troisième siècle, alors que dans l’Empire Romain, le temps des persécutions touche à sa fin, quelques pionniers partirent au désert d’Egypte, le pays honni de la Bible, avec  « le pain et le sel » fuyant Alexandrie, son port, ses prostituées et bientôt les évêques de la nouvelle chrétienté, la religion d’Etat de Constantin. Jésus aurait séjourné avec la sainte famille trois ans en Egypte; Israël avait trouvé sa fondation au désert, il n’en fallait pas plus pour les attirer. Et c’est ainsi que « le désert devint une cité » selon le mot d’un historien de l’époque. Voilà pour la légende.

Plus probablement, ces moines poursuivaient simplement l’idéal des communautés juives parties vivre au désert décrites par Philon d’Alexandrie ou Flavius Josèphe comme celle des Thérapeutes. Cette communauté d’ascètes juifs retirée au désert prés du lac de Maréotis est proche parente des esséniens du désert de Juda à Qoumrân. Ces ascètes juifs vivaient en ermites, isolés six jours sur sept dans une maison individuelle comprenant une « pièce sacrée » appelée encore monastêrion ou « ermitage » étudiant la Loi, les prophètes et les Psaumes. Mais surtout, ces comunuautés composées d’ascètes hommes et femmes se réunissaient pour la liturgie du shabbat selon Philon d’Alexandrie. Une liturgie menée par « le membre le plus ancien (presbytatos) et le plus versé dans la doctrine ». Ils mangeait du pain levé, accompagné de sel et d’hysope. La fête se poursuivait jusqu’à l’aube, avec des chants alternés féminins et masculins, unis à la fin dans un chœur unique puis des danses.

Les communautés chrétiennes de femmes et d’hommes trois siècles plus tard, elles aussi séparées, se réunissent pour célébrer la liturgie du dimanche. Il faut dire que déjà au moment où Pacôme (292-348) fondait des monastères masculins, sa sœur Marie établissait des communautés féminines. Dans son « Histoire Lausiaque » Pallade a noté qu’un monastère était habité par 400 nonnes (HL, XXXIII, 1). Des chiffres antiques à lire avec prudence ! Le monachisme d’abord érémitique était devenu cénobitique, c’est-à-dire communautaire. cassien servira de trait d’union entre l’Orient et l’Occident. Sa règle inspirera tout le monachisme occidental. On retrouve chez eux le pain et le sel des Thérapeutes. L’ascète qui accueillit Pacôme au désert lui dit : « Considérez, mon fils, dit le vieillard, que du pain et du sel font toute ma nourriture ; l’usage du vin et de l’huile m’est inconnu. »

Quand à la pratique liturgique, elle est décrite par l’ascète qui accueillit Pacôme au désert : « Considérez, mon fils, dit le vieillard, que du pain et du sel font toute ma nourriture ; l’usage du vin et de l’huile m’est inconnu. Je passe la moitié de la nuit à chanter des psaumes ou à méditer les Saintes Écritures ; quelques fois il m’arrive de passer la nuit entière sans sommeil. » Bref, une pratique de liturgie juive, la lectio divina monastique succédant au talmud Torah (l’étude de la Torah), tandis que le livre des psaumes était devenu le livre des prières juives de la synagogue et de l’office quotidien, vu comme un résumé de la Bible. 

Ce n’est pas du tout un hasard si la plus importante communauté monastique se trouvait à l’ouest d’ Alexandrie (cliquez sur la carte pour l’agrandir) , car c’est tout simplement là que se trouvait la diaspora juive la plus nombreuse et la plus ouverte au écoles et pratiques de méditation stoïciennes.

Etrange personnage que l’abba (« papa » en araméen) Chenouté mort en 456 , ou Shenouda comme on voudra. Moins connu qu’Antoine ou Pacôme – grands organisateurs de mouvement monastique l’homme part au désert d’Egypte au IV siècle pour réformer la règle pacômienne… trop douce à ses yeux! Chenouté est persuadé que dans ses monastères règne une foire permanente. Il acquiert vite une réputation de sévère réformateur et la légende lui prête même d’avoir tué un moine de ses propres mains.  Ses écrits ne sont qu’invective envers ses moines. Le vigoureux Chénouté est par ailleurs responsable de la destruction d’un grand nombre de temples égyptiens pharaoniques de sa région, trop païens à son gout. La communauté organisée par Chénouté d’Atripé avait sa branche féminine. Grand fondateur du monachisme copte on dit que l’archimandrite eu jusqu’à deux mille moines et mille huit cents moniales sous ses ordres.

Ce court ( !) préalable pour introduire le texte d’une prière émouvante de ce saint copte, si proche des prières du Kippour juif :

Folio 1 Recto

« La prière de l’archimandrite du monastère d’Atripé.

Dieu, pardonne-moi, car j’ai péché contre Toi en tant qu’homme. Pardonne-moi en tant que Dieu bon.

Dieu, aie pitié de moi en ce monde et en celui qui va venir.

Dieu, aie pitié de mon corps et de mon âme. Dieu aie pitié de moi à cause de la faiblesse de ma chair.

Dieu, accorde-moi un peu de répit dans Ta bonté.

Dieu, ne maintiens pas mon blâme jusqu’au jour du grand jugement.

 

Folio 1 Vo

Dieu, ne cache pas ton visage alors que je montre à Toi.

Dieu, ne me rejette pas à ta gauche avec ceux qui sont la cause de ta colère.

Dieu, donne-moi l’occasion d’accomplir la volonté d’observer tes commandements.

Dieu, donne-moi la force et la patience.

Dieu, place ta crainte en mon cœur, et place la vérité dans ma bouche.

 

Folio 2 Recto

Dieu, il faudra que tu fasses ton saint esprit trouve un lieu de repos en moi.

Dieu, Il faudra que tu me rendes digne de devenir pur pour toi.

Dieu, puisse l’ennemi ne rien trouver de ce qui lui appartient en moi.

Dieu, il faudra que tu fasses que tes anges se réjouissent de ma conversion et de ma repentance.

Dieu, donne-moi l’occasion de supporter toutes les choses qui m’adviendront à cause de Ton saint Nom.

 

Folio  2 Vo

Dieu lui faudra que tu humilies mon cœur en Ta présence et qu’il devienne un temple pour ton Esprit-Saint.

Dieu, cloue mes chairs par Ta crainte.

Dieu, renouvelle tes volontés en mon âme.

Dieu, garde mes sentiments purs pour Toi.

Dieu, accorde-moi la contrition de Tes saints.

 

Folio 3 Recto

Celle par laquelle ils ont obtenu le réconfort.

Dieu, accorde-moi du discernement dans mes raisonnements et mes actes.

Dieu, il faudra que tu déposes de l’amour en mon cœur envers Ta créature.

Dieu, lui faudra que tu me fasses sortir de ma léthargie de la négligence.

Dieu, il faudra que tu diriges ma vie selon Ta volonté sainte.

Dieu, il faudra que tu ôtes toute pensée

 

Folio 3 Vo

d’orgueil en moi et toute pusillanimité.

Dieu, il faudra que tu me sauves des pièges cachés du malin.

Dieu, détourne mes yeux pour qu’ils ne voient rien de ce qui est vain.

Dieu, maintiens ma bouche et mon cœur purs.

Dieu laisse Tes anges veiller sur moi

 

Folio 4Recto

dans tous mes actes.

Car à Toi appartiennent la puissance et la gloire pour les siècles des siècles. Amen

La prière de l’Apa Chenouté est terminée.

Enfin dernier point, est-il besoin de rappeler que les coptes sont aujourd’hui persécutés en Egypte…  (voir article de l’Express)

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