Un commentaire de la paracha du dernier Shabbat (à lire ici) par le Rav Haïm Harboun.
La Sidra est consacrée presque entièrement aux vêtements des Cohanim à l’exception des deux premiers versets : « Et, toi tu ordonneras aux fils d’Israël qu’ils prennent pour toi une huile pure d’olive concassée pour le luminaire. » Que viennent nous enseigner ces deux versets qui semblent en dehors du sujet général ? Avant d’évoquer les luminaires, il eut été logique que la Torah traite en premier de la construction du Candélabre et de lui assigner une place.
Pour comprendre cette absence de logique il est nécessaire de déchiffrer la signification du verset suivant : « dans la tente d’assignation en dehors du voile qui est sur le témoignage » : le voile, est ce qui sépare le Saint des Saints du sanctuaire (Kodech) où se trouvait justement la Menorah, mais aussi la Table des pains et l’autel des encens. Le Kodech Hakadochim étant au sommet en terme de sainteté. Une fois par an, à Kippour, le Grand Prêtre pénétrait dans le Saint des Saints où se trouvait l’arche qui contenait les tables de la loi, pour prier pour le pardon des péchés du peuple. Ces deux versets qui traient des luminaires ouvrent la péricope pour nous apprendre que D. n’a pas besoin de la lumière du Candélabre situé en dehors du Saint des Saints. Autrement dit, il n’est pas possible d’attribuer à l’Eternel une fonction qui pourrait l’assimiler à un être humain. On ne peut pas « remonter à D. » à partir du créé. L’Eternel est hétérogène à sa création et au temps des hommes. C’est aussi en ce sens qu’il faut comprendre les expressions « Qu’ils prennent pour toi » et « fais approcher vers toi »… L’Eternel est l’Absolu de tout et ne peut être assimilé à rien.
J’aborderai trois sujets qui parcourent cette paracha : l’huile, le vêtement, l’attention à la parole.
L’huile : quand le particularisme devient lumière pour les nations
Il est question dans la Sidra « d’une huile pure d’olive concassée » L’huile occupe une place importante dans la Torah comme chez tous les peuples méditerranéens. Israël a été souvent comparé à de l’huile d’olive pure. En fait Israël est comparé à l’huile parce que ce liquide se distingue par son incapacité à se mélanger à d’autres liquides, il finit toujours par flotter à la surface. Il en de même pour le peuple juif, comme l’huile, est hétérogène avec les nations. On a beau vouloir l’assimiler il finit toujours par retrouver sa spécificité, son particularisme. Le peuple juif est le seul peuple qui a revendiqué un particularisme très spécial qui ne doit pas être confondu avec l’ethnocentrisme classique des autres peuples. Nous revendiquons une position parmi les nations. Une position radicalement hétérogène, nous ne voulons pas prendre leurs dieux, leurs désirs, nous ne voulons pas vivre selon le désir des Nations et les habitudes culturelles particulières des peuples. Nous refusons ce « on » qui conduit à la confusion mortifère. La Torah nous impose beaucoup de devoirs qui nous obligent à assumer ce particularisme vivifiant. L’huile éclaire son milieu, il en est de même pour Israël, « Lumière des nations », dont la vocation est d’éclairer l’humanité par son refus de la pensée toute faite, par ses inventions, par ses savants ses médecins, ses musiciens, etc.
Le vêtement : le propre de l’homme
C’est le thème principal de la Sidra. Pourquoi toute une péricope consacrée au vêtement ? En quoi le vêtement est-il si important ?
Pour répondre à cette question il est nécessaire de revenir aux premiers chapitres de la Torah qui traitent de la Création. La Torah nous dit que, Adam et Eve, avant de consommer le fruit de l’arbre de la connaissance, étaient nus et n’éprouvaient aucune honte. La Torah a voulu nous apprendre que le vêtement est inséparable de la personnalité, de l’homme. Le vêtement dévoile la psychologie de la personne. Avant de consommer le fruit, Adam et Eve étaient en fait des personnes qui relèvent de la spiritualité, ils n’avaient aucuns des défauts inhérent à la condition humaine. C’est lorsqu’ils ont choisi d’intégrer la condition humaine qu’ils se sont rendu compte qu’ils étaient nus. C’est alors que le problème du vêtement s’est posé à eux. Un animal n’a pas besoin de se vêtir. Le vêtement est le propre de l’homme. Il en symbolise la condition, il dévoile la structure mentale de l’individu.
Dans le monde moderne nous avons tendance à nous comporter avec les autres en tant que créature matérielle. Quand on parle d’un être humain on ne se préoccupe que de son aspect extérieur, on dira c’est un homme grand, ou petit, que la femme a de beaux cheveux, parfois on dit de quelqu’un qu’il a de la surface –financière ! ou bien qu’il est étriqué, qu’il est brillant, etc. La manière dont s’habille un individu détermine focalise l’attention sur le corps par des vêtements provocateurs ou rutilants. C’est cet aspect extérieur que chaque individu s’efforce de montrer et de magnifier mais en vérité raisonner ainsi conduit à concevoir autrui comme un objet. De manière superficielle. Or l’aspect le plus important chez un homme est sa valeur intérieure : sa façon de parler, les relations humaines qu’il établit avec autrui, sa manière de raisonner en faisant appel à l’intelligence de l’autre, sa courtoisie, etc. En même temps la Torah nous apprend que la manière dont nous nous habillons est révélatrice de la structure mentale de l’individu.
Si la Torah insiste sur le vêtement. C’est parce qu’il est indispensable que notre attention envers l’autre se porte sur la personnalité intérieure, celle qui est cachée. Nous devons être attentifs à la profondeur des êtres et du monde.
L’attention à la parole
Toute notre péricope parle de Moïse sans jamais citer son nom, Pourquoi ? Parce que lorsque le peuple juif avait fait le veau d’or; L’Eternel avait dit : « ce peuple ne peut pas être celui qui me correspond je vais le détruire ». Et Moïse avait répondu : « si tu le détruis, efface-moi de ton livre». Donc le nom de Moïse est « effacé » de ce texte. Cette péricope ne comporte pas le nom de Moïse pour nous apprendre qu’avant de parler il faut tourner plusieurs fois sa langue dans sa bouche.
Comme vous le savez, le monde a été créé par la parole, ce qui nous apprend que la langue est une arme puissante mais aussi dangereuse. Elle peut créer mais elle peut aussi tuer à distance (alors qu’une arme physique ne peut tuer que de près). Faisons donc bon usage de notre parole.