Dans Las excelencias de los Hebreos publié à Amsterdam en 1679 Isaac Cardoso écrivait dans sa dédicace écrite à Vérone ces lignes lumineuses :
« Le peuple juif, aussi aimé de Dieu qu’il est persécuté des hommes, a été dispersé parmi les Nations pendant deux mille ans, depuis l’époque de Nabuchodonosor, expiant ses péchés et ceux de ses pères contre sa sainte Loi. Il a été maltraité par certains, tourmenté par d’autres, méprisé de tous, de telle sorte qu’il n’y a aucun Etat ou royaume qui n’ait dégainé son épée contre lui, versant son sang, consommant sa substance, comme dit le Psalmiste : Qui dévorent mon peuple comme on mange du pain. Ce peuple fut spécialement créé pour louer le Seigneur… Dieu en a fait son héritage. Il l’a glorifié des titres éclatants de « serviteur » ; « fils, « premier-né », « fiancé », « bien-aimé », et par d’autres preuves d’amour solide et perpétuel. […] Sa séparation en fait un objet de mépris pour les Nations, mais cela même le rend très cher à son Créateur. Tous conspirent contre lui et affligent l’affligé, l’accablent de mille calomnies, machinent pour le tuer et s’emparer de ses biens, de telle sorte que s’il n’était pas soutenu par la main divine, il aurait déjà été englouti par les loups et les lions qui ont soif de sang. » (In Yosef Haïm Yerushalmi DE LA COUR D’ESPAGNE AU GHETTO ITALIEN. Isaac Cardoso et le marranisme au XVIIème siècle, réédition Fayard 1987, pp 328-330)
De la Cour d’Espagne au ghetto italien, tel fut le singulier destin de Fernando Cardoso, médecin marrane et apologiste juif. Né en 1604 au Portugal, élevé en Espagne, Cardoso, grâce à de brillantes études, devint médecin à la Cour de Philippe IV. Intellectuel respecté, il connut les plus grands de son temps –dont Lope de Vega– qui le tinrent pour l’un des leurs. Comme nombre de descendants de Juifs convertis de force, Cardoso menait une existence ouvertement chrétienne et clandestinement juive. En 1648, au faîte de sa gloire, il quitte brusquement l’Espagne et se réfugie en Italie. A Venise d’abord, dans le ghetto de Vérone ensuite, où il finira ses jours, il professe publiquement le judaïsme. Signant désormais Isaac Cardoso, il publie l’un des plus beaux textes de l’apologétique juive: Las Excelencias de los Hebreos.
Bonjour, en lisant ces lignes imprimées à Amsterdam, je ne peux que penser à un frère spirituel qui m’est très cher : Baruch SPINOZA, à mon sens l’initiateur des Lumières !