Artur Carlos de Barros Basto, l’ « Apôtre des marranes »

Construite avec des dons de Juifs du monde entier la synagogue « Kadoorie Mekor Haim » (Source de vie) a été inaugurée à Porto (Portugal) en 1938, l’année de la nuit de Cristal en Allemagne.

Le plus étonnant est que le fondateur de la communauté juive de Porto était un Portugais officier de l’armée: le capitaine Barros Basto expulsé plus tard par l’armée et connu comme le Dreyfus portugais. C’est lui que Cécil Roth a appelé l’« apôtre des marranes ».

Artur Carlos de Barros Basto nait en 1887 dans la ville portugaise d’Amarante, dans une famille catholique. Il a neuf ans quand son grand-père, Francisco de Barros Basto, peu avant sa mort, lui apprend qu’il a des ancêtres juifs anoussim (ceux qui ont été contraints) c’est à dire convertis de force au christianisme en 1497.

Artur Carlos se rapproche de l’anarchisme et du mouvement républicain. Devenu franc-maçon et militaire il fait la première guerre mondiale d’où il revient en héros, il ne quittera jamais l’uniforme de son pays. À son retour au Portugal, il commence à étudier le judaïsme et l’hébreu. Éconduit par la communauté juive de Lisbonne, il se rend à Tanger où il revient au judaïsme de stricte observance et est circoncis.Aux rabbins qui ignoraient la présence de marranes au Portugal, il dit se sentir juif et ne procéder, à travers sa conversion, qu’à une « formalité ». Il adopte alors le nom d’Abraham Israel Ben-Rosh et se marie avec Lea Israel Monteiro Azancot, fille d’une famille juive bourgeoise de Lisbonne.

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Certaines communautés de Juifs secrets ont survécu au Portugal  jusqu’à nos jours comme par exemple les Juifs de Belmonte.

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Marranes, Belmonte, Portugal, Photo Frederic Brenner,
DIASPORA, Terres natales de l’exil (Editions de la Martinière 2003)

Dés 1927 une synagogue provisoire est créé à Porto. De son quartier général, à Porto, « l’oeuvre du rachat » qu’il crée se propage dans Ies régions du nord-est du pays. D’autres communautés juives vont bientôt naître. La première se trouve à Bragance, la capitale septentrionale du Tras-os-Montes (tra dai monti... pour les Corses!)  où l’on trouve Ie plus grand nombre de crypto-juifs. environ huit cents. En 1928 y est inaugurée la synagogue Shaarey Pidyon [Les Portes de Ia rédemption]. En 1929, c’est dans la petite ville de Covilha que la nouvelle communauté présidée par Samuel Schwarz inaugure sa synagogue.

D’autres communautés, a Villa Real, Macedo de Cavaleiros, Chaves, Pinhel, sont fondées en 1930 et 1931, et des services religieux s’organisent dans une trentaine d’autres petits centres marranes.

Combien sont-ils ? Schwartz a avancé le chiffre de dix mille familles, mais cette estimation est largement exagérée. Sous son influence naissent des communautés à Belmonte, Castelo Branco, Guarda et Pinhel.

L’historien britannique Cecil Roth la synagogue Art déco, rencontre Barros Basto, le qualifie d’Apôtre des Marranes et écrit qu’il n’a jamais connu quelqu’un de plus charismatique. Peu après Roth écrit Une histoire des Marranes, publiée en 1932, un des livres les plus importants sur l’histoire des marranes.

En 1929, Barros Basto fonde la yeshivah Rosh Pinah (La « pierre angulaire ») financée par la communauté juive portuguaise de New York, pour familiariser les marranes surtout les fils des paysans pauvres du nord, avec le judaïsme de stricte observance.

Barros Basto ne ménage pas sa peine. On l’appelle  « l’officier prophète ». il part visiter parfois à cheval, ces villages de l’intérieur du Portugal, parfois très isolés où vivent les marranes, exhortant  avec enthousiasme ces nouveaux chrétiens dispersés à revenir à leur foi d’origine. Sa devise : L’Éternel est pour moi, je ne crains rien (psaume 118, 6)

Il édite de 1927 à 1958 un journal théologique, Ha-Lapid (La torche), traduisant de nombreux textes hébreux en portugais. Il enseigne aussi l’hébreu à l’Université de Porto et devient l’ami de nombreux intellectuels de la ville.

Avec l’aide d’Israël de nombreux marranes reviennent au judaïsme. Tous ses contemporains souligent le charisme et l’énergie de l’homme qui invite les marranes à ne pas se camoufler et rester dans ce qu’il appelle ce « mystère incompréhensible »

Mais à partir des années 30, un gouvernement fasciste prend le pouvoir. L’Eglise revient en cours. En 1937, suite à une dénonciation anonyme, vraisemblablement initiée par l’Église catholique. Les circoncisions qu’il organise dans la communauté juive sont accusées d’être des « rituels homosexuels avec des jeunes âgés de 17 et 18 ans, qui ont été forcés d’exposer leur organe sexuel ». L’armée le dépouille de son uniforme et de sa dignité, lui retirant même les allocations médicales qui auraient pu sauver la vie de son fils.

Son mouvement perd alors de sa force et s’effondre. Dans les années 1940 et 1950, Barros Basto connaît la misère. Malgré cela, Barros Basto continue d’aider des centaines de réfugiés juifs à fuir les persécutions nazies.

Il meurt brisé en 1961, incognito. Il est enterré dans le cimetière d’Amarante où il est né, vêtu de son uniforme militaire, de ses médailles avec le drapeau national.

En 1975, Léa Barros Basto, sa femme, demande justice au nouveau Parlement pour son mari, sans succès. Elle s’éteint.

Comme Dreyfus, le capitaine Barros Basto est disculpé de toutes accusations, à l’unanimité, le 29 février 2012, par l’Assemblée de la République portugaise.

La petite-fille du capitaine Barros Basto, Isabel Ferreira Lopes est aujourd’hui la vice-présidente de la Communauté juive de Porto d’obédience Habad Loubavitch.

Grand Honneur à cet homme !!!

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