Nourritures spirituelles (saison 2 !) : L’incroyable renaissance des liqueurs de Myrte et du Cédrat casher en Sardaigne

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Dans Des noces éternelles, un moine à la synagogue j’ai raconté comment ma grand-mère corse (chrétienne) m’envoyait début décembre un cédrat confit (photo) et comment ce type de signe un peu étrange m’avait mis sur la piste de mon identité juive… alors que j’avais été quand même moine bénédictin pendant dix ans. Comment j’avais découvert que la Corse était devenue le plus grand producteur de cédrats du monde au XIXè siècle pour alimenter le monde ashkénaze à Soukkot.

Cédrat confit

L’odorat est le sens le plus spirituel, il touche la mémoire profonde, celle de l’enfance. Chacun a sa madeleine de Proust, qui était juif comme chacun le sait :

Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. II m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse : ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais qu’elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu’elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. (Marcel Proust, Du côté de chez Swann, A la recherche du temps perdu)

Il arrive donc que certains partent À la recherche du temps perdu. Et c’est une bien étrange et vraie histoire que je veux vous rapporter aujourd’hui.

La couronne de la Reine Esther, ou l’incroyable renaissance des liqueurs de Myrte et de Cédrat casher en Sardaigne

Au commencement était l’étude… et l’amitié

Au début il y a l’amitié de deux chercheurs universitaires : Roberta Collu – Sarde, professeur d’anthropologie et de sociologie – et du rabbin Gabriel Hagaï – Franco-Israélien, professeur de philologie et de codicologie hébraïque.

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Roberta enseigne le judaïsme contemporain et l’anthropologie du fait religieux à l’Université de Paris. Elle est aussi réalisatrice de films documentaires, diffusés sur les chaînes câblées françaises. Depuis quatre ans, elle mène une étude sur le marranisme et notamment sur la présence juive en Espagne et en Sardaigne.

Le Rabbin Gabriel Hagaï, juif orthodoxe de tradition séfarade, formé à Jérusalem pendant 15 ans, initié dans une lignée mystique interne à sa tradition, a été rabbin de communauté dans des synagogues à Jérusalem (10 ans) et à Boston (3 ans). Linguiste (langues sémitiques), philologue, poète, calligraphe et chanteur, il a fondé un groupe judéo-musulman de musique orientale intitulé « la Rose et l’Olivier » où l’on chante en arabe et en hébreu.( voir ici leurs parcours [1])

Sardaigne : l’exploration de la mémoire

« Les Sardes ont conservé – du fait de leur relatif isolement insulaire – des traditions artisanales antiques d’origine hébraïque et phénicienne qui ont été perdues ailleurs. »

L’Île de Tarsis (Sardaigne) – de par son relatif isolement – a su garder depuis des millénaires les Trésors bibliques de la Nature, conservant les propriétés pharmacologiques et thérapeutiques inaltérées de sa Flore. Connue des Phéniciens et des Hébreux depuis l’Antiquité, elle était une étape privilégiée du commerce maritime à l’époque du Roi Salomon – d’où les nombreuses occurrences scripturaires des « Vaisseaux de Tarsis (אוניות תרשיש Oniyot Tarshish en hébreu) ». On peut ainsi y redécouvrir certaines traditions hébraïques soigneusement préservées depuis des millénaires et oubliées ailleurs.

Ce sont elles que nos deux amis sont partis retrouver à travers deux plantes de la fête de Souccot : le Myrte et le cédrat.

  • Le Myrte (הדס Hadhas en hébreu) est une plante odorante du maquis, très appréciée et célébrée dans l’Antiquité par toutes les cultures et les religions des rives de la Méditerranée. Dans la Tradition juive, il est considéré comme une plante sacrée, symbole de Beauté et d’Harmonie. Hadhassa n’était-il pas le prénom de la Reine Ester ? La Hadhassiya conserve toutes ses qualités médicinales et curatives – en plus de son arôme inégalé.
  • Le Cédrat (אתרוג Ethrogh en hébreu) est un agrume rustique connu depuis la plus haute Antiquité autour de la Méditerranée – célébré pour son goût et ses propriétés exceptionnelles par les Égyptiens, les Assyriens et les Hébreux. Souvent confondu avec un gros citron, le cédrat de Sardaigne fait partie des variétés les plus anciennes d’Occident. Dans la Tora, il est considéré comme une plante sacrée, emblème de Piété et d’Intégrité du Cœur. L’Ethroghiya préserve le caractère unique de ses fragrances raffinées – ajouté à ses nombreuses vertus médicales.

Leur projet ? Réintroduire deux liqueurs de myrte et de cédrat dans le giron de la conscience juive. Cet acte est de l’ordre de « lehaḥzir ‘aṭara le-yoshnah (להחזיר עטרה ליושנה, faire revenir la couronne à son ancienne [place]). »

Ces deux liqueurs évoquent le Bouquet que l’on agite pendant la fête de Soukkot, qui est composé de quatre espèces végétales : le Cédrat (Ethrogh), la Palme de Dattier (Loulav), les branches de Myrte (Hadhas) et les branches de Saule (‘Arava).

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« Trésors de Tarsis » : l’expérience gustative des Rois de Jérusalem !

Derechef ils créent une société en 2014 : « Trésors de Tarsis® (תשורות תרשיש Teshourot Tarshish en hébreu) » avec pour objectif de valoriser les trésors de la Méditerranée cités dans la Torah et providentiellement préservés sur l’Île de Tarsis (Sardaigne), sous forme de produits artisanaux fabriqués selon des savoir-faire ancestraux. Ils choisissent les meilleures recettes et en assurent une production strictement cachère.

Les produits Trésors de Tarsis évoquent l’Histoire, l’Hospitalité, le Dialogue entre les cultures différentes, la Rencontre de l’autre, la Spiritualité, le Respect de la Nature, et le Partage.

Ses créateurs restituent, grâce à leurs deux liqueurs, les produits des Tables du Roi Salomon, invitant à la convivialité, l’esprit de Fête et le raffinement. Grâce à eux nous pouvons partager l’expérience gustative des Rois de Jérusalem !

Comment ? Grâce à une production rigoureuse, respectant le rythme et les cycles de la Nature, sélectionnant les meilleures plantes, gorgées de soleil et caressées par la brise méditerranéenne, provenant d’une vallée Sarde préservée entre Mer et Montagne – loin de tous pesticides et autres traitements chimiques. Nos deux amis portent un soin méticuleux dans la qualité et l’authenticité des produits qu’ils nous font partager.

Plus de 2 000 arbres ont été plantés dans la vallée où sont produites nos liqueurs – et où poussent le Myrte et le Cédrat nécessaires à leur élaboration. Cela a permis de redynamiser les vergers et le maquis, et de repeupler la faune aviaire (colombes, merles, faucons, buses, etc.). Nous prenons soin de limiter le gaspillage inutile et de faire une meilleure utilisation des ressources, préférant le renouvelable. Les récoltes se font manuellement, dans le plus grand respect des plantes et de l’environnement.

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Que les rois de Tarsis et des îles apportent des offrandes, que les rois de Cheba et de Seba présentent des cadeaux!

Que tous les rois, enfin, lui rendent hommage, que tous les peuples deviennent ses tributaires!

Car il délivre l’indigent qui implore, le pauvre qui n’a de secours à attendre de personne.

Il prend compassion de l’humble et du malheureux, et protège la vie des faibles.

Il délivre leur personne de l’oppression et de la violence, et leur sang est d’un haut prix à ses yeux.

Ainsi, ils vivront et lui offriront de l’or de Cheba; sans cesse ils prieront en sa faveur, tout le temps, ils le béniront:

« Qu’il y ait profusion de blé dans le pays, jusque sur la cime des montagnes; que ses moissons frémissent comme le Liban; que les villes voient croître leurs habitants comme l’herbe des champs!

Que son nom vive éternellement! Que sa renommée grandisse à la face du soleil! Que l’on se souhaite d’être heureux comme lui; que tous les peuples proclament sa félicité! »

Loué soit le Seigneur Dieu, le Dieu d’Israël, qui seul accomplit des merveilles!

 (Tehilim 72, 10-15)

Nous autres juifs de Corse, l’île voisine, connaissons le poids de ces paroles et vous invitons, en ce mois de Tishri qui va commencer, à garnir déjà vos greniers en prévision de vos invitations de Souccot !

Contactez : www.tresors-de-tarsis.com

Un article dans l’Unione Sarda

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[1] Anthropologue des religions, Roberta Collu enseigne le judaïsme contemporain et l’anthropologie du fait religieux à l’Université de Paris. Elle est aussi réalisatrice de films documentaires, diffusés sur les chaînes câblées françaises. Depuis quatre ans, elle mène une étude sur le marranisme et notamment sur la présence juive en Espagne et en Sardaigne.

le Rabbin Gabriel Hagaï, juif orthodoxe de tradition séfarade, formé à Jérusalem pendant 15 ans, initié dans une lignée mystique interne à sa tradition, a été rabbin de communauté dans des synagogues à Jérusalem (10 ans) et à Boston (3 ans), ainsi qu’enseignant dans un collège rabbinique orthodoxe à Jérusalem – puis co-principal de ce même collège – pendant 10 ans. Il est actuellement enseignant-chercheur à l’EPHE (École Pratique des Hautes Études) en collaboration avec l’IRHT (Institut de Recherche et d’Histoire des Textes) en paléographie-codicologie hébraïque. Linguiste (langues sémitiques), philologue, poète, calligraphe et chanteur, il a fondé un groupe judéo-musulman de musique orientale intitulé « la Rose et l’Olivier» où l’on chante en arabe et en hébreu.

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