Maharal de Prague : « Nous sommes comme un clou dans un mur pour ce qui est d’apprendre »

Voici quelques fragments de l’introduction du Puits de l’Exil (traduction de Edouard Gourévitch) :

« Comme la perfection de l’homme réside dans la Connaissance et la compréhension des êtres existants, il aurait été d’abord préférable de connaître et de comprendre sa propre nature afin de ne pas se montrer sot dans la compréhension de soi-même. […]

Mais la plupart des hommes ont de cet objet une compréhension contraire à sa nature réelle.

Lorsqu’on se compare aux anciens on se dit que l’on a aussi un cœur et que les jours d’autrefois n’étaient pas meilleurs que ceux d’aujourd’hui. […]

Mais les Sages, eux, connaissent leur propre valeur, ils n’outrepassent pas leur droit ni par l’argent, ni, à plus forte raison par leur corps. C’est ce que l’on appelle la valeur des Sages comme il est dit dans le traité Eruvin (53, a) :

Rabbi Yonahanan disait : l’intelligence des anciens était comme la porte du Oulam [Le Vestibule du Temple], mais celle des générations suivantes était comme la porte du Heykhal [la grande salle de culte ou lieu Saint du Temple], la nôtre est comme le chas d’une aiguille très fine.[…] et nous dit Rabbi ‘Abbaye notre intelligence est comme un clou dans un mur pour ce qui est d’apprendre […] »

L’homme est fait d’un corps et d’une âme et dans les générations antérieures la force spirituelle l’emportait sur le corps. […]

chas-aiguille

Le texte (TB Erouvin 53, a) poursuit : « Et nous, notre intelligence est comme le chas d’une aiguille très fine ». C’est-à-dire qu’à présent, le niveau des hommes est celui du corps, car le corps l’emporte sur l’esprit. Et la capacité de réception de l’esprit est comparable au chas d’une aiguille très fine. Car ce trou est d’une ténuité telle qu’il n’y a pas de trou plus petit. Dans les générations présentes, c’est le corps qui l’emporte sur l’esprit, et il n’existe d’esprit que ce qu’il faut pour correspondre à l’image humaine. Car l’homme en tant qu’il est homme, ne peut être sans esprit ; sinon il ressemblerait à une bête […]

En vérité ce que disait ‘Abbaye : « Et nous nous sommes comme un clou dans un mur… » signifie que les choses de l’esprit et les sciences qui sont profondes sont inaccessible pour l’homme, autrement que par l’entremise de son maître qui les a, lui aussi, reçues. Nous ne pouvons les comprendre que peu à peu. Et ces choses de l’esprit si profondes, ne pénètrent dans notre esprit que comme un clou dans du bois dur : il pénètre un peu, à l’endroit où le bois est plus mou et plus apte à se laisser pénétrer. Il en est de même pour les choses de l’esprit : elles pénètrent dans notre intelligence, là où elle est plus malléable et plus apte à recevoir. […]

clou

Ainsi les sages ont-il avoué leurs imperfections, et dit que l’âme humaine manque de ce qui conviendrait. Et les eaux de la science n’ont cessé de baisser, de la génération de Rabbi Eléazar ben Samua à celle de Rabbi Yohanan ; car entre les deux il n’y a que deux ou trois générations. Que ne s’est-il passé jusqu’à l’époque présente où la terre est complètement aride, et où il ne se trouve plus la moindre goutte de sagesse ? […] Et cette carence de notre esprit, est la raison pour laquelle les enseignements des anciens sont, pour nous, comme un livre scellé et bien plus encore, là où il est questions des sciences, car la profondeur de leur sagesse et de leur compréhension a disparu de nous. Et même si nous comprenons quelque chose à leurs paroles, il ne faut pas croire que nous avons atteint le fond, ni même la moitié car ‘Abbaye reconnaissait que « nous sommes comme un clou dans un mur pour ce qui est d’apprendre » Et ‘Abbaye ne nous a pas laissé de remarque concernant nous-mêmes.

C’est pourquoi, lorsque quelqu’un trouve dans les enseignements des anciens, des choses qui paraissent éloignées de l’intelligence et de l’esprit implanté en nous, il échafaude, dans son esprit, des combinaisons aberrantes, à l’endroit des anciens ; cela ne vient que de la stupidité de celui qui a de telles pensées, et qui est stupide à double titre : il est stupide, parce qu’il ne sait pas comprendre des enseignements de la sagesse des anciens ; il l’est aussi parce qu’il se prend pour un Sage et pour un homme de science. Sinon, il dirait que pour la honte de la génération, il est tel qu’il est véritablement. […] du moins il reconnaitrait et comprendrait ce qu’il vaut réellement et cela lui serait imputé comme sagesse. »

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