Meguila d’Esther : « Tout homme qui rejette l’idolâtrie est juif » (Talmud, Meguila 13a)

Un jour de la Hilloula de Rabbi Meïr, deux corses qui avaient lu mon livre Des noces éternelles, un moine à la synagogue m’ont écrit un SMS.

« J’ai lu votre livre. Mon nom est Guy Sabbagh, né à Bastia en 1947, Je suis le fils de David Sabbagh ancien président de la communauté juive de Corse et le petit-fils du rabbin Méier Tolédano qui a été le guide spirituel de cette communauté pendant toute sa vie…, votre contact m’a été donné par Laurianne B. J’espère à très bientôt »

Deux hommes corses sont venus me voir à mon bureau : Guy et Benny Sabbagh. Ils m’ont présenté la Meguila de leur grand-père (photo), venu du Maroc et à qui avait attiré à Bastia via Tibériade et La canée (Crète) en 1915, le Rav Meïr Tolédano (zal) rabbin de la seule synagogue de Corse au pied de chez ma grand-mère, rue du Castagno à Bastia qui y avait officié de 1920 à 1970 et est enterré au carré juif du cimetière de Bastia. La beit Knesset Meïr. Son nom était marqué en bas de la Méguila en argent.
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C’est comme ça que le 26 octobre 2016, jour de ma brit Mila, le Rav Harboun m’a donné le nom de Meïr, et pour moi c’est comme si la boucle était bouclée.

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Ce matin dans notre synagogue avec mes amis.

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Ma méguila achetée à un Sofer de Jérusalem de passage

Contraints de rendre un culte caché, les marranes s’identifiaient à Esther, la juive cachée d’un livre où n’est cité nulle part le nom de D-ieu. Leur rite majeur était Pourim. Leur idée était de rester fidèles dans le secret et de sauver le peuple. Ces représentations d’Esther en Reine des marranes sont courantes dans les images de la Nation juive Portuguaise à Amsterdam, Leide, Anvers ou au Brésil.(voir le livre : Représentations d’Esther entre écritures et imagesPar Elisabetta Limardo Daturi). 

Dans la Méguila d’Esther, Mardochée, un judéen de la tribu de Benjamin qui vit incognito à Suse (Iran actuelle), envoie au palais Esther, une cousine orpheline qu’il a adoptée. Elle vit anonymement au Harem du roi et il vient la visiter chaque jour suscitant la jalousie d’Aman chambélan du palais. La septième année de règne, Esther (« cachée » en hébreu) présentée au roi le séduit. Choisie comme reine elle va sauver le peuple juif de la jalousie d’Aman.
Esther et Mardochée, avec la figure biblique de Joseph bien sûr, sont les prototypes des juifs cachés auxquels s’identifieront les marranes.

Aman, s’apercevant que Mardochée ne s’agenouillait ni ne se prosternait devant [le roi], fut rempli d’une grande colère. Mais il jugea indigne de lui de s’en prendre au seul Mardochée, car on lui avait fait savoir de quelle nation il était. Aman résolut donc d’anéantir tous les juifs établis dans le royaume d’Assuérus, la nation entière de Mardochée. (Meguila d’Esther 3, 5)

le Talmud commente :

Rabbi Yo’hanan dit : Et pourquoi l’appelle t-on Yehoudi (juif)[1] ? Parcequ’il a renié l’idolâtrie, car tout homme qui renie l’idolâtrie est appelé Yéhoudi (juif). Comme il est écrit : Il y a des hommes qui refusent… (Dan 3, 12) [2](Talmud de Babylone Meguila 13a)

Selon un Midrach celui qui renie l’idolâtrie est appelé yéhoudi parcequ’il croit au D-ieu unique (yi’houdi) ;

D’après Maharcha[3] parceque le nom Yehouda contient toutes les lettres du tétragramme.

Enfin pour Meiri[4], rejeter l’idolâtrie revient à accepter tout la Torah, comme un juif à part entière.

un auteur dit: « si les tyrans sont grands c’est parceque nous sommes à genoux. » Aujourd’hui… relevons nous.

Hag Pourim Sameah !

Dona Gracia Nassi

Dona gracia Nassi, « l’ange des anoussim »et la boîte a tsedaka de ma fille

[1] Le Talmud demande pourquoi on appelle Mordékhaï « juif » ? et il répond en faisant référence au passage de 2 Sam 16, 5-7 : « Le roi David venait d’atteindre Bahourim lorsqu’il en vit sortir un homme de la famille de Saül, nommé Séméi, fils de Ghêra, qui, tout en s’avançant, l’accablait d’injures, lançait des pierres à David et à tous ses serviteurs, à toute la foule et à tous les guerriers qui l’entouraient à droite et à gauche. Et Séméi s’exprimait ainsi dans ses imprécations: « Va-t’en, va-t’en, homme de sang, homme indigne!». A son serviteur qui lui demande « Pourquoi laisse-t-on ce chien mort insulter le roi mon maître? Permets-moi d’avancer et de lui trancher la tête. »  Il y a là un jeu de mot sur le nom de Simei » le fils du Guer– de « l’étranger » – un converti de la tribu de Benjamin. Et le Talmud argumente : « Car David n’a pas tué Chim’i, duquel est né Mordéchaï dont Aman a été jaloux ». Mordéchaï est donc un descendant de guer de la tribu de Benjamin, un benjaminite qui est appelé  « juif ».

La guemara rapporte que les tribus de Benjamin et celle de Juda revendiquaient toutes deux la naissance de Mordékaï qui a refusé l’idolatrie dans le récit d’Esther

[2] Le Talmud cite en parallèle le livre de Daniel (Dan 3, 12) un passage qui se déroule lors de l’exil en Babylonie et durant dans lequel trois jeunes gens Chadrac, Mêchac et Abêd-Nego, des juifs qui vont être garrottés et envoyés dans une fournaise parce qu’ils refusent d’honorer la statue en or de Nabuchodonosor qu’il a érigée: « Or, il y a là des hommes, des Judéens (Yéhoudaïn), que tu as préposés à l’administration de la province de Babylone, Chadrac, Mêchac et Abêd-Nego; et ces hommes-là n’ont pas tenu compte de ton ordre, ô roi: ils n’honorent point ton Dieu et n’adorent pas la statue d’or que tu as érigée. »

[3] Rabbi Samuel Eliezer Eidels – le «Maharcha» (5315-5392 ; 1555-1631), est un grand talmudiste né à Posen en Galice vers le milieu du seizième siècle est un grand commentateur du Talmud, auteur d’un commentaire classique sur les portions législatives et narratives du Talmud de Babylone ainsi que leurs commentaires par Rachi et les Tossafistes.

[4] Menahem Hameïri (1249 – c. 1310) (Don Vidal Solomon de Perpignan) est un rabbin catalan des 13 et 14ème siècles, considéré comme l’un des commentateurs les plus brillants du Moyen Âge.

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