Dans l’hebdomadaire Actualité Juive de cette semaine
En 2010 il m’est arrivé une aventure étrange. Le premier janvier, mon meilleur ami est mort dans une avalanche. J’étais chrétien et à son enterrement les psaumes sont venus à mes lèvres non pas en français mais en hébreu. Pas de ‘miracle’ car j’avais appris cette langue vingt ans avant. J’étais alors frère Marc, moine pendant dix ans dans le silence. Fin 2010, le mystère était trop grand : je revêtais un talit et une kippa et allais à la petite synagogue du bout de ma rue.
En entrant j’entendis une voix, ou plutôt un chant, qui semblait celui des bergers du plateau du Coscione de mon enfance, en Corse. Mais le « berger » qui chantait n’était pas né en corse… mais dans le Mellah de Marrakech vers 1930. J’annonçais aux dix hommes présents que je désirais prier Achem avec eux. Eberlués, ils se tournèrent vers l’étrange rabbin qui leur dit la prière du roi Salomon lors de la consécration du Temple et donna son accord. Je vins désormais chaque Chabbat. Il m’invitait à une seouda l’après-midi, me racontait son enfance au Mellah de Marrakech, le Heder, son Rav Chouchana bien aimé, son grand-père Dayan, comment il avait appris à lire le français tout seul sous un réverbère après avoir été à l’école de l’Alliance incognito, son arrivée en France via l’Algérie. On parlait de Torah à perte de vue et je comprenais peu à peu et avec stupeur que celle-ci était tout simplement la vérité que j’avais toujours cherché. Le dimanche, rassemblant mes souvenirs, je réécrivais ses derachot pour notre communauté sur mon blog.
Le rabbin étrange était aussi docteur en histoire et avait écrit des dizaines de livres sur les voyageurs juifs au Moyen-age. Je découvrais que j’étais un marrane et que mes ancêtres Corses avaient quitté le judaïsme tout en continuant de transmettre des usages juifs.
Je le découvrais aussi docteur en psychologie clinique, disciple du professeur Henri Baruch, maître de la psychiatrie moderne. Et peu à peu, au contact de celui qui était devenu mon maitre, en six ans, je sortis du long sommeil de l’oubli.
Et c’est ainsi que le 26 octobre dernier je devins Meïr par la Brit Mila via le Consistoire, du nom de la seule synagogue de Corse… au pied de chez ma grand-mère à Bastia.
Ce sont ces mille vies magnifiques du Rabbin Haïm Harboun que publie aujourd’hui Lemieux éditeur. A leur lumière j’ai retrouvé le chemin de mon âme juive. Lisez-les… parfois les chemins de la mémoire sont tellement imprévisibles…
Didier Meïr Long
Haïm Harboun, le rabbin aux mille vies, en vente sur le site de Lemieux éditeur.
L’exposition sur les juifs de Corse se tient au Centre communautaire Lafayette du 13 au 26 mars.