LE PESSAH’ DE NOTRE ENFANCE A BASTIA

 Un Texte écrit par Guy Sabbagh à la mémoire de Rebecca Bat Zarah Tolédano (zal), sa tante.

Guy Sabbagh

Guy et Lisbeth Sabbagh à la marche blanche pour Mireille Knoll (zal) la semaine dernière.

 Je devais avoir une dizaine d’années et mon frère Béni sept.

La fête de Pessah’ posait des problèmes presque insurmontables aux juifs de Corse à cause de l’insularité. Par exemple : comment trouver des matsoth pour Pessah ? Autant dire : rouvrir la mer rouge !

D’ailleurs mon grand pére Rabi Meir Toledano (z »l) avait même décrété autorisé dans l’île l’usage de manger du riz à Pessah comme cela se pratique chez les juifs tunisiens.

Un jour, Mon père David(z »l) décida donc de faire une commande groupée de galettes pour l’ensemble de la communauté sur le continent.

Bon commerçant, il décida de mettre en concurrence les fournisseurs ! Et il écrivit ainsi aux différents fabricants de l’époque sur le continent pour obtenir des échantillons.

Une fois les précieux colis arrivés, il nous réunit, nous ses cinq enfants afin de goûter ces différentes sortes de matsoth et donner notre avis. Une sorte de blind test, de test à l’aveugle !

A l’unanimité, nous avons optâmes pour la galette fine de Neymann provenant de Wasselonne dans le Bas Rhin.

La deuxième étape consistait à prendre les commandes.

A la sortie de l’école du Centre a midi et jusqu’à la reprise des cours a 14 heures, à l’aide du fichier de la liste complète des familles juives de la communauté mon père parcourait la ville au volant de sa 203 Peugeot familiale. Mon frère et moi-même, réquisitionnés pour ce grand recensement, parcourions les rues et ruelles de Bastia, grimpions a pied les étages des différents immeubles en notant pour chacun le nombre de paquets de galettes et de farine de matsa. Pour le reste de l’Île (Corté, Île Rousse, Ajaccio, Porto Vecchio) on utilisa le téléphone.

A la réception de la commande, mon père vidait son entrepôt du 18 rue Napoléon pour stocker l’ensemble de cette  marchandise, Puis s’effectuait la livraison selon le même rituel… mais avec en plus la charge des colis dans les étages sans ascenseur.

Le dépôt des commandes pour l’intérieur de l’île se faisait au départ des cars reliant Bastia aux différentes villes.

Une fois ce travail de Titan accompli, je pouvais voir sur le visage de mon père une lueur de joie et de sérénité de la mission accomplie : « Personne ne pourra avoir d’excuses dans l’accomplissement des misvoth de Pessah’  » nous disait il.

Nous les juifs de Corse, avec l’aide de D-ieu avons rouvert la mer Rouge !

 HAG PESSAH’ SAMEAH’ !

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