La catastrophe écologique qui menace les océans est d’abord une cécité spirituelle

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Nous savons aujourd’hui que l’homme semble plus le passager de la vie que son sommet ou son accomplissement. Nous sommes le résultat de milliards d’années de symbiose, de fusion d’organismes.

Loin d’être une exception dans la nature, l’homme doit son existence aux microbes et aux bactéries, vecteurs primordiaux de la vie, qui gouvernent les mécanismes essentiels de la biochimie et ont présidé à l’apparition de la vie sur terre il y a 3,8 milliards d’années. Si on regarde aujourd’hui la longue histoire de l’évolution l’homme arrive seulement en dernière minute, au crépuscule. Les insectes sociaux ont 100 millions d’années et l’homme, seulement 50 000 ans.

Sans des milliards d’années d’une intelligence qui nous dépasse infiniment l’atmosphère terrestre n’aurait pas créé il y a 2,4 milliards d’années l’apparition de l’oxygène et il y a 600 million d’années une atmosphère de 10 kilomètres d’oxygène et d’azote produites par la photosynthèse des algues et des plantes, un bouleversement d’écosystème qui a permis l’apparition d’une couche d’ozone protectrice et l’apparition d’organismes complexes. Cette atmosphère où a surgi l’oxygène puis le vivant se maintient en température et en composition par des lois que nous ne connaissons pas, le composé biochimique humain peut y vivre et respirer. Sans cet écosystème arrivé à son équilibre nous vivrions dans une atmosphère saturée de gaz carbonique et d’azote comme celle qui régna sur terre avant l’apparition des animaux, des plantes et des hommes. Les anciens ont eu l’intuition du lien intime entre la vie profonde de l’homme et la respiration. La nechama, le souffle ou l’âme c’est ce qui respire en hébreu.

Aujourd’hui de nouvelles visions émergent soulignant la dépendance forte entre les formes de vie, mais les anciens, sans nos connaissances micro biologiques modernes, avaient déjà eu cette intuition de l’interdépendance du macrocosme et du microcosme. L’homme est porté par la vie biochimique dont il vient et à laquelle il retourne, une loi mystérieuse en permet la persistance dans l’être, l’homéostasie.

Pour la Torah l’homme vient de la terre symbole de cette biochimie organique qui porte la vie et y retourne ; de cette « terre » fabriquée par les bactéries qui vivent dans le sol et rend possible la vie végétale.

« jusqu’à ce que tu retournes à la terre d’où tu as été tiré: car poussière tu fus, et poussière tu redeviendras! » (Gn 3, 19)

Notre planète est donc devenue « la Terre » dans le langage commun. Les mots « humble », « humain » viennent de humus, la terre. Nous sommes donc hébergés par cette vie qui nous dépasse, par cet écosystème naturel dont la terre est le parfait symbole.

Pour la Torah l’homme est le gardien de cet écosystème hydro végétal. L’éthique biblique n’est autre qu’un choix de survie humaine et écologique. Le second paragraphe du Chema souligne cette interaction et cette continuité entre l’éthique humaine et l’écosystème terrestre du vivant.

« Et ce sera, si vous écoutez bien Mes commandements que Je vous ordonne aujourd’hui, d’aimer l’Éternel votre Dieu et le servir de tout votre coeur et de toute votre âme. Je donnerai la pluie de votre terre en son temps, averse d’automne et ondée printemps, et tu récolteras ton blé, ton vin et ton huile. Je donnerai l’herbe dans ton champ pour ton bétail, tu mangeras et tu seras rassasié. Gardez-vous de laisser séduire votre coeur, de vous écarter et de séduire d’autres dieux, de vous prosterner devant eux. La colère de l’Éternel s’enflammerait contre vous. Il fermerait les cieux, il n ‘ y aurait plus de pluie et la terre ne donnerait plus sa récolte, et vous disparaîtriez bientôt du bon pays que Dieu vous donne. Mettez ces paroles que Je vous énonce, dans votre coeur et dans votre âme, attachez-les comme signe à votre main et qu’elles soient en fronteau entre vos yeux. Vous les enseignerez à vos fils, pour vous en entretenir assis dans votre maison, en marchant sur le chemin, en se couchant et en se levant. Tu l’écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes afin que se multiplient vos jours et ceux de vos enfants sur la terre que Dieu à juré à vos pères de leur donner, comme les jours des cieux sur la terre » (  Deutéronome 11, 13-21)

L’homme n’est donc pas le souverain de la création mais son gardien. Il peut décoder l’ADN, comprendre les mécanisme micro moléculaires de la vie, maitriser le cycle de l’eau, dominer, l’agriculture, reconstruire des intelligences artificielles semblables aux algorithmes naturels qui gagnent leur propre autonomie, il reste dépendant du substrat biochimique qui le compose, de la chimie qui permet ses émotions, ses sentiments, l’homéostasie de son corps et de ses systèmes nerveux, endocriniens, circulatoires… sans lesquels il ne survivrait pas une minute. Les bactéries ont non seulement toujours vécu avec les hommes mais elles font partie de nous. Notre corps possède 30 mille milliards de cellules, nous sommes donc composés de 39 mille milliards de bactéries.

L’homme dépend de la biochimie dont la terre est le symbole. Composé à 80% d’eau où vivent des cellules et bactéries il garde en lui la mémoire de l’océan primitif ou les premières formes de vie sont apparues il y a 3,8 milliards d’années sans que nous sachions comment. Nous savons aujourd’hui que l’homme est capable de détruire l’écosystème des océans où est née la vie, où pendant deux milliards d’années des cellules ont constamment transformé la surface et l’atmosphère terrestre.

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L’océan joue un rôle déterminant dans l’écosystème de notre planète. En 55 ans, l’Homme a effacé 90 % des plus grands prédateurs des océans, en 40 ans près de la moitié des espèces marines a disparu. Les massifs coralliens menacés par le réchauffement climatique recèlent 25% des espèces vivante sous marines. Les plastiques que nous rejetons changent définitivement la composition de leurs gouttes d’eau et créent des continents sans vie. La destruction de l’écosystème des océans est non seulement une catastrophe écologique mais aussi une catastrophe spirituelle. Elle signe l’inconscience de chacun de nous face à ce que nous avons reçu en héritage de milliards d’années.

C’est cette réalité apparue à la dernière minute de la création ou au sixième jour du temps que la Torah nomme Adam, celui qui est tiré d’adama, la terre. L’étrange loi qui gouverne à l’apparition et au maintien dans l’être du cosmos et du microcosme qu’elle traverse nous est inconnue.

Les hommes de la Torah ont renoncé à désigner avec des mots de ce monde, ce qui signifierait saisir, ce « lieu » originel du monde. A maqom.

Durant les 3 semaines qui vont du 17 Tamouz a Ticha be Av nous autres juifs prenons le deuil du Temple détruit, ce temple qui était au coeur de notre vie sociale et spirituelle a été détruit à cause de la cécité spirituelle d’Israël ont dit nos Sages. L’humanité devrait prendre conscience de sa cécité spirituelle et du fait qu’elle détruit le « temple » de sa vie.

Un commentaire sur « La catastrophe écologique qui menace les océans est d’abord une cécité spirituelle »

  1. « et vous disparaîtriez bientôt du bon pays que Dieu vous donne »

    Défendre la Planète, promouvoir le bien commun, de nombreuses personnes s’en soucient. Agis pour que tes petits enfants vivent sur une terre fertile et respectée, c’est bien l’objet de la recherche des hommes responsables mais avec quelle efficacité ?

    Après moi le déluge, suivant certains, après moi, mon passage restera par les valeurs transmises mais que suis-je si ce n’est de l’humus qui aurait réussi. Comment fonder un idéal de continuité du respect de tous et de tout ? Quelle illumination recevoir ?

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