Corses juifs : de l’Inquisition à Edmond Simeoni en passant par Pascal Paoli et les juifs « syriens » de 1915

A l’initiative du Beth Habbad de Bastia une conférence sur les juifs de Corse a eu lieu ce dimanche soir. Pendant deux heures et demie, quai des martyrs sur le vieux port, environ 70 personnes ont écouté parler du passé, du présent et de l’avenir des juifs de Corse.

J’ai parlé de mon côté des traces juives en Corse dans les archives de Gênes à partir de l’Inquisition et jusqu’à Pascal Paoli.

On trouve les traces de ces juifs en Corse dans les Archives de Gênes :

A l’époque de Pasquale Paoli on trouve la trace de 120 familles arrivées de Catalogne pour fonder l’Ile Rousse :

Pascal Paoli qui avait vécu avec les insurgés juif  à Livourne identifiait le destin de la Nation Corse avec celui de l’Israël insurgée sous domination grecque. Corses et juifs vont travailler de concert. Corail contre canons pour libérer la Corse des génois de concert ! Boswell écrit :

« [les Corses] trouvent dans leur mer une quantité considérable de corail et des trois sortes : blanc, rouge, et noir. Les juifs de Livourne qui ont établi une manufacture de corail jouissent d’une sorte de privilège exclusif que leur accordent les Corses pour ce trafic ; et en revanche, ils sont d’un très grand service à la nation en lui avançant de l’argent et en lui fournissant des canons »

James Boswell, Relation de l’isle de Corse, journal d’un voyage dans cette isle et mémoires de Pascal Paoli, éd. 1769.

On se rappelle qu’une devise de Pasquale Paoli était tirée du livre des Maccabées qu’il cite dans une lettre à son père (Fernand Ettori [1]) :

« Melius est in bello mori quam videre mala gentis nostrae »,

« Il vaut mieux pour nous mourir que d’être spectateurs des malheurs de notre nation »,

Premier livre des Macchabées 3, 59

Paoli, personnage providentiel s’identifiait à Judas Maccabée à la tête des forces juives pendant la révolte des Maccabées en l’an – 166 avant notre ère, des juifs en lutte contre la domination syrienne hellénistique des Séleucides.

Fréderic Joseph Bianchi, qui a fondé l’association Terra Erets Corsica- Israël reprendra ce propos en résonnances contemporaines ; le peuple Corse luttant pour son peuple, sa langue, sa terre.

Il a rapporté ses conversations avec Edmond Simeoni qui avait puisé dans le judaïsme de son épouse Lucie, le sionisme, comme une matrice de son idéal nationaliste Corse.

Fréderic Joseph Bianchi et Edmond Simeoni, à Pianellu, août 2017(Terra Erets Corsica-Israël)

Fréderic Joseph Bianchi a rappelé que de manière immémoriale la Corse qui n’a pas déporté les juifs en 1940 (seul un fut envoyé à Auschwitz en l’absence du préfet Balley), était une terre d’accueil pour les juifs et que celle-ci le redeviendrait peut-être avec la potentielle arrivée d’un parti fascisant en France.

Je posais la question de savoir pourquoi les juifs avait fait souche en Corse là où les Arméniens ou les Serbes (5 000 personnes) qui y avaient trouvé refuge en grand nombre en 1915 étaient tout simplement tous repartis. Mais eux… avaient un pays !

Guy Sabbagh nous a raconté avec chaleur et émotion l’histoire de sa famille et des 740 juifs arrivés à Ajaccio en 1915, puis arrivés à Bastia rejoignant les juifs de Turquie arrivés à Bastia dans la seconde partie du 19eme siècle. Comment les instituteurs corses avaient pris sur leur paie pour donner à ces réfugiés miséreux en habits orientaux des costumes occidentaux; eux apprenant la langue corse et s’intégrant en un an comme commerçants ou tragulinu (marchand ambulant).

Comment leur chef spirituel Jacob Meïr Tolédano est devenu le ministre des affaires religieuse de Ben Gourion en 1958 et comment beaucoup de ces réfugiés ont rebondi sur un Israël difficile à vivre pour faire leur Alyah… en Corse.

Alors que la majorité était restée (400 personnes) et que la quasi-totalité des magasins juifs de Bastia était tenus entre deux guerres par des Corses juifs.

Bastia – Rue Napoléon

La Corse a été et sera probablement encore une terre d’accueil pour les juifs comme elle a accueilli des multitudes d’humains pour leur simple qualité de sœurs et frères humains depuis l’Antiquité. Faisant d’eux des Corses de destin.

Il est d’usage, pour s’en lamenter ou s’en réjouir, de raconter qu’il ne reste presque plus de juifs en Corse. C’était compter sans les facéties de l’âme corse et du D.ieu des enfants d’Abraham.

Car aujourd’hui, grâce au Beth Habbad à Ajaccio, Bastia et Porto Vecchio on assiste à une véritable renaissance spirituelle du judaïsme Corse : 230 personnes à Bastia, 400 à Ajaccio où on a servi 150 personnes le Chabbat dernier… à Porto Vecchio on a vendu 400 hallot (pains de Chabbat) « Chez Eva » à Chabbat dernier, 100 poulets cachers rotis et servi 400 personnes au Beth Habbad, 70 en semaine… Levi Pinson à Ajaccio, Zalman et Haya Teboul (photo) font un travail formidable.

Ce nouvel élan conforte la synagogue consistoriale Beth Meïr dont je porte le nom en mémoire du rabbin Meïr Tolédano grand-père de Guy et Benny Sabbagh (photo) qui a repris vigueur. all’s well that ends well !

… des juifs qui participent de manière minoritaire et discrète, par la prière et l’aide aux démunis, avec leurs frères chrétiens à construire l’identité de la Nation corse.

La prophétie de Pascal Paoli, fils de Hyacinthe, serait-elle en train de devenir réalité ?

Que Dieu bénisse la Nation Corse et tous ses enfants.

Corsica Nazione sempre vivu ! Am Israël Hai !


[1] Cette devise était déjà celle du manifeste signé par Hyacinthe Paoli et Louis Giafferi en 1738. (source)

Un commentaire sur « Corses juifs : de l’Inquisition à Edmond Simeoni en passant par Pascal Paoli et les juifs « syriens » de 1915 »

  1. Merci pour la relation des ces rencontres. Quelle chance avez-vous!
    Bien fraternellement

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