Selihot : D-ieu le « Miséricordieux » qui « Fait grâce »

Rabbi Nahman de Braslav[1] disait :

« Le désespoir n’existe absolument pas ! Même si l’homme transgresse toute la Thora des milliers de fois, il doit avoir foi qu’il peut recommencer encore à nouveau. C’est cela la Foi parfaite en Dieu car Ses bontés se renouvellent chaque matin et infinie est sa bienveillance »

Au fond seul celui qui est descendu au fond de lui-même et se regarde en face peut enfin savoir qui il est vraiment. Il faut un certain courage pour cette techouva, ce retour. Mais D-ieu est là dans l’ombre et c’est cela le secret.

Rabbi Nahman enseignait aussi :

« Même si tu constates qu’un homme est complètement perverti, juge-le favorablement. Cherche en lui quelque point valable, une Mitsvah ou une bonne action. Il n’est pas possible que de sa vie il n’ait accompli au moins une action valable. »

Les maîtres de la hassidout ont compris beaucoup de choses avec le cœur, essayons de comprendre les deux premiers des 13 attributs de miséricorde souvent traduits par « Clément et miséricordieux », Ra’houm vehanoun.

«La Divinité passa devant lui et proclama : « ADON-AÏ! ADON-Aï! est l’Etre éternel, tout puissant, clément, miséricordieux, tardif à la colère, plein de bienveillance et d’équité… ». (Ex 34, 6)

Joseph reconnu par ses frères

Chagall, Joseph reconnu par ses frères

RA’HOUM

Ra’houm signifie « qui a pitié », il y a là une notion d’empathie pour autrui de sensibilité à son malheur.

On utilise le mot miséricorde en Français. Du latin « misereo » (avoir pitié) et « cor » (cœur).

L’adage araméen dit : Rahamana liba baé « Le Miséricordieux demande le cœur ».

Le cri Rahem signifie « prend pitié »

Rahem signifient les entrailles, un amour viscéral.

La Torah est pleine de cette miséricorde :

« Alors l’Eternel, ton D-ieu, ramènera tes captifs et aura compassion (Rahem) de toi, il te rassemblera encore du milieu de tous les peuples chez lesquels l’Eternel, ton D-ieu, t’aura dispersé. » (Dt 30, 3)

« Mais l’Eternel leur fit miséricorde et eut compassion (Rahem) d’eux, il tourna sa face vers eux à cause de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob, il ne voulut pas les détruire, et jusqu’à présent il ne les a pas rejetés de sa face. » (2 R 13, 23)

Isaïe et Jérémie le grands prophète de la consolation et Osée le maître de la techouva qui épouse une prostituée chantent cette « miséricorde » :

« Car l’Eternel aura pitié (Rahem) de Jacob, Il choisira encore Israël, Et il les rétablira dans leur pays; Les étrangers se joindront à eux, Et ils s’uniront à la maison de Jacob. » (Is 14, 1)

« Une femme oublie-t-elle l’enfant qu’elle allaite ? N’a-t-elle pas pitié (Rachem) du fruit de ses entrailles ? Quand elle l’oublierait, Moi je ne t’oublierai point. » (Is 40, 15)

« Appelez vos frères Ammi (« mon peuple ») et vos sœurs Rouhama (« chérie »)! » (Os 2, 3)

Kerakhem Av, al banim rikhem adon-aï iréayiv : « Comme un père prend pitié de ses enfants, l’Eternel prend pitié de ceux qui le craignent, car il connaît, lui, nos penchants, il se souvient que nous sommes poussière. » (Ps 103, 13-14)

Tout comme le Talmud qui se représente le beth Din céleste comme un tribunal du ciel où les places les plus proches de D-ieu sont réservées à la miséricorde et à la justice. Une jolie anecdote l’illustre :

« Il arriva encore que Rabbi Hanina ben Dossa se rendit chez Rabbi Yohanan ben Zakkaï pour étudier la Torah. Le fils de ce dernier tomba malade. Rabbi Yohanan ben Zakkaï demanda à son élève : « ‘‘Hanina, mon fils, invoque pour lui la miséricorde divine pour sa guérison.’’ Rabbi Hanina se mit la tête entre les genoux et l’enfant guérit. Rabbi Yohanan ben Zakkaï dit : ‘‘Si j’avais incliné ma tête entre mes genoux, cela n’aurait pas suffi pour le sauver. ‘’ Sa femme lui demanda : « Hanina est-il plus grand que toi ? Non, répondit-il, mais il ressemble à un serviteur devant le Roi, et moi je ressemble à un ministre du Roi’’» (TB, Berakhot 34b)

Celui qui s’abaisse touche le cœur de D-ieu et provoque sa miséricorde infinie.

‘HANOUN

‘Hanoun provient de ‘hinam – « gratuit », ce mot signifie la libéralité de Dieu, sa grâce.

Le verbe ‘hanan prends plusieurs sens en fonction de son temps

  • (Qal) montrer de la faveur, être miséricordieux
  • (Niphal) être plaint
  • (Piel) faire miséricorde, accorder une faveur
  • (Poel) diriger sa faveur sur, avoir miséricorde sur
  • (Hophal) être favorisé, être pris en considération
  • (Hithpael) chercher une faveur, implorer une grâce

C’est un mot qui traverse toute le Torah :

« Esaü, levant les yeux, vit les femmes et les enfants, et il dit : Qui sont ceux que tu as là ? Et Jacob répondit : Ce sont les enfants que Dieu a donnés (‘hanan) à ton serviteur. » (Gn 33, 5)

« Ils se dirent alors l’un à l’autre (les frères de Joseph) : Oui, nous avons été coupables envers notre frère, car nous avons vu l’angoisse de son âme, quand il nous demandait grâce (’hanan), et nous ne l’avons point écouté ! C’est pour cela que cette affliction nous arrive. » (Gn 42, 21)

« Joseph leva les yeux; et, jetant un regard sur Benjamin, son frère, fils de sa mère, il dit : Est-ce là votre jeune frère, dont vous m’avez parlé ? Et il ajouta : Dieu te fasse miséricorde (‘hanan), mon fils ! » (Gn 43, 29)

« une nation au visage farouche, et qui n’aura ni respect pour le vieillard ni pitié (‘hanan) pour l’enfant. » (Dt 28, 50)

C’est le grand mot du livre de Job cette homme qui perd tout et à qui D-ieu va tout rendre « autrement ». Qui n’a fait cette expérience de comprendre la valeur de ce qui lui est accordé alors qu’il le retrouve et le voit complètement autrement ?

« Mais toi, si tu as recours à Dieu, Si tu demandes grâce (‘hanan) au Tout-Puissant » (Job 8, 5)

« Quand je serais juste, je ne répondrais pas; Je ne puis de demander la grâce (‘hanan) de mon juge. » (Jb 9, 15)

« J’appelle mon serviteur, et il ne répond pas; Je le supplie (‘hanan) de ma bouche, et c’est en vain. » (Jb 19, 16)

« Ayez pitié (‘hanan), ayez pitié (‘hanan) de moi, vous, mes amis ! Car la main de Dieu m’a frappé. » (Jb 19, 21)

« Dieu a compassion (‘hanan) de lui et dit à l’ange: Délivre-le, afin qu’il ne descende Pas dans la fosse; J’ai trouvé une rançon ! » (Jb 33, 24)

Les psaumes sont bien sur remplis de multiples fois de cette supplication.

Enfin le Talmud nous en donne le sens :

“Sois comme lui, soit comme lui (soit semblable à Lui) : comme il est miséricordieux et compatissant, sois aussi bienveillant et compatissant ” (Chabbah 133 b).

« La Torah exige l’adhésion du cœur » (Sanhédrin 106 b)

Dieu fait grâce et rien ne l’y oblige c’est l’événement absolu.

[1] LeV BaSaR « coeur de chair » est l’anagramme de BReSLoV (Braslav-Breslau en Ukraine) et le contraire de LeV Even « cœur de pierre ».

Un commentaire sur « Selihot : D-ieu le « Miséricordieux » qui « Fait grâce » »

  1. « Le désespoir n’existe absolument pas ! » Est-ce à dire, l’espérance est toujours là pour donner du sens au milieu du maquis de l’absurde ? Résister, survivre comme l’écrivait Bruno Bettelheim rappelant son expérience de la perversité absolue. Existe-t-il une transcendance immanente – si je puis dire – pour surmonter l’inhumanité au quotidien ? Faut-il relire la Légende du Grand Inquisiteur pour combattre avec d’autant plus d’énergie le désespoir qu’elle traduit ?

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