Témoins de l’Holocauste (suite) : Leib Rochman – « A pas aveugles de par le monde »

« Il savait que les rayons insaisissables qui aurait pu les unir étaient rompus. Mais pas seulement les leurs. De chaque être émanaient des rayons qui englobaient le monde entier et attachaient les hommes les uns aux autres. Tous intimement mêlés. Tout était dans tout.  Mais les rayons s’étaient éteints. »

a-pas-aveugles-de-par-le-mondeNé à Minsk-Mazowiecka dans un milieu hassidique Leyb Rochman est enfermé dans le ghetto de sa ville natale au début de la guerre et, suite à la destruction du ghetto en 1942, transféré avec sa famille dans un camp de travail. Il s’en évade et se cache pendant deux ans avec sa femme et trois juifs chez une paysanne polonaise. Là il est contraint de rester debout et immobile entre deux murs sans pouvoir bouger. Au lendemain de la Libération il se rend dans les camps de Maidanek et découvre les  chambres à gaz et fours crématoires. Victime par la suite du pogrom de Kielce, qui attendait les survivants qui rentraient chez eux, il se rend en Suisse fin 1945 pour se soigner.

De 1946 à 1948, il a voyagé à travers l’Europe et il tire de ce voyage cet ouvrage. En 1950, il s’installe en Israël. Il y meurt en 1978, à 60 ans, après avoir écrit trois livres : Et dans ton sang tu vivras (1961), A pas aveugles de par le monde (1968) et Le Déluge (1978).

Mit blinde trit iber der erd, A pas aveugles de par le monde, a été traduit du yiddish par Rachel Ertel chez Denoël. C’est un livre étrange sans équivalent dans la littérature de l’Holocauste. Celui d’un mort vivant, d’un revenant. Proche de l’écriture d’un Aaron Appelfeld qui préface le livre. Il commence une semaine après la fin de la seconde guerre mondiale comme une odyssée à travers une Europe de cauchemar. Une écriture sans les contraintes d’espace et de temps dans une Europe hallucinée d’après le Déluge.

S., « je », Leib, personnages interchangeables qui n’en sont qu’un vit dans le cauchemar de celui qui a survécu. Il revient comme Ulysse dans une Ithaque, l’Europe dévastée où ne l’accueillent que des fantômes de ses proches, de sa mère, de sa petite sœur réduits en cendres ou tués d’une balle.

« Leibl aurait lui aussi voulu se réfugier dans le sommeil, étendu sur son lit ; dans un sommeil interminable, ici, dans les montagnes, comme dans le giron de sa mère. Mais Estherké l’en empêchait. Maintenant, libéré des barbelés et des murs, il s’enfonçait continuellement dans une somnolence poisseuse dont il était impossible de le tirer. Il ne comprenait pas comment il avait échappé à tout cela, pourquoi c’était lui qui avait été condamné par le destin à demeurer. Il se souvenait de tous ceux qui l’entouraient jadis. Personne n’était resté. Ils avaient tous expiré leur âme en fumée : sa mère, qui l’avait porté et l’avait expulsé de son corps pour en faire un être indépendant, sa sœur et son frère, qui étaient le fruit de la même matrice et s’étaient nourris au même sein ; toute sa parentèle – oncles, tantes, cousins, issus du même sang. Comment rester seul dans le vide qu’ils avaient laissé ? Les camarades de sa cour, les voisins de sa rue, tous les habitants de sa ville. Tous les Juifs des villes et des pays environnants – des monceaux de cendres dispersés. Et lui, lui, il était là, il existait, on pouvait le toucher. Ce ne pouvait être qu’un châtiment. Ce ne pouvait être l’issue définitive. On lui avait tendu un piège. Comment l’avait-il mérité ? Pour quels actes infâmes ? »

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Pessah : Le miracle chez Maïmonide et le Maharal de Prague

Une série de conférences  très intéressantes de mon ami Hervé Elie Bokobza sur Youtube :

Voir sa chaîne Youtube :
http://www.youtube.com/user/rvelie1?feature=watch

Jésus et Rabbi Akiva, deux martyrs juifs de l’ « accomplissement »

Rabbi Akiva
Rabbi Akiva

La mort de Jésus en l’an 33 comme celle de Rabi Akiva ben Yossef vers 135 sont deux assassinats liés à la real politik romaine telle qu’elle s’exerce à Jérusalem aux premiers siècles de notre ère envers les courants messianiques. Des machiah qui sont considérés à l’époque par l’occupant comme des séditieux voulant émanciper Israël de la  tutelle politique et militaire romaine (le messianisme à l’époque n’a rien de divin !). Assez curieusement le martyre de ces deux juifs va être relu par leurs disciples comme un « accomplissement ». Je montrerai ce que ce mot signifie dans les traditions juive et chrétienne à la lumière de l’affrontement entre Rome et Jérusalem.

bougie

1/ L’assassinat préventif de Jésus par les autorités romaines

Jésus meurt la veille de Pessah 33. Il est crucifié comme un maître pharisien galiléen présentant un danger potentiel pour la real politik romaine. La plupart des révoltés venaient de Galilée en ce premier siècle. Les romains n’ont pas oublié Judas le Galiléen qui a mené la résistance au recensement fiscal ordonné par Quirinius en Judée vers l’an 6 (et non pas en l’an -7 où nait Jésus comme le racontent les évangiles de manière anachronique). La Gelil ha-goyim, ce « cercle des nations » était en réalité une terre de repli pour les pharisiens restés prés du petit peuple mais écartés du pouvoir du Temple.
Les Pharisiens, qui avaient dirigé l’insurrection maccabéenne au premier siècle avant notre ère, triomphèrent d’abord avec elle sous  la reine Salomé Alexandra; avant que la situation ne se retourne contre eux. Celle-ci  ayant épousé Alexandre Jonathan (en grec : Jannée) (103–76), son beau-frère d’obédience sadducéenne-grand prêtre. En -96 celui-ci, à la suite d’une émeute fit crucifier 800 pharisiens et égorger leurs femmes et leurs enfants (6000 selon Flavius Josèphe ! – AJ XIII, 376). Lire la suite de « Jésus et Rabbi Akiva, deux martyrs juifs de l’ « accomplissement » »

Lekha Dodi לכה דודי

Le Lekha Dodi,  composé à Safed au XVIe siècle par le Rabbi Chlomo Halévy Elkabets est chanté à la tombée de la nuit le vendredi soir pour accueillir la « fiancée Shabbat » .

Traduction française Translittération Hébreu
Refrain:
1 Viens, mon bien-aimé, au-devant de la fiancée, Lekhah dodi likrat kallah לכה דודי לקראת כלה
2 Allons accueillir le Shabbat.. penei Shabbat nekabelah פני שבת נקבלה
1er couplet:
3 « Observe » et « souviens-toi » : c’est en une seule parole, Shamor ve-zachor be-dibur ekhad שמור וזכור בדבור אחד
4 [que] le Dieu Un et Unique nous fit entendre hishmianu E-l hameyukhad השמיענו אל המיחד
5 L’Éternel est Un et son Nom est Un, Ashem ekhad ushemo ekhad יי אחד ושמו אחד
6 A Lui Honneur, Gloire, Louange!. Le-Sheim ul-tiferet ve-li-t’hilah לשם ולתפארת ולתהלה
2ème couplet:
7 A la rencontre de Shabbath empressons-nous, Likrat Shabbat lekhu ve-nelekhah לקראת שבת לכו ונלכה
8 Car il est la source de toute bénédiction. kee hee mekor haberakhah כי היא מקור הברכה
9 Consacré dès les temps les plus lointains, merosh mikedem nesukhah מראש מקדם נסוכה
10 Clôt la Création, mais pensé dès l’origine [par le Créateur]. sof ma’aseh be-machashavah tehilah סוף מעשה במחשבה תחלה
3ème couplet:
11 Sanctuaire du Roi, Ville royale, Mikdash melekh ir melukhah מקדש מלך עיר מלוכה
12 Debout, relève-toi de tes ruines ! Kumi tze’i mitokh ha-hafeikhah קומי צאי מתוך ההפכה
13 Trop longtemps tu es demeurée dans la vallée des pleurs. Rav lakh shevet be-eimek habakha רב לך שבת בעמק בעמק הבכא
14 Mais voici que Lui éprouve pour toi de la compassion. ve-hu yachamol alayich chemlah והוא יחמול עליך חמלה
4ème couplet:
15 Secoue la poussière, relève-toi ! Hitna’ari me-afar kumi התנערי מעפר קומי
16 Revêts, Mon peuple, les vêtements de ta splendeur ! Liv-shi bigdei tifartekh ami לבשי בגדי תפארתך עמי
17 Par le fils de Jessé, de Bethléhem, Al yad ben Yishai beit ha-lakhmi על יד בן ישי בית הלחמי
18 Mon âme voit s’approcher d’elle le salut. Korvah el nafshi ge-alah קרבה אל נפשי גאלה
5ème couplet:
19 Réveille-toi, réveille-toi ! Hitoreri hitoreri התעוררי התעוררי
20 Car ta lumière est venue ! Lève-toi, resplendis ! Ki va oreikh kumi ori כי בא אורך קומי אורי
21 Dresse-toi, dresse-toi, entonne un cantique ! Uri uri shir dabeiri עורי עורי שיר דברי
22 Car la gloire de l’Éternel resplendit sur toi. Kevod Ado-nai alayikh niglah כבוד יי עליך נגלה
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Guer Toshav

Vous voulez tout savoir sur les Guer Toshav! Consultez donc ce nouveau site en ce jour de célébration www.guertoshav.org : ici

France Info, Le livre du jour de Philippe Vallet : « L’invention du christianisme »

sur le site de France Info >>> y accéder

Jusqu’au IIe siècle, le judaïsme a été multiple…

Ce n’est qu’ensuite que naîtront ce qu’on va appeler d’un côté le judéo-christiannisme et, de l’autre, le judaïsme rabbinique que nous connaissons aujourd’hui. Cela signifie, par exemple, que la plupart des croyances chrétiennes comme le Dieu Père, l’Esprit Saint, la Résurrection des morts ou l’Apocalypse, ne sont que des croyances juives nées bien avant le christianisme. C’est ce que rappelle Didier Long, historien du judéo-christianisme dans son nouveau livre, L’invention du christianisme publié aux Presses de la Renaissance.

Ma nishtana ?

Cette année les Paques juive et chrétienne coincident du point de vue du calendrier. Ce soir c’est Pessa’h.

L’enfant pose rituellement ces questions à son père qui lui répond :

Français
Translittération
Hébreu
En quoi cette nuit diffère-t-elle des autres nuits ?
Ma nishtana, halayla hazè, mikol haleylot
מה נשתנה, הלילה הזה מכל הלילות
Car toutes les nuits, nous mangeons du pain levé ou azyme
pourquoi ne mange-t-on cette nuit que des azymes ?
shèbèkhol haleylot, anou okhlin hametz oumatza,
halayla hazè, koulo matza ?
שבכל הלילות אנו אוכלין חמץ ומצה
הלילה הזה, כלו מצה
Car toutes les nuits, nous mangeons toutes sortes d’herbes
pourquoi mange-t-on cette nuit des herbes amères ?
shèbèkhol haleylot, anou okhlin shèar yeraqot,
halayla hazè, maror ?
שבכל הלילות אנו אוכלין שאר ירקות
הלילה הזה, מרור
Car toutes les nuits, nous ne trempons pas même une fois
pourquoi trempe-t-on cette nuit deux fois ?
shèbèkhol haleylot, ein anou matbilin afilou pa`am a’hat,
halayla hazè, shtei fa`amim ?
שבכל הלילות אין אנו מטבילין אפילו פעם אחת
הלילה הזה, שתי פעמים
Car toutes les nuits, nous mangeons assis ou accoudés
pourquoi, cette nuit, sommes-nous tous accoudés ?
shèbèkhol haleylot, anou okhlin bein yoshvin ouvein mèssoubin,
halayla hazè, koulanou messoubin ?
שבכל הלילות אנו אוכלין בין יושבין ובין מסובין
הלילה הזה, כולנו מסובי

Quelle est la différence entre cette nuit et toutes les autres nuits ? demande l’enfant . C’est la première de quatre questions qui évoquent :

  • La hâte de quitter l’Égypte (le pain non levé),
  • L’amertume de la vie des Hébreux avant l’Exode
  • Les herbes qu’on trempe deux fois signifient la liberté et l’exil, on trempe le fenouil dans l’eau salée qui est celle des larmes
  • La coutume de manger allongé accoudé comme les citoyens romains (comme des hommes libres)

… quatre  grands thèmes de la Haggadah de Pessa’h, le récit de la libération d’Egypte.

Hag Pessa’h Sameah !

L’invention du christianisme, et Jésus devint Dieu

L’Invention du christianisme vient de paraître. Suite de Jésus de Nazareth, juif de Galilée, ce livre retrace, à la lumière des dernières connaissances du judaïsme antique, la longue et fascinante histoire que fut la naissance du christianisme.

Jacques, Pierre ou Paul de Tarse n’étaient pas chrétiens, mais juifs. Leur projet n’était pas de remplacer la Loi juive (Torah) par une autre religion, mais de convertir les païens et de délivrer leur peuple du joug romain – qui conduira à la destruction du Temple en 70 puis à l’anéantissement de Jérusalem en 135. Il faudra près de quatre siècles pour que, de ce premier mouvement messianique juif aux multiples visages, naisse le christianisme.

Au cours du Ier siècle, Paul et les apôtres vont transmettre l’enseignement reçu de Jésus dans les synagogues de la diaspora de langue araméenne – Palestine, Syrie, Mésopotamie, Babylonie…–, et dans la diaspora juive hellénisée – Asie Mineure, Égypte, Rome…– au coeur de laquelle « s’inventera » le christianisme.
À partir du IIe siècle, le judéo-christianisme et le judaïsme rabbinique commenceront à se séparer. Une rupture qui sera consommée au IVe siècle avec la conversion de l’empereur Constantin et la tenue des grands conciles qui fixeront l’orthodoxie chrétienne : l’Empire abandonnera les cultes païens pour se tourner vers le Dieu UN d’Israël via le culte chrétien. Naîtront alors véritablement les deux religions que nous connaissons, toujours jumelles.

 

EXTRAITS :
Lire « L »invention du christianisme »-extrait complet (pdf)

« Jusqu’il y a encore peu, l’histoire du premier christianisme se résumait au récit qu’en avait élaboré l’Église, à partir du
moment où l’Empire gréco-romain était devenu chrétien sous Constantin (272-337). Cette mythologie des origines entérinée au
IVe siècle commençait par le récit du livre des Actes des Apôtres rédigé dans les années 70-80 de notre ère : une odyssée méditerranéenne à la gloire de Paul de Tarse, l’Ulysse chrétien, voyageant de Jérusalem, coeur du judaïsme, à Rome, centre du pouvoir et capitale de l’Empire gréco-romain. Avec lui, le centre de gravité du christianisme se déplaçait de Jérusalem à Rome en suivant le chemin de ses hérauts Pierre et Paul. D’histoire orientale, le christianisme se transformait en une légende occidentale et un mythe fondateur. (…)

Dès lors, à partir du IVe siècle, toute autre forme de christianisme que celui de la Grande Église, selon la magistrale démonstration de Walter Bauer en 1934, jamais sérieusement contestée, était devenu « hérétique ». Les récits des apologètes, des grands hérésiologues du IIe siècle, à commencer par Irénée, semblaient confirmer cette centralité de la « voie romaine », ce qu’on appelle la « transmission apostolique » en langage d’Église, et reléguer tous les autres points de vue à des chemins de traverse hasardeux. Mais on sait aujourd’hui que les premières manifestations du christianisme à Édesse, en Égypte, en Asie Mineure, qualifiées d’hérétiques par certains auteurs à partir du IIe siècle, constituaient un christianisme protéiforme. Il n’y a pas eu, comme on l’a longtemps cru, une orthodoxie première et monolithique, puis des hérésies déviantes, mais, dès le départ, une multitude de mouvements. Je montre que ceux-ci sont dus au développement du christianisme dans divers mouvements du judaïsme issus de différents bassins culturels et aussi aux chocs de l’histoire. Ce qui deviendra l’orthodoxie chrétienne au IVe siècle n’est que l’opinion, parmi d’autres, de la communauté romaine.

Nous constaterons à travers des documents que le mouvement de Jésus, qu’on a appelé plus tard le « christianisme », au moins au cours des deux premiers siècles et dans certaines régions jusqu’au VIe siècle, n’était qu’ une  des multiples sectes juives qui prospéraient au sein de l’Empire gréco-romain. « Secte » au sens où Flavius Josèphe parle des hairesis du judaïsme, un mot qui a donné par la suite « hérésie ». Si nous voulons comprendre le premier christianisme, nous devons donc relire l’histoire de son développement comme celui d’une secte juive minoritaire affrontée à d’autres points de vue juifs et ballottée dans les guerres judéo-romaines. Sans cette genèse, on ne peut pas comprendre la formation d’une identité chrétienne spécifique au coeur du monde juif puis le rejet très progressif de cette opinion par la synagogue en réaction aux catastrophes de l’histoire juive (…)

Interview sur Fréquence Protestante

Jésus, trois livres récents : Jean-Christian Petitfils, Didier Long et Michel Benoît interviewés par Jacques Fischer sur Fréquence protestante  samedi 24 décembre à 20h00.

« Comment peut-on vivre si on ne fait jamais confiance à personne ? »

Gérard Haddad : Lumière des astres éteints, la psychanalyse face aux camps, Grasset, 2011. 

Tous les genres littéraires ont témoigné des camps de concentration nazis: des ‘rouleaux sacrés’ exhumés de la terre au pied des cheminées d’Auschwitz du sonderkommando Zalman Gradowski (publiés sous le titre : Au cœur de l’enfer), au témoignage de Primo Levi et des orphelins des disparus recueillis par Claudine Vegh dans Je ne lui ai pas dit au revoir. Les historiens ont précisément documenté l’Holocauste : La destruction des Juifs d’Europe de Raul Hilberg et les deux tomes de L’Allemagne nazie et les Juifs de Saul Friedlander. Dans Le coeur conscient, Bettelheim racontait comment la psychanalyse lui avait inspiré des stratégies pour survivre et sauver sa propre raison à travers Dachau et Buchenwald. La parole de ceux que l’industrie de la mort nazie avait voulu anéantir continue de parler un demi-siècle plus tard. La production littéraire et artistique sans cesse renouvelée témoigne de la lumière noire des camps, ces astres éteints qui continuent de bruler nous dit Gérard Haddad.

Mais le livre de Gérard Haddad franchit une nouvelle étape de cette écriture, une forme de récit originale : à partir de sa pratique clinique, Haddad analyse la mutation irréversible produite par l’expérience des camps dans la conscience occidentale.

Car la mémoire du camp résonne dans le cabinet du psychanalyste : une femme raconte une histoire fausse sur un père et une mère imaginaires et finit par s’avouer la réalité : la honte infinie qui la traverse d’avoir vu sa mère mourir sous ses yeux à quatre ans dans le camp, elle n’arrive littéralement pas à en « fermer les yeux » ; un autre vit dans l’hypermnésie du camp à en compter les herbes et les pierres des décennies plus tard ; « Comment peut-on vivre si on ne fait jamais confiance à personne ?» répète Tzipi, un mantra qu’elle oppose au conseil mortifère de son père fruit de son expérience du camp : «  N’aies jamais confiance en personne, chacun ne cherche qu’à profiter des autres, à les rouler !». Tzipi, comme Primo Levi finira par se jeter dans le vide. Lire la suite de « « Comment peut-on vivre si on ne fait jamais confiance à personne ? » »