Un commentaire librement inspiré de l’enseignement du Rav Haïm Harboun et de mon étude.
Marc Chagall, l’échelle de Jacob
Jacob est le prototype du juif en fuite et insécurisé comme nous l’avons été pendant des siècles, ce qui forme une partie de notre héritage psychique. Jacob c’est nous. Dans cette Paracha Jacob est en fuite car son frère Esaü veut le tuer. Au cours de son voyage vers Harran, à la frontière de la Syrie et de l’Irak, Jacob s’arrête et passe la nuit à Béthel.
Un soir
« Jacob sortit de Beer Chéva et se dirigea vers Haran. Il arriva dans un endroit où il établit son gîte, parce que le soleil était couché. » (Gn 28, 10-11)
Jacob quitte donc Béer-Chéva, pour se rendre à Haran sur les recommandations de ses parents. Tout en marchant, il constate que la nuit tombe et décide de dormir dans un lieu, où la Providence était présente. Pourquoi mentionner qu’il quitte Béér Chéva ? Il aurait suffi de dire que Jacob partait à Haran ? Rachi répond ;
C’est pour nous apprendre que le départ d’un juste fait impression dans l’endroit qu’il quitte. Aussi longtemps que le juste se trouve dans une ville, c’est lui qui en est la beauté, c’est lui qui en est l’éclat, c’est lui qui en est la majesté. Lorsqu’il la quitte, finie sa beauté, fini son éclat, finie sa majesté, comme dans : « elle sortit de l’endroit » (Ruth 1, 7) à propos de Noémie et Ruth (Beréchith rabba 68, 6).
Quel est ce Maqom, cet « endroit » ? Rachi à la suite de nos sages (TB Houlin 91b) nous révèle que ce n’est autre que le mont Moriah ; cet « endroit » qu’Abraham « vit de loi » (Gn 22, 4) et où Isaac le père de Jacob a bien failli perdre sa vie et qui sera bientôt le lieu du Temple. On comprend que cet endroit devienne un lieu où s’éveille la mémoire du rêve. Jacob comprendra la sainteté de ce lieu à son réveil, il est pris de peur et s’exclame : « Combien ce lieu est redoutable ! Ceci n’est autre que la maison de Dieu et la porte du ciel » (Gn 28, 17).
Le rôle du rêve
Si l’on en croit le Midrach, c’est la première fois que Jacob dort depuis… 14 ans :
« Ya’akov n’a dormi qu’en ce lieu, mais pendant les quatorze ans qu’il passa dans la maison d’étude de Chem et Ever il n’a jamais dormi » (Béréchith Rabah 68,11)
Cette longue méditation va lui permettre de vivre encore 14 ans (7 après avoir épousé Léa et encore 7 ans après avoir épousé Rachel) en milieu païen hostile de Canaan, chez son beau-père Laban.
Pour le Talmud l’homme qui ne rêve pas est un homme malade.
« Six choses sont un bon signe pour le malade. Les voici : l’éternuement, la sueur, la colique, le sommeil et le rêve. […] Le rêve car il est écrit « Tu m’as rendu le rêve et la santé » (Is 38, 16) » (TB Berakhot 57b)
Ailleurs dans le même traité on trouve une citation s’enracinant dans le même verset :
Rav Yehouda disait au nom de Rav : « [il faut implorer] trois [choses qui] requièrent la miséricorde : un bon roi, une bonne année et un bon rêve […] un bon rêve car il est écrit : « Tu m’as rendu le rêve et la santé » (Is 38, 16) » (TB Berakhot 55 a]
Le nom grec Morphée[1] est une forme hellénisée du mot hébreu marpé qui signifie calme, repos ; dérivé de la racine du verbe rafa, se détendre, s’apaiser d’où le mot hébreu : réfoua, « la médecine » qui apaise les douleurs (Cf l’expression : Réfoua Chléma ! « pleine guérison »). L’idée est que l’homme qui se relève guéri, rêve.
Le songe et la prière
On sait que pour la traduction talmudique le verset « Jacob sortit de Beer Chéva et se dirigea vers Haran. Il arriva dans un endroit où il établit son gîte, parce que le soleil était couché. » (Gn 28, 10-11), signifie que l’office du soir a été institué par Jacob (TB Berakhot 26b).
On a dit : R. Jose, fils de R. Hanina, a dit : Les Tefillah ont été institués par les Patriarches. R. Joshua b. Levi dit : Les Tefillah ont été institués pour remplacer les sacrifices quotidiens. Il a été enseigné conformément à R. Jose b. Hanina, et il a été enseigné selon R. Joshua b. Levi. Il a été enseigné conformément à R. Jose b. Hanina: Abraham a institué le matin Tefillah , comme il est dit, et « Abraham se dirigea de bon matin vers l’endroit où il s’était tenu (acher amad), [NDA amad comme amida= « debout », la prière des 18 bénédictions] devant le Seigneur. » (Gn 19, 27), et « debout » (amad) signifie la prière, comme il est dit, « Mais Phinéas se leva (vayaamod). » (Ps 106, 30). Isaac a institué la Tefillah de l’après-midi ainsi qu’il est dit, « Isaac était sorti dans les champs pour se livrer à la méditation, à l’approche du soir (lachoukha bassadé)» (Gn 24, 63), « méditation » signifie la prière, comme il est dit, « Prière d’un malheureux qui se sent défaillir et répand sa plainte devant l’Eternel » (Psaume 102, 1). Jacob a institué la prière du soir, comme il est dit, « et il a allumé [wa-yifga] sur le lieu » et pegi’ah signifie la prière, comme il est dit: « N’intercède pas pour ce peuple, ne profère en sa faveur ni supplication ni prière (tifga) » (Jr 7, 16) (TB Berakhot 26b)
Le rêve de Jacob est une prière pour Maïmonide. Il écrit :
« Ici l’échelle désigne le lieu et les rapports des différents êtres de l’Univers. « Elle (l’échelle) était debout, dressée sur la terre » désigne le monde terrestre, le monde des perceptions et de l’expérience d’où émane toute connaissance. « Et son sommet atteignait le ciel » nous enseigne que la connaissance progresse à partir du monde sensible vers le monde des êtres saints et des sphères supérieures. « Et voici, les anges de Dieu montaient et descendaient » fait allusion au monde supra-sensible des anges où la connaissance, où la connaissance pénètre plus avant ; et enfin le quatrième et dernier échelon de l’évolution spirituelle représente le but de la connaissance et de la prière en même temps : « et voici, Dieu se tenait au-dessus » (Guide des égarés II, 10, d’après le commentaire d’Ibn Tibbon)
Les anges (Malakhim) qui montent et descendent de l’échelle correspondent à un mot qui peut désigner quiconque exécute un ordre, qu’il s’agisse de la Divinité ou d’un homme (Guide des égarés II ,6). Le Seigneur est situé « au-dessus » (‘alav) (28, 13) de l’échelle, celui-ci est donc au-dessus du ciel où montent les malakhim.
Qu’a fait Jacob ? Si l’on suit Maimonide :
« En effet, tous les hommes alors, à l’exception de quelques-uns, ignoraient l’existence de l’Eternel, et leur plus haute méditation n’allait pas au-delà de la sphère céleste, de ses forces et de ses effets » (Guide des égarés I, 63)
On se rappelle que la connaissance de Dieu pour Aristote passe par la capacité de le sensibilité à percevoir des catégories qui la dépassent : le beau, le bien, sans pouvoir s’en affranchir : je sens la rose et ma capacité d’abstraction me permet à travers cette émotion l’intelligence de la Beauté. Mais la réalité que vise le processus de connaissance de la divinité est « au-dessus ».
Jacob a donc compris que la divinité était au-dessus de toute réalité humaine même les plus spirituelles. Et il s’étonne : « Je ne le savais pas ! »
Le songe et la prophétie
Pour Maïmonide s’appuyant sur le Midrach « Le fruit abortif (noveleth) de la prophétie est le songe » (Berechit Rabba 17, 5). Un rêve est un avorton de prophétie, une prophétie qui n’est pas allée jusqu’au bout de son murissement. L’Eternel lui-même dit dans l’Ecriture à propos de Moïse : « S’il n’était que prophète je lui parlerais en rêve » (Nb 12, 6).
Le rêve est selon Maïmonide un soixantième de la prophétie. Celui qui rêve ne fait qu’éprouver ce qui est révélé au prophète divisé par soixante. Mais le rêve et la prophétie sont un même fruit.
Le rêve est donc une révélation prophétique lié à la structure même du langage, qui doit être interprété en fonction de l’imaginaire et du paysage psychique du dormeur.
« Rabbi Bizna bar Zavda dit, Rabbi Akiba dit, Arbbo Panda dit, Rabbi Na’houm dit, Rabbi Birayim dit au nom d’un ancien (et qui est-ce ? Rabbi Benaa) : il y avait vingt-quatre interprètes de rêves à Jérusalem. Une fois, j’ai fait un rêve et je suis allé auprès de tous et l’interprétation que l’un m’en a faite, l’autre ne me l’a pas donnée- et tous se sont réalisés pour mon compte en accomplissement de ce qui a été dit : ‘‘Tous les rêves vont d’après la bouche’’
‘‘Tous les rêves vont d’après la bouche’’ serait-il un verset ? Oui ! Et suivant Rabbi Eléazar, car Rabbi Eléazr a dit : « il advint selon ce qu’il avait interprété, il en fut ainsi » (Gn 41, 13). Et Rava dit : Et c’est quand on l’interprète en ressemblance avec son rêve, car il a été dit « il a interprété chacun selon son rêve » (Gn 41, 13) » (TB Berakhot 55b)
Even
Quel est le sens de ce rêve ? car :
« Tout rêve qui n’est pas interprété est comme une lettre qui n’est pas lue » (TB Berakhot 55 a)
Nous trouvons plusieurs indices. Assez curieusement « les pierres » (Gn 28, 10) dont Jacob a fait son chevet la veille, avant de rêver sont devenues une seule pierre le lendemain « Jacob se leva de grand matin ; il prit la pierre qu’il avait mise sous sa tête, l’érigea en monument et répandit de l’huile à son faite. » (Gn 28, 18). Le Talmud résume :
Aussitôt, le Saint béni soit-Il les a fondues en une seule pierre (TB Houlin 91b)
Comme si Jacob lui-même s’était recueilli, unifié. Le Midrach s’amuse de cette multiplicité :
Les pierres ont commencé à se disputer l’une exigeant : « C’est sur moi que ce tsadik posera sa tête ! » et l’autre protestant : « Non, c’est sur moi qu’il la posera ! » (Béréchit Rabba 68,11).
Le rêve de Jacob va donc lui permettre d’unifier les pierres, ce qui suppose une puissance colossale si on considère les pierres de manière physique.
Mais une interprétation plus spirituelle nous rappelle que la pierre even est composée de av (le père) et de ben (le fils).
Au début du chapitre 4 du livre de Josué, Josué manda les douze hommes qu’il avait fait désigner parmi les enfants d’Israël, un homme par tribu, et il leur dit: « Passez devant l’arche de l’Eternel, votre Dieu, entrez dans le Jourdain, et ramassez-y chacun une pierre qu’il chargera sur son épaule, nombre égal à celui des tribus d’Israël, afin que ce soit un monument au milieu de vous; et lorsqu’un jour vos enfants demanderont: ‘‘Que signifient pour vous ces pierres?’’ on dira « siman levanim she-`avru avotam ba-yarden » : Ce sont des signes pour les enfants à qui ont a dit « entrez dans le Jourdain » ( Tosefta Sotah 8, 6 ; TB. Sotah 34 a).
L’unification des pierres qui correspond à un recueillement psychique et une expérience d’unité de soi est une expérience de l’unité de la tradition des pères. Jacob est le dépositaire de la vérité transmise par Abraham et Isaac qui se manifeste à lui comme unité de la Torah orale de ses pères.
Et à la fin du songe Jacob n’est plus cet instable dont les pensées montent et descendent dans le ciel des idées. Il se réveille avec une seule pierre bien solide sous la tête sur un sol bien solide et une promesse de Dieu. « Je suis l’Éternel, le Dieu d’Abraham ton père et d’Isaac ; cette terre sur laquelle tu reposes, je te la donne à toi et à ta postérité. Elle sera, ta postérité, comme la poussière de la terre ; et tu déborderas au couchant et au levant, au nord et au midi » et cette promesse de bonheur à un homme hier insécurisé ne le concerne pas seulement lui mais elle vise selon un dessein mystérieux « toutes les familles de la terre seront heureuses par toi et par ta postérité. » Et selon une belle image psychologique, l’Éternel, « le Dieu d’Abraham ton père et d’Isaac » ne se révèle pas comme un parent abandonneur mais comme celui qui dit : « je ne veux point t’abandonner ». L’insécurisé, l’orphelin, la victime de sa fratrie -comme le sera de nouveau Joseph en Egypte, est choisi pour écrire l’histoire et s’y engager non pas en rêve mais en réalité, celui qui accompagne l’histoire et donne une terre bien concrète à Jacob et à sa postérité. L’Eternel se révèle comme celui qui donne un pôle magnétique au nomade déboussolé. « Oui, je suis avec toi; je veillerai sur chacun de tes pas et je te ramènerai dans cette contrée »… et une terre. Et Rachi, toujours dans le détail concret commente avec le talmud :
« Sur laquelle tu es couché » Le Saint béni soit-Il a rassemblé sous lui le sol de tout Erets Israël, lui suggérant ainsi que ses enfants le conquerraient avec autant de facilité qu’une parcelle de quatre coudées, dimension qui représente la place occupée par un homme couché (TB Houlin 91b). »
Son rêve qui le rappelle à la vocation d’Israël de s’élever au-delà du matériel pour y redescendre semble le réunifier, lui rendre son unité intérieure, son chalom, sa refoua chléma. De cette fragilité structurelle qui va bientôt en faire une proie facile pour un Laban rompu à toutes les perversions (Jacob va épouser deux sœurs, les deux filles de Laban, ce qui est formellement interdit par la Torah !).
Louz, la ville où l’on ne mourait jamais
Le second indice que nous donne la Torah est la ville de Louz.
Juste après le songe où il a vu des anges monter et descendre d’une échelle et son réveil et l’onction « messianique » (le messie c’est l’oint) de la pierre, « Il appela cet endroit Béthel; mais Louz était d’abord le nom de la ville. » (Gn 28, 18-19). Pourquoi Louz ?
Le Talmud nous dit que dans la ville de Louz les habitants étaient immortels et que lorsqu’ils étaient fatigués de vivre ils décidaient de mourir :
« Et l’homme est entré dans le pays des Hittites, et a construit une ville, et l’a appelé du nom de Louz: ce qui en est son nom jusqu’à nos jours.[…] C’est cette Louz contre laquelle Nabuchodonosor marcha sans la détruire, et même l’ange de la mort n’a pas la permission de la traverse. Quand les vieillards y sont fatigués de la vie, ils sortent hors de murs et y meurent » (TB Sotah 46b).
Et ailleurs dans le traité Sanhédrin il est dit :
« Raba a dit : Avant je pensais qu’il n’y avait pas de vérité dans le monde. Sur quoi un des Rabbins, au nom de R. Tabuth – dit aux autres, au nom de R. Tabyomi – que, même s’il recevait tous les trésors du monde, il ne mentirait pas, et il m’a raconté qu’il alla une fois en Lieu appelé Kushta, dans lequel personne n’avait jamais raconté de mensonges, et où aucun homme n’était jamais mort avant son heure.
Maintenant, il épousa une de leurs femmes, de qui il eut deux fils. Un jour, sa femme était assise et se lavait les cheveux, quand un voisin est venu et a frappé à la porte. [Son mari] se disant en lui-même qu’il serait malvenu [de lui dire que sa femme se lavait], il a crié: « Elle n’est pas là ».
[En punition pour cela], ses deux fils sont morts. Alors les gens de cette ville sont venus à lui et l’ont interrogé, Quelle est la cause de cela ?’ Il leur a raconté ce qui s’était passé. « Nous te prions, répondirent-ils : ‘‘quitte cette ville et n’incite pas la mort contre nous’’». (TB Sanhédrin 97a)
Dans un texte fascinant, le Zohar raconte :
« Il existe, dans le monde habité, une ville où l’ange ‘‘exterminateur’’ n’a aucun pouvoir, où il n’est pas autorisé à pénétrer ; les gens qui y habitent ne meurent que lorsqu’ils en sortent… Tous ses habitants meurent comme les autres êtres humains, mais en dehors de la cité. Pourquoi l’ange exterminateur ne peut-il y exercer son pouvoir ? On peut penser qu’elle n’est pas dans son domaine. Nenni ! En Terre Sainte elle-même, où nul autre pouvoir ne s’exerce, les gens meurent. Ce n’est pas non plus à cause de la sainteté du lieu, puisqu’il n’existe point, au monde, de lieu plus saint que la Terre d’Israël; et ce n’est pas grâce aux mérites de son bâtisseur puisque bien d’autres hommes en ont de plus grands. R. Isaac dit : ‘‘ Je n’ai jusqu’ici rien entendu sur ce sujet et je n’en dirai rien ’’. Ils se rendirent chez R. Shimon et sollicitèrent son explication. Il leur dit : ‘‘ Il est exact que ce lieu échappe à l’empire, à l’influence de l’Ange de la mort et le Saint Béni-Soit-Il refuse que quiconque puisse jamais y mourir. Ne croyez du reste pas qu’on mourait en ce lieu avant que la ville n’y fut bâtie. Non point ! La vérité est que, depuis la création du monde, le destin de ce lieu fut fixé et il fut proclamé qu’on n’y périrait point. Il y a là un immense mystère, le mystère des mystères, pour ceux qui méditent le mystère de la Sagesse. En effet, quand le Saint Béni-Soit-Il créa le monde, Il le fit à l’aide du pouvoir mystérieux des lettres. Celles-ci se déroulèrent devant Lui (Zohar I, 204a).et Il créa le monde en dessinant le Nom Saint. Elles se présentèrent devant Lui, en ordres divers et sous des figures variées, pour participer à cette création du monde, à sa manifestation et à sa mise en œuvre. Le Saint Béni-Soit-Il ordonna que cette mise en œuvre (‘asiyah) s’achevât avec la lettre yod. La lettre tet se trouvait alors au-dessus de ce lieu-là (Louz), suspendue dans les airs. » (Zohar)
Pourquoi la ville de « Louz » ? Louz est l’autre nom de Beith-El, cette « maison de Dieu » où eu lieu le songe de Jacob (Gn 38, 19)… mais louz signifie aussi « l’amandier » en hébreu appelé aussi shaqed. L’amandier et sont fruit l’amande sont des symboles de renaissance :
« Or, Jacob se pourvut de rameaux verts de peuplier, d’amandier (louz) et de platane; il y pratiqua des entailles blanches en mettant à découvert la blancheur des rameaux» (Gn 30, 37)
« La verge d’Aaron, pour la maison de Lévi, avait fleuri, elle avait poussé des boutons, produit des fleurs, et mûri des amandes (Shaqed). » (Nb 17, 8)
« La parole de l’Eternel me fut adressée, en ces mots : Que vois-tu, Jérémie ? Je répondis : Je vois une branche d’amandier (Shaqed). » (Jr 1, 11)
L’amandier est cet arbre qui fleurit le premier à Tou Bichvat, le nouvel an des arbres, signifiant la fin de l’hiver et l’arrivée du printemps en Israël.
Louz désigne aussi la vertèbre cervicale, cet os indestructible par lequel débutera la résurrection du corps selon le Midrach (Lévitique Rabbah, 18 ; Ecclésiaste Rabbah, XII, 5), et le Zohar (I, 137a et III, 122a).
Jacob renomme l’ancienne Louz Beit El, la maison de Dieu. Un lieu comme la ville de Louz où les gens ne meurent jamais car ils mentent pas.
Quand Maïmonide définit Dieu au début du premier chapitre du Livre de la Connaissance il le définit d’abord comme « Etre premier » dans la tradition aristotélicienne la plus classique : Dieu est « premier moteur » capable d’ex-ister c’est-à-dire d’ex-sistere, sortir de soi. Lui seul « continuera à connaitre l’existence et ne cessera d’être du fait de la suppression de tous les autres objets ». Cet ‘existentialisme médiéval’ est précisé dans sa quatrième proposition et devient le cœur de son argumentation qu’il ne lâchera plus. Ce qui caractérise vraiment Dieu n’est pas un argument ontologique mais de l’ordre de la parole :
« Sa vérité n’est la vérité d’aucun d’eux et c’est là ce qu’entend le prophète lorsqu’il dit : « Le Seigneur Dieu est vérité » (Jr 10, 10) Adonaï elohekhem emet. En d’autres termes c’est lui seul qui est vérité et nul autre n’a de vérité semblable à la sienne, comme l’indique le verset : « Il n’en est pas d’autre que Lui » (Dt 4, 35) ; entends par là qu’il n’existe en dehors de lui aucun être qui lui soit comparable siu sle rapport de la vérité » : (Moïse Maimonide, Livre de la Connaissance Première section : les principes fondamentaux de la Loi, I, IV).
Toute conversation humaine présuppose une vérité possible. Par analogie Dieu est Vérité et c’est cette vérité venue des cieux dont Jacob a été le témoin.
Le rêve de Jacob
Jacob est le prototype du juif insécurisé, déstabilisé, instable au sens propre. Il a peur d’Esaü qui a dit : « je tuerai mon frère Jacob ». Esaü est le symbole du monde cruel et sans humanité des Nations. Et comme Jacob est angoissé déstabilisé, instable il se met à rêver. Nous rêvons la nuit quand nous sommes déstabilisés. C’est dans ce songe que l’Eternel lui apparaît pour la première fois. Le rêve fait office de révélateur : « Assurément l’Eternel est présent dans ce lieu et moi je l’ignorais » (Gn 28, 17).
Jacob fit un rêve : « Et voici une échelle posée sur le sol et son sommet arrive au ciel, et voici des anges de Dieu montant et descendant sur elle. Et voici que l’Eternel se dresse sur son sommet et lui dit : ‘‘La terre sur laquelle tu dors à toi je la donnerai et à ta descendance. Et voici je suis avec toi je te protégerai là où tu iras et je te ramènerai sur cette terre.’’ » (Gn 28, 12-13)
L’échelle où l’on monte et descend c’est la parabole de notre propre vie, de l’histoire du peuple d’Israël. Un jour en haut un jour en bas, un jour riche, un jour pauvre, un jour sur sa terre, un jour exilé…
Obadia Sforno (exégète et médecin du 15è – 16è siècle) interprète ce « montaient et descendaient » en disant :
« Car en vérité, en fin de compte, les nations après avoir atteint des sommets, en descendront, et D.ieu Béni soit-Il qui existera toujours, n’abandonnera pas son peuple (le peuple juif) selon la parole du prophète Jérémie, (Jr 30, 11) en disant : « Dussé-je détruire de fond en comble tous les peuples parmi lesquels je t’aurai dispersé, que toi, je ne te détruirai pas ».
Jacob c’est tout Israël qui est dispersé exilé de sa terre, poursuivi sans cesse, insécurisé, comme Jacob qui fuit au bout de la Syrie, nous, nos parents, nos descendants, de génération en génération. Les empires perses, babyloniens, assyriens, grec, romain… sont des illusions ils « montent et descendent », bâtis sur la puissance et la force ils s’épanouissent à leur apogée avant de s’écrouler.
Le livre de la genèse est très riche en rêves. Mais ils ne sont pas de même nature. On peut les classer en deux catégories. Dans la première, l’Eternel apparaît et parle au dormeur, ( Gen. 20,31) dans la deuxième, le dormeur est en présence d’une scène, sous-tendue par un message. C’est dans la deuxième catégorie que l’on peut classer les rêves de Pharaon, de son échanson et son panetier et enfin les rêves de Joseph. L’interprétation de ces derniers est plus ardue que les rêves figurant dans la première catégorie. Cependant, même dans le rêve de Jacob, nous avons la présentation de l’échelle qu’il convient d’interpréter.
Nos Sages ont relevé dans la manifestation du rêve de Jacob, une expression qui revient par trois fois. Il s’agit du Véhiné « et voici » répété trois fois : « Et voici qu’une échelle était dressée sur la terre et son sommet touchait le ciel […] Et voici que des anges de l’Eternel y montaient et y descendaient. […] Et voici que l’Eternel se présente sur elle (l’échelle.) »
Le Midrache Tanhouma explique :
« Et voici que des anges de l’Eternel montaient et descendaient. Il s’agit des protecteurs des peuples idolâtres. L’Eternel avait montré à Jacob le protecteur de Babel qui, après avoir escaladé soixante-dix échelons, redescendait. Jacob vit ensuite, le protecteur des Mèdes monter cinquante-deux échelons et redescendre, puis il assista à la montée du protecteur d’Edom sans pouvoir compter les innombrables échelons qu’il gravissait. Il montait, montait et ne redescendait pas. Jacob, pris de peur, s’écria : « Est-ce que celui-là ne redescendra pas ? L’Eternel lui cita alors les paroles du prophète Jérémie : « N’aie pas peur, mon serviteur Jacob, ne tremble pas, Israël. Même si tu le voyais monter jusqu’au sommet, même si tu le voyais s’asseoir à mes côtés, de là je le ferai descendre ainsi qu’il écrit (Obadia I ) : « Même si tu montes comme l’aigle et construis ton nid parmi les étoiles, de là je le ferai descendre, ainsi parle l’Eternel.
On se demande vraiment ce que tout cela vient faire dans le rêve de Jacob. Quel rapport existe-t-il entre le rêve et les futures civilisations qui marqueront l’histoire, et qui disparaîtront l’une après l’autre ? C’est que pour le Midrach, Jacob ne représente pas l’individu Jacob, mais tout le peuple d’Israël. Jacob est justement en route pour jeter les fondations de la maison d’Israël. L’errance de Jacob est celle de tout le peuple, face à des civilisations brillantes qui le mettent en danger. Aucune civilisation n’a pu souffrir la présente d’Israël. Pour la simple raison qu’il a toujours constitué un témoin gênant. Le Midrach veut nous assurer de la pérennité du peuple qui sera fondé par Jacob. Israël assistera à l’apparition de nombreux empires. Puis à leur déclin. Il a vu la splendeur de la civilisation égyptienne qui avait dominé le monde. Mais c’est lui qui a continué l’histoire. Il a vu la puissance de la civilisation assyrienne, qui a fait disparaître dix tribus. Mais les deux qui survécurent ont vu sa chute. Puis vint la civilisation babylonienne qui a détruit le temple et exilé la moitié du peuple. Mais c’est encore Israël qui a traversé la tourmente en restant vivant. Vint l’Empire perse qui accabla Israël en lui imposant des lourds tributs. Israël s’acquitta de ces tributs, et il enterra la Perse qui laissa la place à la Grèce qui a submergé le monde, et dont la civilisation est toujours présente. A la Grèce, succéda Rome, le Edom du rêve de Jacob. Civilisation brillante, avec de grands philosophes, mais qui n’avaient strictement aucune influence sur la masse des peuples qu’elle dominait.
Tous ceux qui montent l’échelle sont condamnés tôt ou tard à redescendre pour faire place à d’autres, image saisissante de toutes les civilisations antiques et modernes qui s’édifient sur les ruines de leurs prédécesseurs. Cette échelle sera remplacée, à la fin des temps, par « la montagne de l’Eternel qui dépassera toutes les autres montagnes et vers laquelle afflueront fraternellement tous les peuples » (Is 11)
Le songe de Jacob, contrat avec Israël
Le Midrach et le Zohar voient dans ce que dit Dieu à Jacob l’objet d’un véritable contrat en 3 points entre l’Eternel et Israël personnifié par Jacob :
- Je suis avec toi »: C’est le premier commandement, « Je suis l’Eternel ton Dieu ». Dans les deux cas la Torah utilise le mot Anokhi. Ce contrat entre l’Eternel et Israël garantit la pérennité de ce dernier.
- « Je te protégerai là où tu iras » : Pour la Tradition, cet article fait allusion à l’exil d’Israël. Celui-ci dans ses nombreux exils a failli disparaître. Son existence a toujours constitué une énigme de l’histoire. Un peuple dispersé aux quatre coins du monde, sans langue commune, sans terre, sans unité, réunissait toutes les conditions pour disparaître. Mais grâce à l’alliance contractée avec l’Eternel, et le premier article du contrat, il a survécu en propageant le message divin. C’est ce qu’explique le troisième article.
- « Je te ramènerai sur cette terre. » : Cet article a vu son application une première fois en -536, quand Israël quitta la Babylonie sur l’édit de Cyrus le grand, pour retourner dans son pays ancestral. Il s’est réalisé en 1948, après deux mille ans d’exil. L’Etat d’Israël a été de nouveau créé. Il se réalisera lors de la géoula, la délivrance finale quand nous reviendrons tous à Jérusalem.
Les Prophètes d’Israël ont compris ce contrat comme une promesse de rester en vie à travers les « pannes de l’histoire » :
« Non, toi, tu n’as rien à craindre, mon serviteur Jacob, dit l’Eternel, car je serai avec toi. Dussé-je détruire de fond en comble tous les peuples, parmi lesquels je t’aurai relégué, que toi, je ne te détruirais pas. Je te frapperai avec mesure, mais n’aurai garde de consommer ta ruine. » (Jr 46, 28)
Eux qui ont vécu dans des siècles d’invasion de déportation et de grandes angoisses, alors qu’Israël était un « vermisseau de Jacob, Faible reste d’Israël » (Is 41, 14) décrivant l’angoisse fondamentale d’Israël dans l’histoire.
La vie de Jacob, la vie d’un juif ordinaire
La suite de la Paracha après le mariage avec Léa substituée à Rachel par Laban puis le mariage avec Rachel est une véritable description :
« Jacob se remit en chemin et alla vers la terre des enfants de l’Orient. II vit un puits dans les champs et là, trois troupeaux de menu bétail étaient couchés à l’entour, car ce puits servait à abreuver les troupeaux. Or la pierre, sur la margelle du puits, était grosse. Quand tous les troupeaux y étaient réunis, on faisait glisser la pierre de dessus la margelle du puits et l’on abreuvait le bétail, puis on replaçait la pierre sur la margelle du puits. Jacob leur dit: ‘‘Mes frères, d’où êtes-vous?’’ ; Ils répondirent: « ‘‘Nous sommes de Haran.’’ II leur dit: ‘‘Connaissez-vous Laban, fils de Nahor?’’. Ils répondirent : ‘‘Nous le connaissons.’’ Il leur dit: ‘‘Est-il en paix?’’ ; Et ils répondirent: ‘‘En paix; et voici Rachel, sa fille, qui vient avec son troupeau. […] Mais, reprit-il, ‘‘le jour est encore long, il n’est pas l’heure de faire rentrer le bétail: abreuvez les brebis et les menez paître’’. Ils dirent: ‘‘Nous ne saurions, jusqu’à ce que tous les troupeaux soient rassemblés: on déplacera alors la pierre qui couvre l’orifice du puits et nous ferons boire les brebis. »
Le juif c’est celui qui construit comme Jacob, des puits pour les autres, le juif c’est celui qui enlève la pierre alors que tout le monde dit « on attend », Et il répond : « mais il n’y a qu’à lever la pierre ». Le juif c’est l’homme ou la femme qui utilise son intelligence face à un problème. Et face de Laban l’entourloupeur, le menteur qui contre sa propre parole remplace la nuit Rachel par Léa en prétextant ensuite une loi rétroactive contre ses engagements : « Ce n’est pas l’usage, dans notre pays, de marier la cadette avant l’aînée. ». Le juif c’est celui qui ne se tait pas : Velama rimitani ? « Pourquoi m’as-tu trompé ? »
Le juif c’est celui qui utilise son intelligence pour survivre et pour donner à boire à tout le monde. Par son intelligence, Jacob va répondre à la situation chez Laban. Il réfléchit et trouve un stratagème. Il dit à Laban dont l’entourloupe est une seconde nature : « à partir de maintenant les moutons à taches et à rayures seront à moi et ceux sans taches à toi » l’autre lui répond : « D’accord » bien persuadé que Jacob n’aura pas une seule bête puisqu’il n’a jamais vu de sa vie une bête tachetée ou à rayures… Mais Jacob place au fond de l’abreuvoir des bandes et des points… et les agneaux et les brebis mettent bas des agneaux avec des points et des tâches…il vient d’inventer la génétique! Aujourd’hui les psychologues ont découvert qu’une mère qui mange certains aliments, qui vit dans une ambiance, la transmet à son enfant dés le ventre. C’est ce que fait Jacob. Le juif c’est celui qui n’accepte pas le robinet d’eau tiède de la médiocrité.
Le juif c’est celui qui donne toute sa place à sa femme, ne pas prendre de décision sans l’avoir consulté comme Jacob consulte Léa et Rachel « Voilà ce que votre père m’a fait qu’en pensez-vous ?». Si nous ne magnifions pas nos femmes que nous ne leur donnons pas toute leur place elles perdent 90% de leur énergie constructive, nous les stérilisons.
Elle dit alors : « Voici ma servante Bilha, approche toi d’elle; elle enfantera dans mes bras, et, par elle, moi aussi je serai mère. » Elle lui donna Bilha, son esclave, comme épouse et Jacob s’approcha d’elle. Bilha conçut et enfanta un fils à Jacob. Rachel dit alors: « Le Seigneur m’a jugée et il a écouté ma voix aussi en me donnant un fils.
Rachi souligne que le targoum traduit veibané gam-anori (« et j’enfanterai moi-aussi ») par : « Et je bâtirai moi aussi ».
Pourquoi « aussi » (gam) ? Voici ce qu’elle lui a dit : « Ton grand-père Avraham a eu des enfants de Hagar, et il a ceint ses reins [c’est-à-dire a imploré Dieu] pour Sara ». Ya’aqov lui a répondu : « Ma grand-mère avait fait entrer sa rivale dans sa maison ! ». Elle lui a répliqué : « Si c’est là le seul obstacle, voici ma servante… “et je bâtirai moi « aussi » par elle”, Et je bâtirai moi aussi par elle « comme Sara » (Berechith rabba 71, 7). Le juif c’est celui qui aide sa femme à construire.
Parler à sa femme, à ses enfants, prendre du temps avec eux c’est cela les construire au lieu de toujours penser à soi. « Eduquer » à la même racine que « construire » en hébreu. Et ben (le fils ) et eben (la pierre) sont des homonymes.
Le juif ne se satisfait pas d’une situation, il dit « on peut changer cela par notre intelligence » ; Jacob va voir Léa et Rachel, « on peut changer cette situation ». Il ne dit pas mektoub, c’est écrit. Le Pirkei Avot dit :
Et les Tables de la Loi étaient l’ouvrage de D.ieu et l’écriture était l’écriture de D.ieu, gravée [‘harout] sur les Tables. Ne lis pas ‘harout [« gravé »], mais ‘hérout [« liberté »], car il n’est d’homme libre que celui qui se consacre à l’étude de la Torah. Et celui qui se consacre à l’étude de la Torah en acquiert une élévation, car il est dit : De Matanah [« la Torah donnée en cadeau »] à Na’haliel [« l’héritage de D.ieu »] et de Na’haliel à Bamot [« les sommets »]. »(Pirkei Avoth 6, 2)
Rien n’est écrit tout dépend de notre liberté. Si tu es malade, si tu es bête, si tu es mauvais ce n’est pas Dieu qui fait cela. C’est de ta responsabilité. Réfléchis, cultive toi, invente, étudie : « Tout est entre les mains de Dieu… sauf la crainte de Dieu » dit la Mishna Avot. (TB Berakhoth 33 b.).
L’homme possède l’entièreté de son libre arbitre, la liberté absolue de choisir un chemin ou un autre. Voilà l’enseignement de Jacob-Israël.
C’est donc bien le nom d’Israël qu’il faut lire chaque fois qu’on parle de Jacob. Une expression juive dit : Loulé Ashem aya Lanou Yom arna israël « S’il n’y avait pas le nom de Dieu on aurait dit Israël… une phrase incompréhensible en traduction sans guematria. Car « Avraham » = 5, sa femme Sarah = 3, Itsrak = 4, Rebecca = 4, Iaakov = 4, Lea = 3, Rachel = 3. La somme des valeurs des noms des Patriarches et des Matriarches en gématrie égale 26, soit la somme de la valeur des lettres du nom de Dieu.
Ma’aseh avot siman levanim
Tout ce qui arrive à Jacob arrive à Israël. Jacob après un exil de vingt ans est retourné dans son pays conformément à la promesse de l’Eternel. Israël, après un exil de deux mille ans, est lui aussi retourné dans son pays, conformément à ce que dit la Torah : « Je me souviendrai de l’alliance…avec Jacob, je me souviendrai de ce pays » ( Lv 26,42) Le Midrach ajoute :
« Tout le temps que le Saint-béni-soit-Il rappelle les ancêtres Il n’oublie pas de mentionner le pays d’Israël avec eux. » (Lv Rabba, 36,4)
Ma’aseh avot siman levanim, « Les actes des pères sont un signe pour les enfants ». Cette expression rabbinique à un premier sens, elle dit que ce que les ancêtres ont fait devrait être une exemple pour nous , leurs enfants. Abraham est généreux avec ses mystérieux invités, nous devons faire de même ; Isaac fidèle à l’entreprise de son père au bénéfice de tous juifs et non-juifs, recreuse les puits de son père et boit à la même source matérielle et spirituelle, le juif fait de même, Isaac part en exil chez des païens (Laban) plutôt que de rester chez des pervers en Canaan, le juif doit faire de même… etc… en bref , les ancêtres et leurs familles servent de modèles éthiques et moraux à imiter.
Un deuxième sens de cette expression, plus profond, développé par Nahmanide (Ramban sur Berechit 12, 6) affirme que ce concept doit être compris de manière historique: Kol mah shé’ira laavot siman labanim (Maassé avot siman lebanim) – « Tout ce qui est arrivé aux pères (les patriarches) est un signe pour les fils »: Ce qui est arrivé aux patriarches nous arrive à nous ses enfants. Et Nahmanide citant le Berechit Rabba qui commente la descente d’Avraham et Sarah à Egypte (Ramban / Berechit Rabbah sur Genèse 12, 10-20) dit qu’il existe de nombreux parallèles entre leur aventure et l’exil des juifs en Egypte bien des siècles plus tard… . la famine qui entraîne Abraham et sa famille en Égypte et un événement semblable à celle qui entraîne Yaacov et sa famille là-bas. Avraham craint que les Egyptiens veulent le tuer et laisser Sarah vivante sera réalisé comme en échos dans l’histoire lorsque Pharaon décrète que les bébés de sexe masculin doivent être noyés dans le Nil et les filles autorisés à vivre…
Sens allégorique et réalisation historique du Ma’aseh avot siman levanim donc. Les juifs vivent collectivement ce que les patriarches ont vécu de manière individuelle : Jacob qui va bientôt devenir Israël, cette histoire c’est celle d’Israël. Et c’est pour cela que chaque fois que la Torah parle de Jacob elle parle de chacun de nous. En toutes circonstances le Juif doit avoir présent à l’Esprit la présence de la Providence qui guide et protège Israël. Celui-ci ne doit jamais sombrer dans le désespoir à partir du moment où il a foi en ce contrat entre Israël et son D. Ce contrat est résumé dans un verset des psaumes : chiviti Adonaï lénégdi tamid « Je fixe l’Eternel constamment, en face de moi »
Puisque Jacob bénéficie de la promesse de D. d’être à l’abri de la disparition, comment comprendre sa réaction disant : « Si Dieu est à avec moi, me protège sur ma route, me donne du pain à manger et de quoi m’habiller, et que je retourne en paix dans la maison paternelle. Alors l’Eternel sera mon Dieu » (Gn 28, 19). Nos Sages expliquent qu’il ne s’agit pas ici de condition posée par Jacob pour croire. Bien au contraire, Jacob ne demande ni la richesse ni la gloire, mais se contente de peu : Du pain et un habit. Il ne réclame pas plus, cela lui suffit pour confier sa destinée entre les mains de l’Eternel.
[1] Morphée est une divinité grecque du sommeil et des rêves prophétiques.