Maccabbi Games 2015, La chute du mur de Berlin

Soixante-dix ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, Berlin accueille  plus de 2.000 athlètes pour les 14e European Maccabi Games, les Olympiades juives, sur les lieux des Jeux nazis de 1936.


Berlin

Berilin 2

Ce soir à Berlin  La flamme est portée dans le stade par des motocyclistes,ayant fait le chemin depuis Israël en traversant l’Europe, comme le firent les motards pour annoncer la première compétition des Maccabiades en Israël (Palestine mandataire de l’époque) en 1932.

Fabrice Madar, Vice-président France de Maccabi : « Ich bin ein Berliner »

Ich bin ein Berliner » (« Je suis un Berlinois ») avait dit John Fitzgerald Kennedy dans son discours lors de sa visite à Berlin-Ouest le 26 juin 1963, à l’occasion des quinze ans du blocus de Berlin. C’est ce que déclare de soir Fabrice, un de piliers de notre communauté qui concourt là bas avec tous ses amis. Nous sommes très fiers de lui !!! AZAK FABRICE ! !!

Fabrice

Les joutes compteront 19 épreuves, du football aux échecs en passant par le tennis, le basket, la natation, le bowling, l’escrime ou le bridge, mais aucune des épreuves d’athlétisme classique sur stade.

Aujourd’hui 70 ans après, les Olympiades juives se déroulent dans le grand stade créé par les nazis. Pied de nez de l’histoire et moment historique. C’est un second mur de Berlin qui tombe. Hitler, que sa mémoire soit effacée, doit se retourner dans sa tombe

Coucou Adolf, nous revoilà…

Car les nazis avaient particulièrement soigné  la préparation des Jeux d’été de 1936, qui se déroulèrent du 1er au 16 août. Un immense complexe sportif fut construit, des drapeaux olympiques ainsi que des drapeaux à croix gammée ornaient les monuments et les bâtiments d’un Berlin en fête et bondé. La plupart des touristes ne savaient pas que le régime nazi avait provisoirement enlevé les panneaux antisémites ni que le ministère allemand de l’Intérieur venait d’organiser une rafle de Tsiganes à Berlin. Les efforts de la propagande se poursuivirent bien après les Jeux, avec la sortie internationale en 1938 des Dieux du Stade, de Leni Riefenstahl.

JO 1936

Dans le Stade Olympique, les spectateurs allemands saluent Adolf Hitler lors des 11èmes Jeux Olympiques. Berlin, Allemagne, août 1936.
Dans le Stade Olympique, les spectateurs allemands saluent Adolf Hitler lors des 11èmes Jeux Olympiques. Berlin, Allemagne, août 1936.

Le mouvement Maccabi est né au XIXe siècle, à l’initiative de juifs berlinois,  d’inspiration sioniste, visait à permettre aux juifs exclus de quantité d’associations sportives de développer leur goût du sport. La fédération Maccabi a organisé les premiers Jeux olympiques européens en 1929 à Prague, et les premiers JO internationaux en 1932 en Israël.

A l’époque Berlin était une plaque tournante de la communauté juive, comptant 170 000 personnes. Aujourd’hui, la ville compte une communauté de 10 000 personnes, pour la plupart qui ont fui la Russie et le bloc de l’Est après la chute du Mur.

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, s’est dit « fier et reconnaissant » de la « confiance » témoignée à l’Allemagne par les organisateurs de ces Olympiades, alors que choisir Berlin était à ses yeux « tout sauf évident » pour des athlètes juifs. Le cinquantième anniversaire des relations diplomatiques entre Israël et l’Allemagne, fêté cette année, « n’a été possible que parce qu’Israël nous a tendu la main de la réconciliation, et parce que l’Allemagne a assumé sa responsabilité dans l’Holocauste », a-t-il ajouté dans un communiqué.

Des milliers de juifs assis dans son stade construit pour célébrer la gloire de la race aryenne en train de chanter Am Israël haï,  » Le peuple d’ Israël est vivant  » : Le pire cauchemar d’Hitler ! Comme disait le titre du film commandé par la propagande nazi à  Leni Riefenstahl… « Les Dieux du stade » !

Allez une petite chanson de Léonard Cohen pour finir  : First we take Manhattan, then we take Berlin

Ici la cérémonie en live : http://www.hauptstadtsport.tv/emg2015

Tisha be Av 5775 : Le jour où les juifs ont quitté la France

Je suis venu te dire que je m’en vais…

Hier j’ai passé Shabbat chez des amis qui font leur Alyah. Il est chef d’entreprise, elle a trois enfants. La joie de les voir partit à Jérusalem et en même temps la tristesse de les perdre. C’était un sentiment paradoxal car Shabbat est un jour de réjouissance et Tisha beAv qui célèbre la destruction du Temple est un jour de deuil. Le jeune a été reporté aujourd’hui à cause de l’interdiction de jeûner et d’être triste à Shabbat. La joie et les pleurs mêlés.

jerusalem-stones

Ce sont les meilleurs d’entre nous qui quittent la France. Pourquoi ? Parce que lorsque nous ne pouvons plus aller prier sans qu’un car de CRS  armés jusqu’aux dents monte la garde devant la synagogue, parce que lorsque j’amène ma fille au centre aéré… nous traversons un premier rang de militaires de la République puis le service d’ordre juif. Merci à eux de tout coeur. C’est vrai que les enfants font des cauchemars.

Et mes amis ont terminé avec ce cri du coeur : « Mais quel avenir pouvons nous construire pour nos enfants, ici c’est fini ? « … « Et tout le monde s’en fout…la situation ne fait que se dégrader, les juifs s’en vont et ceux qui rentrent en Europe ne sont pas les plus brillants esprits…. on n’est pas en Amérique…  »

C’est la deuxième famille de mes amis juifs proches qui part. Les autres sont partis en avril, tous les deux médecins spécialisés. Ils ne voyaient plus d’avenir pour eux en Europe. Oui des médecins spécialisés ! On importe quoi à  la place des futurs Mohamed Merah ou Amedi Koulibali ?

Des amis à Sarcelles (Ils y vivent depuis 1962) : « Au début on s’est dit que juifs venus du Maghreb et musulmans on était tous des fils d’Abraham venus du monde arabe, on vivait ensemble en frères, maintenant il n’y a pas un gamin en dessous de 25 ans ici qui ne croient que l’Algérie va conquérir la France… le rêve est fini »

Même si je dois bien l’avouer j’ai aussi rencontré des gens plus modestes, un taxi à Strasbourg qui est parti à Tel Aviv, le seul qui n’était pas arabe à la gare ! Il avait déjà quitté l’Algérie en 62 ! Mais c’est vrai un taxi c’est un entrepreneur. Et  la France déteste AUSSI les entrepreneurs.

J’essaie chaque fois d’expliquer que la sécurité à Tel Aviv ou Jérusalem est toute relative.Je le sais j’ai parcouru tout le West Bank.

« Oui, mais au moins là bas on sait ce qu’on risque, le Shin Bet est un des meilleurs services du monde et ils se préparent, font l’armée… en France tout le monde dort, et les français s’en fichent, ils dorment… on constate les attentas, et maintenant les égorgements… à postériori, on a peur « .

Alyah9 à 10 000 juifs quitteront le territoire français en cette année 2015;  3000 rien que cet été, peut être 100 000 dans les 10 prochaines années ? (ils sont déjà 200 000 en Israël soit 25% des juifs vivant en France) avec des retours estimés, faute d’études précises, à 7 à 8%. C’est beau mais c’est triste aussi.
Lisez Alyah d’Eliette Abécassis, tout est raconté très simplement sans exagération avec beaucoup de sensibilité. Vous l’avez vu sur un plateau télé au 20h de TF1 Eliette ? Avant on l’invitait parce qu’elle a des tas de choses à dire. C’est quelqu’un qui réfléchit, pas une excitée. Mais là on n’en entend pas parler, parce que les français se taisent, beaucoup à gauche adoptent déjà la rhétorique inversée des islamistes : « Entre les islamistes et la démocratie les torts sont partagés… On les a bien colonisés… Les juifs sont les nazis des palestiniens qui sont les juifs du 21e siècle, etc… » (sic! ). Tout cet habillage n’est que celui de leur démission. Ils ont peur eux et ils rasent les murs. Alors les journalistes qui ne sont jamais que la voix de la France se taisent; ça fait partie de ces sujets dont on ne parle pas dans un dîner en ville si on est bien élevé.

L’agneau appelle le loup. En début d’année je voyais déjà Marine à l’Elysée et cette peur m’a gagné, Je me suis dit que je devais partir à Miami (30 000 dollars d’avocat sans garantie de carte verte pour siroter des daikiri au bord d’un piscine entouré de vieux) ou à Montréal (6 mois de vie sous terre par an), j’ai sérieusement étudié comment. Et puis je me suis dit que mes deux grand pères étaient morts en 40 que ma mère était pupille de la nation à 4 ans. Je suis juif mais aussi Corse et nous en Corse on meurt les armes à la main. Populu armatu populu rispetatu. Bon  ce n’est pas la solution non plus. Je suis pris entre le « qui vit par le glaive périra par le glaive » et le Talmud bien plus réaliste : « si quelqu’un vient te tuer, lèves toi et tue le ! « . Tu dois protéger ta vie. Mais après tout il y a plus grave que la peur : la peur d’avoir peur.

Un juif ne craint que D. Je reste. Am Israël Haï. En Galout ou en erets.

Après un Espagne sans les juifs, une France sans juifs ?

Comparaison n’est pas raison et l’histoire ne bégaie pas mais elle reste malgré tout maîtresse d’expérience. L’expulsion des juifs d’Espagne est hors de proportion avec celle des juifs de France. Mais je me suis rappelé que nos ancêtres avaient fui l’Espagne face à l’édit d’expulsion d’Isabelle la catholique et Ferdinand d’Aragon précisément la veille de ce 9 Av 1492 (31 juillet 1492).

Comme si l’histoire se répétait. Qu’ont gagné l’Espagne et le Portugal au départ des juifs puis des maurisques ? A la « Reconquista » de 1492 qui vit la chute de Grenade, les arabes et les juifs boutés du Royaume? Le Royaume de D. enfin chrétien ? Le « Siglo de oro », le bien nommé « Siècle d’or » dont l’apogée culmine sous Philippe II (1527-1598) qui règne sur un empire « où le soleil ne se couche jamais » c’est en réalité l’auri sacra fames. Cette maudite soif de l’or venu des Amériques a conduit à la conquête cruelle et brutale du Nouveau Monde et à la saignée de l’Afrique pour la traite des noirs. Mais paradoxalement, au lieu d’aboutir à la prospérité de l’Espagne… elle a conduit à sa ruine. En effet, l’Espagne percevait alors 25% de l’or qui passait par son territoire. Et pourtant les guerres de conquête moyennant de coûteux mercenaires et le train de vie de l’Espagne conduisent le roi Philippe II, protecteur du catholicisme, à s’endetter auprès de l’armée et de banquiers étrangers. Le royaume subit trois faillites, en 1557, 1575 et 1596. Avant de sortir de la scène de l’histoire au profit de la France de l’Angleterre et des Pays-Bas. (lire ici le détail de cette faillite). Un peu plus d’un demi siècle après l’expulsion des juifs, la faillite de l’Espagne était prononcée, comme une sorte de colère de D. Ci-gît l’Espagne qui pensait construire le pavillon témoin du Royaume de Dieu catholique sur terre et ne s’est jamais vraiment remis de ce délire messianique. Ca n’empêchera pas l’Allemagne de reprendre les même délires. En pire.

Les juifs quittent donc la France et peu semblent s’en émouvoir. « Qu’ils s’en aillent en Israël, avec leurs samedi chômé et tous ces trucs auquel on ne comprend rien !… Ils sont toujours en train de se plaindre ! … Il n’y en a que pour eux ! « … etc…

Ami français réfléchis. Juste cinq minute. En ce jour d’arrivée du tour de France !.. et de Tisha be Av.

Le paradoxe de Tisha beAv

Tisha be av

Aujourd’hui est jour de deuil. Nous nous rappelons de la destruction des deux Temples de Jérusalem en – 586 par Nabuchodonosor II et en l’an 70 par les romains. Un bain de pierres et de sang (500 000 morts un quart de la population de la Judée en l’an 70). On se rappelle la fuite d’Espagne et tous ces morts innocents. On jeûne, on enlève les tissus d’ornement à la synagogue. On ne porte pas de chaussures de cuir. On ne salue pas sauf discrètement les incultes et les non juifs pour ne pas les blesser. On évite les promenades. On a pas envie de rire. On vit dans la pénombre du deuil.

Tisha B'av, tableau de Leopold Horowitz, 1887
Tisha B’av, tableau de Leopold Horowitz, 1887

Etrange impression comme si le Temple détruit c’était nous mêmes. Comme si la destruction faisait aussi partie de la construction, de la vie. Ben et banaïr « enfant » et « construire » ont la même racine en hébreu. On n’élève pas un enfant, on le construit. On s’assoit par terre…

Une femme détenue dans le camp surpeuplé de Bergen Belsen racontait comment elle avait trouvé le squelette d’une chaise parmi les immondices. Cette chaise munie d’une planche était devenue une sorte de trône dans son baraquement pour ceux qui ne pouvaient vivre, ou plutôt mourir, que debout ou couchés sur des chalis exigus. Leur seule richesse sur laquelle ils s’asseyait à tour de rôle. Comme si la chaise était le début du symbolique, un commencement de maison et de construction au milieu des ruines.

On n’étudie pas car l’étude fait éprouver la simha Torah, la joie de la Torah. On ne dit pas les psaumes que je retiens sur les lèvres « au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions… comment pourrions nous chanter un air joyeux loin de Sion ? Jérusalem si je t’oublie que ma main droite m’oublie ». On lit les Lamentations de Jérémie, les kinot (élégies) qui racontent la suite de nos malheurs?. C’est un 9 Av que les juifs ont été pour la première fois de France en 1306. C’est à la même date qu’ils avaient été expulsés d’Angleterre en 1290. C’est aussi un 9 Av que Heinrich Himmler reçut l’ordre d’approbation de la Solution finale le 2 août 1941; c’est encore un 9 Av que commença la déportation de masse du ghetto de Varsovie en 1942. Les Kinot tirées des Lamentations de Jérémie 21, 14-16 ne sont pas des « jérémiades », elles ont de vraies raisons de pleurer :

 קוֹל בְּרָמָה נִשְׁמָע נְהִי בְּכִי תַמְרוּרִים–רָחֵל, מְבַכָּה עַל-בָּנֶיהָ; מֵאֲנָה לְהִנָּחֵם עַל-בָּנֶיהָ, כִּי אֵינֶנּוּ.  {ס} « Une voix retentit dans Rama, une voix plaintive, d’amers sanglots. C’est Rachel qui pleure ses enfants, qui ne veut pas se laisser consoler de ses fils perdus!
טו כֹּה אָמַר יְהוָה, מִנְעִי קוֹלֵךְ מִבֶּכִי, וְעֵינַיִךְ, מִדִּמְעָה:  כִּי יֵשׁ שָׂכָר לִפְעֻלָּתֵךְ נְאֻם-יְהוָה, וְשָׁבוּ מֵאֶרֶץ אוֹיֵב.  Or, dit le Seigneur, que ta voix cesse de gémir et tes yeux de pleurer, car il y aura une compensation à tes efforts, dit l’Eternel, ils reviendront du pays de l’ennemi.
טז וְיֵשׁ-תִּקְוָה לְאַחֲרִיתֵךְ, נְאֻם-יְהוָה; וְשָׁבוּ בָנִים, לִגְבוּלָם.  {ס} Oui, il y a de l’espoir pour ton avenir, dit le Seigneur: tes enfants rentreront dans leur domaine.

On sait que lorsque la Guéoula arrivera, le jour de Ticha bé-Av se transformera en jour de joie et d’allégresse. Le Messie naîtra un jour de Ticha bé-Av Le Maharal de Prague nous a enseigné que le mot Galout (l’exil, la dispersion, la dispora) a la même racine que Géoula, la Rédemption. On se rappelle de Rabbi Akiba qui éclata de rire en voyant un renard sortir du Kodesh akodashim détruit et de répondre à ses amis qui pleuraient que la destruction du Temple annonçait sa reconstruction. Celui qui ne prend pas part aux pleurs de la ruine de Jérusalem ne participera pas à la joie de la reconstruction du Saint des saints. Comme si les pleurs et les rires étaient paradoxalement mêlés, la destruction et le construction, la Galout et la Géoula de manière ontologique, avant la création du monde, le maassé bereshit. Après tout nous sommes bien nés en pleurant…

9 Av 5775, les juifs quittent l’Hexagone,  « Quand l’Eternel ramena les captif à Sion nous étions comme des rêveurs » …dit un psaume.  Je vous en supplie amis français, réveiller vous ! redites moi que nous sommes des frères et que tout ce cauchemar va bientôt s’arrêter.

Quoi qu’il arrive ce qui ne tue pas rend plus fort. Israël est ressuscité de toutes ses morts. Baroukh ata adonaï méaié Amétim. Benis sois tu Seigneur qui réssucite les morts. Am Israël haï. Les enfants d’Israël rentreront dans leur domaine.

« Dans le passé Rabban Gamaliel, Rabbi Eléazar ben Azariah, Rabbi Yehoshua et Rabbi Akiva marchaient à Jérusalem et, arrivés au mont Scopus, ils déchirèrent leurs vêtements.

Arrivant ensuite à la montagne du Temple, ils virent un renard qui sortait du Saint des Saints. Ils se mirent à pleurer, mais R. Akiva riait. Ils lui dirent : ‘Pourquoi ris-tu ?’ Il leur dit : ‘Pourquoi pleurez-vous ?’

Ils lui dirent : ‘L’endroit duquel il a été écrit ‘et l’étranger [non-lévite] qui s’en approchera sera mis à mort’ (Nb 1,51), voici que maintenant des renards y sont allés, et nous ne pleurerions pas ! « Il leur dit : ‘c’est pour cela que je ris ! Il est écrit : ‘je prendrai avec moi comme témoins, des témoins dignes de foi, le prêtre Urya et Zacharie, fils de Yeberekyahu’ (Is 8,2). Que vient faire Urya auprès de Zacharie ? En effet Urya est du premier Temple, alors que Zacharie est du deuxième Temple ! Mais en réalité l’Ecriture a fait dépendre la prophétie de Zacharie de celle d’Urya. Dans la prophétie d’Urya il est écrit : ‘C’est pourquoi, à cause de vous, Sion sera labourée comme un champ, etc…’ (Mi 3,12 ; Jr 26,18-20) et dans la prophétie de Zacharie, il est écrit : ‘De nouveau, vieillards et femmes âgées s’assiéront sur les places de Jérusalem…’ (Za 8,4). Tant que n’était pas accomplie la prophétie d’Urya, je craignais que ne s’accomplit pas la prophétie de Zacharie. Maintenant que s’est accomplie la prophétie d’Urya, il est certain que le prophétie de Zacharie est en train de s’accomplir !’

Ils lui dirent : ‘Akiva, tu nous as consolés, Akiva, tu nous as consolés !’ » (TB. Makkot 24a-b ).

Les juifs en Corse après 1492

Contrairement à ce qu’on dit souvent les juifs qui ont quitté l’Espagne en 1492 ne se sont pas retrouvé à Livourne mais à Gênes. En effet Livourne n’est alors qu’un petit port de pécheurs et ne deviendra un port franc avec droit de commerce pour les étrangers qu’en 1587 (voir ici) sous l’impulsion du grand-duc Ferdinand Ier seulement un siècle plus tard donc. Une initiative qui explique son accroissement. Les juifs levantins et conversos et juifs d’Espagne ne s’installeront à Livourne -qui ne compte que 134 marchands juifs en 1601, qu’au XVIIè siècle (711 en 1622; 2500 environ en 1700, 5000 à la fin du XVIIIe siècle). Le Hub trafic de la méditerranée des années 1492- 1592 est donc Gênes en lien avec les ports d’Espagne, Narbonne, le Liban, la Syrie, l’Egypte… et surtout la Corse à quelques encablures seulement plus au sud.

Gênes, port de destination des juifs d’Espagne en 1492

Le premier bateau venu d’Espagne et rempli de juifs d’Espagne arrive à Gênes en 1478.

Genova1493

Genova 1493

Dans un premier temps ceux-ci sont parqués sur les quais du port de Gênes. Combien sont-ils ? « plusieurs milliers » si l’on en croit un prédicateur de l’époque : Bernardino da feltre, antisémite virulent. « Venerunt in urbem nostram plures » commente le doge Matteo Senaréga. il arrivent faméliques : Multi fame absumti sunt et in primis lactantes et infantes… qui non habebant unde naulum solverent, filios vendebant «  des enfants au sein ! .IIs ont été rackettés par les passeurs marins génois au point que des chroniqueurs de l’époque s’émeuvent de leur sort. On les autorise à vendre ce qu’ils ont amené.Certains sont de haute classe sociale, d’autres sont autorisés à commercer ou exercer le métier de médecin en ville, mais d’autres encore sont pauvres et vont devoir vendre leurs enfants comme esclaves (« filios vendebant »); Beaucoup se convertissent par peur de mourir. Les descriptions de Matteo Senaréga rejoignent celles de Joseph Hacohen dans La vallée de larmes (‘Emeq ha-bakha):

En cours de route, cependant, les marins se sont dressés contre eux, les ont suspendus avec des cordes, ont violé leurs femmes sous leurs yeux sans que personne ne vînt à leur aide. Ensuite ils les ont débarqués en Afrique et se sont débarrassés d’eux sur une terre stérile et déserte qui semblait inhabitée. Leurs enfants ont demandé du pain, mais personne ne pouvait rien leur donner, et leurs mères ont levé les yeux vers le Ciel à ce moment fatidique.

Les nazis n’ont rien inventé, comme pendant la Shoa on sépara à l’époque les mères des enfants sans pitié, le marrane Samuel Usque raconte :

« Avant leur départ, les enfants furent baptisés d’autorité et en grande pompe […] plusieurs femmes se jetèrent aux pieds du Roi, demandant la permission d’accompagner leurs enfants mais cela n’éveilla pas la moindre étincelle de pitié chez lui. Une mère… prit son bébé dans ses bras et sans prêter attention à ses cris, se jeta du bateau dans la mer démontée et se noya, embrassant son fils unique »

L’arrivée de la peste en 1493 est imputée aux juifs et change le point de vue des génois jusque là très tolérants et imperméables aux recommandations venues des Etats pontificaux. La prédication du franciscain Bernardino da Feltre à Noël 1493 sur les châtiments réservés à ceux qui hébergent les « ennemis de Dieu dans la cité » et les juifs qui apportent la peste, illustrée par les représentations de l’époque (voir ici) prend soudain corps. Surtout Bernardino da Feltre développe le Mont de Piété à Gênes en 1489-90 pour combattre tous ces juifs qui exercent le métier de préteur. L’objectif est bien sûr de les assécher financièrement.

Da Feltre

Bernardino da Feltre à Gênes

A partir du 5 avril 1501 sous l’impulsion du gouverneur français de la cité Philippe de Clève (qui importe les coutumes françaises de ségrégation des juifs), les juifs doivent porter un badge en tissu jaune, de sinistre postérité, « au moins grand comme quatre doigts ». L’obligation est étendue aux médecins puis aux femmes. Suit en 1505 un édit d’expulsion qui chasse les juifs de la ville. Jusqu’au XVIIIème siècle les décrets oscillent entre les édits d’expulsion et les sauf conduits permettant aux juifs d’exercer les activités de banquier, médecin… dans la ville.

Le ghetto de Gênes est créé en 1660 et agrandi en 1674 (après celui de Venise, le premier d’Italie en 1516).

En réalité les milliers de juifs arrivés d’Espagne à Gênes sont soit partis vers la Turquie, soit ont été coincés dans les villages, soit erraient dans toute l’Italie au gré des édits d’expulsion et de la création de ghettos dans la seconde partie du XVIè siècle sous la menace pontificale : les bourgeois ne voulaient pas expulser les juifs  source de leurs profits, alors on les enfermait au lieu de les expulser comme le voulait l’Eglise.

Dans un rapport rédigé en 1564 un serviteur zélé de l’Inquisition s’inquiète :

« Il n’y a pas de ville en Italie où l’on ne trouve des marranes portugais qui ont fui l’Inquisition au Portugal. Ils s’enrichissent parce qu’ils commercent de toutes les manières tous les produits sans restriction, comme les chrétiens. Ensuite, ils déménagent en Turquie et informent le grand Turc de tout ce qui se fait ici. » (Dans : Cecil Roth, Dona Gracia Nasi, Liana Levi 2007, pg. 132, Roth cite, M. Stren, Urkundliche beiträge über die Stellung der Päpste zu den Juden, pp. 138-143)

Les juifs en Corse : de Gênes à Bastia

Combien de juifs arrivèrent en Corse et se fondirent dans la population? on ne le sait pas précisément. Pour la corse comme en Italie, les archives de Gênes et les documents notariés ne gardent que les traces des notables, médecins et marchands, les contrats de rachat d’esclaves enlevés par les barbaresques turcs vers Constantinople ou Alger. Bastia partageait ses origines génoise avec Ajaccio, fondée en 1492 par l’Office de Saint-Georges, qui installa au fond du golfe cent familles de la riviera génoise, dont probablement beaucoup de marranes.

Bastia ou Bastita, c’est-à-dire « retranchement », « bastide ». La Corse était le verrou géostratégique de protection de Gênes contre les Turcs. Trois siècles et demi durant, de 1453 à 1793, Bastia fut la capitale de la Corse, ou plutôt le siège des administrations génoise puis française, car les Corses, pendant les brefs moments de leur indépendance, préférèrent Corte. Par Bastia la Corse se rattachait au continent. La proximité de l’Italie ajouta une fonction commerciale aux fonctions militaire et politique de Bastia.

Bastia1

Bastia : la rue du Castagno à droite où est la synagogue
dans une ancienne banque fortifiée génoise qui donne sur le port réinvestie vers 1915 par des juifs d’origine marocaine (rabbin Méir Tolédano) venus de Tibériade. Au loin l’ile d’Elbe.

Capture

A la Renaissance, les banques juives comme la banque Mendés au Portugal, ou l’Ufficio di San Giorgio à Gênes utilisèrent leurs réseaux dans les principales villes d’Europe pour organiser la fuite des juifs d’Espagne et du Portugal.Gracia Nasi, dite Béatrice de Luna, épouse Mendès est la plus célèbre de ces passeurs de juifs de la renaissance. Les réseaux bancaires devinrent aussi des filières marranes, leurs agences servaient de relais aux juifs en fuite. Bien sûr ces banques ne ressemblaient pas à nos banques de dépôts modernes. Il banco à l’origine c’est « le banc » où l’on change les monnaies. La banque de l’époque est donc un réseau de familles dispersées dans les ports qui se faisaient confiance et grâce aux lettres de change évitaient à leurs clients de transporter de l’or sur des routes dangereuses, les banques juives avaient des agents commerciaux à Londres, Anvers, Amsterdam, Bordeaux, Venise, Ferrare, Gênes…. Les juifs étaient donc intimement liés à la prospérité des Cités-Etats italiennes dont ils assuraient le commerce de masse comme le monopole des épices ou du corail qui faisait et défaisait les fortunes des cités concurrentes. L’éclatement des juiveries de la péninsule ibérique en 1492 projeta tous ces petits préteurs et négociants, banchieri, dans tout le monde méditerrannéen en faisant un puissant levier de développement économique et commercial international et conduisant à moyen terme l’Espagne à la banqueroute. Le Mont-de-piété est institué en 1479 à Savone par le pape Sixte IV pour secourir : i poveri maltrattati dagli ebrei che con ingorda, avarizia lor succhiavano il sangue delle loro piccole sostanze,… « les pauvres abusés par des juifs qui, avec gourmandise et, cupidité sucent le sang de leurs petites substances ». Tout l’Esprit de l’Eglise de l’poque est résumé ici. Le Monte est institué à Rome en 1555 par le Pape pour contrer les préteurs à gage et revendeurs juifs en même temps qu’est créé le ghetto et que les préteurs marranes sont violemment persécutés à Ancone au cours d’autodafés.(voir ici un article sur les banquiers sépharades de la communauté de Rome à la Renaissance). Le prêt sur gage permettait de contourner la position traditionnelle de l’Eglise affirmée aux Conciles de Latran (1215),  Lyon (1274) et  Vienne (1312), interdisant le prêt à intérêt et menaçant d’excommunication et de privation de sépulture chrétienne toute personne qui le pratiquerait; réservant de facto cette activité aux seuls banquiers juifs.

Un certain nombre de familles génoises éminentes avaient participé à la création et à la gouvernance de la Banque des compères de Saint Georges, y compris les maisons de Grimaldi & Serra. La Banque, puissance mondiale, utilisait les services d’un certain nombre d’agents juifs, dont la famille Ghisolfi qui gérait les comptoirs de la Mer Noire. Un descendant de Simeone de Ghisolfi- le fondateur, Zacharias de Ghisolfi y sera prince à partir de 1480, il sera appelé même par le Tsar.

Les traces d’envois de  « notables » juifs en Corse apparaissent dans les archives de la République de Gênes.

  • Ainsi le 24 mai 1515 Les prottettori di San Giorgio, c’est à dire les dirigeants de la banque publique de Gênes, l’Office Saint Georges, envoient une lettre à l’Office en Corse demandent « d’autoriser le médecin Jacob, fils de Aron, de vivre à Bastia et dans d’autres places pour y pratiquer sa profession ». (Source : Archives Secrètes de Gênes, Primi Cancellieri di S. Giorgio, busta 16, citée par Rossana Urbani e Guidi Nathan Zazzu, The jews in Genoa pg. 95)
  • Le 29 avril 1525 Pietri I dargo, un juif espagnol de Cadix témoigne au lbaptême à Bastia du fils d’un médecin juif. (Source : Archives Secrètes de Gênes, Notaio Antonio Pastorino, filza 45 , citée par Rossana Urbani e Guidi Nathan Zazzu, The jews in Genoa pg. 96)
  • Le Notaire chancelier Giacomo Imperiale de Terrile écrivait en février 1532 un document parlant de Benedetto de Murta, médecin à Bastia, « auparavant juif ». Les juifs qui n’avaient qu’un prénom (Benedetto est évidement Baruch, « le béni », comme le prénom de Spinoza) prenaient comme patronyme des noms de ville comme celle de Murta toute prés de Gênes. (Notaire-Chancelier Giacomo Imperiale de Terrile, liasse 44, 1532. Diversorum. Cité par Antoine-Marie Graziani, Vistighe Corse, guide des sources de l’histoire de la Corse dans les archives génoises, Epoque moderne 1483-1790, Tome 1, Volume 2, Editions Alain Piazzola, Archives départementales de la Corse du Sud, Ajaccio, 2004. Pg. 303.)
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Synagogue de Bastia – rue du Castagno

L’aventure de Ventimillia la Nuova

Il est probable que l’immigration de peuplement opérée par Gênes dans les grandes villes et sur les côtes envoya des milliers de juifs marranes conversos ou encore juifs dans l’île, les plus pauvres bien-sûr, ceux qui n’avaient pas les moyens de continuer la route. Ceux-ci traînaient dans une misérable pauvreté dans les villages d’Italie ne pouvant pas subsister comme les décrit la lettre qui prépare  l’aventure de Ventimiglia la Nuova, la Nouvelle Vintimile, Porto-Vecchio.

Vengtimiglia la Nuova

Giurisdizione di Bonifacio e Portovecchio (da “Carte Nouvelle de l’Isle de Corse” di Robert de Vaugondy, 1756).

La « T. S. San Cipriano » sur la carte est la tour génoise de Saint Cyprien (photo ci-dessous). La côte était défendue par la place fore de Bonifacio et celle de Solenzara, la citadelle de Porto-Vecchio s’inscrivant entre les deux; Un réseau de tours génoises fortifiées et armées complétait le dispositif militaire.

Tour génoise de Saint Cyprien

Tour génoise de Saint Cyprien

Là encore l’Ufficio qui gérait la Corse servit de passeur. il faut bien comprendre que les bateaux qui véhiculaient les juifs appartenaient aux armateurs, majoritairement génois. G^nes servit donc de C’est ainsi qu’en 1569, la banque Saint Georges envoya 167 familles, 460 personnes des deux sexes- issus de villages de toute la côte Ligure  pour fonder Ventimiglia la Nuova, la Nouvelle Vintimile, Porto-Vecchio. Tous partirent sous la houlette de deux compères : Pietro Massa et Giacomo Palmero sous l’égide de la banque génoise. Pourquoi de Vintimille ? Car la Banque Saint Georges avait acquis Vintimille qui passa du pouvoir de Louis XII à l’Ufficio le 6 novembre 1513. Pietro Massa le fondateur de Porto-Vecchio était très certainement de la famille du jurisconsulte à Gênes Matteo Massa, qui fit partie de l’ambassade envoyée à Gênes lors de la prise de possession de la Banque sur Vintimille. Dans cette délégation qui se rendit à Gênes on trouvait aussi Pietro Sperone, chef d’ambassade qui deviendra par la suite Vicaire Général de l’ile de Corse. Massa, un mot qui signifie aussi « fardeau »  ou une charge dont on est responsable dans la Bible hébraïque. Les massari étaient les responsables des communautés juives d’Italie. (Voir Fausto Amalberti, Storia di Ventimiglia La Nuova, La ricostruzione di Portovecchio dell’anno 1578, Cumpagnia d’i Ventemigliusi, 1985. Cumpagnia d’i Ventemigliusi, 1985. Je m’appuie sur le travail de cet historien vintimillais pour les sources génoises non juives. On pourra aussi lire Antoine-Marie Gaziani, Naissance d’une cité, Porto-Vecchio, Editions Alain Piazzola, Ajaccio, 2014, qui le complète remarquablement.)

Le Gouvernement de Gênes édictait le 9 juillet 1578 vingt-six Capitoli (chapitres), adressés à « Pietro Mazza et Giacomo Parmero » qui fixaient les conditions financières et militaires de l’expédition. Massa reçut le commandement de l’expédition, avec le titre de podestat, ayant des droits de justice.

Le chapitre 3 : « Conditions détachées à ce territoire de peur de se quereller au sujet de ses frontières, et des terrains qui sont donnés gratuitement pour toujours » me sauta au visage. Il stipulait :

« Nous donnons, et accordons librement auxdits Pietro, Giacomo, et leurs compagnons et à leurs héritiers et successeurs : tous les terrains qui existent sur le territoire de Porto-Vecchio, à savoir la vallée de Pruno et Muratello, et San-Martino avec leurs frontières respectives, au lieudit de Porto-Vecchio de cultiver, et semer, mais sans préjudice de tiers. » ( A.S.G., Corsica, Decreti del Magistrato di Corsica, n.g. 1316)

L’Ufficio, selon une politique agraire organisée, peuplait ces terres basses de l’île désertées par les populations autochtones à cause des incursions des corsaires turcs qui hibernaient en hiver dans le golf de Porto-Vecchio et de la malaria, des terres comme celles d’Aléria « abandonnées aux infidèles » disait le rapport des commissaires Grimaldo de Bracelli et Troilo Negrone dépêchés dans l’île par la Banque pour analyser les implantations possibles. La dernière grave prédation de corsaire à Porto-Vecchio datait de 1561.

Bateaux de l'Ufficio

On longea les cotes Ligure puis Toscane jusqu’à Piombino où le bateau évita de justesse le naufrage. Puis après des réparations de fortune on quitta l’île d’Elbe vers Bastia pour descendre vers le sud de l’île avec femmes et enfants. L’eau avait pénétré dans le navire et Massa constataient dans un courrier que « tous les vivres embarqués ne valent plus rien ». Tommaso Carbone gouverneur génois de la Corse crie au miracle pour de si faibles pertes et rapporte de son côté « Dans un si long voyage, avec tant de gens, il avait seulement disparu un petit garçon ». (A.S.G., Corsica, Litterarum, n.g. 517, lettre du 15 décembre 1578.). Parti de Vintimille, passé le 31 octobre 1578 à Gênes le bateau arriva le 27 novembre 1578 à Porto Vecchio, le voyage avait duré un mois au lieu de quelques jours. Faute de permission d’appareiller le bateau affronta les tempêtes d’hiver de la Méditerranée.

Porto Vecchio

Golfe de santa Giulia, plage de Palumbagia et golfe de Portjhi Vecchiu; au pied de la montagne, la vallée de Muratellu

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Golf de Portjhi Vecchiu vu de la montagne

Je viens personnellement de Muratello depuis des générations.

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Muratello

Les souffrances des marranes ont engendré des délires fous. C’est l’époque des faux messies Salomon Molko et David Reubeni dans les villes d’Italie. Colomb part en cette années 1492 découvrir la nouvelle Espagne. Les marrnes guettent le signe de leur délivrance, Leur imagination transfigure leurs souffrances insupportables en Hevlé Mashiah, les douleurs d’enfantement du messie. On lit beaucoup les prophéties d’Isaïe qui annoncent la venue du Messie dans la Jérusalem (Is 60): « Qui sont ceux-ci, qui volent comme une nuée, comme des colombes vers leurs colombiers ? Ce sont les îles qui attendent mon signal, et d’abord les vaisseaux de Tarchich, pour ramener de loin tes fils! Ils ont avec eux leur argent et leur or, en l’honneur de l’Eternel, ton Dieu, et du Saint d’Israël qui te glorifie. Et les fils de l’étranger bâtiront tes murailles, et leurs rois te serviront; car si je t’ai frappé dans ma colère, dans ma bonté je prends pitié de toi…. Et ils viendront à toi, tête, basse, les fils de tes persécuteurs, et tous tes insulteurs se prosterneront jusqu’à la plante de tes pieds; ils t’appelleront Cité de l’Eternel, la Sion du Saint d’Israël… Ton soleil n’aura jamais de coucher, ta lune jamais d’éclipse; car l’Eternel sera pour toi une lumière inextinguible, et c’en sera fini de tes jours de deuil.Ton soleil n’aura jamais de coucher, ta lune jamais d’éclipse; car l’Eternel sera pour toi une lumière inextinguible, et c’en sera fini de tes jours de deuil. ». La Nouvelle Espagne, le Nouveau Monde de Colomb ou la Nouvelle Vintimille procèdent de ce réveil de la prophétie marrane. La Nouvelle Vintimille, une ruine à reconstruire sur une Ile au pied d’une montagne avait très probablement des accents de Nouvelle Jérusalem pour ces marranes, un rêve de rédemption venu des îles lointaines.  L’homme de la Renaissance, comme Colomb vit à la fois à l’heure de la Bible médiévale et de la boussole moderne.

Mais la surprise fut rude. Les nouveaux occupants de Porto-Vecchio trouvent une place forte ruinée et doivent tout reconstruire en vivant dans des abris de fortune. Les enfants meurent de faim. Le gouverneur de Bonifacio ne lève pas le petit doigt pour aider cette foule de miséreux. Après l’hiver arriva le paludisme venu des marais des baies et du golfe de Porto Vecchio qui décima les plus faibles.

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Les marais de Saint Cyprien et la montagne : l’uomu di cagna

La fondation qui n’était pas la première tentative de Gênes fut un fiasco et les marranes sans le sou, qui s’appelaient Giacomo au départ et Giacobo six mois plus tard se fondirent dans la population autochtone. Le 21 avril 1579 Giovanni Maruffo nouveau gouverneur de l’île interdit toute immigration à partir de la riviera italienne car la peste s’est déclarée en Lombardie et pouvait se répandre dans l’île.(A.S.G., Corsica, Litterarum, n.g. 518).

Certains noms de famille de la liste des descendants de l’expédition figurent dans les annuaires de l’île : Abbo, Bono, Crespi, Guglielmi, Lamberti, Lorenzi, Orengo, Sasso… L’histoire des juifs de corse est une (longue) histoire.Celle des Giacobbi (Jacob), Zucharelli (Zacharie), Simeoni (Siméon)… dont les noms peuplent la mémoire.

Liste de Jacob

La « Liste de Jacob » (voir mon dernier livre)
Elenco dei capifamiglia che si apprestano a partire per la Corsica (19-24 agosto 1578). (A.S.G., Corsica, n.g. 7; cfr. Tabella 1, prima colonna).

A Amsterdam, à Venise, les marranes ces foules de baptisés juifs qui en quelques générations ne savaient plus rien du judaïsme furent ramenés sous les ailes de la Shekhina par des rabbins comme Mennassé Ben Israël. Isaac Cardoso, l’ami de Lope de Vega, juif en secret qui fuit la cour d’Espagne pour s’installer dans le Ghetto de Venise où il redevient juif du jour au lendemain décrit leur détresse dans un traité moral vénitien de 1560 :

« Chacun interroge son voisin, chacune interroge sa voisine, mais ces préceptes sont enseignés par des hommes et de femmes qui n’en savent pas beaucoup plus qu’eux. […] Il faudrait qu’ils pressent de questions chaque savant de cette ville, car tel est le devoir de tout Juif. Quiconque peut enseigner, encourager, et ne le fait pas, quiconque voit, entend et reste chez lui, mérite le plus sévère des châtiments » (Yosef Haïm Yerushalmi, De la Cour d’Espagne au ghetto italien- Issac Cardoso et le marranisme au XVIIè siècle, Fayard, 1987, pg. 184).

Les marranes famélique convertis à Gênes à l’arrivée du bateau contre un tranche de pain pour leur enfant et repartis vers la Ccorse n’eurent pas la chance d’y trouver des rabbins. Ils se fondirent dans la population de l’Ile. Pour nous juifs, ces conversions ne valent rien. Un juif reste juif pour l’éternité. Et D-ieu,Lui, n’oublie pas. Que D.ieu bénisse mon île.

NB : Dans mon livre Des Noces éternelles, un moine à la synagogue, je raconte l’histoire des juifs de Corse.

Emor, « Parle… et dis leur », vivre et mourir pour D.

Procès d’Inquisition. Photo Olivier Long, Casa de sefarad, Judéria de Cordoue. http://www.casadesefarad.es/
Autodafé. Casa de sefarad, Judéria de Cordoue. Photo Olivier Long, http://www.casadesefarad.es/

Le commentaire de la parasha Emor du Rav Haïm Harboun ce Shabbat enrichie de pièces d’époque.

Du Kiddoush Hashem et du ‘Hilloul Hashem

La mort de Rabbi Akiba en 135 est le prototype du Kiddoush Hashem pour le judaïsme, Le midrash des dix martyrs (Asseret Harouguei Malkhout ) se fait l’écho de la mort de dix rabbins aprés la destruction du Second Temple de Jérusalem en 70, mis à mort de manière cruelle et spectaculaire, brulé vif  dans des rouleaux de Torah comme Rabbi Hanina ben Teradion ou écorché vif comme Rabbi Akiba :

« Quand on fit sortir Rabbi Akiva pour le mettre à mort, c’était l’heure de lire le Shema. On lui déchirait la chair avec des peignes de fer et lui, il recevait le joug du Royaume des Cieux. Ses disciples lui dirent : ‘Ô notre Maître ! Jusqu’à ce point !’ Il leur dit : ‘Tous les jours de ma vie j’ai été préoccupé par ce verset : ‘de toute mon âme’ qui signifie ‘même s’il te prend ton âme’. Je me disais : ‘quand parviendrai-je à l’accomplir(’aqayyemennu)[1] ? Et maintenant que cela m’est donné, je ne l’accomplirais pas !’ Il prolongea le mot ‘Un’ jusqu’à ce qu’il rendit l’âme. Une voix céleste se fit entendre et dit : ‘Heureux es-tu Akiva, dont l’âme est sortie en disant : Un (ehad) » (TB Berakhot 61b)

La Parasha de ce Shabbat nous parle du Kiddoush Hashem et du ‘Hilloul Hashem qui est le témoignage rendu à  la souveraineté de D. en ce monde. Son contraire, le ‘Hilloul Hashem compromet la conscience positive de D. dans ce monde. Dans chacun de ces cas, nous le verrons, il s’agit d’exemplarité publique d’Israël par rapport au peuple ou par rapport aux Nations. A commencer par les Cohanim qui représentent la sainteté à l’intérieur du peuple Saint, c’est-à-dire « particularisé », symbolique, comme nous l’avons vu la semaine dernière.

Ainsi les cohanim « doivent rester saints pour leur Dieu, et ne pas profaner le nom de leur Dieu » (Lv 21, 6). Du prêtre, la Torah dit : « Tiens-le pour saint, car c’est lui qui offre le pain de ton Dieu; qu’il soit saint pour toi, parce que je suis saint, moi l’Éternel, qui vous sanctifie. » (Lv 21, 8) ; « Il ne quittera point le sanctuaire, pour ne pas ravaler le sanctuaire de son Dieu, car il porte le sacre de l’huile d’onction de son Dieu: je suis l’Éternel. » (Lv 21, 12) ; D. prévient : « Aaron et ses fils d’être circonspects à l’égard des saintetés des enfants d’Israël, pour ne pas profaner mon saint nom en profanant ce que ceux-ci me consacrent: je suis l’Éternel.» (Lv 22, 2) ; « Qu’ils respectent mon observance et ne s’exposent pas, à cause d’elle, à un péché, car ils mourraient pour l’avoir violée: je suis l’Éternel qui les sanctifie. » (Lv 22, 9) ; « Gardez mes commandements et pratiquez-les: je suis l’Éternel. 32 Ne déshonorez point mon saint nom, afin que je sois sanctifié au milieu des enfants d’Israël, moi, l’Éternel, qui vous sanctifie, 33 qui vous ai fait sortir du pays d’Egypte pour devenir votre Dieu: je suis l’Éternel. » » (Lv 22, 31). Cette interdiction du ‘Hilloul Hashem vaut aussi pour le peuple comme l’épisode du malheureux fils de Shelomit (la prostituée qui se dissout en suivant tous ceux qui passent, celle qui dit « shalom ! » – bonjour, à tout le monde !) à la fin de la Parasha nous le rappelle : « Parle aussi aux enfants d’Israël en ces termes: quiconque outrage son Dieu portera la peine de son crime. Pour celui qui blasphème nominativement l’Éternel, il doit être mis à mort, toute la communauté devra le lapider; étranger comme indigène, s’il a blasphémé nominativement, il sera puni de mort. » (Lv 24, 15-16). Une sanction qui ne doit pas être lue comme à postériori mais à priori : celui qui pratique le ‘Hilloul Hashem est en réalité déjà mort. Sa personnalité se dissout, n’existe plus. Renonçant à sa particularisation il se dissout parmi les nations et n’existe plus comme juif. Il disparaît de la place publique.

Lorsque quelqu’un préfère mourir plutôt que de violer les trois commandements qui ne peuvent en aucun cas être transgressés : ne pas profaner le Nom, ne pas tuer, ne pas commettre l’adultère, il réalise le Kiddoush Hashem, littéralement la « sanctification du Nom », proclamant ainsi la gloire de D.

 

al Kiddoush Hashem 

En quel cas doit-on pratiquer le Kiddoush Hashem ?

Johanan dit au nom de R. Simeon b. Jéhotsadak: Par un vote à la majorité, il a été résolu dans la chambre haute de la maison de Nitza à lod – concernant toutes les interdictions de la Torah si une personne dit : « Transgresse telle et telle interdiction et tu ne seras pas tué (mais si tu refuses, tu seras tué) », il peut transgresser et ne pas souffrir la mort, à l’exception de l’idolâtrie, de l’inceste, [qui comprend l’adultère] et du meurtre.
Maintenant est-ce que l’idolâtrie ne doit-elle ne pas être pratiquée [dans de telles circonstances]? Il a été enseigné : R. Ismaël dit : où savons-nous que si on ordonne à un homme : « pratique l’idolâtrie et sauve ta vie », qu’il devrait faire ainsi, et ne pas être tué ? De ce verset : « Vous observerez donc mes lois et mes statuts, parce que l’homme qui les pratique obtient, par eux, la vie: je suis l’Éternel.» (Lv 18, 5). Il doit donc vivre par eux et ne pas mourir par eux. Je pourrais penser que cela peut être pratiqué ouvertement, mais l’Ecriture enseigne, « Ne déshonorez point mon saint nom, afin que je sois sanctifié au milieu des enfants d’Israël, moi, l’Éternel, qui vous sanctifie » (Lv 22, 32) (Nde : Le principe de sanctification du Nom qui rentre en concurrence avec celui de la préservation de la vie –piqqouah nèfesh le surpasse)

On a retenu l’avis de R. Eliezer. Car il a été enseigné, Rabbi Eliézer dit: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme, et de toute ta force » (Dt 6, 5) Si on commence par « de toute ton âme », pourquoi « de toute ta force » suit-il ? Ou si il est écrit «de toute ta force » pourquoi est-il écrit aussi : « de toute ton âme » ? Pour l’homme à qui la vie est plus précieuse que la richesse, il est écrit « de toute ton âme » alors que celui pour qui la richesse est plus précieuse que la vie est convié à aimer, « de toute ta force ». Inceste et assassinat ne peuvent pas être pratiqués pour sauver sa vie. (TB Sanhédrin 74 a)

Le martyre n’est pas recherché dans le judaïsme car selon l’adage talmudique : On doit vivre par la Torah et non mourir par elle. Cependant comme le montre un commentaire de Maïmonide, si le Kiddouch Hachem  est au-dessus de toutes les mitsvot c’est parce que c’est un témoignage public :

« Celui qui doit donner sa vie plutôt que de transgresser, et qui ne transgresse pas [et choisit de donner sa vie] – il a sanctifié le Nom de D. Et si cela eut lieu devant dix Juifs, il aura sanctifié le nom de D. en public comme… Rabbi Akiva et les autres. Ces hommes sont des martyres d’une grandeur inégalée. » (Rambam, Hilkhot Yésodé HaTorah 5, 4)

Rambam soutient que l’on doit donner sa vie plutôt que d’enfreindre l’une des mitsvot de la Torah en présence de dix Juifs. Là encore,  il y a là une idée d’exemplarité du témoignage pour ou contre D., un juif ne peut témoigner contre D. sans cesser de l’être.

De plus le Kiddoush Hashem tient compte de la volonté consciente de transgresser, de son exemplarité directe ou indirecte :

Rava dit : « Un idolâtre qui dit à un Juif le Shabbat : ‘Coupe de l’herbe [et en cela il profane le Shabbat] et donne la aux animaux, ou je te tuerai’, il doit couper [l’herbe] plutôt que d’être tué. S’il dit : ‘Coupe l’herbe et jette la dans la rivière’, il doit se laisser tuer plutôt que de [la] couper. Pourquoi en est-il ainsi ? Car son intention est de faire transgresser le Juif. » (TB, Sanhedrin 74a).

Il y a là encore une idée d’exemplarité. Le persécuteur instrumentalise le juif qui doit refuser de transgresser pour abaisser D.

De grandes figures exemplaires de la Torah résument par leur comportement cette sanctification du Nom :

Rabbi Chim’one ‘Hassida enseignait : « Yossef (Joseph), qui sanctifia le nom de D. en privé [lorsqu’il résista aux avances de la femme de Potifar – Rachi, Sotah 36b], fut récompensé par l’ajout d’une lettre du nom de D. à son nom. [On le retrouve dans Téhilim/Les psaumes 81 : 6, où le nom de Yossef apparaît avec un héh supplémentaire] ».

« Yéhouda (Juda), qui sanctifia le nom de D. en public [lorsqu’il sauva Tamar et ses deux enfants en admettant son rôle], fut récompensé en étant appelé totalement par le nom de D. [Les lettres du nom Yéhouda comportent les quatre lettres du Saint Nom] ». (TB, Sotah 10b)

Cette mistva a donc valeur d’exemplarité liée à l’existence même du juif comme juif c’est à dire comme signifiant de l’alliance de D. avec l’humanité en ce monde: séparé des nations, particularisé, symbole de comportement éthique visible par tous :

« L’essence de cette mitsva est qu’il nous est commandé de publier cette foi véridique dans le monde, et que nous ne devons pas craindre que quiconque nous fasse du mal. Et même si quelqu’un vient nous forcer à renier D., nous ne l’écouterons pas, mais nous sacrifierons nos vies plutôt que de le laisser croire qu’il nous a fait abandonner notre foi, même si nous croyions toujours en D. en nos cœurs. C’est la mitsva de Kiddoush Hashem à laquelle tout le Klal Israël est contraint : donner sa vie par amour pour Lui et fidélité à son Unicité… » (Rambam, Sefer Hamitzvot, Mitsva 9)

Le psalmiste exprime en une sentence ramassée ce qu’il en coûte d’être juif :

 « Mais pour toi nous subissons chaque jour la mort; on nous considère comme des brebis destinées à l’abattoir » (Ps 44, 23)

Le Kiddoush Ashem dans l’histoire

Si de nombreux juifs insignifiants remplissent les bottins mondains, et ce, depuis Rome -assimilés au culte de la force de la culture ambiante gréco-romaine ou chrétienne ; de nombreux héros de l’ordinaire, le plus souvent de parfaits inconnus dont l’histoire a oublié le nom sont pour nous de puissants symboles de résistance à l’assimilation dans la vacuité ambiante du « on » qui va à ses idoles en méprisant la singularité de la parole Sinaï. Qui sont : « Ces hommes sont des martyres d’une grandeur inégalée » dont nous parle le Rambam (Maïmonide, Hilkhot Yésodé HaTorah 5, 4) et dont Rabbi Akiba écorché vif proclamant le Shema alors que les peignes de fer de Rome lui arrachaient la peau est le chef de file et le prototype ?

On ne saurait ici évoquer tous les Kiddoush Ashem de ces enfants, de ces femmes et de ces hommes que notre peuple a subis. Que leur souvenir soit une bénédiction.

Assassinat de juifs dans la région d’Ivangorod-Estonie (1942)
Assassinat de juifs dans la région d’Ivangorod-Estonie (1942)

Un exemple récent est celui de cette femme qui a peine accouché est emmenée en train vers les camps de la mort. « Sélectionnée » à la sortie des wagons à bestiaux où ces misérables nazis mais aussi de nombreux fonctionnaires français ont volontairement et symboliquement emportés les juifs comme de bêtes vers l’abattoir (c’est dans cette volonté symbolique exemplaire que réside de le ‘Hilloul Hashem). Avant d’entre dans le four cette femme s’est saisie d’un couteau et elle a circoncis son fils :
« Ce fils que tu m’as donné, Eternel ! Moi je te le rends,  Juif ! »
Faisant cela elle sanctifiait le Nom devant les officiers allemands, leurs kapos et leurs chiens.

Rabbin Moshe Hagerman, ZAL, le Rabbi et dayan de Olkusz en Pologne. Il a été amené sur la place centrale de la ville pour y être exécuté. Avant d’être tué , il a demandé qu’on le laisse réciter le Kadish pour ses frères assassinés. Les soldats allemands ont ri en le laissant faire et l’ont tué.
Rabbin Moshe Hagerman, ZAL, le Rabbi et dayan (juge rabbinique) de Olkusz en Pologne. Il a été amené le 31 juin 1940 sur la place centrale de la ville pour y être exécuté. Avant d’être tué , il a demandé qu’on le laisse réciter le Kadish pour ses frères assassinés. Les soldats allemands ont ri en le laissant faire et l’ont tué. Des 4097 juifs d’Olkuz listés par les nazis on pense que 250 ont survécu.

Rabbi Moshe Isaac Hegerman

Rabbi Moshe ben Yitshak Hagerman (photo Yad Vashem)

On se rappelle que les nazis disaient aux juifs en arrivant à Auschwitz : « D’ici on ne sort que par la cheminée ». Le feu des cheminées allemandes eut une répétition générale : le feu des autodafés d’Espagne en 1492 (du portugais « auto da fé » — « acte de foi »). J’ai raconté toute cette histoire en traduisant des documents de l’époque dans mon livre Au temps des buchers.

Au temps de buchers-Harboun

A l’époque de l’Inquisition, des chrétiens, au nom de leur foi ont donc été brûlés des juifs pour des raisons politiques (il fallait purifier l’Espagne de ses minorités), économiques (il s’agissait de ne pas payer les créanciers  de la guerre, au premier rang desquels tous les préteurs juifs à qui l’Eglise n’avait donné de droit d’exercer que ce métier pour vivre, les rabbins Abraham Senior ou Isaac Abravanel, avaient pourtant fait beaucoup pour la Reconquista en récoltant de l’argent pour la couronne d’Espagne), de sécurité d’Etat (Les juifs étaient soit-disant les amis du Grand Turc chef de l’islam qui s’opposait à la Chrétienté d’alors… qui les accueillait à bras ouverts), des raisons religieuses enfin (Pour les chrétiens, les juifs avaient tué D., « tué le Christ », la purification de l’Espagne préparait le soit-disant « deuxième avènement du christ »). En Espagne mais aussi en Italie, des juifs ont donc pratiqué le Kiddoush Hashem. Le spectacle était public et organisé comme une cérémonie religieuse.

Procés d'Inquistion-Cordoue-grand Procession d'Inquistion-Cordoue

Procès d’Inquisition. Photo Olivier Long, Casa de sefarad, Judéria de Cordoue. http://www.casadesefarad.es/

Après des années passées dans des geôles, où le présumé coupable était régulièrement torturé pour lui arracher des aveux, sans qu’on annonce au prévenu les charges portées contre lui commençait le procès d’Inquisition. Un procès uniquement à charge qui visait l’aveu de la pratique du judaïsme en secret. On possède de multiples documents de l’époque qui ont enregistré cela.

Ainsi, à Cordoue, la ville de Maïmonide, où l’inquisiteur Diego Rodriguez Lucero accumule des fausses preuves, arrache des témoignages sous la torture, emprisonne des centaines de personnes et condamne à mort, entre 1504 et 1505, 134 conversos. Il fait passer sur le bûcher une femme qui refuse ses faveurs. Dés 1495, l’inquisiteur Pedro Guiral son prédécesseur impose, de plus, des taxes exorbitantes aux condamnés. Plus de 4 000 personnes périssent à Séville où sévit un moine fanatique, Martinez de Ecija.
Tout cela est parfaitement documenté :

Actes d’accusation , condamnation et pièces juridiques. Photo Olivier Long, Casa de sefarad, Cordoue. 

Les condamnés étaient donc menés dans les rues de la ville, pieds-nus, vêtus du sanbénito une sorte de pagne stipulant leur nom et leur condamnation. Ils portaient un chapeau pointu et tenaient un grand cierge à la main. La foule était au spectacle.

San bénito, Casa de Sefarad, Cordoba, photo Olivier Long
San bénito, Casa de Sefarad, Cordoba, photo Olivier Long

Au mieux le condamné était condamné à porter pendant des années  le sanbénito, cet habit qui stigmatisait les crypto-juifs (conversos) et les désignait à la vindicte populaire ; au pire ils étaient livrés au bras séculier qui les brûlait sur un bûcher . Ceux qui abjuraient avant le bûcher étaient étranglés avec un lacet puis étaient brûlés avec les autres, qui eux étaient brûlés vifs (ils portaient alors le sanbénito avec des flammes, photo). On entendait le Shema sortir des flammes. Tout cela est parfaitement documenté. Voilà ce qu’est le Kiddoush Hashem.

San Bénito
Femme et homme juifs condamnés à mort par l’Inquisition portant le sanbenito

On rapporte (Roth) l’histoire des moines zélés qui se promenait dans la foule sur le port de Gênes « parmi les squelettes ambulants » et proposaient des miches de pain contre le baptême aux parents et aux enfants affamés. Un chroniqueur de l’époque, je l’ai traduit dans Au temps des buchers, raconte comment les juifs arrivaient dans le port de Gênes après avoir été rançonnés par les passeurs, jetés à l’eau, survivants d’une longue traversée en mer où beaucoup étaient morts, émaciés comme des cadavres vivants, les femmes portant au sein des enfants morts. Le chroniqueur raconte comment certaines se jetaient  à l’eau avec leurs enfants de désespoir et comment la peste se déclencha sur la peau des juifs parqués sur le port et ne s’arrêta plus, contaminant toute la ville. Lisez ce livre !

Tous ces antisémites présentaient les juifs comme des personnes congénitalement fourbes et perverses pour mieux projeter sur ces innocents leur cruauté sans limite excitée par ces familles démunies. Comme les nazis, ils se méfiaient de « l’ennemi de l’intérieur ». La très catholique Isabelle de Castille et le Roi Ferdinand d’Aragon étaient le bras armé de l’Eglise et de ces massacres publics organisés au nom de D. Voilà ce qu’est le ‘Hilloul Hashem !

Le Rabbi Rabbi Joseph HaCohen (5256-5337 ; 1496-1577)  écrit à l’époque dans son « Emek Habakhah », « la Vallée des Pleurs » :

« Mon D., nous ne t’avons pas oublié, ni trahi ton alliance. Mais à présent, hâte-toi de nous secourir, car c’est pour toi qu’on nous égorge tous les jours et qu’on nous considère comme des brebis destinées à la boucherie. Accours à notre aide, Dieu de notre salut, soutiens notre cause et sauve-nous pour l’amour de ton nom ! »

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Cordoue, Rue des juifs, photo OL

Dans son testament poignant rapporté dans Au temps de buchers Anton de Montoro, juif converti et poète qui habitait le quartier juif de Cordoue et a réchappé au pogrom de Cordoue raconte :

« Ils ne reculèrent pas devant les massacres, les vols et l’exil… Parceque notre destruction par le vol, le sang et le feu… Et malgré nos pertes et nos cruelles tribulations, nos injures et bannissements, nous aurions été contents si l’on nous avait pardonné. Car nous voulons payer des impôts, être esclaves et servir, pauvres, malheureux et vifs, mais vivre au moins… Moi le malheureux j’ai été la première victime du forgeron : moi le bon , le sage,  je reste mourant de faim, nu, pauvre, malheureux et infirme »

Dans son testament il s’adresse à Isabelle la Catholique :

« J’ai dit le credo, j’ai adoré des marmites pleines de gros lard, j’ai entendu des messes, j’ai prié, j’ai fait le signe de croix et pourtnat je n’ai jamais pu tuer ce visage de juif converti… J’ai compté avec grande dévotion et j’ai prié le chapelet de la Passion… en pensant effacer ma faute, mais je n’ai jamais pu perdre le nom de vieux, de vil, de juif… »

De nombreux juifs ont vécu le Kiddoush Hashem par amour du Nom dans l’histoire et grâce à leur courage sans faille, nous sommes toujours là.

A l’opposé du Kiddoush Hashem se tient le ‘Hilloul Hashem, la profanation du Nom de D.

Le ‘Hilloul Hachem 

Le ‘Hilloul Hachem signifie « la profanation du Nom de D.ieu » et recouvre tout ce qui amène, ‘Has véchalom,  le mépris du Nom de D. Par exemple, celui qui ment au nom de D. pratique le Hilloul haShem. Le Hilloul Hashem comme le Kiddoush Hashem est exemplaire. L’immoral qui le pratique ne commet pas seulement une faute, il la présente comme un exemple à suivre. Non seulement il bafoue par sa vie l’amour de D. et du prochain mais il nie la possibilité même de la spiritualité. Pas de retour possible donc.

Pour nos Sages, comme la faute de Amalekh qui massacre des femmes et des enfants fuyant l’Egypte laissant leur corps morts sous le soleil comme l’ont fait les misérables nazis, le  Hilloul Hashem est inexpiable en cette vie : il faudra faire Téchouva, vivre le jour de Kippour, vivre des souffrances et passer par la mort… Maïmonide le souligne :

Concernant quoi cela [l’ordre d’expiation] est-il dit ? Concernant celui qui n’a pas profané le nom de D. en fautant. Mais une personne qui profane effectivement le Nom de D., même s’il s’est repenti, que Yom Kippour est passé et qu’il est fort de son repentir, et qu’il a subit des souffrances – [néanmoins,] il n’obtient pas d’expiation complète jusqu’à ce qu’il décède. (Maïmonide, Hilkhot Téchouva « Les lois du repentir » 1, 4)

Il reprend en cela la tradition talmudique. Faute Inexpiable donc sauf par son seul antidote : le Kidoush hashem. En diffusant la gloire du Nom on annule sa profanation c’est à dire le mépris de D. :

Rabbénou Ba’hya dit : Le ‘Hilloul Hachem est pire que l’idolâtrie. Cependant, il peut être corrigé en accomplissant un Kiddouch Hachem dans la même situation où un ‘Hilloul Hashem avait été autrefois accompli. « Ne profanez pas Mon saint Nom, afin que Je sois sanctifié au milieu des Enfants d’Israël. » [Vayikra 22,  32] – Le ‘Hilloul Hashem est une transgression très grave. [Par exemple] D. pardonna la faute de servir les idoles, mais pas celle de profaner Son nom, comme le dit le prophète : « Pour vous, Maison d’Israël, que chacun aille donc adorer ses idoles, et vous ne profanerez plus Mon saint Nom » (Yé’hezkel/ Ezékiel 20, 39) … Cependant, nous avons trouvé un moyen de réparer la transgression de ‘Hilloul Hashem en sanctifiant Son nom dans les mêmes circonstances dans lesquelles on l’avait autrefois profané. Et c’est pourquoi les mots « afin que Je sois sanctifié » sont juxtaposés [aux mots « Ne profanez pas Mon saint Nom »]. (TB Vayikra 22, 32)

Le Hilloul Hashem est encore plus fort symboliquement quand il est accompli par une femme ou un homme qui prétend mener les autres souligne le Rambam :

Il y a d’autres choses inclues dans la transgression de ‘Hilloul Hachem lorsqu’il est commis par quelqu’un de grand en Torah et connu pour sa piété, dont les autres parleront négativement. Bien qu’elles ne soient pas des transgressions, il a cependant profané le Nom de D. Voici quelques exemples de cette forme de ‘Hilloul Hachem : celui qui achète quelque chose et ne paye pas immédiatement, bien qu’il ait l’argent, et attend que le vendeur le lui réclame ; ou celui qui se laisse aller à la frivolité ou à manger et boire avec des personnes manquant de raffinement ; ou celui qui parle de manière désagréable aux gens et ne les salue pas de manière plaisante, mais qui est au contraire une personne querelleuse et coléreuse ; etc. Selon sa stature, une personne se doit d’être très exigeante d’elle-même et aller au-delà de la stricte lettre de la loi. (Rambam, Hilkhot Yésodé HaTorah « Lois des fondements de la Torah », 5,  11)

 

« La Haine de soi et le refus d’être juif » sur le chemin du ‘Hilloul Hashem

La haine de soi ou la honte d’être juif est la porte ouverte au ‘Hilloul Hashem. Celui qui se méprise comme juif et enseigne le mépris de ce que signifie le judaïsme, c’est-à-dire d’être le signe de l’alliance de D. avec Israël au bénéfice de toute  l’humanité, le signe de la Gloire divine, est en bonne voie vers le Hilloul haShem.

Il faut relire La Haine de soi : le refus d’être juif (Der jüdische Selbsthaß), de Théodor Lessing écrit en 1930, trois ans avant l’accession d’Hitler au pouvoir et trois  ans avant l’assassinat de Lessing  le 31 août 1933 à Marienbad par des Allemands des Sudètes, par des sympathisants nazis.

Pour Lessing qui écrit à la veille de la Shoah, l’âme juive a cédé son identité contre le plat de lentilles de la culture européenne. Les juifs ont refusé la mission de Jonas pour devenir banquiers, artistes, metteurs en scène, hommes de théâtre…dans le but de se faire accepter d’une Cité qui ne voulait de toute manière pas d’eux. Dans cette assimilation a péri l’âme juive comme signifiant de la présence de D. en ce monde. Theodor lessing écrit :

« On fait généralement grand cas des bienfaits  mutuels pour l’Europe et pour le juif lorsque ce dernier s’est inséré dans la culture du continent. Mais on ne voit pas ou en tout cas on ne dit que très bas le prix qu’il fallut payer pour l’obtention de cette citoyenneté : il fallut trahir les espoirs de nos visionnaires, sacrifier leurs rêves éternels. Aujourd’hui ce ne sont plus nos pieux Sages, mais des juristes et de grands avocats qui dirigent notre peuple. (…) Il eut mieux valu avoir honte de ceux qui ont ainsi dilapidé la richesse de notre peuple. Car ils ne furent peut-être que l’éclat phosphorescent d’un organe en proie au déclin… Ils furent un bref laps de temps au soleil de l’Europe ou notre noblesse s’est brûlée. »

Gustav Mahler, juif assimilé, n’écrivait-il pas à son épouse Alma en découvrant la misère et la crasse des pauvres juifs de l’est (Ostjuden) : « Quand je pense que je suis en famille avec ces gens ! ». La haine de soi est banale. Les juifs assimilés de l’époque de Freud à Vienne, une période violemment antisémite, après mille efforts d’assimilation  n’avaient aucune envie d’être assimilés aux misérables à caftans qui débarquaient dans les rues de Vienne, venus de Galicie ou de Russie chassés par les pogroms avaient pratiqué le Kiddoush Hashem.

Ces juifs pouilleux des ghettos, Lessing les avait rencontrés lors de sa visite des communautés juives de Pologne, de Galicie et de Russie. Il s’en fera finalement solidaire jusque dans le Kiddoush Hashem, constatant que la religion universelle de la raison des Lumières censée réunir tous les peuples avait certes fait tomber les murs du ghetto et amélioré le sort des Juifs mais qu’elle avait, dans le même temps, anéanti le judaïsme : « le droit talmudique n’intéressa plus que les érudits et les petits-fils de Moïse Mendelssohn n’étaient plus juifs. » constate-t-il.

Le juif qui, porté par des générations de shomer mitsvot courageux renonce à sa particularité signifiante,  perd l’estime de lui-même.  Il tente alors de devenir le plus insignifiant possible mais accumule une culpabilité qui va se retourner contre lui et parfois contre tout Israël. Combien les changements de nom dans l’histoire juive, par peur ; Et ce n’est pas facile de s’appeler Lévy dans la cour de récréation ! ont-il produit de psychotiques en seconde ou troisième génération ? ou tout simplement de juifs qui haïssent Israël ? Comment voulez-vous qu’un enfant arrive à vivre si vous ne lui transmettez pas votre nom qui résume toute une identité, une histoire, un patrimoine d’amour ? Mais vaut-il mieux être montré du doigt ou amputé de son patrimoine psychique vital ? Pour les nations, un bon juif c’est un juif qui rase les murs, pas pour celui qui pratique le Kiddoush Hashem.

Emor, « Parle… et dis leur » commence notre Parasha. Rashi commente : « Dis […] tu leur diras » : pour que les adultes en avertissent les enfants (Yevamoth 114a). ». Nous devons prévenir nos enfants.

La culpabilité, la haine de soi-même et le refus d’être juif sont une forme banale sur le chemin du Hilloul Hashem.

« Quiconque donne au pauvre est considéré comme s’il avait construit le Temple »

Notre parasha se termine par les convocations saintes, c’est à dire les fêtes et solennités du judaïsme, Pessah, Chavouot , Soukkot, Kippour… tout ce qui définit l’identité juive comme une sanctification du temps, une signification de la souveraineté de HaKaddosh Barouk Hou, le Saint béni soit-Il, sur ce monde.

« L’Éternel parla ainsi à Moïse: « Parle aux enfants d’Israël et dis-leur les solennités de l’Éternel, que vous devez célébrer comme convocations saintes. Les voici, mes solennités :… Voici les solennités de l’Éternel, convocations saintes, que vous célébrerez en leur saison…. Le premier jour, il y aura pour vous convocation sainte: vous ne ferez aucune œuvre servile. » (Lv 23, 1. 4)

Une curieuse mitsva est introduite au milieu de la discussion sur les fêtes. En effet, celles-ci sont comprises à partir de la moisson, du grain et du pain : les pains azymes de Pessah (Lv 23, 6), les prémices de la moisson offerts (Lv 23, 10), les pains de balancement  (Lv 23, 17. 20), les pains de proposition du Temple (Lv 24, 9)… Cette mitsva est la suivante :

« Et quand vous ferez la moisson dans votre pays, tu laisseras la tienne inachevée au bout de ton champ, et tu ne ramasseras point les glanes de ta moisson. Abandonne-les au pauvre et à l’étranger: je suis l’Éternel votre Dieu. » » (Lv 23, 22).

Que fait-elle là ?

C’est Rachi qui nous en donne la clé :

« Et quand vous moissonnez Cette prescription est répétée ici une seconde fois (après supra 19, 9) pour faire de sa transgression une double infraction. Rabi Avdimi fils de Rabi Yossef a enseigné : Pour quelle raison le texte l’a-t-il insérée au milieu des fêtes, Pessa‘h et Chavou‘oth d’un côté, Roch hachana, Yom Kippour et Soukoth de l’autre ? Pour t’apprendre que quiconque donne au pauvre, comme il convient, lèqet, chikh‘ha et péa est considéré comme s’il avait construit le Temple et comme s’il y avait présenté des offrandes ».

On le voit la sainteté dont il est question ici, le Kiddoush ou le ‘Hilloul n’est pas de l’ordre du sacré païen et de ses fastes et processions qui éblouissent le chaland mais un comportement éthique qui trahit la contagieuse disposition intime de l’âme. Rien ne sert de célébrer les fêtes si cela ne correspond pas à un comportement, un travail d’éthique et de justice sociale, dont les mitsvot sont le sens profond.

« Quiconque donne au pauvre est considéré comme s’il avait construit le Temple. », al kiddoush Hachem.

[1] Dans l’exégèse des Hakhamim le mot « Accomplir », a plusieurs profondeurs de sens :

– « Accomplir » c’est d’abord découvrir par le midrash des Sages l’interprétation autorisée des Ecritures ;

–  « Accomplir », c’est aussi agir conformément au sens des Ecritures découvert par le midrash des Sages ;

– « Accomplir », c’est enfin réaliser les promesses de la Torah et des Prophètes. La Tradition rabbinique n’envisage ce troisième niveau d’accomplissement que sur la base des deux autres, celui de l’exégèse et celui de l’action.

Les juifs n’ont pas « tué Jésus » : Pour en finir avec l’antisémitisme chrétien.

Jésus n’a pas été condamné à mort par le Sanhedrin, tribunal juif de Jérusalem, comme le racontent les évangiles. C’est ce que j’ai dit ce soir sur France 3 dans l’émission : L’ombre d’un doute, sur « les derniers jours de Jésus » France 3, de Franck Ferrand. Voici pourquoi.

Le jugement du Sanhédrin

sanhedrin A l’époque de Jésus, le Sanhédrin, est une assemblée qui se réunit avec un délai d’au moins un jour, à l’intérieur de l’enceinte du Temple. C’est une institution à mi-chemin entre une assemblée législative et un tribunal suprême. Lire la suite de « Les juifs n’ont pas « tué Jésus » : Pour en finir avec l’antisémitisme chrétien. »

Témoins des témoins

Elie

Elie M. matricule A 15 790 90 ans et ma fille, 8 ans.
Son histoire ici (Cf. Des noces éternelles pp. 405-407)

Aujourd’hui 70 ème anniversaire de la libération du camps d’Auschwitz par les troupes soviétiques.
Europe n’oublie pas [1] !

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Photos de Fabrice Long

[1] Le nombre des actes antisémites a augmenté de 101% en 2014 par rapport à 2013 en France. 851 actes antisémites ont été recensés en 2014, contre 423 en 2013. Les actes avec violences physiques, eux, ont augmentation de 130%, durant la même période. Source : Service de protection de la communauté juive (SPCJ) basés sur des données du ministère de l’Intérieur.

Judéophobie… comment la France revient tranquillement au Moyen Age

Il est très intéressant de parfois regarder les vieux grimoires médiévaux car ils nous en disent long sur la mémoire malade de l’Europe. L’histoire est souvent maîtresse d’enseignements et il est bon de la regarder en face pour qu’elle ne bégaie pas.

Folies médiévales

Voici une image extraite d’un manuel de didactique médiévale. Cette représentation de l’Enfer est composée de scénettes. Des diablotins brûlent des couples adultèrins, l’un d’eux coule de l’or dans la bouche d’un usurier en bas, des chevaliers mijotent dans une marmite, des sorcières brûlent…

Jardin des délices

Le but était d’apprendre au lecteur à mémoriser par l’image et par étapes des contenus de méditation. C’est à cette époque que se fixe la ponctuation, le punctum, le point qui permet de scinder le sens d’un texte. Ce manuel s’adressait à des gens cloîtrés mais aussi à des clercs en vue de composer des sermons. 

Cette technique vient de la rhétorique romaine et des « lieux de discours » (in Rhétorique à Herrenius), que le Moyen-Age a actualisé par la pratique monastique des livres copiés et enluminés : l’image scinde le texte et constitue des étapes pour la médiation,  une machina memorialis, dans ce cas un dispositif (au sens que Foucault donne à ce mot, un ensemble de pratiques hétérogènes) de montage (les émotions se succèdent avec un découpage strict) qui « laboure les âmes » (au sens qu’Eisenstein donne au montage). Dante utilisera le même procédé mnémotechnique de scénettes dans sa Divine comédie  quatre siècles plus tard. Avec les conséquences que l’on sait : la comédie s’est transformée en cauchemar.

(voir ici un très bon article sur cette pratique de la mémoire médiévale)

Et une scène étrange apparait au détour de la page :Jardin des délices détail

Qui sont ces types en chapeaux pointus ? … mais oui, mais oui ! vous les avez reconnus ! ce sont des juifs. En effet,La pileus cornutus (calotte à cornes en latin), était un chapeau pointu en forme de cône, blanc ou jaune, on l’avait infligé aux juifs dans l’Europe médiévale pour les reconnaître et en Italie à partir du XIIe siècle. Et pour celui qui ne comprend pas c’est marqué « Judes ». Des juifs, ces gens dont 22% des proches du front national d’aujourd’hui n’aimeraient pas être les voisins ». (C’est ici dans ce rapport)

Lire la suite de « Judéophobie… comment la France revient tranquillement au Moyen Age »

Bravo Madame Merkel ! votre père doit être fier de sa fille

 

 « Celui qui est devenu antisémite à cause d’Israël, il l’était déjà avant »

Merkel

 

Steh Auf ! Lève toi !

Nie  wieder Judenhass !  Plus jamais la haine des juifs !

Beaucoup expliquent la montée de l’antisémitisme à travers l’Europe en incriminant des tensions suite au conflit de Gaza. Il n’en est rien pour la chancelière Angela Merkel. La fille du pasteur protestant a déclaré dimanche :  « Celui qui est devenu antisémite à cause d’Israël, il l’était déjà avant »

Elle participait ce dimanche avec de nombreuses personnalités avec cinq-milles personnes au rassemblement à la Porte de Brandebourg à Berlin, tout près du Mémorial de l’Holocauste, qui manifestaient contre les vagues de harcèlement et d’agressions antisémites en Allemagne, à la veille du Congrès juif mondial qui se tenait dans cette ville. Elle a déclaré qu’il n’y a pas de place pour l’antisémitisme en Allemagne, notamment en raison de son passé nazi, et que la lutte contre l’antisémitisme est « un devoir civique pour chaque citoyen allemand »

Merkel habituellement réservée n’a pas ménagé ses coups de poing pour dénoncer les menaces et la violence envers les Juifs en Allemagne. Quelque 160 cas ont été signalés dans les derniers mois.

« Ceux qui profèrent des injures contre des personnes qui portent une kippa ou une étoile de David sur une chaîne, les attaquent ou les agressent, s’en est également pris à blesser et chacun d’entre nous c’est nous tous qu’ils injurient et qu’ils frappent », a dit la chancelière.

« Ceux qui défigurent les pierres tombales dans un cimetière juif défigurer aussi notre culture. Ceux qui font des synagogues les cible de leur haine et de leur  violence font trembler les fondements de notre société libre.»

Angela Merkel a déclaré que le fait que Juifs aujourd’hui soient encore vivants en Allemagne « est presque un miracle ».
« La vie de la communauté juive fait partie de notre vie. Elle fait partie de notre identité et de notre culture», a poursuivi Angela Merkel, soulignant que le fait que 200 000 juifs vivent en Allemagne soit « un cadeau ». La communauté juive est en effet la troisième d’Europe en terme d’importance, derrière celles de la Grande-Bretagne et de la France. Une situation impensable après la fin du IIIe Reich : en 1950, seuls 15.000 Juifs vivaient encore en Allemagne, contre 560.000 en 1933.

Merkel – qui a remporté la plus haute distinction civile d’Israël pour ses efforts de lutte contre l’antisémitisme et le négationnisme – a déclaré que « L’Allemagne est consciente de sa responsabilité éternelle de la rupture de la civilisation qu’on appelle la Shoah ».

Elle a nommé «scandale monstrueux » le fait qu’une personne soit harcelée du fait d’être juive ou d’appeler à la sauvegarde Israël.  « Nous voulons que les  Juifs en Allemagne se sentent en sécurité, et se sentent dans notre maison commune », a déclaré Mme Merkel. Elle a dit que les Juifs doivent savoir qu’ils ont un bel avenir en Allemagne.

Mais ce n’est pas ce que ressentent beaucoup de juifs ces jours-ci, a déclaré Dieter Graumann, le président du Conseil central des Juifs d’Allemagne, qui a organisé le rassemblement. Graumann a dénoncé la «vague affreuse de haine des Juifs» qui a déferlé sur «toute l’Europe». Il a fustigé le fait que dans les rues allemandes, les Juifs soient traités de porcs et les appels lancés pour qu’ils soient gazés, brûlés et abattus. Il a demandé que plus d’Allemands se prononcent contre le pire antisémitisme qui soit advenu en Allemagne depuis des décennies.

People listen to speakers during anti-Semitism demo at Berlin's Brandenburg Gate

Le Président Congrès juif mondial Ronald Lauder a déclaré que, depuis 1945, l’Allemagne a été « l’un des pays les plus responsables de la terre. »…« Le monde regarde l’Allemagne pour des raisons politiques, pour des raisons économiques et pour le leadership moral, mais quelque chose a changé »,  a déclaré Lauder. « Cet été, le progrès des 70 dernières années a été assombri par la marée montante de l’antisémitisme. » Une marée en grande partie imputable à des immigrés musulmans et des extrémistes de droite.

Merkel a parlé au nom de tous ceux qui se sont tus face à la montée de l’antisémitisme, des attaques des synagogues et des personnes partout en Europe et des meurtres dans les écoles en France et dans un musée en Belgique. Le salut viendrait-il d’Allemagne ?

Bravo Madame la Chancelière, vous avez sauvé l’honneur des peuples d’Europe, Horst Kasner (1926–2011), votre père, là-haut, doit être fier de sa fille.

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DL avec AFP et diverses sources diverses

Les antisémites de l’été

Ces quelques lignes me sont parvenues de Jérusalem :

« Mon cher Didier,

Tu connais mieux que moi l’histoire juive, ça avance !  Les temps messianiques finiront par poindre un jour. Entre temps nous les petits fidèles parmi les petits nous croyons qu’une Providence dirige l’histoire et notre croyance nous oblige à être optimistes. Je te salue, je suis écrasé par la chaleur il fait 39 dans la journée mais ceci aussi fait partie des épreuves que nous subissons dans ce bas monde ! 

Haïm le Mellahite »

On me permettra donc ce billet à la frontière de la théologie et  de la  science-fiction historique en ce 31 juillet 2014.

 

Juillet-août, les esprits s’échauffent….

Nous sommes donc le 31 juillet. Et alors me direz-vous ? Alors ? Mais voyons, alors ? Alors c’est le 31 juillet 1492 « c’est l’or Monsignor », comme dit de Funès dans l’inoxydable Folie des grandeurs. C’est le 31 juillet 1492 que les juifs ont été chassés d’Espagne engendrant le monde séfarade (sefardim, « ceux d’Espagne »). C’est aussi, tout le monde (beaucoup plus) appris à l’école, à cette époque que Christophe Colomb quitta l’Espagne quelques jours plus tard, le 03 août 1492… pour découvrir le Nouveau Monde et en ramener l’or et les épices. Et probablement aussi une bonne insolation (il se croyait à la fin de sa vie le Prophète des temps nouveaux dont la circumnavigation allait déclencher l’Apocalypse).

Ce 31 juillet 1492 était un jour de Tisha be Av’, un jour très particulier pour le peuple juif, une Solennité, le neuvième jour du mois de av’ 5252 selon le calendrier hébraïque. Ce mémorial est un jour de pleurs et de jeune en souvenir de la destruction du Temple de Jérusalem en l’an 70 de notre ère. Mais aussi, disent les Sages d’Israël, de commémoration de la destruction du premier Temple en -586 avant l’Exil à Babylone, de la destruction de la forteresse de Bétar lors de la seconde guerre judéo-romaine en 135, et de l’arasement de Jérusalem transformée en Aelia Capitolina avec interdiction pour les juifs d’y entrer l’année suivante. Bref, ce jour (qui tombera le 05 aout cette année) est celui des tuiles.

 

L’expulsion du 31 juillet 1492

L’expulsion d’Espagne par les rois catholiques via le décret de l’Alhambra se fit sur le conseil de l’Inquisition de l’église espagnole. En effet, le riant cardinal Torquemada, Grand Inquisiteur de 1483 à sa mort en 1498, magnifiquement croqué par Dostoïevski dans Les frères Karamazov (voir ici) confesse, c’est-à-dire conseille !  Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon.

Torquemada

La date retenue est donc prise en conscience. Comme si les multiples poussées de fièvre antisémite avaient besoin d’anniversaires pour se rassurer sur leur légitimité.

L’édit d’expulsion de l’Alhambra publié le 31 mars 1492 expire pour le 31 juillet 1492, pour Tisha beAv. Il précise : «… Nous avons décidé d’ordonner à tous les juifs, hommes et femmes, de quitter nos royaumes et de ne jamais y retourner… à la date du 31 juillet 1492 et ne plus rentrer sous peine de mort et de confiscation de leurs biens… »

édit

Jusqu’au dernier moment Abravanel tentera de convaincre les souverains de leur erreur théologique… et économique. Si Isabelle et Ferdinand chassent les juifs c’est pour effacer leurs créances et  surtout fédérer une identité espagnole catholique, pour toujours. Le plan grandiose se déroula comme sur des roulettes. La grande Espagne enfin catholique, suite à cette purification ethnique,  débarrassée de ses minorités : juifs et musulmans (en janvier les « infidèles » perdent Grenade et quittent la péninsule ibérique)  commencera une irrésistible ascension. Colomb leur apporta la Nouvelle Espagne, l’Amérique,  sur un plateau d’argent. En 1520, Charles Quint à vingt ans se retrouva maître de la plus grande partie de l’Europe et de vastes domaines en Amérique et en Afrique.  Jusqu’à ce que, comme par un de ces pieds de nez dont l’histoire a le secret,  l’affaire tourna court…

 

Caramba, encore raté !

Car à sa mort en 1558, Charles Quint a échoué dans son grand programme : réprimer la Réforme, vaincre les Barbaresques, entamer le royaume de France… il  laisse l’Espagne en ruine pour toujours qui disparait de la scène de l’histoire. Les juifs, eux, ont quitté l’Europe, ils sont partis vers des terres meilleures comme la Turquie où « le Grand Turc » comme on dit dans les livres d’Inquisition les accueille à bras ouvert, vers l’Afrique du Nord, la Hollande ou Huguenot se plait comme poisson dans l’eau…

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Le 22 novembre 2012, le ministre de la Justice espagnol a présenté un statut particulier et un nouveau processus, supervisé par la Fédération espagnole des communautés juives, qui permettra aux candidats désirant être naturalisés de postuler plus facilement.

Il suffira de prouver les origines ibères : nom,  langue,  document généalogique, ou… liens avec la culture espagnole. 3,5 millions de descendants seraient concernés.

Une première liste de 5200 noms a été publiée : voir ici

L’Espagne tente aujourd’hui de faire revenir les juifs et de redonner la nationalité espagnole aux marranes par décret du gouvernement espagnol… il n’est pas sûr que cela suffise à la faire revenir sur le devant de la scène de l’histoire.

 

Ladareddu, le bouc émissaire du 31 juillet… en Corse

Cette longue histoire de la souffrance juive ne donne aucun blanc-sein à la politique israélienne qui , sans être Neitourei Karta, n’a rien de « messianique »… en ce 31 juillet…pas plus qu’en 70;  mais, après tout, posez-vous la question,  pourquoi les juifs n’auraient-ils pas, comme tous les autres peuples, droit à leur sécurité ?

En réalité la souffrance juive s’accumule dans la mémoire de l’Europe moderne : Inquisition, Holocauste… mais par un curieux effet de l’esprit, l’être humain a une redoutable capacité à oublier les souffrances juives. J’en ai fait l’expérience très personnelle.

Le nom de ma mère est Valli et je viens de la région de Porto-Vecchio (Portivecchju) en Corse du sud. Le savez-vous ?  dans la nuit du 31 juillet au 1er aout à Porto-Vecchio, chez moi, on assiste à un rite curieux, ça s’appelle en langue Corse Ladareddu (« petit juillet ») : on prend un pantin de paille et d’écorce de chêne liège, on le juge sommairement, après on le promène dans les rues de la ville en le couvrant de sarcasmes. Puis on le brûle sur un bucher, sur la place de l’église en chantant : «  O Luddareddu chi ti ni vai ! « petit juillet, hélas ! tu t’en vas ! » Comme en une étrange nostalgie.

 

On brûle donc le bouc émissaire, l’abominable « homme des lièges » qui représente le mois de juillet. Un bouc émissaire, des jugements sommaires et peu informés, l’abjection publique… ça ne vous rappelle rien ?  Plus personne en Corse  ne sait pourquoi on fait cela et les corses seraient les premiers étonnés de savoir que cette coutume remonte à l’Inquisition et qu’ils cicatrisent ainsi leur sort de juifs marranes. (Note : voir ici ) Tout le monde a oublié. Et j’ai même décidé de me rappeler ce qui est arrivé… c’est comme cela que je suis redevenu juif. Les gens oublient vite… Pas D.ieu. Car L’Eternel se souvient de nous (Psaume 115, 12)

 Voir ici la vidéo

ladareddu

Les juifs à la mer, et ensuite les morisques… comme en 1492 ?

Cinq siècles après 1492, la haine et la détestation d’Israël et des Juifs  sont revenues dans les rues d’Europe, elles atteignent  même des niveaux jamais vus depuis l’Holocauste. L’ami américain, le seul ami de l’Etat hébreu est dirigé par une équipe qui ne semble rien comprendre aux problèmes des orientaux. Les attaques de synagogues, de commerce et de personnes, pour la seule raison qu’ils soient juifs, les « mort aux juifs » aujourd’hui en France, en Allemagne… en disent long de l’état de la démocratie en Europe. C’est seulement un fait, l’Europe des banlieues de la République se réveille antisémite. Les juifs–même si il faut bien reconnaître une remarquable réaction de l’Etat Français, qui fuient vers Israël où ils peuvent enfin porter leur kippa dans la rue vont-ils quitter l’Europe ?

Les juifs sont le canari de la mine. Quand ils disparaissent c’est que le coup de grisou est proche. Et il est probable qu’une fois l’Europe débarrassé de ses juifs, les arabes prendront les bateaux suivants comme en Espagne en 1492.  Ils devraient y réfléchir. Avant que ça pète ?

Est-ce ce que les européens et les français veulent cela ?

On peut aussi avoir une lecture plus théologique de ces poussées de fièvre antisémites estivales en période de jeûne (Ramadan, Tisha beAv).

 

Les douleurs d’enfantement du messie ou le délire des hommes ?

Car aujourd’hui comme il y a cinq siècles, les antisémites (on dit aujourd’hui « antisioniste ») de juillet devraient, avoir quelques raisons de craindre pour l’avenir.

Car paradoxalement, et comme le montre sa source biblique dans le Livre de Zacharie le 9 av est un jour qui annonce la joie : « le jeûne du quatrième mois, le jeûne du cinquième, le jeûne du septième et le jeûne du dixième se changeront pour la maison de Juda en jours d’allégresse et de joie. » (Livre de Zacharie 8, 19). Et le Talmud ajoute : « Qui pleure la destruction de Jérusalem mérite de se réjouir de sa reconstruction  » (T.B. Taanit 30b). La tradition juive raconte que Le Messie doit naître un 9 av.

 

Le prophète Elie annonce l’arrivée du Messie, Haggadah de Venise, 1609
Le prophète Elie annonce l’arrivée du Messie, Haggadah de Venise, 1609

 

Comme si la destruction du temple et la haine pour Israël annonçaient sa reconstruction prochaine et la souffrance du peuple les douleurs d’enfantement du messie, le shalom messianique.

L’antisémitisme ne disparaîtra donc jamais, il est une affection pathologique très profonde du narcissisme blessé (voir ici) dont ne sortira probablement jamais l’humanité jusqu’à  sa fin, il est consubstantiel à l’humanité.

Donc, que se rassurent les antisémites et antisionistes de tout poil : Israël ne mourra pas, sa civilisation a résisté aux Perses, aux Babyloniens, aux Grecs, à Rome, à la nouvelle Rome chrétienne, à l’Empire austro-hongrois transformé en IIIème Reich… Aujourd’hui le califat des banlieues de la globalisation ? … Mais elles sont où toutes ces  tous ces chères Civilisations disparues qui devaient dominer l’humanité après avoir rayé Israël de la carte ? … des langues mortes. Le peuple d’Israël résistera donc à ce nouvel antisémitisme aujourd’hui rouge et brun mêlé,… peut-être pas la République ni sa place.

Et finalement on peut sans doute, comme mon rabbin, qui écoute la radio juive mais aussi arabe à Jérusalem en ce 31 juillet, sourire de toute cette folie. J’avoue que moi, je n’ai pas ce recul… que ne suis-je né comme lui un jour de Tisha beAv dans un Mellah nord-africain ?

BHL : Le Hammassisme des imbéciles

Un édito de Bernard-Henri-Levy dont je partage chaque ligne.

A paraître dans Le Point le 31 juillet 2014

BHL

 

Je suis désolé d’y revenir.

Mais ces gens que l’on a vus, vendredi dernier, 25 juillet, dégoiser leurs « Palestine vaincra » et « Israël assassin » où étaient-ils, le dimanche précédent, quand on a appris que les combats, en Syrie, venaient de faire, en un week-end, la bagatelle de 700 morts s’ajoutant aux 150 000 qui n’avaient pas eu, eux non plus, en trois ans, l’honneur d’une vraie manifestation à Paris ?

Pourquoi ne sont-ils pas descendus dans la rue quand, quelques jours plus tôt, le très informé Syrian Network for Human Rights a révélé que l’armée de Damas avait mené, en 2014, alors même qu’elle était censée avoir détruit ses stocks d’armes chimiques, au moins 17 attaques au gaz contre, en particulier, les zones de Kafrzyta, Talmanas et Atshan ?

D’où vient que, dans ce rassemblement du 25 juillet, l’on n’ait pas entendu un slogan, ni vu une banderole, désignant les massacres qui avaient lieu au même moment dans la région de Homs et qui allaient faire, en deux jours, 720 nouveaux morts pris entre les deux feux du régime de Bachar al-Assad et des troupes de l’« Etat islamique » du Levant ?

Ces « indignés » d’un jour diront-ils qu’ils ne savaient pas, qu’ils ne disposaient pas d’images de ces morts-là et que seules les images, de nos jours, ont le pouvoir de mobiliser ? Difficile. Car ils avaient, bien sûr, ces images. Et la preuve qu’ils les avaient, c’est que ce sont elles, ou d’autres plus anciennes, que les inspirateurs de leurs défilés ont, comme l’a révélé, entre autres, la BBC, détournées, truquées puis retwittées, sous le hashtag GazaUnderAttack, en faisant croire qu’elles venaient de Gaza.

Protesteront-ils qu’ils défilaient « contre Hollande » et contre une politique de soutien à Israël dont ils ne voulaient pas qu’elle fût menée « en leur nom » ? Admettons. Mais cette façon de faire la politique du dehors avec les raisons du dedans et d’instrumentaliser une grande cause pour en faire un petit instrument chargé de se donner bonne conscience à peu de frais n’a jamais été, d’abord, la plus respectueuse du sort des victimes. Mais, surtout, le même raisonnement n’aurait-il pas dû faire que l’on descende dix fois, cent fois, dans les mêmes rues pour protester contre une non-intervention en Syrie finalement décidée, en notre nom aussi, quoique sur pression, cette fois, américaine, par le même François Hollande ?

Diront-ils que c’est la disproportion qui choque ? Le déséquilibre entre une armée surpuissante et des civils démunis ? Je comprendrais déjà mieux. Mais, là non plus, cela ne tient pas. Car si tel était le raisonnement, si l’on se souciait vraiment de ces enfants palestiniens dont la mort est, en effet, chaque fois, une abomination et un scandale, on adjurerait aussi les commissaires politiques du Hamas de quitter les sous-sols des hôpitaux où ils ont enterré leurs centres de commandement, de déplacer les lance-missiles qu’ils ont installés aux portes des écoles de l’Onu et de cesser de menacer ceux des parents tentés d’évacuer leurs maisons quand un tract de l’armée israélienne avertit qu’une frappe se prépare. Et puis, si telle était vraiment la démarche, si ce souci de la disproportion asymétrique était le ressort réel de leur rage, n’auraient- ils pas eu ne serait-ce qu’une pensée pour cette autre disproportion qui frappe, tout près de Gaza, ces damnés parmi les damnés, ces démunis absolus, que sont les foules chrétiennes de Mossoul à qui les « frères » du Hamas disaient dans le même temps : « vous avez le choix ; faire vos bagages et quitter, non pour quelques jours, mais pour toujours, votre maison – ou bien périr par le glaive ».

Non.

La vérité c’est que ces gens de la «génération Gaza» qui jugent du dernier chic d’arborer un keffieh made in Palestine trouvent, au fond, naturel que des Arabes tuent d’autres Arabes.
La vérité, c’est qu’ils n’ont aucune espèce d’objection à apprendre, de la bouche même des responsables du Hamas (Journal of Palestine Studies, vol 41, n° 4), que la construction des tunnels a coûté la vie, pour la seule année 2012, à 160 enfants palestiniens transformés en petits esclaves.

Et la vérité est qu’à ces révoltés de circonstance que l’on n’a pas vus non plus se mobiliser, pour les plus anciens d’entre eux, en faveur ni des 300 000 Darfouris massacrés par le Soudan, ni des 200 000 Tchétchènes que Poutine alla, naguère, selon sa propre et élégante formule, buter jusque dans les chiottes, ni des Bosniens assiégés et bombardés trois ans durant dans l’indifférence quasi générale, l’indignation ne vient que lorsque c’est une armée à majorité juive que l’on peut mettre en cause et condamner.

Eh bien, je suis désolé, oui.

Mais ce deux poids, deux mesures est odieux.

Voir prétendre au titre de champions de l’humanisme contemporain cet improbable attelage rouge-brun d’amis d’Olivier Besancenot et, selon des témoignages concordants (Le Monde du 26 juillet), de partisans d’Alain Soral regroupés dans le collectif Gaza Firm est sidérant.

Et pour quelqu’un qui, comme moi, plaide depuis presque un demi-siècle pour la création d’un Etat palestinien à côté d’un Israël pleinement reconnu, pour un homme qui, du plan de Genève à la fondation de JCall, s’est associé à toutes les initiatives allant dans le sens de ce que j’ai appelé une «paix sèche», il y a, dans ce charivari, quelque chose de décourageant.

Qu’il y ait, dans les rangs de ces manifestants, des femmes et des hommes sincères, je n’en doute pas.

Mais, de grâce, qu’ils réfléchissent à deux fois avant de se laisser manipuler et embrigader par des braillards dont le moteur n’est pas la solidarité mais la haine – et dont le véritable agenda n’est pas « paix en Palestine » mais « mort à Israël » et parfois, hélas, « mort aux juifs ».

Bernard-Henri Lévy

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