Langue sacrée, français parlé : la Symphonie des lettres de François Yoçèf Brami

François Yoçèf Brami, Symphonie des lettres – Lexique illustré d’une origine hébraïque du français : mots et expressions. Préface du Grand Rabbin Haïm Korsia. BibliEurope 2017. (Acheter ici)

Yossef Brami

Dans le judaïsme on dit que quand un Sage meurt c’est comme une bibliothèque qui brûle. Mais quand un livre naît c’est comme un enfant qui se met à parler et celui-ci parle une langue étrange d’hébreu et de français ou plutôt des racines hébraïques du français. Mazel Tov donc à François Yoçèf Brami pour cette Symphonie des lettres – Lexique illustré d’une origine hébraïque du français : mots et expressions. De quoi s’agit-il ?

Un juif francophone dit chaque jour les louanges du Très haut et au bout d’un moment une idée naît en lui. Pourquoi certains mots hébreux ressemblent donc tant à des mots français ?

On se rappelle que Rachi, rabbin de Troyes-en-Champagne au 11 ème siècle avait déjà montré qu’un certain nombre d’expression en vieux français provenaient directement de l’hébreu de la Torah (environ 3000 gloses disséminées à travers la Bible et le Talmud). Grace au travail de ce génie qui n’avait d’autre but que de commenter le texte nous sont parvenus des milliers de mots de l’ancien français qui sans lui seraient perdus. Ainsi du mot tohu Bohu qui vient du livre de la Genèse. Rachi commente « La terre était déserte et vide (Tohu vavohou) Et le souffle de D. planait sur les eaux » :

  • Tohou signifie « étonnement, stupéfaction », l’homme étant frappé d’étonnement et de stupeur en présence du vohou. En français (médiéval ): « estordison » : étourdissement).
  • « La face de l’abîme ». En français médiéval : « acoveter » : être couché.

François Yossef Brami a reproduit cette méthode de commentaire de Rachi dans sa Symphonie des lettres. Il a retrouvé tous les mots français à ascendance, consonnance hébraïque.

  • Abracadabra = Abra (je créerai), Ca (comme), Dabera (je parlerai)
  • Autoriser = Autire (autoriser en hébreu)
  • Ame = Neshama
  • Balbutier = Babel, Bavel: mélange
  • Immigré = Guer
  • Lumière, éclaire : Mire, Meïr…

Tout travail de généalogie est travail de recherche non seulement de filiation mais aussi de sens. Parfois c’est ainsi l’antisémitisme qui se glisse dans la langue. Qui sait que Arnaq en hébreu veut dire… portefeuille. Les juifs longtemps assignés à la seule tâche qui leur fut autorisé par l’église : le micro crédit à la consommation, ou usure, on finit par avoir la réputation d’ « arnaqueurs »…

Pour nous juifs la langue sacrée est celle de la Torah. La Bible que lisent les chrétiens provient de la traduction de notre torah par la communauté juive hellénistique vers 270 avant notre ère. On l’appelle la Septante (des 70 sages qui l’auraient traduite et seraient retombés sur le même texte par miracle). On en trouve une trace de cet épisode dans le Talmud :

 « On raconte que cinq anciens traduisirent la Torah en grec pour le roi Ptolémée, et ce jour fut aussi grave pour Israël que le jour du veau d’or, car la Torah ne put être traduite convenablement » (Talmud de Babylone, Soferim 1, 7).

Peu de gens le savent mais grâce à Eliézer Ben Yehouda nous reparlons cette langue qui n’était plus utilisée que dans la prière[1]. (Lire ici une recension)

Notre langue « patrie bien aimée de nos pensées » comme disait Herzl est désormais l’hébreu. Ce qui est en soi un miracle. Et parfois sous les langues de la galout affleure un filon, celui de l’hébreu et des juifs qui ont vécu sur ces terres d’exil.

Retrouver l’origine, montrer la filiation, faire anamnèse pour sortir le diamant de sa gangue est tâche sacrée. C’est ce que fait cette Symphonie des lettres préfacée par le Grand Rabbin Korsia.

Il arrive parfois que le texte se taise, la langue ne parle plus et s’enveloppe de silence. Le silence alors nous envahit. Et puis on prononce les mots comme en un rite…et ceux-ci reprennent vie comme les ossements d’Ezéchiel dans la vallée de le Géenne, et ils se mettent à parler. Comme une musique.

[1] Voir : BEN-YEHOUDA (Éliézer), Le Rêve traversé, suivi de BEN-AVI (Ithamar), Mémoires du premier enfant hébreu, Paris, Desclée de Brouwer, 1998, 425 p. (textes traduits par Gérard Haddad) (avec la collaboration d’Yvan Haddad) et précédés de La Psychose inversée, du même G. Haddad)

Gmar hatima tova

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Rabbi Eliézer a dit :
Fais téchouva un jour avant ta mort. »
Ses élèves lui demandèrent :
« Un homme connaît-il le jour de sa mort ? ».
Rabbi Eliézer répondit :
« À plus forte raison, qu’il fasse téchouva aujourd’hui de peur qu’il mourra demain.
Ainsi, tous ses jours seront en téchouva. (TB Chabbat 153a)

La Guémara poursuit :

Parole de Rabbi Yo’hanan ben Zakaï :
« À quoi cela ressemble-t-il ?
À un roi qui convia ses serviteurs à un festin mais qui n’en a pas fixé l’heure. 

La vraie nature de la Techouva

Par le Rav Chlomo Haïm Hacohen Aviner – chelita – en 5757 (1997). 


1. La Techouva : a priori ou a posteriori ?

D’après nos Sages, la Techouva aurait été créée avant le monde, avant toute présence humaine. A première vue, puisqu’il n’est de faute sans présence humaine, la Techouva semblerait inutile.

Mais surtout, l’homme a été créé faillible, tel qu’il est susceptible de faire des erreurs et de fauter. “Il n’existe pas de juste sur terre qui fasse le bien sans jamais fauter”. La Thora ne cache pas qu’à plusieurs reprises, Moïse lui-même a commis des erreurs ; le peuple juif s’est rendu coupable d’une faute extrêmement grave avec le veau d’or. Aucun être n’est exempt d’erreurs, d’où la nécessité de la Techouva, sorte d’issue de secours. Selon un adage célèbre : “C’est la Loi qui créé la faute”, autrement dit, sans Loi, sans mitsvot, sans interdit, il n’y aurait pas de faute ! Grande habileté du fondateur de christianisme auteur de cette phrase. Mais le Mal est le Mal, ce n’est pas la Loi qui l’engendre. Le Mal est Mal dans son essence, que nous le comprenions ou non. Il est admis que le vol est de l’ordre du mal, il nous faut comprendre que profaner le Chabbat relève également du mal.

2. Le mérite du ‘Ba’al Techouva’

La Techouva, cet acte qui nous permet de nous décharger de tout ce Mal qui nous accable sans relâche permet une purification. Mais la Techouva est plus que cela.

Le terme de Techouva, intraduisible en français si ce n’est pas le terme de ‘Retour’, comporte un relent négatif. S’il s’agit d’un retour, c’est qu’on a fait fausse route et qu’il faut revenir sur soi, réparer ce qu’on a détérioré. Si on peut détériorer, on peut également réparer. C’est donc un processus a posteriori de l’âme. Des dégâts ayant été commis, il importe de restaurer la situation telle qu’elle était au départ. Certes, il aurait été préférable qu’il n’y ait pas d’erreur, de faute et que la Techouva ne soit pas nécessaire. C’est donc après coup que les dégâts ayant été commis, il faut s’efforcer de les réparer.

Nos Sages ont précisé que “là où se tiennent les Ba’alé Techouva, les Tsadikim guemourim ne sauraient se tenir”, conférant ainsi un avantage au Ba’al Techouva par rapport à celui qui est toujours demeuré dans la voie droite. Cette opinion est en fait l’objet d’une controverse dans le Talmud. Selon l’un des Sages, le Ba’al Techouva est effectivement supérieur au Tsadik gamour, au Juste parfait, alors que d’autres présentent une opinion contraire en affirmant que “toutes les promesses des prophètes ne concernent que le Ba’al Techouva ; quant à ce qui attend le Tsadik gamour, aucun œil ne l’a contemplé”, pas même l’œil prophétique qui perçoit le lointain de l’histoire mais est dépassé par la réalité du Tsadik gamour [Berakhot 34b]. Ce qui signifierait que le monde que les prophètes nous promettent et nous présentent, c’est un monde qui appartient aux Ba’alé Techouva et qui est construit par eux. Mais le monde des Juifs intègres est un autre monde.

Une controverse dans le Talmud, ne signifie pas que les propos soient divisés entre le vrai et le faux, entre lesquels il faudrait choisir. De toutes les controverses qui surgissent dans le Talmud, il est écrit : “celles-ci et celles-ci sont des paroles du Dieu vivant” [‘Erouvin 13b]. La réalité est complexe, elle présente différents aspects, différentes facettes, différentes lumières. Chaque opinion fait apparaître une facette de la réalité. Chacun perçoit une couleur, un aspect, et ce sont les propos de tous nos Sages ensemble qui constituent la vérité.

Et ce sont les propos de tous nos Sages dans leur ensemble qui forment la réalité. Il est bien évident par ailleurs que chacun des Sages connaissait l’opinion de l’autre, d’autant qu’elles procèdent de la même argumentation. Elles se fondent d’ailleurs toutes deux sur le même verset.

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Commentaire Psychologique de la Torah

le-rabbin-aux-mille-viesAprès la vie du Rabbin Haïm Harboun à lire et à relire :

>>> PDF: Haim Harboun, le rabbin aux mille vies (extrait)

Achetez le livre en ligne >>> ici 

J’écris un long « Commentaire psychologique de la Torah » à partir de l’enseignement du Rav Haïm Harboun et du Talmud qui paraîtra en 2018.
Freud est une goutte d’eau par rapport à l’enseignement des Hakhamim sur l’âme humaine !

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Conférence du Rav Elie Lemmel hier soir à la syna : « Dépasser la culpabilité »
Trés psy et passionnant ! tout un programme en ce temps de Kippour… (Yamim Noraïm) !

D’où viennent les Selihot ? Un manuscrit de Selihot du 9ème siècle dans la « bibiothèque murée » de Dunhuang en Chine

Le plus ancien manuscrit babylonien de Selihot
9ème siècle, grotte de Mogao, Chine.

Quand le sinologue Paul Pelliot arriva aux grottes de Mogao en Chine le 25 février 1908, un coin désertique en bordure du désert du Gobi, il était loin d’imaginer qu’il découvrirait dans ce monastère tibétain sur la route de la soie dans la vallée aux mille bouddhas et aux 492 temples bouddhistes un véritable trésor de manuscrits écrits en chinois écrits du IVe au XIVe siècle , en tibétain, en ouïghour, en sogdien, en sanscrit et en hébreu.

Vallée de Mogao

En février-mars 1908, Pelliot achète pour 500 tael (100 euros) à un moine taoïste, une partie des manuscrits de Dunhuang. Celui-ci les avait découverts dans la grotte murée n° 17 des grottes « des mille bouddhas » de Mogao.

Parmi eux on trouve ce manuscrit des Selihot du 9ème siècle. Sans être allé là bas je connais un peu le bouddhisme tibétain pour avoir échangé pendant huit ans avec des moines de  l’école Karma Kagyu et rencontré le Dalaï Lama à Toulouse en 1994 ( une photo que j’ai faite à l’époque)

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DL Moine

Une photo de moi à l’époque

Tandis que la tradition des piyyoutim se développe autour des académies de Galilée le rituel des Selihot (supplications) apparaît dans le Seder  (« Ordre », Rituel ) du Gaon Amram ben Sheshna,  (mort en 875) chef de l’académie  de Soura à la fin du 9e siècle. Cet ouvrage est une responsa aux académies d’Espagne sera la base des sidourim de Maïmonide et de Saadia Gaon et des sidourim  séfarades et ashkénazes.

S’appuyant sur l’autorité de son prédécesseur Cohen Tzedek ben Abimaï, Amram prescrivit au départ de réciter les seli’hot au petit matin des dix jours redoutables (entre Roch Achana et Kippour), une tradition qui s’est étendue au mois d’Elloul dans le monde séfarade.

 

 

« Si la relation sexuelle n’est pas accomplie avec beaucoup de désir, d’amour et de liberté, la Chekhina (présence divine) n’y est pas présente » (Cabbale, 13ème siècle)

Kosher Sex

Quel est le « secret » de la relation conjugale ou plutôt de l’union sexuelle des conjoints ? C’est le sujet de l’ Iggeret ha-Qodech, la Lettre sur la sainteté, écrite non pas par Nahmanide comme on le dit parfois, mais plus probablement par Rabbi Joseph ben Abraham Gikatila (1248-1325), un éminent cabaliste disciple d’Abraham Abulafia, en Castille vers la fin du 13eme siècle. Nous avons déjà parlé de Joseph Gikatila  à propos du mariage juif.

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Rembrandt, la fiancée juive, Photo Meïr Long, Rijksmuseum, Amsterdam

Connue sous d’autres titres, notamment « Les Relations de l’homme avec sa femme » ou encore « Le Dais nuptial », cet opuscule qu’il était de coutume d’offrir aux nouveaux mariés est l’un des plus beaux textes de la Tradition juive sur le couple. Un des plus mystiques aussi.

L’ Iggeret ha-Qodech expose en six chapitres le « secret » (sod en hébreu) de la relation conjugale ou plutôt de l’union sexuelle des conjoints. Lire la suite de « « Si la relation sexuelle n’est pas accomplie avec beaucoup de désir, d’amour et de liberté, la Chekhina (présence divine) n’y est pas présente » (Cabbale, 13ème siècle) »

« Quand il voit que le monde est si coupable et qu’il mérite la destruction, l’Eternel se déplace Lui-même du trône de la Justice à celui de la Miséricorde » (Talmud)

Nous sommes entrés ce mardi soir dans le mois d’Elloul qui nous conduit à Roch Achana et aux 10 jours redoutables. C’est la période des Selihot (de sliha’, « pardon »), dites avant l’aube.

Au cœur de nos ténèbres

Un jour j’ai vu mon maître pleurer et ne pas arriver à finir de prononcer ces mots un jour de Kippour, les mots d’une prière qu’on appelle le Vidouy qui consiste à énumérer ses fautes. Il les disait pour nous tous en cet instant.

L’ambiance de ce moment où nous étions solidaires et anéantis autour de ce vieil homme est resté à jamais gravé dans mon esprit. Massé Avot… siman levanim.

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Une autre fois j’ai vu une femme russe se faufiler comme une ombre et prier contre le kotel, dans le fouilles (Photo DL).  Il y avait chez elle une intensité extrême. Elle faisait littéralement « exister D ». Personne ne sait prier et c’est toujours « la  première fois ». Lire la suite de « « Quand il voit que le monde est si coupable et qu’il mérite la destruction, l’Eternel se déplace Lui-même du trône de la Justice à celui de la Miséricorde » (Talmud) »

Tou BeAv : Le couple, rencontre providentielle de deux « inconscients »

« Il y a trois choses qui me dépassent, quatre que je ne connais pas : le chemin que suit l’aigle dans le ciel, le chemin que suit le serpent sur le rocher, le chemin que suit le navire au cœur de la mer et le chemin que suit l’homme pour trouver une jeune fille » (Livre des Proverbes 30, 18-19).

Le quinzième jour du mois d’av (hébreu : ט״ו באב tou bèav) était selon le Talmud, l’un des jours les plus joyeux de l’année juive à Jérusalem à l’époque du second Temple. Tous les jeunes célibataires de Jérusalem sortaient danser dans les vignobles avec des habits blancs , les filles invitant les garçons à les prendre. De la vient la tradition de Chiddouh, les mariages « sur mesure » organisés dans le milieu orthodoxe. Mon rabbin Harboun est spécialiste de cela, docteur en psychologie clinique il s’est fait un questionnaire spécial à cocher pour dire aux couples s’ils sont compatibles… et vérifier « avant ».
Ce jour est l’occasion d’une petite réflexion sur le couple.
Je vous livre ici quelques pages du Commentaire psychologique de la Torah largement inspiré de sa pensée du Rav Harboun mon maître que je suis en train d’écrire.

Marc Chagall, fleurs et couple sur le divan rouge

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Le couple, rencontre providentielle de deux « inconscients »

La Torah s’intéresse longuement au couple et à sa formation :

Le dicton Zivoug Mine hachamayim : « La formation du couple est l’affaire du ciel » rappelle que la construction d’un couple ne relève pas du rationnel, mais de la providence.

Lire la suite de « Tou BeAv : Le couple, rencontre providentielle de deux « inconscients » »

L’Ange de la mort dans la Torah et le Talmud

Ange

L’envoyé de D-ieu et le destructeur

L’ange de la mort s’appelle Azraël ( עזראל ) dans certaines traditions hébraïques. Son nom signifie littéralement que D-ieu aide.

Dans la Torah, la mort est vue sous la forme d’un ange envoyé par D-ieu, un être privé de tout pouvoir volontaire. L’« ange du Seigneur» frappe 185 000 hommes dans le camp assyrien (II Rois 19, 35). « Le destructeur » (ha-machkhit) tue le premier-né des Égyptiens (Ex. 22, 23), et l’ange de la destruction (« malakh ha-machkhit« ) fait rage parmi les gens de Jérusalem (II Sam. 24, 15). Dans le premier livre des Chroniques 21, 15 « L’ange du Seigneur » est vu par David debout « entre la terre et le ciel, ayant une épée étirée dans sa main étendue sur Jérusalem».

Dans I Chr 24, 10 : « Dieu envoya un messager divin à Jérusalem pour la ravager, et, comme il se livrait à l’œuvre de destruction, le Seigneur vit et fut ému de cette calamité, et il dit à l’ange destructeur (ha-machkhit) : « Assez! Retire maintenant ta main! » »

Job (33, 22) utilise le terme général « destructeur » (memtif), dont la tradition a identifié les « anges destructeurs » (malakh ḥabbalah) et le Livre des Proverbes 16, 14 utilise le terme « les anges de la mort» (mal’ake ha-maveth).

Les rabbins ont trouvé l’ange de la mort mentionné dans Ps. 89, 46, « Tu as mis fin à sa splendeur, et son trône, tu l’as fait crouler à terre » que le Targoum traduit : « Il n’y a aucun homme qui vit et, voyant l’ange de la mort, peut délivrer son âme de sa main »

Et le Midrach Rabba commente Qohélét 8, 4 : « La parole du roi est souveraine; qui oserait lui dire: « Que fais-tu? » » en disant :

« On ne peut échapper à l’ange de la mort, ni lui dire:’’Attends que je mette mes affaires en ordre’’, ou « Il y a mon fils, mon esclave: prends-le à ma place ».

L’ange de la mort dans le Talmud

L’ange de la mort est décrit dans le Talmud de multiples fois :

L’ange de la mort reçoit son ordre de Dieu.

Et il a dit à l’Ange qui a détruit le peuple, ça suffit ! (2 Sam 34, 16). R. Éléazar a déclaré : Le Saint, béni soit-Il, a dit à l’Ange: Prenez un grand homme [rab] parmi eux, par la mort de laquelle plusieurs péchés peuvent être expiés pour eux. A cette époque, il mourut Abishai, fils de Zeruiah, qui était égal à la plus grande partie du Sanhédrin. (TB Berakhot 62b)

L’idée est que la mort des justes est une expiation pour les pécheurs, selon le dicton : « ce sont toujours les meilleurs qui partent les premiers ». En réalité la mort du juste laisse un trou car il est une colonne visible de la communauté quand celle des autres ne laisse pas de trace.

« Il est dit de l’Ange de la mort qu’il est plein d’yeux ; Quand une personne malade est sur le point de partir, il se tient au-dessus de son oreiller de tête avec son épée tendue à la main et laisse tomber une goutte de fiel sur elle. Comme la personne malade le voit, il tremble et ouvre la bouche [de peur], il la laisse alors tomber dans sa bouche. C’est à partir de ce moment qu’il meurt, et de ce fait [le cadavre] se détériore, de sorte que son visage devient verdâtre. […] R. Hanina b. Kahana a déclaré : Il a été dit dans l’école de Rab que si l’on veut empêcher un cadavre de se détériorer, il faut cacher son visage en le retournant » (TB Avoda Zara 20b)

D’où l’usage de voiler la face d’un onen (défubt juif) et l’interdiction de le regarder.

Quand R. Jeremiah est tombé malade. Lorsque le médecin a appelé pour le guérir, il a vu une citrouille couchée dans la maison. Ensuite, il quitta la maison en disant : ‘‘L’ange de la mort est dans cette maison, et moi je le guérirais ! » (TB Nedarim 49a)

La ville où personne n’avait jamais menti

Dans la ville de Luz, l’ange de la mort n’a pas de pouvoir, et quand les vieillards sont prêts à mourir, ils sortent de la ville :

« Et l’homme est entré dans le pays des Hittites, et a construit une ville, et l’a appelé du nom de Luz: ce qui en est son nom jusqu’à nos jours.[…] C’est cette Luz contre laquelle Nabuchodonosor marcha sans la détruire, et même l’ange de la mort n’a pas la permission de la traverse. Quand les vieillards y sont fatigués de la vie, ils sortent hors de murs et y meurent » (TB Sotah 46b).

L’idée qu’il y ait de lieux ou on ne meurt pas apparaît dans le Talmud Sanhédrin :

« Raba a dit: Avant je pensais qu’il n’y avait pas de vérité dans le monde. Sur quoi un des Rabbins, au nom de R. Tabuth – dit aux autres, au nom de R. Tabyomi – que, même s’il recevait tous les trésors du monde, il ne mentirait pas, et il m’a raconté qu’il alla une fois en Lieu appelé Kushta, dans lequel personne n’avait jamais raconté de mensonges, et où aucun homme n’était jamais mort avant son heure.

Maintenant, il épousa une de leurs femmes, de qui il eut deux fils. Un jour, sa femme était assise et se lavait les cheveux, quand un voisin est venu et a frappé à la porte. [Son mari] se disant en lui-même qu’il serait malvenu [de lui dire que sa femme se lavait], il a crié: « Elle n’est pas là ».

[En punition pour cela], ses deux fils sont morts. Alors les gens de cette ville sont venus à lui et l’ont interrogé, Quelle est la cause de cela ?’ Il leur a raconté ce qui s’était passé. «Nous te prions, répondirent-ils : ‘‘quitte cette ville et n’incite pas la mort contre nous’’». (TB Sanhédrin 97a)

Le Zohar a une vision positive d’Azrael, il dit que celui-ci reçoit les prières des gens de foi quand ils arrivent aux Cieux et qu’il commande les légions d’anges des cieux.

D’où vient le Sceau de Salomon en Corse et ailleurs ?

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U segnu di Salomone, sceau de Salomon / Maguen David 19 siècle, Corse
Kabbale à Gérone

Amulette magique de Cabbale, XVIIème siècle, au centre le sceau de Salomon/ Maguen David
Musée de Gérone, Espagne, photo Didier Long

D’où vient le sceau de Salomon (U segnu di Salomone) sur les outils des bergers corses du Niolu et d’ailleurs ? on le trouve souvent dans les lieux de pèlerinage et surtout sur les fontaines (voir ci-dessous) sous forme d’étoile de David (étoile à 6 branches ou hexagramme) ou d’étoile à 5 branches (ou pentagramme). La question est que celui-ci est spécifiquement désigné en Corse comme « Sceau de Salomon » (U segnu di Salomone) qu’il soit à cinq ou six branches. Le sceau de Salomon apparaît dans les traditions chrétiennes et musulmanes. Mais il est d’origine juive : l’exemplaire le plus ancien du sceau de Salomon se trouve sur un sceau datant du VIIe siècle avant l’ère commune, découvert à Sidon et appartenant à un certain Josuhua ben Assayahu. Son origine est donc juive comme le montre le récit du Talmud qui effectivement met en scène une fontaine.

Sceau de Salomon

Le Sceau de Salomon dans le Talmud

Le « sceau de Salomon » vient du traité du Talmud de Baylone traité Guittin page 68a dont la guemara (interprétation en araméen des mishna en hébreu du 1er siècle et avant) a été compilée au VIème siècle en Babylonie. Cet ensemble appelé Talmud (de limoud étudier) reflète les discussions des académies perses des 5 premiers siècles de notre ère. Dans l’un de celles-ci des sages essaient de comprendre dans un contexte babylonien ce qu’on leur a transmis, dont il ne savent plus le sens qu’ils cherchent à retrouver par la discussion académique :

TB Gittin 68a

« Je me procurai Shearim et sharoth, (des chanteurs et des chanteuses, de Chir « le chant ») et les délices des fils des hommes, ‘Shearim et Sharoth’, signifie divers types de musique; «Les plaisirs des fils des hommes» sont des bassins ornementaux et des bains. «Shidah et shidoth»: ici [en Babylonie] ce sont des démons masculins et féminins. En Occident [Palestine], ils disent [cela signifie] des chariots. Johanan a déclaré : Il y avait trois cents sortes de démons à Shihin [ville du Liban], mais ce qu’est une Shidah [la mère des démons]… je ne sais pas.

Le Maître a déclaré : Ici, ils traduisent « démons masculins et féminins ». Pourquoi Salomon en avait-il besoin ? – Comme indiqué dans le verset, « On n’employa à la construction du temple que des pierres intactes de la carrière; ni marteau, ni hache, ni autre instrument de fer ne fut entendu dans le temple durant sa construction ».( 1Rois 6, 7) ; Il a dit aux rabbins: Comment puis-je faire [sans outils en fer]? – Ils ont répondu : Il y a le shamir que Moïse a apporté pour les pierres de l’éphod.

Il leur a demandé, où se trouve-t-il ? – Ils ont répondu : « Apportez un démon masculin et féminin et liez-les; Peut-être qu’ils savent et vous diront ». Il a donc amené un démon masculin et féminin et les a liés. Ils lui ont dit : « Nous ne le savons pas, mais peut-être Ashmedai, le prince des démons le sait-il ». Il leur a dit : « Où est-il ? » – Ils ont répondu: « Il est dans une telle et telle montagne. »

Il a creusé un puits là-bas, qu’il a remplit d’eau et couvre avec une pierre qu’il scelle ensuite avec son sceau. Chaque jour, il monte au ciel et étudie dans l’Académie des cieux, puis il descend sur la terre et étudie à l’Académie de la terre, puis il va, examine son sceau et ouvre la fosse et boit et ferme. Et le scelle à nouveau et disparaît.

Salomon envoya alors Benaiahu, fils de Joïada, lui donna une chaîne sur laquelle était gravé le Nom divin et un anneau sur lequel était gravé le Nom et des nappes de laine et des bouteilles de vin. Benaiahu est allé et a creusé un puits au bas de la colline et a laissé entrer l’eau [De la fosse d’Ashmedai au moyen d’un tunnel reliant les deux] et il a bouché la cavité avec des voiles de laine, Et il a creusé une fosse plus haut et a versé le vin et a ensuite rempli les puits. Il est allé et s’est assis sur un arbre.

Quand Ashmedai est venu, il a examiné le sceau, puis a ouvert la fosse et l’a trouvé pleine de vin. Il a dit, il est écrit : Moqueur est le vin, bruyante la boisson fermentée: qui s’en laisse troubler manque de sens.(Pv 20,1). Je ne vais pas l’acheter.

Mais de plus en plus assoiffé, il ne pouvait résister, et il but jusqu’à ce qu’il fût ivre et s’endormit. Benaiahu est descendu et a jeté la chaîne sur lui et l’a attaché. Quand il s’est réveillé, il a commencé à se débattre, après quoi [Benaiahu] a dit: Le Nom de votre Maître est sur vous, le Nom de votre Maître est sur vous.

[…]

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