Le Rema à Cracovie

Une de mes amies marrane, juive de Corse s’est rendue à Auschwitz et avant à Cracovie sur la tombe du Rabbi Moshé Issarlès dit le Rema.

Le Rema (1520-1572) était un éminent talmudiste et célèbre décisionnaire de la Renaissance connu pour son commentaire du Choulkhane Aroukh (la Table dréssée – recuell des lois de la Halakha orthodoxe composé par Yosef Caro à Safed au XVIè siècle encore valable de nos jours) nommé hamappa modestement, « la nappe». Dans son enseignement, il s’oppose au pilpoul (la casuistique talmudiques sans fin et parfois sans conséquence vitale) pour s’en tenir à la simple interprétation du Talmud.

Au Maharshal qui lui reprochait d’avoir fondé une partie de ses décisions
sur Aristote, Il répond qu’il a étudié la philosophie grecque selon Maimonide dans son « Guide pour les Perplexes », et alors seulement le Chabbat et Yom Tov (jours de fête) – et de plus, il est préférable, dit-il, d’étudier la philosophie que la cabale qui peut être source d’erreurs dans le rapport à Dieu.

Cracovie : tombe du Rema et synagogue avant hier :

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Berlin – Grunewald, GLEIS 17

(Photos d’Olivier Long)

BERLIN – GRUNEWALD

A l’ouest de Berlin entre L’Olympia Stadion qui a accueilli les jeux olympiques nazis de 1936 et le Centre des Congrès où sont rassemblés plus de 2000 migrants des guerres du Moyen Orient curieusement nommé « Läger » (Camp) par les vigiles qui en gardent l’entrée on trouve une petite gare de banlieue nommée BERLIN GRUNEWALD.

UNBEKANNT

Cette charmante petite gare est peu fréquentée par la majorité des berlinois. Elle fait pourtant partie des six gares de banlieue qui ont desquels sont partis des trains quotidiens pour Riga, Theresienstadt, Auschwitz… et Unbekannt. Mot qui signifie en allemand « inconnu ».

Au début les convois sont des convois d’une trentaines de personnes, irréguliers. A la fin de la guerre les convois sont quotidiens et par milliers de personnes.

RAILS VERS NULLE PART

Alors que les autres voies permettent au berlinois de rejoindre le centre de Berlin d’un coté et son Jardin Zoologique… de l’autre côté le Terminus de la voie est la gare de la station balnéaire Wannsee (Là où se déroula la conférence qui décida de la Solution finale).

Mais Gleis 17, quai 17, le quai est silencieux. Les rails sont cassés, les arbres envahissent la voie. On monte les marches d’un quai dont on comprend qu’il ne mène nulle part.

 

Au sol devant les maisons d’où sont partis les juifs on trouve un petit mémorial en laiton.

Mais Israël n’oublie pas ce que nous répétons à Pessah :

A pas aveugles de par le monde

Ces lignes de Leib Rochman dans A pas aveugles de par le monde me viennent à l’esprit :

« Seules demeuraient les ombres. On ne peut les gazer, et les balles ricochent contre elles : on les voit donc déambuler en rasant les murs ou les trottoirs. Des gens marchent sur elles, mais elles glissent sous leurs pieds et continuent leur route. On ne peut les saisir. »

S. le narrateur  dans une sorte de rêve éveillé après guerre perçoit tous ces morts qui reviennent et le supplient, le happent, ne veulent pas être oubliés, revenus des « Plaines » (c’est ainsi qu’il appelle les camps de concentration) redoutés des vivants qui ont peur de leur retour et veulent les oublier.

« Il s’arracha, arracha sa tête des bras invisibles qui l’enlaçaient. Debout il les dominait.
Un murmure se répandit : ‘‘Il s’en va.’’ »

Il médite sur son monde englouti en à peine cinq ans.

«  Et toutes ces générations d’hommes qui s’étaient unis à leur femmes ? Où était la semence qu’ils avaient plantée dans le corps de leurs épouses ? Cette semence était perdue, elle n’avait abouti nulle part. Des enfants morts d’avance dans le ventre des mères brûlées. »

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Ruth et Shelomo Selinger, souvenirs de la maison des vivants

Souviens-toi

La vie nous traverse parfois de coïncidences étranges. Il y a quelques mois nous étions de passage chez ce grand passeur d’âmes qu’est notre ami Gérard Haddad. Au-delà d’être un grand intellectuel de note temps et un guérisseur d’âmes, nos rencontres qui sont généralement des seder de fêtes ou des repas se tissent de coïncidences étranges que je ne saurais expliquer. Ainsi avions nous dîné chez lui avec Antonietta sa femme, et avec Ruth et Shelomo Selinger. Gérard nous montrait la maquette d’une statue de Shelomo.

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Shelomo Selinger et Gérard Haddad

Quelques mois plus tard visitant l’allée des justes à Yad Vashem (ma femme a travaillé sur la Shoah) je tombais en plein soleil sur la statue de Shelomo. J’étais assez secoué. C’était tellement étrange.

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La musique des anges

En juin dernier, un mercredi, j’entrais dans une salle municipale pour écouter ma fille de 10 ans chanter dans une pièce de théâtre appelée Brundibar. C’est un opéra pour enfants écrit par Hans Krása qui fut interprété pour la première fois le 23 septembre 1943 par les enfants déportés du camp de la mort de Theresienstadt. Un SMS est alors arrivé de Shelomo, il invitait à visiter son atelier le dimanche suivant. J’ai fait alors cette vidéo :

Schelomo est un rescapé de Theresienstadt, un médecin de l’Armée rouge l’a récupéré dans un tas de cadavres alors qu’il bougeait encore la main.

Les nazis, que leur nom soit effacé, ont tué son père (zal) en lui faisant aspirer de l’eau sous pression avec un tuyau. Shelomo a dessiné tout cela.

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La veille de cet opéra pour enfant, je me suis retrouvé par hasard à diner à côté d’un client dans le digital que je n’avais pas vu depuis 5 ans (il travaillait alors chez Google après avoir quitté Celio), une bonne surprise. Le dimanche suivant… je tombais sur lui dans l’atelier de Shelomo… il me prit pour une sorte de revenant.

Ce premier janvier nous avons été invité par Rami le fils de Shelomo grand chirurgien réparateur de corps et jazzman à un niveau professionnel à ses heures perdues. Je n’oublierai jamais.

Rami Selinger

Rami Selinger

C’était la fête des pères. Rami, son fils, jouait du saxo, une mélodie magnifique comme les anges de la kedoucha doivent jouer devant l’Eternel … j’ai reconnu le tuyau, mais alors que d’autres en avaient fait un instrument de mort pour son grand père, lui il en tirait de la musique, une musique céleste minashamaïm !!! Et il jouait pour son père!!! Qu’y a-t-il de plus prodigieux ? Qu’un fils fasse cela pour l’anniversaire de son père… Dites moi, si vous n’avez pas un pierre à la place du coeur, vous devez vous aussi ressentir ce que je ressens non ?

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Ruth Selinger

Ce premier jour du mois janvier septième anniversaire de la mort de mon ami Jean-Louis Rambaud (zal) dans une avalanche, nous avons été invité chez Rami, Ruthy sa maman m’a raconté sa propre histoire. Comment son père arrivé en Israël , à la montée de Staline en 1924 avait laissé derrière lui ses parents, sa sœur et ses deux frères, sans plus jamais les revoir.
C’est seulement en 1981, qu’il avait appris de son neveu, récemment sorti de la Russie, l’histoire de son frère David, se battant avec l’Armée Rouge contre l’armée Nazi en Russie, la pourchassant en Pologne, puis en Allemagne jusqu’à Berlin. Il s’était battu sous les ordres de Joukov à Stalingrad et partout en Russie et en Allemagne.

Du fait de la paranoïa de Staline, voyant dans chaque jeune brillant un potentiel ennemi personnel qui allait comploter contre lui, son oncle se trouvait en danger de mort.

Ingénieur en chimie avant la 2ème guerre mondiale, il avait été mobilisé à l’armée rouge au grade de simple officier. Durant les années de guerre il s’est vu attribuer les plus hauts insignes et médailles honorifiques pour son courage et ses victoires aux combats. De simple officier il avait monté tous les échelons militaires jusqu’au grade de Colonel.
Ruthy avait retrouvé toutes ces victoires, mentionnées dans son dossier militaire qu’elle avait, fait exceptionnel ! retrouvé.

Il y est mentionné également que « le Camarade , le maréchal Staline en était au courant… ». Joukov, commandant de l’armée rouge voulait le nommer « Gouverneur de la lace de Berlin, » – Staline s’y était opposé, disant qu' »un juif ne peut pas tenir ce poste ».

Sa mission à Berlin terminé, le haut commandement de l’armée lui avait arrangé un poste important dans la recherche nucléaire militaire à Moscou, – loin des yeux et du pouvoir de Staline. Ainsi son oncle avait pu échapper au terrible sort de tant d’officiers, victimes de la folie de Staline.

Elle m’avait dit :

 » Je sors mon oncle de l’oubli à la lumière de la vie. »

Elle cherchait les traces de sa famille dans les archives russes, apprenant cette langue, comme moi-même je l’avais fait avec la mienne de corse dans les Archives de Gênes. Voilà comment la mémoire transgénérationnelle ashkénaze l’avait menée de l’intuition à l’histoire faisant d’elle une chercheuse d’âmes perdues.

Je regardais ses yeux briller dans l’ombre et je voyais la passion de l’âme russe, l’étincelle ashkénaze. Quand le visage quasi impassible est traversé par un étrange sourire et que les yeux jettent dans étincelles dans l’ombre. Esh ! Le feu de D-ieu en ce monde. Esh!

Ressuscité d’entre les morts

En fait je crois que Shelomo est une sorte de ressuscité d’entre les morts. Voici une photo de lui prise il y a quelques jours par Ruthy. Il a aujourd’hui 88 ans et il sculpte le granit. Oui le granit, pas le calcaire, la pierre la plus dure qui soit. Shelomo travaille la pierre, comme toujours, de ses mains, en taille directe. Une sorte de combat. Comme Jacob avec l’ange.

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Toutes photos suivantes :© Ruth Selinger

Il exécute une commande pour le mémorial des juifs déportés de Luxembourg, une commande de l’état de Luxembourg, demandée par la communauté juive, pour commémorer les milliers des juifs dont le sort et la responsabilité de l’Etat allaient être effacés de l’histoire. Le monument sera érigé près de la grande cathédrale de la ville de Luxembourg, non loin de l’endroit où autrefois était la synagogue.

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Mais avant l’inauguration il faut tailler la pierre, un bloc de granit rose, de 3m30 x 1m20 x 90 cm, qui provient de  » la clarté » en Bretagne. Shelomo a commencé cette œuvre il y a environ 7 mois, dans un hangar de « La Générale du Granit » à Louvigné-du-Désert (rien que le nom est tout un programme !). Le travail devra durer encore un an. Le titre de cette sculpture est Kaddish.

Shelomo habite dans les environs et revient de temps à autre à Paris. Ruthy l’accompagne. Fidèle comme un ange gardien.

Le travail de Shelomo est une avoda, une oeuvre spirituelle. Il sculpte la pierre pour ressusciter les âmes qui ont disparu à nos yeux. Il leur rend leur visibilité, celle de la remémoration, de l’anamnèse.

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Je suis en assez bonne santé mentale il me semble. Je ne crois pas aux miracles. De mon maître le rabbi Haïm j’ai appris Maïmonide, une théologie rationaliste. Je crois que D. laisse le monde « suivre son cours ». Mais depuis que je suis parti sur les traces de ma mémoire des connexions improbables se font. Loin, très loin. inexplicables. Il est tellement étrange de voir tout cela de mes yeux de chair.

Je ne suis qu’un témoin, un passant. J’écris pour laisser une trace, pour que les âmes des camps, celles qui savent lire et celles qui n’ont pas pu apprendre sachent que nous ne les avons pas oubliées. Nous sommes là. Nous savons que vous êtes là dans l’ombre. Et nous ne vous oublions pas, vous faites partie de nous. Sans vous nous ne serions pas là. Et nous ne vous effacerons pas de nos mémoires.

Baroukh ata Adonaï Mékhayé ha-métim.

Wassili Grossman : « L’enfer de Tréblinka »

J’ai lu hier à chabbat un livre hallucinant. L’enfer de Tréblinka de Wassili Grossman. Il s’agit d’un petit récit assez simple où Grossman fixe les témoignages qu’il a recueilli a Tréblinka alors qu’il a participé à la découverte du camps où il est passé comme soldat de l’armée Rouge.

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Il écrit pour qu’on croit ce que lui même cherche à se prouver et que pourtant il constate comme s’il n’arrivait pas à se dire que c’était vrai. Lire la suite de « Wassili Grossman : « L’enfer de Tréblinka » »

Le pardon (Techouva) dans le judaïsme, par Marie-Pierre Samitier

Bourreaux et survivantsPour ceux que l’étude intéresse un chapitre du livre de Marie-Pierre Samitier, « Bourreaux et survivants, faut-il tout pardonner? » sur la Techouva. D’origine ashkénaze d’Alsace et de Troyes (familles Beck et Picard), elle  y interviewe les derniers rescapés de la Shoah.

Genèse du pardon : la Techouva

Il faut replonger aux origines du pardon qui est une invention du judaïsme. En hébreu, la Techouva se traduit par retour ou réponse. Elle désigne le processus de repentance. Dans la pratique juive, une faute ou un mal commis peuvent être pardonnés à condition d’engager un processus de Techouva. Pour prendre le chemin qui mène à la compréhension de ce qu’est le pardon, qui n’a rien à voir avec les excuses, il faut partir de ce qu’a été l’invention du pardon. Il est indissociable de la « Techouva » (הבושת) qui désigne le processus de repentance dans le judaïsme. Dans la pratique juive, une faute, un acte interdit, peuvent être pardonnés sous réserve d’engager une démarche de « Techouva ».

La « Techouva » est le « retour » puisque c’en est la traduction, c’est-à-dire une renaissance qui permet à l’homme à travers la repentance de se séparer de ses oripeaux de haine. Il s’agit d’un engagement intérieur pour un autre chemin, ce que Lévinas nomme le « Mieux » (texte du traité du Talmud de Babylone Yoma, in Quatre lectures talmudiques). La Techouva permet un renouvellement du juste et du bien. C’est le retour à une situation initiale mais en même temps il s’agit d’une anamnèse (au sens d’un « historique », d’un appel au souvenir) de la faute. Que fait-on lorsqu’on fait « Techouva » ? On regarde ce qu’il s’est passé en face. La faute est couverte plutôt qu’effacée, on renoncer à la faire payer et à en tenir compte. Le passé reste ce qu’il est mais il n’obstrue plus l’avenir. Dans le cycle sans fin de la culpabilité et de la vengeance. C’est pourquoi celui qui vient des Baal Techouva est fragile et vulnérable comme un bébé. La demande de pardon est une remise à l’autre de sa culpabilité. Il permet de dénouer une situation : le pardon est la libération de l’âme coupable. Par cet acte, celui qui fait Techouva va créer de nouvelles perspectives de comportement. La possibilité de revenir sur nos actes permet un renouvellement logique du juste et du bien. Elle en appelle à la sphère des valeurs, puisant sa source dans la pureté de cœur de celui qui manifeste une repentance. La Techouva est une « conversion », un retour à une situation initiale, « convertere » qui signifie se convertir, se retourner : l’inverse de se subvertir.

aj2Yad Vashem 2016, à droite la sculpture de notre ami Shelomo Selinger

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Marie-Pierre Samitier, Yad Vashem, 2016

Une anecdote talmudique résume le réalisme que demandent le pardon et son absolution :

On demanda à la Hokhmah, la Sagesse : « Qu’adviendra-t-il d’une âme qui a fauté ? » La Hohkmah répondit : « Le fauteur ; le mal le poursuivra », indiquant ainsi qu’il sera constamment hanté par sa faute.
On posa la même question à la prophétie. Elle répondit : « Le fauteur devra mourir ! » On posa la même question à la Torah qui répondit : « Qu’il apporte un sacrifice et le pardon lui sera accordé. »
Enfin, on demanda à D.ieu ! D.ieu répondit : « Qu’il fasse Téchouva, qu’il retourne à D.ieu et il sera pardonné. » Talmud de Jérusalem, Makot 11 a.

Les quatre réponses de la sagesse, de la prophétie, de la Torah et de Dieu ne sont pas quatre opinions divergentes mais quatre étapes nécessaires pour opérer un retour sincère à Dieu.

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1942 : il joue sa vie aux échecs

Voilà ce que m’a raconté une amie proche, directeur de recherche aux CNRS spécialiste des transmissions dans le cerveau, dont la mère, madame Acher, est une des rescapées du Ghetto de Varsovie. Une histoire de famille.

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Enfants juifs en Pologne vers 1920

Avant-guerre Henryk Friedman était un Maître d’échecs très connu. Il mourra déporté en 1942. Son fils aussi fut arrêté par les nazis. A l’époque le prix d’un chou dans le ghetto vaut celui d’un diamant. Le chef des SS qui l’arrête l’insulte et s’apprête à l’envoyer au train. Il remarque son nom et lui demande s’il a un rapport avec le joueur d’échec Friedman.

« Je suis son fils ». Le ton du commandant SS change.
– Tu joues aux échecs ? – Oui » Il propose au jeune-homme de jouer sa vie aux échecs contre lui. Le jeune Friedman gagne.

Il va passer le reste de la guerre à jouer chaque midi une partie contre le commandant nazi à la Gestapo. Il survivra.

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Le joueur d’échec nazi Klaus Junge

PS : Les nazis vouaient un véritable culte pour les échecs censés représenter la supériorité de la race allemande. Ci dessous l’affiche du référendum de 1936. Les nazis sont représentés par la plus grande et la plus puissante pièce de l’échiquier

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Une montre au camps de Klooga

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Cette montre que j’ai photographiée au Printemps à Yad Vachem (Jérusalem) est celle de Wladimir Potschter né à Vilnius en 1901. Cet homme est arrivé au camp de de concentration de Klooga en Estonie avec son épouse Slawa née en 1913 et a donné sa montre à ses deux fils -dont l’un s’appelait, si je me souviens bien, Itzaak- en leur disant que désormais il n’en aurait plus besoin et eux oui.

A Klooga ont péri 1800 à 2000 prisonniers.

Pour moi, ce geste est le symbole même du judaïsme, le juif c’est celui qui sanctifie le temps. D’un juif, on dit qu’il est Chomer Chabbat, gardien du Cahbbat, gardien du temps. Le Chabbat est cet arrêt du temps de l’activité profane pour retrouver son âme (Chabbat vayinafach de Nefech l’âme »), pour prendre conscience de la plénitude de l’instant humain quand il loue l’Éternel.

Le geste de Wladimir Potschter nous rappelle notre être au monde dans le temps. La sanctification du temps. Que sa mémoire soit une bénédiction ad olam.עד עולם . Pour l’Eternité.

Chabbat Chalom.

Journée Nationale de la Déportation, les juifs de la République

Aujourd’hui c’est la « Journée  nationale du Souvenir des victimes et héros de la déportation ». Une date retenue en raison de sa proximité avec la date anniversaire de la libération de la plupart des camps.

Notre communauté s’est jointe à celle de la Celle-Saint-Cloud ce matin à 11 heures pour assister à cette commémoration organisée par la ville de la Celle Saint-Cloud.

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Michel Israël, Gaston Madar (Pdt), Serge Hosana, DL, Le Rav Haïm Harboun, La famille Brami (Pdt), Florence Napoly (Maire adjoint)

Cette année elle prend une importance particulière en raison du 70ème anniversaire de la libération des camps de la mort.Voici  ce qu’en dit la Loi française :

« Il importe de ne pas laisser sombrer dans l’oubli les souvenirs et les enseignements d’une telle expérience, ni l’atroce et scientifique anéantissement de millions d’innocents, ni les gestes héroïques d’un grand nombre parmi cette masse humaine soumise aux tortures de la faim, du froid, de la vermine, de travaux épuisants et de sadiques représailles, non plus que la cruauté réfléchie des bourreaux. »

165.000 déportés sont partis de France,

89.000 au titre de la répression de la lutte contre l’occupant (résistants ou opposants politiques, otages ou victimes de représailles) mais aussi comme droits communs, homosexuels. 60% sont revenus.

76.000 dont 11.000 enfants, l’ont été au titre des persécutions antisémites de mise en œuvre de la « solution finale de la question juive » en Europe. Seulement 3% sont revenus.

Comme la Radio-Télévision Suisse réalisait une émission sur mon parcours la journaliste s’est jointe à nous.

En partant je me suis aperçu, drôle de coïncidence, que j’étais garé… Avenue des Suisses.

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Procès d’Oskar Gröning : « le comptable d’Auschwitz » demande pardon. Un acte historique

UN ARTICLE DE MARIE-PIERRE SAMITIER A LIRE SUR LE PLUS DU NOUVEL OBS.
70  ans après la libération des camps de concentration et d’extermination, l’ancien chef de section SS Oskar Gröning est jugé en Allemagne. Agé de 93 ans, « le comptable d’Auschwitz » ademandé « pardon » aux victimes de l’Holocauste. Un acte rare qui marque l’histoire de l’Allemagne post-nazie, estime Marie-Pierre Samitier, auteur de « Bourreaux et survivants : faut-il tout pardonner ? »

Édité par Barbara Krief  Auteur parrainé par Hélène Decommer

Oskar Gröning jeune, pendant la Seconde Guerre mondiale.(Capture d'écran/BBC)
Oskar Gröning jeune, pendant la Seconde Guerre mondiale.(Capture d’écran/BBC)

L’événement marquera l’histoire de l’Allemagne post-nazie : l’ex-comptable d’Auschwitz Oskar Gröning a demandé pardon aux victimes le l’Holocauste le 21 avril à l’ouverture de son procès en Allemagne.

Le grand pardon
Les anciens nazis n’ont jamais demandé pardon jusque là, hormis de rares exceptions. J’en fais état dans mon livre paru ce mois-ci intitulé « Bourreaux et survivants : faut-il tout pardonner ? ». Le véritable pardon passe par la demande faite par le bourreau à la victime. Or pendant des décennies, il n’a jamais été question pour les Nazis d’exprimer la moindre repentance. Il en a été ainsi des plus hauts responsables de la machine SS tels les prisonniers de Spandau qui comptaient parmi eux Rudolf Hess. Aucun n’a voulu proférer le moindre regret quant aux actes commis pendant l’extermination programmée des Juifs lors de la IIème Guerre Mondiale.
L’événement a lieu dans le cadre d’un virage, certes tardif mais néanmoins bien réel, dans l’attitude des tribunaux allemands. Un revirement de jurisprudence a créé un précédent en 2011 avec le procès de Ivan Demjanjuk.

En effet, pendant des décennies, les magistrats outre-Rhin ont refusé de statuer sur le sort d’anciens nazis, par principe, sauf si leur responsabilité individuelle ou la complicité d’assassinat pouvait être prouvée par des documents ou des témoignages irréfutables. Je précise bien : lorsqu’il a été prouvé qu’ils ont bien contribué à l’assassinat et non qu’ils ont  » exécuté » les crimes hitlériens.
Ce principe, soutenu par la Cour fédérale de justice, a permis ainsi aux anciens nazis de vivre sans être inquiétés, les preuves et témoignages ayant été jugés trop légers ou imprécis.

Complice mais pas tueur
Demjanjuk, un apatride d’origine ukrainienne, a été condamné il y a quatre ans à cinq ans de prison pour complicité dans l’extermination de plus de 28 000 juifs sans preuve d’actes criminels, alléguant que sa qualité de gardien du camp de Sobibor était suffisante pour établir sa responsabilité. Le tribunal a conclu qu’il avait bien été gardien, et qu’il était donc complice des meurtres commis alors qu’il avait été présent dans le camp, bien qu’il n’y ait ni documents ni témoins.

C’était la première fois qu’un garde était alors condamné pour « crime de guerre sans pour autant pouvoir prouver qu’il a participé à une tuerie ». Cette condamnation a créé un précédent qui n’est pas soumis aux aléas du temps : les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles. C’est là une dynamique tardive qui illustre une volonté des institutions allemandes désormais acquise d’agir malgré le temps écoulé.   ( >>> Suite de l’article sur le PLUS DU NOUVEL OBS)

Le discours de Benjamin Brafman en ce jour de Yom Hashoah.

brafmanJe n’ai pas survécu – j’ai été assassiné à Auschwitz.

Mon nom est Yechiel Michoel Friedman. J’ai été « assassiné » à Auschwitz. Je ne suis pas mort à Auschwitz. J’ai été « assassiné » à Auschwitz.
Vous ne me connaissez pas. Aucune des personnes présentes dans cette salle ne m’a jamais rencontré ; pas même mon propre petit-fils, Ben Brafman, qui, lui non plus, ce n’est un secret pour personne, ne m’a pas connu. Je lui ai permis de parler pour moi ce soir, mais ce n’est pas son discours. C’est mon discours. Mon petit-fils parle pour moi, parce que, si j’ai été assassiné, je n’en ai pas pour autant été réduit au silence. Vous devez vous souvenir de ma vie et de mon assassinat – non pas de ma mort – mais de mon assassinat. L’assassinat de ma famille – de votre famille – de tant de familles …

Ceci est mon histoire, une histoire vraie, une histoire triste, une histoire horrible.

Mon histoire, comme tant d’autres, commence merveilleusement bien, se poursuit difficilement et se termine tragiquement mais sa fin n’en est pas vraiment une, Baroukh Hachem ; puisque, même si une grande partie de ma famille et moi-même avons été brutalisés et assassinés, une autre partie elle, a survécu par miracle. Du fait que certains ont survécu, mon petit-fils existe, il est là pour parler en mon nom, vous raconter l’histoire de son grand-père « mon » histoire, l’histoire de ma vie et l’histoire de ma mort. L’histoire de vies qui furent brutalement interrompues, la mienne, celle de Malka ma femme bien-aimée, celle de Sima ma fille si jolie, si gracieuse, celle de son mari Yaacov jeune et vigoureux et celle de leur bébé, ma petite-fille, ma « première » petite-fille, Chaya Sarah.

Ma petite Chaya Sarah, qui, à deux ans, fut arrachée des bras de sa mère, hurlant de terreur et jetée dans un four à Auschwitz comme un objet sans valeur, comme si elle n’était que quantité négligeable.
Alors aujourd’hui, je prends publiquement la parole pour vous dire que ma petite Chayala était loin d’être un objet sans valeur, elle avait de la valeur, nous en avions tous.

Chaya Sarah était la seule petite-fille que j’ai eue. Je l’aimais comme seul un grand-père peut aimer ses petits-enfants. Les tueurs nazis l’ont assassinée, et avec elle 1.500.000 autres enfants juifs. Ils nous ont pris notre nachat – notre vie, notre joie et notre espérance. Ils ont pris nos bébés et les ont transformés en cendres. >>> suite