Mémoires juive de Corse, Conférence de Didier Long à l’Institute for Sefardi and anousim studies à Netanya (Israël)

L’Institut d’Etudes des Séfarades et Anousim  ( ISAS ) au Collège académique de Nétanya en Israël a été créé en réponse à l’incroyable phénomène des descendants des convertis de force (Anousim) en Espagne et au Portugal au Moyen-Age pour répondre au réveil de leur mémoire juive.

Salomon Buzaglo son directeur nous y a accueillis :

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L’ ISAS encourage la recherche sur le développement historique et contemporain des crypto- juifs d’origine ibérique, ainsi que d’autres groupes tels que le Mashadis d’Iran. De multiples séminaires , cours et conférences permettent de sensibiliser le public à ce phénomène et ses ramifications contemporaines en Israël et dans le monde entier. Comme ce congrès mondial en Floride en septembre : Congres

L’ISAS offre également son aide à ceux qui recherchent la confirmation de leur ascendance juive par la recherche généalogique. Il est aussi composé d’une bibliothèque de recherche, d’une unité de généalogie.

Le centre authentifie en lien avec la Knesset et le gouvernement espagnol les hispano-portuguais pouvant prétender à la nationailté espagnole. En effet une liste de 5 200 noms juifs hispano-portugais expulsés de la péninsule ibérique en 1492 a été publiée en 2004 par le gouvernement espagnol. Ces patronymes séfarades, en vertu d’une loi votée en 2014, sont aujourd’hui éligibles à la nationalité espagnole.

Quelques articles dans la presse israélienne sur l’activité de Institut  :

Nourritures spirituelles (saison 2 !) : L’incroyable renaissance des liqueurs de Myrte et du Cédrat casher en Sardaigne

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Dans Des noces éternelles, un moine à la synagogue j’ai raconté comment ma grand-mère corse (chrétienne) m’envoyait début décembre un cédrat confit (photo) et comment ce type de signe un peu étrange m’avait mis sur la piste de mon identité juive… alors que j’avais été quand même moine bénédictin pendant dix ans. Comment j’avais découvert que la Corse était devenue le plus grand producteur de cédrats du monde au XIXè siècle pour alimenter le monde ashkénaze à Soukkot.

Cédrat confit

L’odorat est le sens le plus spirituel, il touche la mémoire profonde, celle de l’enfance. Chacun a sa madeleine de Proust, qui était juif comme chacun le sait :

Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. II m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse : ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais qu’elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu’elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. (Marcel Proust, Du côté de chez Swann, A la recherche du temps perdu)

Il arrive donc que certains partent À la recherche du temps perdu. Et c’est une bien étrange et vraie histoire que je veux vous rapporter aujourd’hui.

La couronne de la Reine Esther, ou l’incroyable renaissance des liqueurs de Myrte et de Cédrat casher en Sardaigne

Au commencement était l’étude… et l’amitié

Au début il y a l’amitié de deux chercheurs universitaires : Roberta Collu – Sarde, professeur d’anthropologie et de sociologie – et du rabbin Gabriel Hagaï – Franco-Israélien, professeur de philologie et de codicologie hébraïque.

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Roberta enseigne le judaïsme contemporain et l’anthropologie du fait religieux à l’Université de Paris. Elle est aussi réalisatrice de films documentaires, diffusés sur les chaînes câblées françaises. Depuis quatre ans, elle mène une étude sur le marranisme et notamment sur la présence juive en Espagne et en Sardaigne.

Le Rabbin Gabriel Hagaï, juif orthodoxe de tradition séfarade, formé à Jérusalem pendant 15 ans, initié dans une lignée mystique interne à sa tradition, a été rabbin de communauté dans des synagogues à Jérusalem (10 ans) et à Boston (3 ans). Linguiste (langues sémitiques), philologue, poète, calligraphe et chanteur, il a fondé un groupe judéo-musulman de musique orientale intitulé « la Rose et l’Olivier » où l’on chante en arabe et en hébreu.( voir ici leurs parcours [1])

Sardaigne : l’exploration de la mémoire

« Les Sardes ont conservé – du fait de leur relatif isolement insulaire – des traditions artisanales antiques d’origine hébraïque et phénicienne qui ont été perdues ailleurs. »

L’Île de Tarsis (Sardaigne) – de par son relatif isolement – a su garder depuis des millénaires les Trésors bibliques de la Nature, conservant les propriétés pharmacologiques et thérapeutiques inaltérées de sa Flore. Connue des Phéniciens et des Hébreux depuis l’Antiquité, elle était une étape privilégiée du commerce maritime à l’époque du Roi Salomon – d’où les nombreuses occurrences scripturaires des « Vaisseaux de Tarsis (אוניות תרשיש Oniyot Tarshish en hébreu) ». On peut ainsi y redécouvrir certaines traditions hébraïques soigneusement préservées depuis des millénaires et oubliées ailleurs.

Ce sont elles que nos deux amis sont partis retrouver à travers deux plantes de la fête de Souccot : le Myrte et le cédrat.

  • Le Myrte (הדס Hadhas en hébreu) est une plante odorante du maquis, très appréciée et célébrée dans l’Antiquité par toutes les cultures et les religions des rives de la Méditerranée. Dans la Tradition juive, il est considéré comme une plante sacrée, symbole de Beauté et d’Harmonie. Hadhassa n’était-il pas le prénom de la Reine Ester ? La Hadhassiya conserve toutes ses qualités médicinales et curatives – en plus de son arôme inégalé.
  • Le Cédrat (אתרוג Ethrogh en hébreu) est un agrume rustique connu depuis la plus haute Antiquité autour de la Méditerranée – célébré pour son goût et ses propriétés exceptionnelles par les Égyptiens, les Assyriens et les Hébreux. Souvent confondu avec un gros citron, le cédrat de Sardaigne fait partie des variétés les plus anciennes d’Occident. Dans la Tora, il est considéré comme une plante sacrée, emblème de Piété et d’Intégrité du Cœur. L’Ethroghiya préserve le caractère unique de ses fragrances raffinées – ajouté à ses nombreuses vertus médicales.

Leur projet ? Réintroduire deux liqueurs de myrte et de cédrat dans le giron de la conscience juive. Cet acte est de l’ordre de « lehaḥzir ‘aṭara le-yoshnah (להחזיר עטרה ליושנה, faire revenir la couronne à son ancienne [place]). »

Ces deux liqueurs évoquent le Bouquet que l’on agite pendant la fête de Soukkot, qui est composé de quatre espèces végétales : le Cédrat (Ethrogh), la Palme de Dattier (Loulav), les branches de Myrte (Hadhas) et les branches de Saule (‘Arava).

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« Trésors de Tarsis » : l’expérience gustative des Rois de Jérusalem !

Derechef ils créent une société en 2014 : « Trésors de Tarsis® (תשורות תרשיש Teshourot Tarshish en hébreu) » avec pour objectif de valoriser les trésors de la Méditerranée cités dans la Torah et providentiellement préservés sur l’Île de Tarsis (Sardaigne), sous forme de produits artisanaux fabriqués selon des savoir-faire ancestraux. Ils choisissent les meilleures recettes et en assurent une production strictement cachère.

Les produits Trésors de Tarsis évoquent l’Histoire, l’Hospitalité, le Dialogue entre les cultures différentes, la Rencontre de l’autre, la Spiritualité, le Respect de la Nature, et le Partage.

Ses créateurs restituent, grâce à leurs deux liqueurs, les produits des Tables du Roi Salomon, invitant à la convivialité, l’esprit de Fête et le raffinement. Grâce à eux nous pouvons partager l’expérience gustative des Rois de Jérusalem !

Comment ? Grâce à une production rigoureuse, respectant le rythme et les cycles de la Nature, sélectionnant les meilleures plantes, gorgées de soleil et caressées par la brise méditerranéenne, provenant d’une vallée Sarde préservée entre Mer et Montagne – loin de tous pesticides et autres traitements chimiques. Nos deux amis portent un soin méticuleux dans la qualité et l’authenticité des produits qu’ils nous font partager.

Plus de 2 000 arbres ont été plantés dans la vallée où sont produites nos liqueurs – et où poussent le Myrte et le Cédrat nécessaires à leur élaboration. Cela a permis de redynamiser les vergers et le maquis, et de repeupler la faune aviaire (colombes, merles, faucons, buses, etc.). Nous prenons soin de limiter le gaspillage inutile et de faire une meilleure utilisation des ressources, préférant le renouvelable. Les récoltes se font manuellement, dans le plus grand respect des plantes et de l’environnement.

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Que les rois de Tarsis et des îles apportent des offrandes, que les rois de Cheba et de Seba présentent des cadeaux!

Que tous les rois, enfin, lui rendent hommage, que tous les peuples deviennent ses tributaires!

Car il délivre l’indigent qui implore, le pauvre qui n’a de secours à attendre de personne.

Il prend compassion de l’humble et du malheureux, et protège la vie des faibles.

Il délivre leur personne de l’oppression et de la violence, et leur sang est d’un haut prix à ses yeux.

Ainsi, ils vivront et lui offriront de l’or de Cheba; sans cesse ils prieront en sa faveur, tout le temps, ils le béniront:

« Qu’il y ait profusion de blé dans le pays, jusque sur la cime des montagnes; que ses moissons frémissent comme le Liban; que les villes voient croître leurs habitants comme l’herbe des champs!

Que son nom vive éternellement! Que sa renommée grandisse à la face du soleil! Que l’on se souhaite d’être heureux comme lui; que tous les peuples proclament sa félicité! »

Loué soit le Seigneur Dieu, le Dieu d’Israël, qui seul accomplit des merveilles!

 (Tehilim 72, 10-15)

Nous autres juifs de Corse, l’île voisine, connaissons le poids de ces paroles et vous invitons, en ce mois de Tishri qui va commencer, à garnir déjà vos greniers en prévision de vos invitations de Souccot !

Contactez : www.tresors-de-tarsis.com

Un article dans l’Unione Sarda

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[1] Anthropologue des religions, Roberta Collu enseigne le judaïsme contemporain et l’anthropologie du fait religieux à l’Université de Paris. Elle est aussi réalisatrice de films documentaires, diffusés sur les chaînes câblées françaises. Depuis quatre ans, elle mène une étude sur le marranisme et notamment sur la présence juive en Espagne et en Sardaigne.

le Rabbin Gabriel Hagaï, juif orthodoxe de tradition séfarade, formé à Jérusalem pendant 15 ans, initié dans une lignée mystique interne à sa tradition, a été rabbin de communauté dans des synagogues à Jérusalem (10 ans) et à Boston (3 ans), ainsi qu’enseignant dans un collège rabbinique orthodoxe à Jérusalem – puis co-principal de ce même collège – pendant 10 ans. Il est actuellement enseignant-chercheur à l’EPHE (École Pratique des Hautes Études) en collaboration avec l’IRHT (Institut de Recherche et d’Histoire des Textes) en paléographie-codicologie hébraïque. Linguiste (langues sémitiques), philologue, poète, calligraphe et chanteur, il a fondé un groupe judéo-musulman de musique orientale intitulé « la Rose et l’Olivier» où l’on chante en arabe et en hébreu.

Artur Carlos de Barros Basto, l’ « Apôtre des marranes »

Construite avec des dons de Juifs du monde entier la synagogue « Kadoorie Mekor Haim » (Source de vie) a été inaugurée à Porto (Portugal) en 1938, l’année de la nuit de Cristal en Allemagne.

Le plus étonnant est que le fondateur de la communauté juive de Porto était un Portugais officier de l’armée: le capitaine Barros Basto expulsé plus tard par l’armée et connu comme le Dreyfus portugais. C’est lui que Cécil Roth a appelé l’« apôtre des marranes ». Lire la suite de « Artur Carlos de Barros Basto, l’ « Apôtre des marranes » »

DES MARRANES EN SARDAIGNE CONNAISSENT LE SECRET DE LA FABRICATION DU « BYSSUS » ET LA COULEUR DU « TEKHELET » PERDUS

On dit couramment qu’en Sardaigne il n’y a pas eu de phénomène marrane. C’est faux, le judaisme est présent en Sardaigne au moins depuis Tibère qui en l’an  19, envoie en Sardaigne plusieurs milliers de juifs de Rome. La Sardaigne et la Corse étaient des terres d’exil et une seule province.

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Une marrane en connait  par transmission les secrets de fabrication de deux procédés perdus par la tradition : la fabrication du byssus, la soie d’or de la mer et celle du Tekhelet, le bleu de la Bible a partir du coquillage ‘hillazone. Elle s’appelle Chiara Vigo et vit en Sardaigne sur l’île de Sant’Antioco située au sud-ouest et à environ quatre-vingt kilomètres de Cagliari. Elle a reçu ces secrets de sa grand-mère Maria Maddalena sur cette plage. Lire la suite de « DES MARRANES EN SARDAIGNE CONNAISSENT LE SECRET DE LA FABRICATION DU « BYSSUS » ET LA COULEUR DU « TEKHELET » PERDUS »

Les juifs en Corse après 1915, l’Ile des justes

Où l’on apprend que le frère du grand père du Rav de Loubavitch serait mort à Bastia en 1942…

Rabbi Méir le maître du miracle

Le jour de la Hilloula de Rabbi Meir un SMS est arrivé :

« J’ai lu votre livre. Mon nom est Guy Sabbagh, né à Bastia en 1947, Je suis le fils de David Sabbagh ancien président de la communauté juive de Corse et le petit-fils du rabbin Méier Tolédano qui a été le guide spirituel de cette communauté pendant toute sa vie…, votre contact m’a été donné par Laurianne B. J’espère à très bientôt »

La synagogue en bas de chez moi rue du Castagno est dédiée au Rabbi Méir, son grand-père Méir avait conduit la communauté jusqu’en 1970, il était enterré au carré juif de Bastia.  C’était la Hilloula. Une telle avalanche de signes ne se refuse pas. Ce soir, ont débarqué dans mon bureau deux corses. Mais des corses juifs ! Guy et Benny Sabbagh. C’est une histoire extraordinaire que celle de la dernière immigration juive en Corse en 1915. Je vais tenter de vous la conter ici.

Tinghir

Imaginez un teinturier juif berbère de l’Altlas, à Tinghir au début du XXème siècle dans le sud Maroc. Il s’appelle Sabbagh (le teinturier en arabe). Cet homme, prévoyant, achète tout le stock de teintures de la région. Comme dans la Torah, arrivent 3 années de sécheresse. Tous les teinturiers musulmans de la région sont pris de cours. Notre brave juif prête sa teinture à ses frères musulmans contre reconnaissance de dette. Le temps passe. En 1910 il se présente devant ses débiteurs. Ceux-ci et réfléchissant se disent que si ce misérable juif mourait la terre serait débarrassée d’un mécréant et que finalement pour leurs dettes… Aprés réflexions Ils décident de s’allier et font tomber l’artisan dans un guet-apens.

Trois jours après celui-ci meurt. Son frère se présente aux créanciers avec les papiers de dette. Ils ne peuvent pas tuer aussi le frère… et il reste toute sa famille ! Alors ils réfléchissent. Cet homme a 5 enfants : Jacob, Yehouda, David, Léa, Rahma…  Ils enlèvent Yehouda et ils vont voir sa mère : « Si vous ne déchirez pas nos reconnaissances de dettes on le tue… réfléchissez ».

Cette femme, Bouda Pérès est juive. Elle a perdu son mari. Ses enfants c’est toute sa vie. Ses ancêtres ont fui l’Inquisition Espagnole au XVème siècle. Née à Tinghir en 1895, elle est une Pérés descendante du roi David. Le soir elle pend son linge à la corde, met la pâte du pain à reposer pour montrer aux voisins que la maison est occupé quand ils se réveillent le matin… et la nuit elle s’enfuit sans bruit avec ses enfants. Elle se rappelle la promesse de la Terre promise par Hashem à Israël. Direction Tibériade en Israël.  Adieu Tinghir. Le destin de millions de juifs depuis quatre millénaires.Les derniers juifs de Tinghir qui étaient présents au Maroc depuis 3000 ans ont quitté leur terre natale en quelques jours seulement en 1964.

Bouda Pérès est la grand-mère paternelle de Guy et Benny Sabbagh.

Tibériade

Du coté maternel, le grand père s’appelle Méir Tolédano, né en 1889 à Tibériade, là où est enterré le rabbi Méir, c’est un rabbin d’une lignée illustre venue de Meknès. Voici sa généalogie depuis la fuite d’Espagne en passant par Fez, Salonique, Fez, Meknès, Tibériade et Bastia :

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G. et B; Sabbagh

A Tibériade, il rencontre Zohra Sloush née en 1895 à Fès. Sa généalogie remonte à Rachi à Troyes en Champagne au XIème siècle. Ils s’aiment. Ils se marient.

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Source : G et B Sabbagh

Mais en 1913-1914, la Terre Promise est… sous domination ottomane. La guerre éclate. La Syrie et la Palestine, deviennent un enjeux entre puissances occidentales : Ottomans alliés aux Allemands contre Français, Anglais et leurs alliés arabes de l’autre. Il faut choisir entre être Turcs ou rester marocains alors sous protectorat français. A l’été 1915, 740 juifs marocains et Algériens (colonie française) sont évacués par les américains mandatés par des juifs sionistes et philanthropes américains. A nouveau la valise.

De Jaffa à Ajaccio en passant par la Crète

Ils laissent tout sur place et sont parqués par les Turcs dans les ports de Beyrouth et Jaffa pour être expulsés. Des bateaux américains les embarquent à Jaffa (-voir ci dessous)

Jaffa

On erre en Méditerranée à la recherche d’un lieu où débarquer. L’Egypte, Chypre, refusent ces loqueteux. La Canée en Crète les accepte, un immense camp de réfugiés pour 6 mois. Le papa de Guy et Benny Sabbagh à deux ans et demi. Leur grand-père Tolédano est scandalisé… les juifs en grand habit oriental jusqu’aux pieds se baissent devant tout le monde, embrassent les mains… un Tolédano, un prince de Meknès dont la famille est partie en 1870 de la ville la plus religieuse du Maroc ne se comporte pas ainsi !

Le délégué de l’Alliance venu de Salonique fustige leurs « accoutrements ». Il demande que tout le monde s’habille à l’occidentale avec costume et chapeau. Il donne même des primes aux tailleurs pour ce faire ! On se cotise et on achète du tissu et les tailleurs du camp découpent de beaux habits comme à Paris.

Mais en septembre 1915 les autorités grecques décident de supprimer l’autorisation de résidence des citoyens ou protégés français en Crète. Adieu la Crète !

Ajaccio

Heureusement D.ieu veille et l’Alliance israélite universelle le précède ! Où caser tous ces immigrés  « français »? Mais bien sûr ! Dans la Corse qui se dépeuple ! Direction Ajaccio. La marine française les débarque à Ajaccio. Il y a là aussi quelques serbes (photo)

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Des réfugiés ? Des pourchassés ? La solidarité Corse s’organise comme un seul homme. Les dames du monde ajaccien (photo ci dessous) autour de Mme Henry, l’épouse du préfet rivalisent pour aider ces miséreux. Un grand élan populaire vient au secours de ces 740 démunis, des « Syriens », qui ne parlent que l’arabe et l’hébreu. Elles se dévouent, cousent des habits pour eux (photo, remarquez l’habit oriental à gauche). Fait marquant : on peut lire sur les bulletin de paie des instituteurs que ceux-ci ont versé une partie de celle-ci pour payer le tissus qui permet de réaliser des habits européens pour les « syriens » !

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On les loge. On organise une école pour les 180 enfants.

Enfants réfugiés juifs à Ajaccio en 1916
Enfants réfugiés juifs à Ajaccio en 1916

Tout le monde éclate de rire quand on demande son nom à Sim’ha (la joie) quand elle annonce son nom à l’école. Alors l’institutrice l’appelle Allegra, Berakha (la bénédiction) devient Marcelle (Marcuccia en langue Corse), ça tombe bien c’est le nom de la meilleure amie de l’institutrice !

Un an plus tard le préfet de Corse M. Henry constate : « ils se sont mis au Corse alors qu’ils ne parlaient qu’arabe »… « La plupart s’habillent à l’occidental ». Surtout à peine un an après être arrivés tous ont trouvé ou créé un travail !  Et sans passer par Paul emploi (Alias Paul Giacobbi) !

Tout ne va pourtant pas pour le mieux !

Les « Syriens » comme on les appelle, sont 740 pour sept rabbins. Alors le rabbin Kiki (si, si, c’est son nom !) a une idée. Il se fait faire un papier à en-tête, qui, avec des accents napoléoniens annonce… « Rabbin Kiki, Grand Rabbin de Corse ». Les six autres rabbins écrivent immédiatement au préfet pour dénoncer l’imposture ! Le grand rabbin c’est eux !

Le responsable des bains publics d’Ajaccio se plaint de ces orientaux indisciplinés toujours en retard qui arrivent à 9h 30 au lieu de 9h 00 à l’ouverture des bains et il calcule ce que ça coûte : une demi-heure fois tant d’énergie pour chauffer l’eau, fois tant de jours par an… un gaspillage des deniers publics dont il averti les autorités ! Il est scandalisé par ces « syriens » qui crachent dans l’eau !

De plus des tensions se manifestent dans la petite communauté d’indisciplinés disputailleurs que rien ne réunit que l’exil ! Une bagarre finit par éclater entre algériens et marocains. Ces derniers n’ont pas le même statut de citoyens français que les marocains sous protectorat… ils en profitent pour exclure les marocains de leur organismes représentatifs auprès des autorités de l’Etat. Il est donc décidé que les marocains iront à Bastia. Exit les marocains.

Bastia

Une cinquantaine de familles, 180 personnes, sont transférées à Bastia en février 1916.L’île est très pauvre mais la foule accueille de manière enthousiaste les « réfugiés syriens » ! Celui qui ne connait pas la générosité corse n’a jamais rencontré un homme !

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Ils sont 350 logés dans les docks du nouveau port et dans la citadelle qui est un quartier pauvre à l’époque. Ils sont accueillis par la suite comme des frères par les Simeoni (Oui la famille d’Edmond le père de Gilles le maire actuel de Bastia), les Zucharelli et le Giaccobi qui à chaque élection rappellent à Méïr Tolédano que la chose publique a besoin des voix juives et que eux-aussi ont des ancêtres juifs…

Parmi les réfugiés on trouve des Abbo, tout comme les marranes de Vintimillia la Nuova arrivés dans le sud au XVIème siècle dont je parle dans mon livre (La liste de Jacob) et dans ce post (voir ici)

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Elenco dei capifamiglia che si apprestano a partire per la Corsica (19-24 agosto 1578).
(A.S.G., Corsica, n.g. 7; cfr. Tabella 1, prima colonna).

Après la première guerre mondiale, la paix retrouvée, en 1920, une partie de la communauté repart en Eretz Israël. Mais là bas c’est la misère, certains reviennent en Corse.

Certains juifs de Bastia ou de la liste d’arrivée en Corse à Ajaccio, comme les corses de la diaspora, auront bientôt des noms réputés. Ainsi Moïse Jacob Toledano (44 ans, voir 5 ème ligne sur la liste ci-dessous) qui s’occupe des études juives à Ajaccio et qui vit en Corse jusqu’en 1920. Il deviendra Ministre des Affaires Religieuses dans le gouvernement Ben-Gourion de 1958 à sa mort en 1960, pars avoir été le rabbin en chef à Tanger en 1926 puis Dayan d’Alexandrie en Egypte, voyageant en Syrie et en Irak à la recherche d’anciens manuscrits. Léon Tolédano le frère du rabbin Tolédano, lui, deviendra milliardaire en dollars ! après avoir construit le quartier Toldéano à Bastia il va devenir milliardaire au Mexique et aux Etats-Unis… il construit la moitié de la Nouvelle Orléans… puis en Israël.

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la listes des 740 arrivés à Ajaccio

J’ai appris une information plus étonnant encore : Menharem Mendel Schneerson frère de Rabbi Rachab, le frère du grand père du Rav Mendel Schneerson – le Rabbi de Loubavitch, aurait vécu… à Bastia où il serait décédé en 1942 pendant la seconde guerre mondiale. Il tenait la scierie « Au bûcheron de Corse » à Bastia.

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L’ile des justes

Pendant la seconde guerre mondiale la Corse est le seul département français qui ne livrera pas un juif. (Voir ici). La population et le préfet vont protéger ces « touristes » ainsi qu’ils les déclarent à Vichy :

« Les Corses dans leur ensemble ont considéré que c’était une partie d’eux-mêmes que l’on touchait …  c’est une tradition en Corse que l’on accueille les Juifs et ce qui s’est passé pendant la guerre, n’est que la conséquence d’une relation ancestrale ».  (Grand Rabbin Haïm Korsia – Korsica ?)

Une BD, à lire absolument, vient de sortir sur l’île des justes :

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Le Vieux Port de Bastia

Le Rav Méir Tolédano (ZAL) va développer la petite communauté de Bastia. la synagogue lui est dédié :

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Rue du Castagno et synagogue Rabbi Méir, Photo Olivier Long

Il visitera les Mattéi qui lui offriront les meilleurs étrogim (cédrats) de leur plantations chaque automne pour chaque fête de Souccot :

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En réalité l’histoire des étroguim de corse est une trés ancienne histoire juive ( voir ici). Depuis le XVIIème siècle au moins Gênes était la place de marché où toute l’Europe centrale juive de Prague en Tchéquie, Cracovie en Pologne (Prusse orientale à l’époque) ou de Lituanie venait se fournir pour ces fruits rituels. Gênes, depuis au moins le XVIIème siècle était la place de marché où les « allemands » (c’est-à-dire les ashkénazes d’Europe centrale) venaient se fournir en étrogim (cédrats). Les Archives de Gênes le raconte : en 1676, des marchands juifs de Prague, Cracovie et de Lituanie venus acquérir des érogim sont emprisonnés à San Remo faute de porter le « chapeau jaune »… En 1684 est fondée pour 20 ans une compagnie dont les rabbins contrôlent les bénéfices destinée à exporter des étroguim et des palmes de San Remo et Gênes vers Francfort. Le prix est fixé par le chef des communautés juives de Gênes pour ne pas vendre à un prix trop haut pour les pauvres… En 1699, à Testes, un notaire reçoit la plainte des juifs Isach Ghaertz et Moïse Incava contre  la Compagnie Thoma Vethen & Scaaf au sujet de 180 étrogim cueillis à Menton et introduits à Gênes via San Remo, car ceux-ci sont impropres à l’usage  pour Soukkot car ils sont tachés et sans queue…Au XXIème siècle Galetti rapporte dans son Histoire illustrée de la Corse, vers 1860, la venue d’un rabbin de Francfort débarqué pour vérifier si les arbres n’étaient pas greffés. (Jean-Ange GALETTI, Histoire illustrée de la Corse, Pillet, Paris, 1863). En 1875, de prestigieux rabbins de Lituanie, avec à leur tête les Rav Kovna et Yits’haq El’hanan Spector, ainsi que les Rav Israël Salanter et Chlomo Kluger, tous des maîtres reconnus et très respectés du judaïsme lituanien, interdirent l’utilisation des éthroguim de Corfou à Soukkot pour encourager ceux de Corse. Les familles juives auraient payé des fortunes pour posséder un cédrat casher, la Corse en produisit donc alors pour alimenter ce besoin de toute les communautés juives du monde ashkénaze à l’automne !

C’est ainsi que la production de cédrats (et de cédratine une liqueur à base de cédrat) se développa en Corse :

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Corses et juifs

Les juifs vont développer les commerces rue Napoléon (photos ci dessous). Le papa de ma marraine Anne-Marie Venturi (venus de Florence) avait là une boutique de Costumes.

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Marc Hassan est l’oncle de Benny et Guy Sabbagh :


Magasin Hassan

Magasin Cohen

Mimi et MPi

Marie-Pierre Samitier et Miryam Illouz rue Napoléon, Bastia aout 2012

En 1970 la presse décrit « L’intégration intelligente » des juifs en Corse. Bon, c’est vrai qu’on dirait un film avec Lino Ventura (encore un patronyme juif ! )

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Je me souviens

A Pessah 2014 le Rav Haïm Harboun est aller visiter la communauté avec un miniane :

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Le Rav Méir Tolédano (ZAL) est enterré à Bastia avec son épouse Zohra Sloush.

Il a été chohet (il n’y avait que des poules au menu!), moël et rabbin de la communauté pendant un demi siècle. Il nous reste sa meguila écrite en lettres minuscules surmontée de l’oiseau fétiche de la Corse, la colombe. Comme dit le proverbe corse :

À l’altru mondu, canta un culombu è mi lamentu è mi ramentu

Dans l’autre monde chante une colombe et je me lamente et je me souviens.

La meguila c’est bien sûr le rouleau des marranes qui vénéraient « Sainte Esther » la juive caché et persécutée. Esther l’ange gardien des marranes :

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On peut lire à droite en bas le nom de Méir, en haut la colombe (yona).
Voir ici la symbolique midrashique de la colombe.

Voilà ce que m’ont dit Benny et Guy Sabbagh nés à Bastia. De vrais juifs et de vrais Corses. Très émus en me racontant comment Bastia et la Corse avaient accueilli les juifs.

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Que D.ieu bénisse la Corse !

PS : à l’heure même ou je publie cet article, le rabbin Harboun et Madame Martine Yana du Centre Communautaire de Marseille me téléphonent pour me dire qu’ils organisent une expo sur cette histoire, ils ont les documents de l’Allliance, je ne leur en ai pas parlé… j’ai écrit cet article cette nuit! Rabbi Méir guide moi !

11 juillet : Voici les documents qu’elle m’ a envoyé via le Rabbin Harboun :

Telegramme 1

Télégramme 2

Dans mon livre « Des noces éternelles, un moine à la Synagogue », je raconte cette histoire des juifs de Corse.

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L’amulette contre le mauvais oeil le (‘ain’ hara) corse et juive.

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Une tradition corse et du Maroc, les clefs qui protègent du « mauvais oeil » (Ocjhu) -chez nous à Bastia

Les juifs en Corse après 1492

Contrairement à ce qu’on dit souvent les juifs qui ont quitté l’Espagne en 1492 ne se sont pas retrouvé à Livourne mais à Gênes. En effet Livourne n’est alors qu’un petit port de pécheurs et ne deviendra un port franc avec droit de commerce pour les étrangers qu’en 1587 (voir ici) sous l’impulsion du grand-duc Ferdinand Ier seulement un siècle plus tard donc. Une initiative qui explique son accroissement. Les juifs levantins et conversos et juifs d’Espagne ne s’installeront à Livourne -qui ne compte que 134 marchands juifs en 1601, qu’au XVIIè siècle (711 en 1622; 2500 environ en 1700, 5000 à la fin du XVIIIe siècle). Le Hub trafic de la méditerranée des années 1492- 1592 est donc Gênes en lien avec les ports d’Espagne, Narbonne, le Liban, la Syrie, l’Egypte… et surtout la Corse à quelques encablures seulement plus au sud.

Gênes, port de destination des juifs d’Espagne en 1492

Le premier bateau venu d’Espagne et rempli de juifs d’Espagne arrive à Gênes en 1478.

Genova1493

Genova 1493

Dans un premier temps ceux-ci sont parqués sur les quais du port de Gênes. Combien sont-ils ? « plusieurs milliers » si l’on en croit un prédicateur de l’époque : Bernardino da feltre, antisémite virulent. « Venerunt in urbem nostram plures » commente le doge Matteo Senaréga. il arrivent faméliques : Multi fame absumti sunt et in primis lactantes et infantes… qui non habebant unde naulum solverent, filios vendebant «  des enfants au sein ! .IIs ont été rackettés par les passeurs marins génois au point que des chroniqueurs de l’époque s’émeuvent de leur sort. On les autorise à vendre ce qu’ils ont amené.Certains sont de haute classe sociale, d’autres sont autorisés à commercer ou exercer le métier de médecin en ville, mais d’autres encore sont pauvres et vont devoir vendre leurs enfants comme esclaves (« filios vendebant »); Beaucoup se convertissent par peur de mourir. Les descriptions de Matteo Senaréga rejoignent celles de Joseph Hacohen dans La vallée de larmes (‘Emeq ha-bakha):

En cours de route, cependant, les marins se sont dressés contre eux, les ont suspendus avec des cordes, ont violé leurs femmes sous leurs yeux sans que personne ne vînt à leur aide. Ensuite ils les ont débarqués en Afrique et se sont débarrassés d’eux sur une terre stérile et déserte qui semblait inhabitée. Leurs enfants ont demandé du pain, mais personne ne pouvait rien leur donner, et leurs mères ont levé les yeux vers le Ciel à ce moment fatidique.

Les nazis n’ont rien inventé, comme pendant la Shoa on sépara à l’époque les mères des enfants sans pitié, le marrane Samuel Usque raconte :

« Avant leur départ, les enfants furent baptisés d’autorité et en grande pompe […] plusieurs femmes se jetèrent aux pieds du Roi, demandant la permission d’accompagner leurs enfants mais cela n’éveilla pas la moindre étincelle de pitié chez lui. Une mère… prit son bébé dans ses bras et sans prêter attention à ses cris, se jeta du bateau dans la mer démontée et se noya, embrassant son fils unique »

L’arrivée de la peste en 1493 est imputée aux juifs et change le point de vue des génois jusque là très tolérants et imperméables aux recommandations venues des Etats pontificaux. La prédication du franciscain Bernardino da Feltre à Noël 1493 sur les châtiments réservés à ceux qui hébergent les « ennemis de Dieu dans la cité » et les juifs qui apportent la peste, illustrée par les représentations de l’époque (voir ici) prend soudain corps. Surtout Bernardino da Feltre développe le Mont de Piété à Gênes en 1489-90 pour combattre tous ces juifs qui exercent le métier de préteur. L’objectif est bien sûr de les assécher financièrement.

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Bernardino da Feltre à Gênes

A partir du 5 avril 1501 sous l’impulsion du gouverneur français de la cité Philippe de Clève (qui importe les coutumes françaises de ségrégation des juifs), les juifs doivent porter un badge en tissu jaune, de sinistre postérité, « au moins grand comme quatre doigts ». L’obligation est étendue aux médecins puis aux femmes. Suit en 1505 un édit d’expulsion qui chasse les juifs de la ville. Jusqu’au XVIIIème siècle les décrets oscillent entre les édits d’expulsion et les sauf conduits permettant aux juifs d’exercer les activités de banquier, médecin… dans la ville.

Le ghetto de Gênes est créé en 1660 et agrandi en 1674 (après celui de Venise, le premier d’Italie en 1516).

En réalité les milliers de juifs arrivés d’Espagne à Gênes sont soit partis vers la Turquie, soit ont été coincés dans les villages, soit erraient dans toute l’Italie au gré des édits d’expulsion et de la création de ghettos dans la seconde partie du XVIè siècle sous la menace pontificale : les bourgeois ne voulaient pas expulser les juifs  source de leurs profits, alors on les enfermait au lieu de les expulser comme le voulait l’Eglise.

Dans un rapport rédigé en 1564 un serviteur zélé de l’Inquisition s’inquiète :

« Il n’y a pas de ville en Italie où l’on ne trouve des marranes portugais qui ont fui l’Inquisition au Portugal. Ils s’enrichissent parce qu’ils commercent de toutes les manières tous les produits sans restriction, comme les chrétiens. Ensuite, ils déménagent en Turquie et informent le grand Turc de tout ce qui se fait ici. » (Dans : Cecil Roth, Dona Gracia Nasi, Liana Levi 2007, pg. 132, Roth cite, M. Stren, Urkundliche beiträge über die Stellung der Päpste zu den Juden, pp. 138-143)

Les juifs en Corse : de Gênes à Bastia

Combien de juifs arrivèrent en Corse et se fondirent dans la population? on ne le sait pas précisément. Pour la corse comme en Italie, les archives de Gênes et les documents notariés ne gardent que les traces des notables, médecins et marchands, les contrats de rachat d’esclaves enlevés par les barbaresques turcs vers Constantinople ou Alger. Bastia partageait ses origines génoise avec Ajaccio, fondée en 1492 par l’Office de Saint-Georges, qui installa au fond du golfe cent familles de la riviera génoise, dont probablement beaucoup de marranes.

Bastia ou Bastita, c’est-à-dire « retranchement », « bastide ». La Corse était le verrou géostratégique de protection de Gênes contre les Turcs. Trois siècles et demi durant, de 1453 à 1793, Bastia fut la capitale de la Corse, ou plutôt le siège des administrations génoise puis française, car les Corses, pendant les brefs moments de leur indépendance, préférèrent Corte. Par Bastia la Corse se rattachait au continent. La proximité de l’Italie ajouta une fonction commerciale aux fonctions militaire et politique de Bastia.

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Bastia : la rue du Castagno à droite où est la synagogue
dans une ancienne banque fortifiée génoise qui donne sur le port réinvestie vers 1915 par des juifs d’origine marocaine (rabbin Méir Tolédano) venus de Tibériade. Au loin l’ile d’Elbe.

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A la Renaissance, les banques juives comme la banque Mendés au Portugal, ou l’Ufficio di San Giorgio à Gênes utilisèrent leurs réseaux dans les principales villes d’Europe pour organiser la fuite des juifs d’Espagne et du Portugal.Gracia Nasi, dite Béatrice de Luna, épouse Mendès est la plus célèbre de ces passeurs de juifs de la renaissance. Les réseaux bancaires devinrent aussi des filières marranes, leurs agences servaient de relais aux juifs en fuite. Bien sûr ces banques ne ressemblaient pas à nos banques de dépôts modernes. Il banco à l’origine c’est « le banc » où l’on change les monnaies. La banque de l’époque est donc un réseau de familles dispersées dans les ports qui se faisaient confiance et grâce aux lettres de change évitaient à leurs clients de transporter de l’or sur des routes dangereuses, les banques juives avaient des agents commerciaux à Londres, Anvers, Amsterdam, Bordeaux, Venise, Ferrare, Gênes…. Les juifs étaient donc intimement liés à la prospérité des Cités-Etats italiennes dont ils assuraient le commerce de masse comme le monopole des épices ou du corail qui faisait et défaisait les fortunes des cités concurrentes. L’éclatement des juiveries de la péninsule ibérique en 1492 projeta tous ces petits préteurs et négociants, banchieri, dans tout le monde méditerrannéen en faisant un puissant levier de développement économique et commercial international et conduisant à moyen terme l’Espagne à la banqueroute. Le Mont-de-piété est institué en 1479 à Savone par le pape Sixte IV pour secourir : i poveri maltrattati dagli ebrei che con ingorda, avarizia lor succhiavano il sangue delle loro piccole sostanze,… « les pauvres abusés par des juifs qui, avec gourmandise et, cupidité sucent le sang de leurs petites substances ». Tout l’Esprit de l’Eglise de l’poque est résumé ici. Le Monte est institué à Rome en 1555 par le Pape pour contrer les préteurs à gage et revendeurs juifs en même temps qu’est créé le ghetto et que les préteurs marranes sont violemment persécutés à Ancone au cours d’autodafés.(voir ici un article sur les banquiers sépharades de la communauté de Rome à la Renaissance). Le prêt sur gage permettait de contourner la position traditionnelle de l’Eglise affirmée aux Conciles de Latran (1215),  Lyon (1274) et  Vienne (1312), interdisant le prêt à intérêt et menaçant d’excommunication et de privation de sépulture chrétienne toute personne qui le pratiquerait; réservant de facto cette activité aux seuls banquiers juifs.

Un certain nombre de familles génoises éminentes avaient participé à la création et à la gouvernance de la Banque des compères de Saint Georges, y compris les maisons de Grimaldi & Serra. La Banque, puissance mondiale, utilisait les services d’un certain nombre d’agents juifs, dont la famille Ghisolfi qui gérait les comptoirs de la Mer Noire. Un descendant de Simeone de Ghisolfi- le fondateur, Zacharias de Ghisolfi y sera prince à partir de 1480, il sera appelé même par le Tsar.

Les traces d’envois de  « notables » juifs en Corse apparaissent dans les archives de la République de Gênes.

  • Ainsi le 24 mai 1515 Les prottettori di San Giorgio, c’est à dire les dirigeants de la banque publique de Gênes, l’Office Saint Georges, envoient une lettre à l’Office en Corse demandent « d’autoriser le médecin Jacob, fils de Aron, de vivre à Bastia et dans d’autres places pour y pratiquer sa profession ». (Source : Archives Secrètes de Gênes, Primi Cancellieri di S. Giorgio, busta 16, citée par Rossana Urbani e Guidi Nathan Zazzu, The jews in Genoa pg. 95)
  • Le 29 avril 1525 Pietri I dargo, un juif espagnol de Cadix témoigne au lbaptême à Bastia du fils d’un médecin juif. (Source : Archives Secrètes de Gênes, Notaio Antonio Pastorino, filza 45 , citée par Rossana Urbani e Guidi Nathan Zazzu, The jews in Genoa pg. 96)
  • Le Notaire chancelier Giacomo Imperiale de Terrile écrivait en février 1532 un document parlant de Benedetto de Murta, médecin à Bastia, « auparavant juif ». Les juifs qui n’avaient qu’un prénom (Benedetto est évidement Baruch, « le béni », comme le prénom de Spinoza) prenaient comme patronyme des noms de ville comme celle de Murta toute prés de Gênes. (Notaire-Chancelier Giacomo Imperiale de Terrile, liasse 44, 1532. Diversorum. Cité par Antoine-Marie Graziani, Vistighe Corse, guide des sources de l’histoire de la Corse dans les archives génoises, Epoque moderne 1483-1790, Tome 1, Volume 2, Editions Alain Piazzola, Archives départementales de la Corse du Sud, Ajaccio, 2004. Pg. 303.)
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Synagogue de Bastia – rue du Castagno

L’aventure de Ventimillia la Nuova

Il est probable que l’immigration de peuplement opérée par Gênes dans les grandes villes et sur les côtes envoya des milliers de juifs marranes conversos ou encore juifs dans l’île, les plus pauvres bien-sûr, ceux qui n’avaient pas les moyens de continuer la route. Ceux-ci traînaient dans une misérable pauvreté dans les villages d’Italie ne pouvant pas subsister comme les décrit la lettre qui prépare  l’aventure de Ventimiglia la Nuova, la Nouvelle Vintimile, Porto-Vecchio.

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Giurisdizione di Bonifacio e Portovecchio (da “Carte Nouvelle de l’Isle de Corse” di Robert de Vaugondy, 1756).

La « T. S. San Cipriano » sur la carte est la tour génoise de Saint Cyprien (photo ci-dessous). La côte était défendue par la place fore de Bonifacio et celle de Solenzara, la citadelle de Porto-Vecchio s’inscrivant entre les deux; Un réseau de tours génoises fortifiées et armées complétait le dispositif militaire.

Tour génoise de Saint Cyprien

Tour génoise de Saint Cyprien

Là encore l’Ufficio qui gérait la Corse servit de passeur. il faut bien comprendre que les bateaux qui véhiculaient les juifs appartenaient aux armateurs, majoritairement génois. G^nes servit donc de C’est ainsi qu’en 1569, la banque Saint Georges envoya 167 familles, 460 personnes des deux sexes- issus de villages de toute la côte Ligure  pour fonder Ventimiglia la Nuova, la Nouvelle Vintimile, Porto-Vecchio. Tous partirent sous la houlette de deux compères : Pietro Massa et Giacomo Palmero sous l’égide de la banque génoise. Pourquoi de Vintimille ? Car la Banque Saint Georges avait acquis Vintimille qui passa du pouvoir de Louis XII à l’Ufficio le 6 novembre 1513. Pietro Massa le fondateur de Porto-Vecchio était très certainement de la famille du jurisconsulte à Gênes Matteo Massa, qui fit partie de l’ambassade envoyée à Gênes lors de la prise de possession de la Banque sur Vintimille. Dans cette délégation qui se rendit à Gênes on trouvait aussi Pietro Sperone, chef d’ambassade qui deviendra par la suite Vicaire Général de l’ile de Corse. Massa, un mot qui signifie aussi « fardeau »  ou une charge dont on est responsable dans la Bible hébraïque. Les massari étaient les responsables des communautés juives d’Italie. (Voir Fausto Amalberti, Storia di Ventimiglia La Nuova, La ricostruzione di Portovecchio dell’anno 1578, Cumpagnia d’i Ventemigliusi, 1985. Cumpagnia d’i Ventemigliusi, 1985. Je m’appuie sur le travail de cet historien vintimillais pour les sources génoises non juives. On pourra aussi lire Antoine-Marie Gaziani, Naissance d’une cité, Porto-Vecchio, Editions Alain Piazzola, Ajaccio, 2014, qui le complète remarquablement.)

Le Gouvernement de Gênes édictait le 9 juillet 1578 vingt-six Capitoli (chapitres), adressés à « Pietro Mazza et Giacomo Parmero » qui fixaient les conditions financières et militaires de l’expédition. Massa reçut le commandement de l’expédition, avec le titre de podestat, ayant des droits de justice.

Le chapitre 3 : « Conditions détachées à ce territoire de peur de se quereller au sujet de ses frontières, et des terrains qui sont donnés gratuitement pour toujours » me sauta au visage. Il stipulait :

« Nous donnons, et accordons librement auxdits Pietro, Giacomo, et leurs compagnons et à leurs héritiers et successeurs : tous les terrains qui existent sur le territoire de Porto-Vecchio, à savoir la vallée de Pruno et Muratello, et San-Martino avec leurs frontières respectives, au lieudit de Porto-Vecchio de cultiver, et semer, mais sans préjudice de tiers. » ( A.S.G., Corsica, Decreti del Magistrato di Corsica, n.g. 1316)

L’Ufficio, selon une politique agraire organisée, peuplait ces terres basses de l’île désertées par les populations autochtones à cause des incursions des corsaires turcs qui hibernaient en hiver dans le golf de Porto-Vecchio et de la malaria, des terres comme celles d’Aléria « abandonnées aux infidèles » disait le rapport des commissaires Grimaldo de Bracelli et Troilo Negrone dépêchés dans l’île par la Banque pour analyser les implantations possibles. La dernière grave prédation de corsaire à Porto-Vecchio datait de 1561.

Bateaux de l'Ufficio

On longea les cotes Ligure puis Toscane jusqu’à Piombino où le bateau évita de justesse le naufrage. Puis après des réparations de fortune on quitta l’île d’Elbe vers Bastia pour descendre vers le sud de l’île avec femmes et enfants. L’eau avait pénétré dans le navire et Massa constataient dans un courrier que « tous les vivres embarqués ne valent plus rien ». Tommaso Carbone gouverneur génois de la Corse crie au miracle pour de si faibles pertes et rapporte de son côté « Dans un si long voyage, avec tant de gens, il avait seulement disparu un petit garçon ». (A.S.G., Corsica, Litterarum, n.g. 517, lettre du 15 décembre 1578.). Parti de Vintimille, passé le 31 octobre 1578 à Gênes le bateau arriva le 27 novembre 1578 à Porto Vecchio, le voyage avait duré un mois au lieu de quelques jours. Faute de permission d’appareiller le bateau affronta les tempêtes d’hiver de la Méditerranée.

Porto Vecchio

Golfe de santa Giulia, plage de Palumbagia et golfe de Portjhi Vecchiu; au pied de la montagne, la vallée de Muratellu

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Golf de Portjhi Vecchiu vu de la montagne

Je viens personnellement de Muratello depuis des générations.

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Muratello

Les souffrances des marranes ont engendré des délires fous. C’est l’époque des faux messies Salomon Molko et David Reubeni dans les villes d’Italie. Colomb part en cette années 1492 découvrir la nouvelle Espagne. Les marrnes guettent le signe de leur délivrance, Leur imagination transfigure leurs souffrances insupportables en Hevlé Mashiah, les douleurs d’enfantement du messie. On lit beaucoup les prophéties d’Isaïe qui annoncent la venue du Messie dans la Jérusalem (Is 60): « Qui sont ceux-ci, qui volent comme une nuée, comme des colombes vers leurs colombiers ? Ce sont les îles qui attendent mon signal, et d’abord les vaisseaux de Tarchich, pour ramener de loin tes fils! Ils ont avec eux leur argent et leur or, en l’honneur de l’Eternel, ton Dieu, et du Saint d’Israël qui te glorifie. Et les fils de l’étranger bâtiront tes murailles, et leurs rois te serviront; car si je t’ai frappé dans ma colère, dans ma bonté je prends pitié de toi…. Et ils viendront à toi, tête, basse, les fils de tes persécuteurs, et tous tes insulteurs se prosterneront jusqu’à la plante de tes pieds; ils t’appelleront Cité de l’Eternel, la Sion du Saint d’Israël… Ton soleil n’aura jamais de coucher, ta lune jamais d’éclipse; car l’Eternel sera pour toi une lumière inextinguible, et c’en sera fini de tes jours de deuil.Ton soleil n’aura jamais de coucher, ta lune jamais d’éclipse; car l’Eternel sera pour toi une lumière inextinguible, et c’en sera fini de tes jours de deuil. ». La Nouvelle Espagne, le Nouveau Monde de Colomb ou la Nouvelle Vintimille procèdent de ce réveil de la prophétie marrane. La Nouvelle Vintimille, une ruine à reconstruire sur une Ile au pied d’une montagne avait très probablement des accents de Nouvelle Jérusalem pour ces marranes, un rêve de rédemption venu des îles lointaines.  L’homme de la Renaissance, comme Colomb vit à la fois à l’heure de la Bible médiévale et de la boussole moderne.

Mais la surprise fut rude. Les nouveaux occupants de Porto-Vecchio trouvent une place forte ruinée et doivent tout reconstruire en vivant dans des abris de fortune. Les enfants meurent de faim. Le gouverneur de Bonifacio ne lève pas le petit doigt pour aider cette foule de miséreux. Après l’hiver arriva le paludisme venu des marais des baies et du golfe de Porto Vecchio qui décima les plus faibles.

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Les marais de Saint Cyprien et la montagne : l’uomu di cagna

La fondation qui n’était pas la première tentative de Gênes fut un fiasco et les marranes sans le sou, qui s’appelaient Giacomo au départ et Giacobo six mois plus tard se fondirent dans la population autochtone. Le 21 avril 1579 Giovanni Maruffo nouveau gouverneur de l’île interdit toute immigration à partir de la riviera italienne car la peste s’est déclarée en Lombardie et pouvait se répandre dans l’île.(A.S.G., Corsica, Litterarum, n.g. 518).

Certains noms de famille de la liste des descendants de l’expédition figurent dans les annuaires de l’île : Abbo, Bono, Crespi, Guglielmi, Lamberti, Lorenzi, Orengo, Sasso… L’histoire des juifs de corse est une (longue) histoire.Celle des Giacobbi (Jacob), Zucharelli (Zacharie), Simeoni (Siméon)… dont les noms peuplent la mémoire.

Liste de Jacob

La « Liste de Jacob » (voir mon dernier livre)
Elenco dei capifamiglia che si apprestano a partire per la Corsica (19-24 agosto 1578). (A.S.G., Corsica, n.g. 7; cfr. Tabella 1, prima colonna).

A Amsterdam, à Venise, les marranes ces foules de baptisés juifs qui en quelques générations ne savaient plus rien du judaïsme furent ramenés sous les ailes de la Shekhina par des rabbins comme Mennassé Ben Israël. Isaac Cardoso, l’ami de Lope de Vega, juif en secret qui fuit la cour d’Espagne pour s’installer dans le Ghetto de Venise où il redevient juif du jour au lendemain décrit leur détresse dans un traité moral vénitien de 1560 :

« Chacun interroge son voisin, chacune interroge sa voisine, mais ces préceptes sont enseignés par des hommes et de femmes qui n’en savent pas beaucoup plus qu’eux. […] Il faudrait qu’ils pressent de questions chaque savant de cette ville, car tel est le devoir de tout Juif. Quiconque peut enseigner, encourager, et ne le fait pas, quiconque voit, entend et reste chez lui, mérite le plus sévère des châtiments » (Yosef Haïm Yerushalmi, De la Cour d’Espagne au ghetto italien- Issac Cardoso et le marranisme au XVIIè siècle, Fayard, 1987, pg. 184).

Les marranes famélique convertis à Gênes à l’arrivée du bateau contre un tranche de pain pour leur enfant et repartis vers la Ccorse n’eurent pas la chance d’y trouver des rabbins. Ils se fondirent dans la population de l’Ile. Pour nous juifs, ces conversions ne valent rien. Un juif reste juif pour l’éternité. Et D-ieu,Lui, n’oublie pas. Que D.ieu bénisse mon île.

NB : Dans mon livre Des Noces éternelles, un moine à la synagogue, je raconte l’histoire des juifs de Corse.

Des Juifs palestiniens et marocains en Corse (1915-1920)

C’est une histoire émouvante que celle des réfugiés juifs Palestiniens et Marocain en Corse au début du siècle dernier. Une amie à Jérusalem, Myriam, qu’elle en soit remerciée, m’a signalé cet article de Florence Berceot « Une escale dans la tempête. Des Juifs palestiniens en Corse (1915-1920) ».

 

A chia a pane e vinu, po invita su vicinu,  
« Celui qui a du pain et du vin peut inviter son voisin. »
(proverbe corse)

Enfants réfugiés juifs à Ajaccio en 1916
Enfants réfugiés juifs à Ajaccio en 1916 (Collection Alliance israélite universelle. Paris)

 

Le 14 décembre 1915, 744 réfugiés « israélites » débarquent d’un bateau de transport militaire français dans le port d’Ajaccio au sud-ouest de la Corse. Ils arrivent de Syrie et de Palestine, provinces de l’Empire ottoman, naguère puissant, désormais à l’agonie.

À l’été 1915, c’est le tour de quelque 700 Juifs originaires d’Algérie et du Maroc qui ont choisi l’exode plutôt que de céder à l’ultimatum des autorités turques de renoncer à leur nationalité et à leur statut de protégé français ou anglais. Après une escale en Crète, les Juifs français ou protégés par la France sont envoyés en Corse. Ils vont y résider pendant cinq ans.

Lire l’article

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La rue du Castagno vue de chez nous qui descend vers la mer
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Rue du Castagno
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Bet Méïr
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La synagogue Bet Meir
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Le Rav Harboun à la Beth Méïr, rue du Castagno (Pessah 2014)
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La rue Napoléon des commerces juifs: tailleurs, chaussures…
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Une tradition corse et du maroc, els clefs qui protègent du « mauvais oeil » (Ocjhu)

Les antisémites de l’été

Ces quelques lignes me sont parvenues de Jérusalem :

« Mon cher Didier,

Tu connais mieux que moi l’histoire juive, ça avance !  Les temps messianiques finiront par poindre un jour. Entre temps nous les petits fidèles parmi les petits nous croyons qu’une Providence dirige l’histoire et notre croyance nous oblige à être optimistes. Je te salue, je suis écrasé par la chaleur il fait 39 dans la journée mais ceci aussi fait partie des épreuves que nous subissons dans ce bas monde ! 

Haïm le Mellahite »

On me permettra donc ce billet à la frontière de la théologie et  de la  science-fiction historique en ce 31 juillet 2014.

 

Juillet-août, les esprits s’échauffent….

Nous sommes donc le 31 juillet. Et alors me direz-vous ? Alors ? Mais voyons, alors ? Alors c’est le 31 juillet 1492 « c’est l’or Monsignor », comme dit de Funès dans l’inoxydable Folie des grandeurs. C’est le 31 juillet 1492 que les juifs ont été chassés d’Espagne engendrant le monde séfarade (sefardim, « ceux d’Espagne »). C’est aussi, tout le monde (beaucoup plus) appris à l’école, à cette époque que Christophe Colomb quitta l’Espagne quelques jours plus tard, le 03 août 1492… pour découvrir le Nouveau Monde et en ramener l’or et les épices. Et probablement aussi une bonne insolation (il se croyait à la fin de sa vie le Prophète des temps nouveaux dont la circumnavigation allait déclencher l’Apocalypse).

Ce 31 juillet 1492 était un jour de Tisha be Av’, un jour très particulier pour le peuple juif, une Solennité, le neuvième jour du mois de av’ 5252 selon le calendrier hébraïque. Ce mémorial est un jour de pleurs et de jeune en souvenir de la destruction du Temple de Jérusalem en l’an 70 de notre ère. Mais aussi, disent les Sages d’Israël, de commémoration de la destruction du premier Temple en -586 avant l’Exil à Babylone, de la destruction de la forteresse de Bétar lors de la seconde guerre judéo-romaine en 135, et de l’arasement de Jérusalem transformée en Aelia Capitolina avec interdiction pour les juifs d’y entrer l’année suivante. Bref, ce jour (qui tombera le 05 aout cette année) est celui des tuiles.

 

L’expulsion du 31 juillet 1492

L’expulsion d’Espagne par les rois catholiques via le décret de l’Alhambra se fit sur le conseil de l’Inquisition de l’église espagnole. En effet, le riant cardinal Torquemada, Grand Inquisiteur de 1483 à sa mort en 1498, magnifiquement croqué par Dostoïevski dans Les frères Karamazov (voir ici) confesse, c’est-à-dire conseille !  Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon.

Torquemada

La date retenue est donc prise en conscience. Comme si les multiples poussées de fièvre antisémite avaient besoin d’anniversaires pour se rassurer sur leur légitimité.

L’édit d’expulsion de l’Alhambra publié le 31 mars 1492 expire pour le 31 juillet 1492, pour Tisha beAv. Il précise : «… Nous avons décidé d’ordonner à tous les juifs, hommes et femmes, de quitter nos royaumes et de ne jamais y retourner… à la date du 31 juillet 1492 et ne plus rentrer sous peine de mort et de confiscation de leurs biens… »

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Jusqu’au dernier moment Abravanel tentera de convaincre les souverains de leur erreur théologique… et économique. Si Isabelle et Ferdinand chassent les juifs c’est pour effacer leurs créances et  surtout fédérer une identité espagnole catholique, pour toujours. Le plan grandiose se déroula comme sur des roulettes. La grande Espagne enfin catholique, suite à cette purification ethnique,  débarrassée de ses minorités : juifs et musulmans (en janvier les « infidèles » perdent Grenade et quittent la péninsule ibérique)  commencera une irrésistible ascension. Colomb leur apporta la Nouvelle Espagne, l’Amérique,  sur un plateau d’argent. En 1520, Charles Quint à vingt ans se retrouva maître de la plus grande partie de l’Europe et de vastes domaines en Amérique et en Afrique.  Jusqu’à ce que, comme par un de ces pieds de nez dont l’histoire a le secret,  l’affaire tourna court…

 

Caramba, encore raté !

Car à sa mort en 1558, Charles Quint a échoué dans son grand programme : réprimer la Réforme, vaincre les Barbaresques, entamer le royaume de France… il  laisse l’Espagne en ruine pour toujours qui disparait de la scène de l’histoire. Les juifs, eux, ont quitté l’Europe, ils sont partis vers des terres meilleures comme la Turquie où « le Grand Turc » comme on dit dans les livres d’Inquisition les accueille à bras ouvert, vers l’Afrique du Nord, la Hollande ou Huguenot se plait comme poisson dans l’eau…

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Le 22 novembre 2012, le ministre de la Justice espagnol a présenté un statut particulier et un nouveau processus, supervisé par la Fédération espagnole des communautés juives, qui permettra aux candidats désirant être naturalisés de postuler plus facilement.

Il suffira de prouver les origines ibères : nom,  langue,  document généalogique, ou… liens avec la culture espagnole. 3,5 millions de descendants seraient concernés.

Une première liste de 5200 noms a été publiée : voir ici

L’Espagne tente aujourd’hui de faire revenir les juifs et de redonner la nationalité espagnole aux marranes par décret du gouvernement espagnol… il n’est pas sûr que cela suffise à la faire revenir sur le devant de la scène de l’histoire.

 

Ladareddu, le bouc émissaire du 31 juillet… en Corse

Cette longue histoire de la souffrance juive ne donne aucun blanc-sein à la politique israélienne qui , sans être Neitourei Karta, n’a rien de « messianique »… en ce 31 juillet…pas plus qu’en 70;  mais, après tout, posez-vous la question,  pourquoi les juifs n’auraient-ils pas, comme tous les autres peuples, droit à leur sécurité ?

En réalité la souffrance juive s’accumule dans la mémoire de l’Europe moderne : Inquisition, Holocauste… mais par un curieux effet de l’esprit, l’être humain a une redoutable capacité à oublier les souffrances juives. J’en ai fait l’expérience très personnelle.

Le nom de ma mère est Valli et je viens de la région de Porto-Vecchio (Portivecchju) en Corse du sud. Le savez-vous ?  dans la nuit du 31 juillet au 1er aout à Porto-Vecchio, chez moi, on assiste à un rite curieux, ça s’appelle en langue Corse Ladareddu (« petit juillet ») : on prend un pantin de paille et d’écorce de chêne liège, on le juge sommairement, après on le promène dans les rues de la ville en le couvrant de sarcasmes. Puis on le brûle sur un bucher, sur la place de l’église en chantant : «  O Luddareddu chi ti ni vai ! « petit juillet, hélas ! tu t’en vas ! » Comme en une étrange nostalgie.

 

On brûle donc le bouc émissaire, l’abominable « homme des lièges » qui représente le mois de juillet. Un bouc émissaire, des jugements sommaires et peu informés, l’abjection publique… ça ne vous rappelle rien ?  Plus personne en Corse  ne sait pourquoi on fait cela et les corses seraient les premiers étonnés de savoir que cette coutume remonte à l’Inquisition et qu’ils cicatrisent ainsi leur sort de juifs marranes. (Note : voir ici ) Tout le monde a oublié. Et j’ai même décidé de me rappeler ce qui est arrivé… c’est comme cela que je suis redevenu juif. Les gens oublient vite… Pas D.ieu. Car L’Eternel se souvient de nous (Psaume 115, 12)

 Voir ici la vidéo

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Les juifs à la mer, et ensuite les morisques… comme en 1492 ?

Cinq siècles après 1492, la haine et la détestation d’Israël et des Juifs  sont revenues dans les rues d’Europe, elles atteignent  même des niveaux jamais vus depuis l’Holocauste. L’ami américain, le seul ami de l’Etat hébreu est dirigé par une équipe qui ne semble rien comprendre aux problèmes des orientaux. Les attaques de synagogues, de commerce et de personnes, pour la seule raison qu’ils soient juifs, les « mort aux juifs » aujourd’hui en France, en Allemagne… en disent long de l’état de la démocratie en Europe. C’est seulement un fait, l’Europe des banlieues de la République se réveille antisémite. Les juifs–même si il faut bien reconnaître une remarquable réaction de l’Etat Français, qui fuient vers Israël où ils peuvent enfin porter leur kippa dans la rue vont-ils quitter l’Europe ?

Les juifs sont le canari de la mine. Quand ils disparaissent c’est que le coup de grisou est proche. Et il est probable qu’une fois l’Europe débarrassé de ses juifs, les arabes prendront les bateaux suivants comme en Espagne en 1492.  Ils devraient y réfléchir. Avant que ça pète ?

Est-ce ce que les européens et les français veulent cela ?

On peut aussi avoir une lecture plus théologique de ces poussées de fièvre antisémites estivales en période de jeûne (Ramadan, Tisha beAv).

 

Les douleurs d’enfantement du messie ou le délire des hommes ?

Car aujourd’hui comme il y a cinq siècles, les antisémites (on dit aujourd’hui « antisioniste ») de juillet devraient, avoir quelques raisons de craindre pour l’avenir.

Car paradoxalement, et comme le montre sa source biblique dans le Livre de Zacharie le 9 av est un jour qui annonce la joie : « le jeûne du quatrième mois, le jeûne du cinquième, le jeûne du septième et le jeûne du dixième se changeront pour la maison de Juda en jours d’allégresse et de joie. » (Livre de Zacharie 8, 19). Et le Talmud ajoute : « Qui pleure la destruction de Jérusalem mérite de se réjouir de sa reconstruction  » (T.B. Taanit 30b). La tradition juive raconte que Le Messie doit naître un 9 av.

 

Le prophète Elie annonce l’arrivée du Messie, Haggadah de Venise, 1609
Le prophète Elie annonce l’arrivée du Messie, Haggadah de Venise, 1609

 

Comme si la destruction du temple et la haine pour Israël annonçaient sa reconstruction prochaine et la souffrance du peuple les douleurs d’enfantement du messie, le shalom messianique.

L’antisémitisme ne disparaîtra donc jamais, il est une affection pathologique très profonde du narcissisme blessé (voir ici) dont ne sortira probablement jamais l’humanité jusqu’à  sa fin, il est consubstantiel à l’humanité.

Donc, que se rassurent les antisémites et antisionistes de tout poil : Israël ne mourra pas, sa civilisation a résisté aux Perses, aux Babyloniens, aux Grecs, à Rome, à la nouvelle Rome chrétienne, à l’Empire austro-hongrois transformé en IIIème Reich… Aujourd’hui le califat des banlieues de la globalisation ? … Mais elles sont où toutes ces  tous ces chères Civilisations disparues qui devaient dominer l’humanité après avoir rayé Israël de la carte ? … des langues mortes. Le peuple d’Israël résistera donc à ce nouvel antisémitisme aujourd’hui rouge et brun mêlé,… peut-être pas la République ni sa place.

Et finalement on peut sans doute, comme mon rabbin, qui écoute la radio juive mais aussi arabe à Jérusalem en ce 31 juillet, sourire de toute cette folie. J’avoue que moi, je n’ai pas ce recul… que ne suis-je né comme lui un jour de Tisha beAv dans un Mellah nord-africain ?

Las Excelencias de los Hebreos

Dans Las excelencias de los Hebreos publié à Amsterdam en 1679 Isaac Cardoso écrivait dans sa dédicace écrite à Vérone ces lignes lumineuses :

« Le peuple juif, aussi aimé de Dieu qu’il est persécuté des hommes, a été dispersé parmi les Nations pendant deux mille ans, depuis l’époque de Nabuchodonosor, expiant ses péchés et ceux de ses pères contre sa sainte Loi. Il a été maltraité par certains, tourmenté par d’autres, méprisé de tous, de telle sorte qu’il n’y a aucun Etat ou royaume qui n’ait dégainé son épée contre lui, versant son sang, consommant sa substance, comme dit le Psalmiste : Qui dévorent mon peuple comme on mange du pain. Ce peuple fut spécialement créé pour louer le Seigneur… Dieu en a fait son héritage. Il l’a glorifié des titres  éclatants de « serviteur » ; « fils, « premier-né », « fiancé », « bien-aimé », et par d’autres preuves d’amour solide et perpétuel. […] Sa séparation en fait un objet de mépris pour les Nations, mais cela même le rend très cher à son Créateur. Tous conspirent contre lui et affligent l’affligé, l’accablent de mille calomnies, machinent pour le tuer et s’emparer de ses biens, de telle sorte que s’il n’était pas soutenu par la main divine, il aurait déjà été englouti par les loups et les lions qui ont soif de sang. » (In Yosef Haïm Yerushalmi DE LA COUR D’ESPAGNE AU GHETTO ITALIEN. Isaac Cardoso et le marranisme au XVIIème siècle, réédition Fayard 1987, pp 328-330)

De la Cour d’Espagne au ghetto italien, tel fut le singulier destin de Fernando Cardoso, médecin marrane et apologiste juif. Né en 1604 au Portugal, élevé en Espagne, Cardoso, grâce à de brillantes études, devint médecin à la Cour de Philippe IV. Intellectuel respecté, il connut les plus grands de son temps –dont Lope de Vega– qui le tinrent pour l’un des leurs. Comme nombre de descendants de Juifs convertis de force, Cardoso menait une existence ouvertement chrétienne et clandestinement juive. En 1648, au faîte de sa gloire, il quitte brusquement l’Espagne et se réfugie en Italie. A Venise d’abord, dans le ghetto de Vérone ensuite, où il finira ses jours, il professe publiquement le judaïsme. Signant désormais Isaac Cardoso, il publie l’un des plus beaux textes de l’apologétique juive: Las Excelencias de los Hebreos.

Le rôle de la Banque Saint Georges (L’Ufficio) dans l’immigration génoise des marranes et juifs en Corse

Mon ami le rabbin Harboun a été à Bastia à Pessah. Il a ouvert la synagogue en bas de chez moi. Celle du rabbi Méïr dont c’est la Hiloula aujourd’hui (voir ici). Il est revenu en me disant :  » Ces gens sont une bénédiction, nous avons été boire un café sur le port, ils aiment les juifs « … « La Corse n’est pas française… on est ailleurs »   03 BeitMeir - 1

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Le Rav Haïm Harboun à la synagogue Beith Méïr à Pessah

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La synagogue est sise dans une ancienne banque génoise dit la tradition orale bastiaise. Je viens seulement aujourd’hui d’avoir la preuve documentaire que les juifs sont arrivés en Corse aux XVI ème et XVIIème siècle.Voici ce que j’ai trouvé dans les archives de Gênes. exodes séfarades

La corse et les juifs

De tous temps la Corse a été une terre d’exil et de refuge. On y venait, on y restait, on devenait corse ou on mourrait. Il suffit de lire les archives de Gênes pour comprendre les allers-retours incessant, en dehors des périodes d’hivernage, des bateaux entre l’Espagne, la Toscane, la Turquie, l’Afrique du nord et la Corse. L’île hésita entre l’influence  de Rome et celle de Carthage pendant l’Antiquité avant celle de Pise puis de l’Aragon maître de la Sicile de la Sardaigne, de la Toscane (les Cités Etats de Pise et Florence) et surtout de Gênes à cette époque…, quand ce n’était pas le Vatican. (le Pape Boniface VIII, avait inféodé la Corse, en 1297, ainsi que la Sardaigne à Jaime II d’Aragon).  L’identité Corse est donc le fruit de ces intégrations successives, des immigrations, des rafles et demandes de rançon par les pirates turcs qui emmenaient leurs prises en esclavage à Istanbul ou Alger [1], des marins partis aux colonies et parfois jamais revenus comme mon grand-père, de la diaspora corse et de ses rêves perdus, de la vision de Paoli qui le premier en Europe rédigea une constitution et accueillit les juifs en Corse à droit égal avec les citoyens de sa nation. Les juifs sont probablement arrivés en Corse depuis la plus haute Antiquité mais avec la fuite d’Espagne sous la pression de l’Inquisition ils vont débarquer à Gênes et Livourne pour arriver en Corse aux XVIème et XVIIème siècle via la Banque Saint-Georges, au nord et au sud. C’est une réalité inconnue et « refoulée », que je prouve ici avec des documents issus des archives de Gênes. Palazzo_San_Giorgio

L’ufficio di san Giorgio à Gênes

Les juifs à Gênes

De nombreux Juifs avait été admis à Gênes pour des raisons de commerce, par décret de la Banque de Saint-Georges,  et pouvaient vivre et commercer librement. Ils avaient afflué principalement d’Espagne sous la pression de l’Inquisition. La tension entre la République et le Saint-Office avait commencé en 1658 avec la publication par le gouvernement et le Doge de Gênes des  Capitoli della Natione Hebrea –les « Chapitres de la Nation Juive » , révoqués sous la pression de l’intransigeant inquisiteur de Gênes , le père Cermelli, soutenu par le pape Alexandre VII . les capitoli sont explicites :

Article septième : Nous concédons (aux juifs) ensemble qu’il puissent négocier et trafiquer parmi toutes nos terres et cités, foires et villes et autres lieux de notre Etat et naviguer vers le levant, le Ponant (NDA : Le ponant désigne traditionnellement l’ouest, par opposition au levant : le terme rappelle le côté duquel le soleil se « couche »-ponere en latin), Alexandrie et tous les lieux qui leur plairont sous  leur nom hébreu ou chrétien ou ce qui leur plaira et  qu’eux-mêmes et leurs biens soient en sécurité avec leurs correspondant et nous promettons en cas de besoin de nous activer avec nos pouvoirs poul que leurs commerçants et vassaux puissent venir en sécurité ainsi que leurs galères et embarcations ( source)

En Mars 1659 se poursuivait la publication de nouveaux chapitres. Ce qui a permis l’immigration de grands groupes de Juifs. Mais en mai 1660 entra dans le port de Gênes, un navire venu d’Espagne qui avait deux familles juives comme passagers. L’inquisiteur ordonna l’arrestation d’urgence, accusant les Juifs d’être baptisés chrétiens avec l’intention de revenir à leur ancienne religion ; mais le doge en personne intervint immédiatement et appela l’inquisiteur zélé , lui demandant de renoncer à son initiative . Il fut toutefois nécessaire de renvoyer l’affaire au pape, qui, par sa décision, ordonna que les prisonniers soient libérés. C’est seulement après une longue lutte, et après plusieurs arrestations que fut assurée suffisamment de liberté de circulation et de commerce pour les Juifs à Gênes. (source) Gênes comme Livourne désire attirer les juifs pour le commerce. Dès 1520, les Médicis avaient fait de Livoume un port franc « En 1591, le Grand-Duc Ferdinand Ier accorda un large droit asile aux étrangers Corses fuyant la répression génoise. huguenots français, Juifs fuyant l’Espagne. Les différents privilèges, exemptions et immunités qu’il consentait furent codifiés en 1593 en un édit appelé La Livournaise » (…) « À Livourne, le grand-duc Ferdinand Ier de Médicis consentit des avantages inédits : liberté de culte, droits civiques, non assignation dans un ghetto, auto-gouvernement par une oligarchie longtemps héréditaire ayant seule pouvoir d’accueillir de nouveaux immigré juifs… Ainsi Livourne vécut, de 1591 jusqu’à la fin du XIXe siècle, la plus nombreuse et la plus libre des communautés juives portugaises, forte d’environ 5 000 personnes. » rapporte Lionel Lévy (pg 12). Gênes est à son apogée entre 1550 et 1650, elle devient un République sérénissime en 1596. Elle domine Pise et contrôle le port de Livourne et toute la méditerranée occidentale, mais aussi  le quartier de Galata (le quartier juif) à Constantinople en Turquie, de l’autre côté de la Corne d’Or, toute la Mer Noire… Les intérêts de la banque et ceux de Gênes se confondent. juifs32

Accueil des réfugiés juifs d’Espagne à Constantinople par le sultan Beyazıt II

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Synagogue Ahrida à Istanbul (le plus ancienne synagogue grecque reprise par les séfarades)

Les Juifs avaient été expulsés d’Espagne, de Provence puis d’Italie du sud, de Sardaigne aragonaise en août 1492. Restait Venise où le Sénat décrète le Ghetto le 29 mars 1516, comme un « compromis » alors que prédicateurs dominicains, à l’instar des Espagnols, demandent l’expulsion des Juifs de Venise. C’est là qu’en 1520, un protestant allemand (!) imprime pour la première fois le Talmud de Babylone, quelques années seulement après la découverte de l’imprimerie par Gutenberg. Un non-juif, Daniel Bomberg, lui donne alors la structure de la page que nous lui connaissons (source : Gérard Haddad). Le texte de la Mishna a été imprimé pour la première fois à Naples, en 1492. Bomberg Bomberg1

Talmmud Menahot de Bomberg (Venezia, 1520)

IL ne faut pas oublier que les bateaux qui quittent l’Espagne en 1492 appartiennet aux armateurs génois…. Les banquiers juifs de l’Ufficio san Giorgio à Gênes ou de la Maison Mendès au Portugal vont organiser les filières de fuite d’Espagne et du Portugal vers Bordeaux, Le Comté de Nice, Gênes, Livourne, Venise, Naples, et la Turquie et Hollande à partir de 1492. Comme l’illustre la vie de Gracia Nassi (1510–1569), se cachant sous l’identité catholique Béatrice de Luna, l’héritière d’une de la plus riche banques du Portugal (la Banque Mendès), chassée de Lisbonne où elle était née dans une famille aragonaise, d’Anvers, de Venise, de Ferrare (où elle commandite la  » Bible de Ferrare « , en judéo-espagnol, qui lui est dédiée) pour poursuivre sa vie en Turquie respectée des puissants avant de mourir en Erets Israël… La Senora, Hanna, que des milliers de marranes n’appelaient pas autrement que ‘ »Notre ange » utilisa sa fortune à défier les rois d’Espagne, de France, le doge de Venise et l’Inquisition pour sauver des centaines de vies juives.« Quiconque entreprend de raconter les nobles actions et les rares vertus de Donna Gracia » écrivait un érudit contemporain, Rabbi Isaac Abohab,  » devra écrire des volumes s’il veut lui rendre justice « .

Agnolo_Bronzino, Beatriz de Luna
Agnolo Bronzino, Beatriz de Luna avec son unique fils, 1530-1540

Les banques sont donc les organisatrices des filières marranes, leurs agences servent aussi de relais aux marranes en fuite. Bien sûr elle ne ressemblent pas à nos banques de dépôts modernes. La banca à l’origine est le « banc » où l’on change les monnaies. La banque de l’époque est donc un réseau de familles qui se font confiances et évitent de transporter de l’or sur des routes dangereuses grâce aux lettres de change, les banques ont des agents commerciaux à Londres, Anvers, Venise, Ferrare, Gênes…. Les juifs sont donc intimement liés à la prospérité des Cités-Etats italiennes dont ils assurent le commerce de masse alors que le monopole des épices indispensables à cacher la goûts de viandes peu ragoutantes fait et défait les fortunes des cités concurrentes. Le quartier juif de Galata a Istanbul dans la corne d’Or, celui des juifs devient rapidement très peuplé et un haut lieu de commerce.

Revenons un siècle en arrière sur le rôle de l’Ufficio, à Gênes, la plus grande banque du monde qui prêta à Christophe Colomb Colomb et Charles Quint, au coeur de l’activité de la Sérénissime.

Bastia et le nord

Bastia, à son origine, est une position stratégique génoise sur les côtes de la Corse : Bastia commande le canal tyrrhénien. La maîtrise de la Corse est vitale pour Gênes, car toute nation possédant l’île (Gêne se bat contre Venise après qui lui ravira le monopole sur la Méditerranée après avoir détrôné Piseset contrôlé le port de Livourne) serait en mesure d’exercer le blocus de la métropole. Bastia ou Bastita, c’est-à-dire « retranchement », « bastide ». La mer, étroite, semée d’îles, qui en quelques heures de navigation mène aux ports de la Toscane. La proximité de l’Italie, devait ajouter à la fonction militaire et à la fonction politique de Bastia une fonction commerciale. Par Bastia la Corse se rattachait au continent.Trois siècles et demi durant, de 1453 à 1793, Bastia fut la capitale de la Corse, ou plutôt le siège des administrations génoise puis française, car les Corses, pendant les brefs moments de leur indépendance, préférèrent Corte.

Bastia- La Citadelle
Bastia- La Citadelle

Bastia La Citadelle   Bastia La Citadelle 2

Bastia, La Citadelle génoise

En 1484, pour retenir les colons génois qui s’étaient déjà installés à Bastia (avec des soldats allemands) et en attirer de nouveaux, l’Office de la Banque de Saint-Georges, à qui Gênes avait cédé la Corse en 1453, promit de nombreuses exemptions aux personnes qui, avec leur famille, s’établiraient autour de la forteresse.Les commerçants génois installés à Bastia entretenaient dès le xve siècle des relations avec les ports méditerranéens. Ils importaient d’Italie toutes sortes de produits. En retour, les poissons de l’étang de Biguglia, salés, étaient exportés dans toute l’Italie et jusqu’au-delà des Alpes, « in terra de’ Tedeschi ». Ses anguilles étaient également salées et vendues « à grand prix », sur le continent. DidierLong Bastia

Le port de Bastia

Bastia partage cette origine étrangère avec Ajaccio, fondée en 1492 par l’Office de Saint-Georges, qui installa au fond du golfe cent familles de la riviera génoise. Dans les deux cas, les Génois ont choisi l’emplacement de la ville  d’après les possibilités qu’offrait la géographie.

La présence juive à Bastia est  attestée au XVIème siècle. Après 1492 les juifs sont arrivés de Gênes et Livourne à 120 km par la mer. Gênes a délégué l’ administration de  l’île depuis 1453, à l’Office Saint-Georges, une banque génoise très puissante (l’Officio ou Banco ou Officio di San Giorgio fondé en 1407) possédant sa propre armée et ses propres juges,une banque où se trouvent de nombreux conversos et qui contrôle aussi des colonies du Levant et le commerce jusqu’en Mer Noire et au Cap de Bonne Espérance. C’est cette même année 1453 que la Banque prend le contrôle de Gazaria en Crimée (Gazaria, des fameux Khazars !)- voir carte. Caffa_and_Theodoro En effet, un certain nombre de familles génoises éminentes ont participé à la création et à la gouvernance de la Banque (voir ici), y compris les maisons de Grimaldi & Serra. Fait exceptionnel, la Banque utilise les services d’un certain nombre d’agents juifs, dont la famille juive Ghisolfi qui gérait les comptoirs de la Mer Noire, la Crimée  colonie génoise appartenait à l’Ufficio depuis 1453. Un descendant Simeone de Ghisolfi- le fondateur, Zacharias de Ghisolfi y est prince à partir de 1480, il sera appelé même par le Tsar. Déjà à l’époque la Crimée est un enjeu stratégique d’accès à la mer Noire controlée par les Turcs pour la Russie dont la quasi-totalité de ses côtes, de Vladivostok à la Baltique, sont prises par les glaces une grande partie de l’année.   Les Nouveaux chrétiens ou des marranes arrivèrent en Corse grâce à l’Ufficio. Ce, jusqu’à ce que Gêne reprenne directement la main sur la Corse à partir de 1562. Livourne et à 120 km de la Corse (61 milles nautiques ) et l’Île d’Elbe qu’on voit de Bastia (photos) à 50 km (27 milles nautiques). Elle vit naître Napoléon qui y vécut en exil à la fin de sa vie. map   WP_20140504_019 WP_20140505_002

 L’Ile d’Elbe et l’archipel toscan vus de Bastia au lever et au coucher du soleil

On trouve des traces de ces juifs de Bastia marranes ou conversos dans les archives de la Sérénissime à la reconstruction de la ville par les génois (citadelle). Ainsi, le Notaire chancelier Giacomo Imperiale de Terrile écrit en février 1532 un document parlant de Benedetto de Murta, médecin à Bastia, « auparavant juif » [3]. Rien d’exceptionnel à cela. Les juifs, puis marranes, puis Conversos ou Nouveaux chrétiens vont errer en méditerranées aux XVIème et XVIIème siècle, pourchassés par l’Eglise. Ainsi, un Isaac Cardoso médecin à la cour de Philippe IV, intellectuel respecté et ami de Lope de Vega débarquera d »Espagne dans le ghetto de Venise en 1648 . De Fernando ce Nouveau chrétien devient Isaac et professe le judaïsme auquel il se re-converti. « Pourquoi un armurier est-il automatiquement considéré limpio (de sang « limpide », purement non-juif) alors qu’un médecin est toujours tenu pour un Juif ? » s’inquiètent les auteurs d’une pétition au début du règne de Philippe IV dont les auteurs demandent une réforme de l’enquête sur la Limpieza de sangre. [4] La synagogue de Bastia, Beith Meir, a été installée en 1934 dans une ancienne banque génoise. C’est de Corse dit-on à l’époque qu’est importé à Livourne en juillet 1792 un opuscule intitulé « Stato Costituzionale degli Ebrei in Francia e suo esame » que les autorités Toscanes interdisent de publication en faisant promettre au libraire de ne pas le diffuser. [2] C’est l’époque où Bonaparte soutient Paoli avec qui il rompra un an plus tard. (5) Un corse ne quitte pas son île, dit un dicton corse, il s’absente.

La fondation de Vengtimilia la Nuova – PortoVecchio

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Porto Vecchio entourée de ses marais (Photo DL 2015)

Un siècle avant les Capitoli la Banque Saint Georges fonde Porto-Vecchio. une aventure rocambolesque. Après le passage de la seigneurie de la Rocca sous l’administration directe de la Banque de Saint-Georges, les Génois  fondent une colonie à Porto Vecchio et font construire une forteresse dont demeurent de nombreux bastions (1539) afin de se protéger des Barbares. On envoie donc 150 familles de Vintimille pour fonder la Nouvelle Vintimile, Porto-Vecchio, à leur tête Pietro Massa. En réalité la plupart sont, comme leur chef des transfuges Nouveaux Chrétiens ou marranes. Pourquoi de Vintimille ? Car la Banque Saint Georges possédait Vintimille qui passe du pouvoir de Louis XII à l’Ufficio le 6 novembre 1513.  Celui qui prendra la tête de l’expédition est un juif nommé Pietro Massa. Pietro Massa le fondateur de Porto Vecchio est probablement de la famille du jurisconsulte à Gênes Matteo MASSA,  lors de la prise de pouvoir de la Banque sur Vintimille voir ici (5). Dans la délégation qui se rend à Gênes por que l’Ufficio rachète Vintimille on trouve aussi Pietro SPERONE, chef ambassade deviendra en suite Vicaire Général de l’ile de Corse. On possède la lettre de la correspondance de Pietro MASSA avec la banque à qui il propose d’amener 150 familles à Porto-Vecchio : Lettre de Matteo Massa Comment savons nous qu’il est juif ? Par les Archives de Gênes, car comme beaucoup de juifs son nom est celui d’une ville d’Italie, Massa, d’où les juifs affluent à Gênes, Domenico Cipolline en 1648 demande aux autorités de Gênes que les juifs portent la rouelle pour aller à Nicora faire leur marché : Archives de Gênes C’est ainsi qu’est fondée Ventimiglia la Nuova (Porto Vecchio) voir ici et ici (en Italien). Destinée à être un chef-lieu de juridiction et à permettre la mise en valeur de la plaine, la colonie génoise de Porto Vecchio se révèle être un échec : du fait de la malaria, de la menace permanente des corsaires turcs mouillant à proximité et des agressions des Corses, la cité est plusieurs fois abandonnée. Après diverses tentatives de peuplement, la république de Gênes décide de favoriser l’installation dans la citadelle des familles insulaires originaires de la montagne, Quenza essentiellement. Les liens entre la Corse et la Turquie sont nombreux non seulement parce que la Banque Saint Georges qui colonise l’Ile l’a acquise en même temps que les comptoirs de Crimée, dont les juifs de la banque assurent la gestion; mais aussi parce que les corsaires Turcs pillent l’île régulièrement. Les esclaves blancs sont enlevés et vendus à Alger… et parfois libérés ou rachetés par leur proches. C’est probablement l’origine des vieilles familles juives algéroises comme « Korsia » : Corse. Ou « Corso » : C’est ainsi que Pietro Paolo Tavera, né en 1518 en Corse et alors âgé de 5 ans ets enlevé par les Turcs. Envoyé à Istanbul, il devient janissaire, après être devenu musulman et avoir reçu une éducation militaire. Surnommé Hassan Corso, il est nommé en 1549 caïd d’Alger et calife avant de se heurter aux autorités turques. Alger

Dusquenne (1610-1688), lieutenant général des armées de mer de Louis XIV, délivrant des prisonniers des mains des Barbaresques à Alger.

Razzia

Razzia barbaresque en Corse

Le Dragut célèbre corsaire turc hivernait sur l’ile du Castiglione dans la baie de Porto-Vecchio et il n’était pas rare que des bateaux en route vers Alger se réfugient dans la baie de Saint Cyprien  sur la cote est dans le sud de l’Ile pour s’abriter de la tempête sur la côte ouest comme le monter cette vidéo où l’on voit que la cote est (Saint Cyprien) est calme alors que souffle le même jour la tempête à la Tonnara sur la côte ouest au nord de Bonifacio:

On possède dans les archives de Gênes un carte française  de la Corse au moment de l’arrivée de Pietro Massa où l’on voit la baie de Porto-Vecchio et le golfe de Saint Cyprien. Lévie, dans la montagne prés de chez moi, y est orthographié Lévie comme le nom juif. Mais une autre hypothèse dit que « Le vie » signifie « les voies », le croisement, Levie était un carrefour de chemins entre la plage et la montagne. Difficile de trancher.carte

Carte du sud de la Corse en 1756

Les 150 familles probablement des marranes ou conversos sont connues par les listes au départ des 19-24 août  1578 partis le 25 novembre 1578 de Vintimille avec des familles de la ville mais aussi de Airole, Camporosso, Vallecrosia, San Biagio, Borghetto , Vallebona, Soldano, Contado di Nizza, Pimonte, Seborca, Lavina, Pietrbruna. Il est probable que ce qui réunit toutes ces personnes c’est un destin de pourchassés immigrés dans la région de Gênes et de la côte ligure.

listeliste 2Listes au départ des 19-24 août  1578

Mais Curieusement les « Giacomo »  neuf mois plus tard, le 21 mai 1579. les « Giacomo » se sont transformés en  « Giacobo » une fois sur place: voir ici les noms

Liste

On voit sur ce dessin de l’époque (à droite) la tour génoise de Saint Cyprien que je montre à la fin de ma vidéo, censée protéger la ville :

Tours génoises

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carte de Porto Vecchio

Plan de Porto-Vecchio (la citadelle) en 1612

  Galée

Caracca et galée du  XVIe siècle semblables à celles qui fondèrent Ventimila la Nuova (Porto-Vecchio) en 1578 (E. Marengo, C. Manfroni, G. Pessagno: La Banque San Giorgio …).

Map

L’itinéraire d’hiver probable en novembre 1578 des bateaux qui fondèrent la citadelle de Porto -Vecchio, la « Nouvelle Vintimille »

corse du sud

Fresque de 1580 d’Egnatio Danti, représentant la Corse du sud vue du nord. Ventimilia la Nuova est signalée ainsi que la baie de Saint Cyprien. La Tonnara se situe entre la vallée de Figari et Bonifacio (Musée du Vatican, Galerie des cartes géographiques)

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Les redoutables marais atour de Porto-Vechio ou sévissait la malaria mortelle (paludisme : mal aria, le mauvais air) en été et où se réfugiaient les pirates pour hiverner. Au loin la montagne où se réfugiaient les corses par crainte de la maladie… et des pirates.

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Bien sûr cette immigration génoise ne peut occulter d’autres immigrations juives postérieures comme celle des juifs de Paoli, la fondation d’Isle Rousse avec une population juive par Paoli à partir de 1768 en concurrence au port de Calvi restée fidèle à Gênes et propose aux juifs de venir y établir une colonie marchande. On trouve dans la correspondance de Paoli la mention d’un Juif nommé Modigliani parmi les premiers habitants de la cité d’Ile Rousse en 1765, un Israélite installé à l’Ile-Rousse, qui demande à bénéficier des mêmes droits que les habitants nationaux selon la promesse de Paoli. Paoli est favorable à sa requête… etc… D’autre part les Juifs sont obligés de quitter la Sardaigne possession aragonaise, dès le 31 juillet 1492. Il est probable que de nombreuses familles se retrouvèrent dans les bouches de Bonifacio liée à Livourne pour l’exploitation du corail. De nombreux lieux et patronymes en Corse témoignent de la présence juive ou marrane comme Casalabriva (la maison de l’hébreu prés d’Olmeto en Corse du Sud). Probablement le village de Livia, Lévie prés de chez nous. (Qui pourrait aussi dire « les voies »- un croisement de routes, si on orthographiait « levie » et non « Livia »). Le nom Valli (mon nom corse) qui s’écrit aussi Bali (en hébreu la lettre Bet, B, se prononce V quand elle perd son point) est un patronyme banal en Italie et commun dans le judaïsme. (voir ici). « Ba li » signifie, « il est venu à moi », en hébreu on désigne ainsi l’enfant non attendu. Le nom Levi Valle existe dans la communauté juive de Livourne et Valli en est peut être sa contraction. (voir ici)


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Valli est peut-être aussi l’anagramme de Livia. Chi lo sa ?

Des recettes comme cacavellu présent aussi dans les communautés juives du Maroc à Pourim viennent bien sûr d’Espagne  ou ce gateau s’appelle « culeca ». La similitude entre le catenacciu à Sartène et les pénitents du vendredi Saint à Séville est frappante. Ciò chi hè scrittu in celi segui in terra. Levie IMG-20140127-00161

Four à pain de ma famille qui servait à tout le village dans le sud

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NB: Le poing en corail à la fin de le vidéo est une amulette contre le mauvais oeil, l’Ochju en corse, le Haïn Hara (‘le mauvais oeil’ en hébreu), le pendant du lachion hara (« la mauvaise langue » = la lèpre dans la Bible selon le Tradition rabbinique). Le corail de corse et taillé aujourd’hui à Naples. Les rabbins de Livournes exploitaient le corail de Bonifacio en échange d’armes. Par Boswell (un anglais ami de Pascal Paoli) on sait que Paoli a accepté un accord avec la communauté juive de Livourne, comme il a passé un accord avec des entrepreneurs français au moment de la guerre de sept ans, pour les forêts. « Mais on ignore les détails de cet accord passé avec le consul de Piémont à Livourne, Antonio Rivarola (fils de Domenico, ancien chef de la révolte corse, au service du Piémont au moment de la guerre de succession d’Autriche). Paoli lui demande de prendre langue avec des « rabbins accrédités » en 1760. » (Source : Marie-Madeleine Graziani, archives départementales de Corse-du-Sud.). L’objectif était d’exploiter le corail à Bonifacio (soumis à des taxes par Gênes) péché par les corses qui l’échangeaient contre de l’argent et des armes pour la jeune nation corse.

Voir aussi sur ce blog: La Corse, île de justes, France 5 rouvre le débat Cédrats de Souccot en Corse Histoire des juifs de Corse « L’abrei corsi » « L’âme marrane, judaïsme et modernité » de Yirmiyahu Yovel

Serge Klarsfeld: « La Corse est bien une île des Justes »

(1) De nombreuses fois au début du du XVIe siècle, la Corse est victime de razzias turques. Les raids débutent avant 1530 et vont en s’intensifiant. Vers 1560 le chroniqueur Filippini note que « …depuis la pieve de Lota jusqu’à celle de Santo-Pietro dans le Nebbiu, il n’y a guère de village qui n’ait pas été attaqué par les Turcs … et même plusieurs fois… »C’est au cours de l’une de ces razzias par les maures qu’est capturé Pietro Paolo Tavera, né en 1518 en Corse et alors âgé de 5 ans. Envoyé à Istanbul, il devient janissaire, après être devenu musulman et avoir reçu une éducation militaire. Surnommé Hassan Corso, il est nommé en 1549 caïd d’Alger et calife. A 38 ans, il endure des Turcs les pires supplices (dont le supplice des crocs) pendant 3 jours, avant de mourir en août 1556 à l’âge de 38 ans. C’est pour lutter contre ces raids venus de la mer que les villages sont bâtis en hauteur et que l’Office constitua un réseau de 97 tours génoises sur toute la côte achevé en 1553, il en reste 67 aujourd’hui (voir à la fin de la vidéo dans la baie de Saint Cyprien). Pendant une longue période, beaucoup de Corses, occupèrent les hautes fonctions de l’administration ottomane en Algérie et en Tunisie. (2) dans Lionel Levy, La nation juive portugaise, Livourne, Amsterdam, Tunis 1591-1951, pg.38. Nore de l’auditeur Pierallini du 6 juillet 1792, A.S.L. Governatore e Auditore, Atti economici F 3276 cité par J-P. Filippini, « La nation juive de Livourne des Lumières au Risorgimento », in actes du colloque « La révolution français et les juifs », Paris, mai 1989. (3)     Notaire-Chancelier Giacomo Imperiale de Terrile, liasse 44, 1532. Diversorum. Cité par Antoine-Marie Graziani, Vistighe Corse, guide des sources de l’histoire de la Corse dans les archives génoises, Epoque moderne 1483-1790, Tome 1, Volume 2, Editions Alain Piazzola, Archives départementales de la Corse du Sud, Ajaccio, 2004. Pg. 303. (4) Fama postuma e la vida y muerte del Doctor Frey Lope Felix de Vega Carpio…(1636)  constitue le vol. XX des Obars sueltas de Lope de Vega. (5) En 1789, Bonaparte contribue à réprimer des émeutes populaires en Bourgogne. Il rentre ensuite en Corse où il soutient d’abord l’action de Pascal Paoli dans une ile en pleine effervescence. Mais la première rencontre entre les deux hommes, en juillet 1790, est peu concluante. Bonaparte est promu premier lieutenant en juin 1791 et transféré à Valence. Un nouveau congé le ramène en Corse. Il y est impliqué dans des échaufourées et doit rentrer à Paris en mai 1792. En juillet, il est renvoyé à Ajaccio avec le grade de capitaine. Il rompt avec Paoli et doit fuir l’île avec toute sa famille en juin 1793. Rav Harboun et Didier Long

Le Rav Haïm Harboun qui a écrit : AU TEMPS DES BÛCHERS – L’expulsion des Juifs d’Espagne (1492-1992) 

(5) LES AMBASSADEURS DE VINTIMILLE A GÊNES
Après la décision du 6 novembre 1513, une ambassade, dont faisaient partie : Pietro SPERONE, Matteo MASSA, Giobatta OLIGNANI, Santino GALLEANI e Gervasio LAMBERTI, représentants de la ville de Vintimille et Giacomo RONDELLO, Michele APROSIO et Giovanni GIBELLI, délégués des Villes et du District, le 10 janvier 1514, était allée à Gênes pour négocier les conditions qui concernaient la cession de la souveraineté de la ville de Vintimille à la Banca di San Giorgio. Les membres, qui formaient l’ambassade, indiquaient clairement la situation politique de la ville; le chef de la même était le représentant le plus important du parti des «Doria» et de la couleur « Fregoso », donc particulièrement bien vu à Gênes, tandis que les autres membres étaient tous des personnes de différentes opinions. Après quelques semaines de pourparlers, le 13 février 1514, au Palais des Compere di San Giorgio, les membres de l’ambassade signaient l’acte, notarié par le notaire Giobatta FOLIETA, qui décrétait la soumission de la ville de Vintimille à la Banca di San Giorgio.

Le 19 mars 1514 sur le parvis de l’Eglise Cathédrale, 1511 habitants de Vintimille et des Villes prêtèrent serment de fidélité au Banco di San Giorgio.